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Si quelques ministres ou quelques esclaves. titrés lisent ces pages, ils me jugeront trop hardi d'avoir osé traiter une matière qui disent-ils, est totalement étrangère à celui qui doit se tenir dans la basse région de l'obéissance, et ne pas se permettre de juger les institutions et les actes de l'autorité : mais ne suis-je pas homme? n'ai-je pas souffert des erreurs de nos gouvernemens et du vice de nos institutions? ne serai-je pas encoreenveloppé dans les malheurs qui nous menacent? Je suis instruit par l'expérience du passé, je crains l'avenir; je le vois arriver couvert d'une teinte sombre ; je le montre à mes semblables, à mes compagnons d'infortune; je voudrais persuader aux rois et aux ministres de conjurer l'orage; voilà pourquoi j'écris.

§. I.

Causes des guerres qui ont désolé les peuples de l'Europe.

EN lisant l'histoire on trouve à chaque page des descriptions de guerres et de com

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bats. Presque tous les hommes dont la mémoire est parvenue jusqu'à nous, sont des conquérans qui ont ravagé la terre et massacré leurs semblables. Pour un Confucius, un Minos, un Solon, on trouve cent monstres titrés du nom de héros, qui ont saccagé des villes, ravagé des campagnes, et semé au loin la terreur et la mort. Les hommes sont-ils donc destinés à se battre éternellement les uns contre les autres? Les nations ne pourront-elles jamais vivre en paix; et cette espèce d'animaux qui ose se dire exclusivement raisonnable, serait-elle la seule qui s'entregorgerait sur la terre, malgré sa raison qu'elle met toujours en avant pour établir sa supériorité?

Le lion farouche parcourt en despote les sables brûlans d'Afrique; il déchire, pour. satisfaire ses besoins, les animaux d'une espèce différente, mais il épargne le lion son pareil; le tigre ne dévore pas le tigre ; l'aigle, qui plane dans les airs, porte son œil perçant dans les plus sombres forêts, il fond sur sa proie, mais il respecte le nid et la famille de

l'aigle son voisin. L'homme social, l'homme

perfectionné par des institutions qu'il ose vanter, tantôt comme un don de la divinité, tantôt comme la plus belle des conceptions, l'homme s'arme contre l'homme son semblable; il va l'attaquer dans des pays lointains, incendie ses villes, ravage ses campagnes et le réduit à une misère désespérante. Est-ce donc à la nature qu'il faut attribuer cet excès de férocité ? Aurait-elle été plus ingrate pour l'homme que pour les autres animaux? Cette fureur ne serait-elle pas au contraire le fruit amer de nos institutions et de nos gouvernemens qui nous dépravent et qui nous divisent?

Je conçois que des tribus de sauvages se fassent la guerre pour s'approprier la pêche d'un lac, la chasse d'une forêt : ils sont placés entre la guerre et la famine, ils doivent se battre ou périr. Mais nous, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Espagnols, Russes pourquoi nous faisons-nous la guerre ? La nature nous a donné à tous de quoi satisfaire abondamment nos besoins; elle nous a donné même des moyens d'échange pour augmenter mutuellement nos jouissances, et

pour établir entre nous des rapports d'harmonie et d'attachement; nous aimons tous' les sciences, les arts; nous nous communiquons nos idées et nos découvertes; nous lisons et nous admirons les mêmes auteurs ; la même philosophie circule secrètement de Cadix jusqu'à Pétersbourg, de Naples jusqu'à Londres; d'où viennent donc les guerres qui nous divisent et qui font notre malheur ?..... Elles viennent de l'ambition de ceux qui nous gouvernent, elles viennent de notre asservissement. La nature indignée punit les peuples de s'être laissés abrutir par le despotisme; elle semble leur dire : « Espèce dégénérée et abrutie, je vous avais tous également dotés, et vous avez renoncé à l'égalité dans laquelle je vous avais placés ; je vous avais donné une loi naturelle, vous l'avez oubliée ; vous avez abandonné la vérité pour suivre l'erreur ; je vous avais donné la justice pour vous gouverner, vous l'avez chassée, et vous avez établi le despotisme sur son trône ! Vous serez punis pour avoir quitté la route que je vous avais tracée. Les hommes que vous vous êtes donnés pour maîtres vous enchaîneront; ils

vous dépouilleront du fruit de vos travaux et de votre industrie; ils vous armeront les uns contre les autres, vous vous égorgerez mutuellement pour leur ambition ; ils vous abrutiront sous leur despotisme ; ils vous mépriseront; ils ne vous laisseront que le partage honteux de servir leurs goûts et leur fureur. Ils vous précipiteront sans cesse dans de nouveaux malheurs, jusqu'à ce que vous assuriez la marche de la civilisation qui, dès son origine, a pris une fausse route ; jusqu'à ce que vous ayez mis des lois justes, fondées sur votre nature, à la place de la volonté arbitraire d'un homme qui vous divise au lieu de vous réunir, qui vous trompe pour vous asservir, et qui vous traite enfin comme des troupeaux qu'il dépouille et qu'il égorge à sa

volonté. >>

S. I I.

Il se prépare de nouvelles guerres aussi désastreuses que les précédentes.

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