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noirs cyprès dont le funeste ombrage couvroit depuis vingt ans tout le sol de la France. Le descendant de saint Louis, le rejeton auguste de nos antiques Rois, rappelé par le ciel et par notre amour, apparoît au milieu de nous, comme un nouveau soleil dont la présence embellit tout, dont le retour réjouit tout, et tous les coeurs chrétiens et tous les coeurs françois. O jour trois fois heureux! ô jour trois fois béni! Ainsi, après avoir été le dernier qui ait paru dans la chaire royale, j'étois encore destiné à être le premier qui recommençât la carrière, et à paroître de nouveau devant ce vertueux Monarque, qui, jadis, daigna nous écouter avec tant d'attention et d'indulgence. O doux et touchans souvenirs! Non, Sire, il ne s'est point effacé de notre mémoire ce respect profond que portoit Votre Majesté à la divine parole, ni sa constante assiduité aux saintes prédications, qui attestoit si hautement que sa grande ame étoit à la hauteur des vérités célestes que nous lui annoncions. Mais si Votre Majesté, qui n'étoit alors assise que sur les marches du trône, et encore dans l'âge de la dissipation et des plaisirs, donnoit un exemple si rare de piété et d'édification, que sera-ce donc aujourd'hui, où, montée sur le trône même, elle a de plus grands exemples à donner, de plus grands devoirs à remplir, de plus grandes instructions à rece voir? Que sera-ce quand cette habitude des méditations sérieuses, qui vous est si naturelle, et ce goût pour choses grandes et élevées, qui fait comme le fonds de votre caractère, a été fortifié par une si longue expérience, par un sentiment plus profond de la vanité, de l'instabilité des grandeurs humaines, et par les plus terribles et les plus cruelles leçons qu'aient jamais pu donner l'adversité et l'infortune? Aussi, que d'autres, Sire, louent, dans Votre Majesté, cette profondeur de savoir, cette solidité de jugement, ce tact exquis des convenances, ce génie qui s'élève à tout, et qui descend à tout cette aptitude merveilleuse à tout apprendre, comme à tout retenir, et ce mélange heureux de bonté et de dignité, de sensibilité et de noblesse, qui fait en vous chérir le père et respecter le Monarque; pour nous, nous

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ne voulons voir dans Votre Majesté que l'ami de la vérité, le plus ardent à la rechercher, et le plus digne de l'entendre. Nous ne voulons louer en vous que ce cœur droit et magnanime, qui, convaincu qu'il y a de la grandeur à céder à la vérité, alors même que tout nous cède, semble faire aujourd'hui, par ma bouche, un appel solennel, du haut de cette chaire, à tous les ministres de F'Etat, comme à tous les ministres des autels, de lui dire la vérité, et de lui révéler, sans crainte et sans détour, tout ce qui peut être bon et utile à son peuple »....

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Ici l'orateur a adressé aux courtisans et aux flatteurs une leçon forte et pathétique, qu'il a liée habilement à son sujet; après quoi, reprenant une nouvelle ardeur, et d'un ton qui nous a permis de n'en rien perdre, il a fini ainsi son exorde:

<< Pour nous, Sire, toujours jaloux de répondre aux nobles et généreuses dispositions de Votre Majesté, nous ne cesserons de la dire cette vérité sainte, dont nous sommes redevables à tous, aux grands comme aux petits, aux princes comme aux peuples; cette vérité, le premier devoir des pasteurs, puisqu'elle est le premier besoin des peuples, et qui, si jamais elle venoit à se perdre sur la terre, devroit se retrouver sur les lèvres d'un évêque, cette vérité redoutable, seul contrepoids de la toute-puissance, et le seul moyen de donner un maître à ceux qui n'en ont point, auxquels les lois n'en donnent point: enfin cette vérité si importune aux rois vulgaires, mais si chère aux bons princes, qui ont le sentiment de leur grandeur et de leur force, et la conscience de tout le bien que la vérité peut faire aux hommes. Nous laisserons, Sire, à ces braves qui environnent votre trône, à ces héros si renommés par leur vaillance, qui ont porté si loin la gloire de nos armes, la tâche honorable de combattre les ennemis de l'Etat, si l'Etat toutefois peut encore avoir des ennemis : pour nous, armés du casque de la foi et du glaive de la parole, nous combattrons des ennemis plus dangereux et plus redoutables encore à Votre Majesté que

le fer et le feu; les ennemis de la morale et de la vérité, dont le coeur desséché par l'impiété, n'aime rien, pas même le Roi, et dont les principes funestes rendroient vains tous les efforts des lois, et impuissans tous les magni+ fiques desseins qu'a formés votre amour pour le bonheur de cet empire. Heureux, si nous pouvions ainsi honorer notre ministère, comme saint Paul, en consacrant à Dieu, à la patrie et au Roi, le déclin de notre carrière, et les derniers efforts d'une ardeur qui s'éteint et s'évanouit comme tout le reste »....

