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qu'injuste, et aussi contraire aux intérêts de la France qu'à ceux de la religion. Bonaparte lui-même, quand il fut en place, sentit l'utilité de ces établissemens. Il parut vouloir les rétablir et les protéger. Il permit aux prêtres de ces différentes associations de se réunir. Il leur donna des maisons. Il leur assigna 15,000 fr. de dotation. Mais bientôt, dans un de ces momens de caprice et d'humeur, qui devinrent surtout si fréquens depuis sa rupture avec le souverain Pontife, il frappa ces corps à peine naissans, dont il craignoit sans doute l'attachement au Saint-Siége. Il prononça la confiscation de ce qu'ils pouvoient avoir acquis ou conservé do bien-fonds. Cette mesure n'enrichit pas beaucoup le trésor; mais elle arrêta tout à coup les efforts des membres de ces congrégations. Elle dispersa les uns, et obligea les autres à renoncer à leurs vues pour la restauration de leur institution. Elle éloigna tous les jeunes élèves qui songeoient à suivre cette belle vocation. Il est digne d'un gouvernement plus juste, plus sage et plus religieux, de rétablir ce qui avoit été créé autrefois sous ses auspices. Louis XIV avoit protégé autrefois, d'une manière spéciale, les corps de missionnaires : il les propageoit au dedans et au dehors. Son successeur imitera un si noble exemple; mais il faudra se hâter si l'on veut trouver encore quelques débris des trois associations que nous avons nommées. Elles comptent peu de sujets, et la mort leur en enlève tous les jours. Une seule se trouve, en ce moment, en mesure de reprendre ses travaux et de recevoir des sujets; c'est celle des Missions étrangères, dont la maison, rue du Bacq, n'a point été vendue. Les Lazaristes et les prêtres du Saint-Esprit ne sont pas si heureux : ils n'ont pas de maison; mais ils comptent encore des membres pleins de l'esprit de leur état, et qui soupirent après le moment de le reprendre. Le respectable M. Berthoud, supérieur-général du Saint-Esprit, est plein de moyens et de désirs pour la restauration de sa compagnie, et il seroit bien digne

des ecclésiastiques qui auroient cette vocation de se mettre sous la conduite d'un si digne chef, et de s'associer à son zèle et à ses travaux. L'on espère surtout que ceux qui ont appartenu autrefois à ces associations, s'empresseront de s'y réunir de nouveau, et de reprendre des fonctions glorieuses et touchantes que la force seule les avoit empêchés de remplir. Nous reviendrons quelquefois sur un objet si intéressant pour la religion. -Le 13 mai 1814, le Roi a écrit la lettre suivante aux archevêques et évêques de son royaume.

si

M. l'évêque de.. ... La divine Providence a permis notre retour dans la capitale de nos Etats, où elle nous avoit ménagé les plus douces consolations. Nous y avons retrouvé nos sujets disposés à rentrer dans les principes de respect pour la religion, d'obéissance aux lois et de fidélité au Roi, qui ont, pendant tant de siècles, gnalé leurs pères. Nous rapportons un tel et si heureux changement à celui qui tient dans ses mains les destinées des Rois et des peuples, et nous voulons qu'il lui en soit rendu de solennelles actions de grâces. Je vous fais donc cette lettre pour vous dire qu'aussitôt que vous l'aurez reçue, vous fassiez chanter un Te Deum, en actions de grâces, dans toutes les églises de votre diocèse; que vous ayez à y convier les corps et compagnies qui ont droit d'assister aux cérémonies publiques. Cette lettre n'étant à autres fins, je prie Dieu, M. l'évêque de.. qu'il vous ait en sa sainte garde. Fait à Paris, le 13 mai 1814. Et plus bas,

Signé, LOUIS.

Le baron de VITROLLES.

-Le même jour, le ministre provisoire de l'intérieur a adressé aux archevêques et évêques du royaume, la circulaire ci-après:

Lettre circulaire du ministre provisoire de l'intérieur et des cultes, aux archevêques et évéques du royaume.

Monsieurevêque, le Roi m'a ordonné de vous adresser

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la lettre close ci-jointe, par laquelle S. M. demande des prières en actions de grâces de son heureux retour dans la capitale de son royaume. Cette cérémonie a eu lieu à Paris, et il s'y est développé tout ce que la religion nourrit de sentimens profonds, tout ce que l'antique fidélité à nos Rois peut exciter de mouvemens nobles et touchans. Quatre cents mille François, les yeux baignés de larmes, ont suivi le fils de saint Louis et la fille de Louis XVI jusqu'au pied des autels, dans cette respectable Basilique qui a reçu, depuis tant de siècles, les voeux et les prières de nos pères. Un Roi de France est rentré dans NotreDame; cette expression si simple indique seule le retour aux saintes et vieilles moeurs de la France, à ce gouvernement paternel dont le principe fondamental étoit Dieu et le Roi, et la devise, Honneur et courage.'

