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nous démontrait, d'une part, combien il était convenable que les deux trônes fussent occupés par une même dynastie, et nous n'envisagions, d'un autre côté, qu'avec effroi les fureurs d'un peuple révolté.

Si la nation, ajoute M. Amoros, avait unanimement reconnu le roi Joseph, il n'y aurait eu ni opposition, ni guerres désastreuses, ni troupes étrangères au sein de la patrie, ni villes ruinées, ni arsenaux détruits, ni armées entières anéanties ou faites prison nières, ni proscriptions d'aucune espèce, ni révolutions en Amérique, ni émancipation des colonies. Nous n'aurions pas l'humiliation de voir tant de trophées espagnols décorer les murs de cette capitale ; nous n'aurions pas la douleur de voir tant de veuves, tant d'orphelins, tant de calamités de toute espèce. Nos plus belles manufactures ne seraient pas détruites; Sagonte, Numance Sarragosse, St.-Sébastien seraient encore de-, bout; l'inquisition et la féodalité ne seraient. pas rétablies; et des armées de moines fainéans et dépravés n'auraieut pas de nouveau envahi la moitié de notre territoire..

Joseph, dit ailleurs M. Amoros, avait fait beaucoup de bien à Naples, et manifestait le désir d'en faire beaucoup en Espagne. Ses décrets opéraient des réformes utiles que réclamaient impérieusement l'intérêt de la nation et les lumières du siècle, et qui devaient fonder à la fois la puissance, la liberté et la véritable gloire de l'Espagne. Il s'opposait de toutes ses forces au despotisme des gouvernemens militaires; l'hydre de l'anarchie était enchaînée dans son gouvernement, et ce n'éque là qu'on reconnaissait en Espagne l'autorité des lois. Les Espagnols de son parti ne se sont souillés d'aucun des crimes qui ont déshonoré la révolution espagnole.

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On sent qu'en motivant ainsi son attachement à la cause du roi Joseph, M. Amoros ne peut laisser aucune prise au reproche d'avoir manqué de loyauté envers Ferdinand; ce n'est point en effet la personne de Joseph que considère M. Amoros; ses sentimens à son égard étaient subordonnés à ceux qu'il devait d'abord à son pays, et la véritable loyauté consiste, on ne saurait trop le dire, à ne jamais trahir ces derniers, Au reste, il

repousse le reproche d'avoir manqué de loyauté envers Ferdinand, par des considérations d'un autre genre, et qui doivent justifier sa conduite aux yeux même des personnes qui placent avant tout la fidélité à la personne du prince. Il oppose au roi Ferdinand l'adhésion que lui-même avait donnée, ainsi que toute sa famille, à l'établissement de Joseph, et les ordres énergiques et réitérés qu'il avait adressés à ses sujets de reconnaître ce nouveau roi. Il cite à cet égard une série de pièces extrêmement curieuses. C'est une lettre à l'infant don Antonio, dans laquelle Ferdinand recommande aux autorités espagnoles et à toute la nation de se réunir d'efforts et de coeur à l'empereur Napoléon, comme au seul homme capable de faire le bonheur de l'Espagne; c'est un manifeste dans lequel il renouvelle les mêmes ordres et dit aux Espagnols que leur empressement à les suivre sera le meilleur témoignage qu'ils puissent lui donner de leur loyauté. Ce sont des lettres à Bonaparte dans lesquelles il sollicite son amitié, il le félicite de ses victoires, il fait l'éloge des vertus du 13

TOME III.

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roi Joseph, et annonce qu'il lui écrit pour réclamer són amitié. C'est une lettre dans laquelle il demande à devenir le fils adoptif de Napoléon. Ce sont des sermens de fidélité, des offres de services, des actes d'obéissance et de soumission entière, bien humbles, bien bas, bien rampans, adressés au roi Joseph, par les ministres du prince Ferdinand, par les San Carlos, les Escoquiz les Macanaz et autres, qui vont aujourd'hui traitant Joseph d'intrus, et de déloyaux les hommes qui se sont dévoués, sous son règne, aux vrais intérêts de la nation.

On dira peut-être que le roi Ferdinand et ses ministres n'étaient pas libres quand ils ont fait de pareils actes; mais si l'on veut les infirmer par cette considération, les partisans du roi Joseph ne peuvent-ils pas se justifier aussi en disant qu'ils n'ont pas été libres? Au reste, M. Amoros croit ces actes tellement valables, qu'il défend la cause des libéraux dans un passage de son livre, et se plaint des rigueurs qu'on exerce contre eux, le motif qu'ils peuvent n'avoir pas connu les actes de Ferdinand qui ordonnaient à tous

par

les Espagnols de se rallier au roi Joseph. Il va plus loin, même il pense que ces actes ont suffi pour imprimer au roi Joseph le carac÷ tère de prince légitime.

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Nous ne serons pas ici de l'avis de M. Amo ros. Il est évident que l'abdication de Ferdi nand en faveur de l'empereur Napoléon, et son adhésion à l'établissement du roi Joseph, n'ont pas pu investir ce dernier d'une autorité légitime. La nation seule pouvait disposer de la couronne en faveur de Joseph, et pour décider s'il l'a portée légitimement, il s'agit moins de savoir si Ferdinand la lui á cédée, que si elle lui a été déférée par lé vœu du peuple espagnol. C'est toujours en effet à ces termes qu'il faut réduire la question de la légitimité, pour pouvoir arriver à une solution raisonnable, et toute légitimité qui n'est pas fondée sur le vœu national ne signifie rien du tout, ou ne signifie que là légitimité de la force.

Nous ne chercherons pas à établir ici quelle est l'espèce de légitimité dont a joui en Espagne le roi Joseph. Il paraît qu'à l'exemple de beaucoup d'autres princes et de Ferdi

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