Nous laissons au lecteur à juger si l'ardeur du prélat est éteinte, comme il le suppose, et si ses malheurs ont áltéré son talent, et fait évanouir la grâce et la force de sa composition. Tout son discours a paru faire une vive impression sur un auditoire si choisi. On a remarqué entr'autres un beau morceau sur l'indifférence, sur cette grande maladie du siècle, que M. de Boulogne a peinte des couleurs les plus énergiques et déplorée avec tout le zèle de son ministère. Enfin, ramené à des images plus consolantes par le grand spectacle qu'il avoit sous les yeux, il a conclu son. discours par cette noble et touchante péroraison :

" Mais non un plus doux avenir se découvre à mes yeux? Je vois un nouveau siècle s'ouvrir avec un nouveau règne. Je vois la vérité évangélique, si long-temps enchaînée et retenue dans l'injustice, reconquérir cette liberté. sainte qui fait tout à la fois et son droit et sa force, donner aux mœurs nationales une impulsion nouvelle, réchauffer, par ses leçons divines, tous les coeurs attiédis, ressusciter toutes les ames mortes, et arracher la France à ce léthargique sommeil et à ce marasme moral contre lequel ne peuvent rien, ni la force des lois, ni la force des armes. Je vois tous les enfans de la grande famille se former sur l'exemple de leur vertueux chef. Je vois les Princes de sen auguste sang ranimer parmi nous ce feu sacré de l'antique honneur et de la loyauté antique, nobles vertus de nos

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ancêtres, sans lesquels il n'y a pas de François. Je vois la fille du Roi martyr, pure et touchante émule de deux ames célestes, de Clotilde et d'Elisabeth, ange de réconciliation que nous donne le ciel comme le gage, l'heureux garant de sa miséricorde, faire de la cour même une école de vertus, y mettre en honneur la piété, et y faire régner la véritable dignité, celle de la modestie, de la simplicité et de la décence. Je vois la paix s'embrasser avec la justice, et descendre, ainsi que parle le Prophète, sur les montagnes et les collines, comme une douce pluie qui les arrose et les féconde. Je vois l'instruction publique débarrassée de tous les alliages qui pourroient en altérer la pureté, s'asseoir de plus en plus sur ses antiques bases, et tendre noblement vers son but, celui de renouveler le sang politique, en renouvelant le sang chrétien. Je vois la philosophie réconciliée avec la sagesse, c'est-à-dire, avec la vérité, sans laquelle il n'y a pas de sagesse, et faisant ainsi l'essai de ce que peut, pour le bonheur du monde, le noble accord de toutes les lumières que le génie peut donner, et de tous les grands sentimens que la religion inspire. Je vois enfin la Providence qui ne fait rien à demi, mettre la dernière main à son ouvrage, confirmer, par de nouveaux prodiges, cette singulière prédilection qu'elle a montrée pour ce royaume; faire un heureux changement au dedans de nous comme elle l'a fait dans l'Etat ; purifier les ames, comme elle a changé les esprits; nous rendre dignes de nouveaux bienfaits par des vertus nouvelles, et au miracle d'avoir sauvé le Roi, ajouter encore le miracle de nous sauver nous-mêmes. Ainsi soit-il ».

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le souverain Pontife n'ayant point jugé à propos de se rendre immédiatement dans sa capitale, a nommé pour en prendre possession un des prélats de sa maison, Mer. Augustin Rivarola, protonotaire apostolique. Ce prélat est arrivé à Rome, le 10 mai, et a reçu du conseiller napolitain, M.. Macedonio, l'admi

nistration de l'Etat romain. Il a été reconnu par toutes les autorités comme délégué du Siége apostolique. Le Pape lui a adjoint pour conseils, Mr. San Severino, prélat napolitain; le marquis Ercolani; le chevalier Jacques Giustiniani, frère du prince de ce nom; et Mr. Barberi, procureur-général du fisc. On espère que S. S. fera son entrée ici le 25. Elle y est attendue avec impatience, et les habitans font des préparatifs pour sa réception: Ils se réjouissent d'être rendus à un gouvernement sage et paternel. La misère, l'injustice et l'oppression avoient signalé la dernière usurpation. Rome avoit perdu à la fois, son souverain, ses princes, ses prélats, tous ceux qui lui donnoient de l'éclat et y versoient leurs richesses. Les premières familles avoient été dispersées et bannies. Ses palais déserts n'offroient plus ni des secours à l'indigence, ni des ressources à l'industrie. Tout y étoit mort, et la tyrannie avoit frappé toutes les classes paralysé tous les états, envahi tous les établissemens. Dans peu cette grande ville n'auroit plus été qu'un désert. Mais la Providence, en nous rendant à notre sou verain, rouvre nos coeurs à l'espérance et à la joie. Notre attachement pour lui s'est accru par son absence, par ses malheurs, par les nôtres, et par la noble et religieuse fermeté qu'il a conservée au milieu de ses souffrances. Il vient encore de montrer en dernier lieu son courage pour le maintien de ses droits. A la suite dequelques discussions avec une puissance voisine, il s'étoit décidé à envoyer à Paris, auprès des souverains alliés, un nonce chargé des intérêts du Saint-Siége. M. Della Genga avoit été désigné pour cette commission. Mais il paroît qu'il ne partira pas, les différends s'étant conciliés, et de nouveaux arrangemens ayant été pris. Nous voyons arriver ici chaque jour des bannis, des exilés, des prisonniers qui avoient encouru la disgrâce de l'ennemi du Saint-Siége. Dispersés dans les contrées lointaines, relégués dans les îles, plongés dans les cachots, traités avec inhumanité, ils rentrent dans leurs foyers et dans leurs places, et bénissent la main qui les a délivrés. Le retour des juifs dans leur patrie, après la

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