Rien, M. l'évêque, ne peut rendre le sublime tableau de la fille de Louis XVI, tremblante de ses souvenirs et de ses douleurs, au pied des autels du Dieu qui pardonne, baignant de ses larmes le pavé du temple, invoquant ce Dieu pour les François, pour tous les François qu'elle a retrouvés; ange que le malheur avoit comme élevé audessus de la terre, et qui sembloit descendu du ciel pour réconcilier la France avec les mânes de son auguste père et avec la vertu.

Que n'a-t-il été donné à tous les François de contempler ce tableau! Mais vous pourrez, M. l'évêque, les retracer aux fidèles de votre diocèse, et de reproduire au moins, dans la cérémonie solennelle que le Roi prescrit, le triomphe de la Religion, de la France et de la paix, sur les illusions cruelles qui nous ont si long-temps égarés. Jamais trop de voix ne monteront vers le ciel pour le remercier de ce grand changement. En vain en chercherions-nous les causes dans les froids calculs de la politique ou des combinaisons mondaines; tout ici a été grand, admirable, inespéré. Il faut y reconnoître le doigt de Dieu, et s'écrier avec le Prophète : Hoc factum est à Domino!

Le Roi désire, M. l'évêque, qu'à cette occasion, comme dans toutes celles où se manifeste la protection de Dieu pour la France, vous fassiez entendre votre voix au milieu du troupeau qui vous est confié. Il est temps que la terre évangélique reprenne son ancienne et sainte liberté, et qu'on reconnoisse dans les prélats de la France les successeurs des Bossuet, des Massillon, des Bourdaloue, de ces illustres apôtres qui, inflexibles dans leur morale, autant qu'excellens dans leur génie, et invariables comme la foi même, ont toujours tenu le même langage aux Rois et aux peuples, et les ont également cités au tribunal de celui qui juge les justices.

Instruisez, exhortez, consolez le troupeau qui vous est confié. Le Roi sait combien ses peuples souffrent; et quoiqu'il soit étranger aux fautes qui ont amené tant de souffrances, son cœur, qui n'a jamais cessé d'être au milieu de nous, n'en est pas moins déchiré. La seule main qui pût sécher tant de larmes étoit celle d'un bon Roi. Bénissons, remercions la Providence; il nous est enfin rendu.

Le ministre provisoire de l'intérieur et des cultes,

BEUGNOT. M. de Boulogne, évêque de Troyes, vient d'être désigné par S. M. pour prêcher devant elle le jour de

la Pentecôte.

-On assure que l'aniversaire du service expiatoire, qui se célèbre chaque année pour les malheureuses victimes du règne de la terreur, aura lieu, le lundi 23 mai, à Picpus, en la manière accoutumée.

-Enfin, S. Em. M. le cardinal Maury quitte aujourd'hui, 17 mai, le palais de l'Archevêché on a lieu de croire que ce sera sans retour.

-Au passage du Roi par Saint-Denis, D. Verneuil, ancien prieur de l'abbaye, et actuellement curé de la paroisse, a eu l'honneur de haranguer S. M.

LIÉGE, 2 mai. Notre cathédrale a célébré hier la

délivrance du souverain Pontife par une messe et un Te Deum. Cette fête étoit bien différente des fêtes napoléoniennes; il n'y avoit ni ordre ni invitation de se rendre à celle-ci, et cependant, ce que l'on ne vit jamais à celles-là, l'immense vaisseau de Saint-Paul étoit plein. Le soir, le chapitre avoit fait illuminer la façade de son église du côté de la place Saint-Paul, ce qui étoit d'un très-bel effet.

LIMOGES, 18 avril.— M. l'évêque a réuni, dans l'église de l'hospice, les prisonniers de différentes nations, pour les engager à témoigner leur reconnoissance au Dieu qui, donnant la paix au monde, les met en liberté et les rend à leur patrie. Une messe solennelle a été célébrée par le prélat. Après l'évangile, il a adressé lui-même la parole aux Espagnols, et leur a fait un discours en leur langue. Ensuite il a prié M. l'abbé Périgord, son vicaire-général, de parler en son nom aux Anglois, et voulant manifester ses sentimens à tous, il a suggéré à un interprète ce qu'il désiroit faire entendre aux Russes et aux Allemands. Toutes ces exhortations ont été écoutées avec une altention et un recueillement rares pour des hommes accoutumés au bruit des armes et au tumulte des camps. Ensuite le prélat a donné la confirmation à plusieurs demoiselles espagnoles, et après leur avoir fait connoître la dignité de ce sacrement et les devoirs qu'il impose, il a fait renouveler aux assistans les engagemens qu'ils prirent en le recevant, et il a profité de cette circonstance pour recommander aux Espagnols d'oublier le passé, et de ne plus former ensemble qu'un coeur et qu'une ame, comme ils ne forment tous qu'une nation. La cérémonie a été terminée par le Te Deum, à la fin duquel on a chanté le Domine, salvum fac Regem nostrum Ludovicum, et par la bénédiction du Saint-Sacrement.

Ce n'est pas le premier trait du zèle de M. l'évêque de Limoges envers ceux qui ont tout sacrifié pour leur patrie; il ne se passe point de semaine qu'il ne les visite à l'hospice, Plusieurs fois il s'est rendu aux dépôts qui sont

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