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celier étoit assis sur son siége à bras, le grand-maître, le maître et les aides des cérémonies de France à leurs places accoutumées.

Deux de MM. les pairs ecclésiastiques, et six de MM. les pairs laïcs, MM. les ministres secrétaires d'Etat, le ministres d'Etat, MM. les maréchaux de France et premiers inspecteurs-généraux; une députation des grands-cordons et des grands-officiers de la Légion d'Honneur; une députation de MM. les lieutenans-généraux et maréchaux de camp étoient placés sur des banquettes au-dessous et de chaque côté du trône; MM. les sénateurs, MM. les membres de la chambre, des pairs, qui avoient reçu des lettres closes de S. M., et MM. les députés des départemens, étoient placés en face du trône circulairement.

L'assemblée étoit debout et découverte. Le Roi s'est assis et couvert, et, par un signe, a invité chacun à s'asseoir. Un profond silence a régné....

S. M. a pris la parole, et a dit :

<«< Messieurs, lorsque, pour la première fois, je viens dans cette enceinte m'environner des grands corps de l'Etat, des représentans d'une nation qui ne cesse de me prodiguer les plus touchantes marques de son amour, je me félicite d'être devenu le dispensateur des bienfaits que la divine Providence daigne accorder à mon peuple.

» J'ai fait avec l'Autriche, la Russie, l'Angleterre et la Prusse, une paix dans laquelle sont compris leurs alliés, c'està-dire, tous les princes de la chrétienté. La guerre étoit universelle; la réconciliation l'est pareillement.

>> Le rang que la France a toujours occupé parmi les nations n'a été transféré à aucune autre, et lui demeure sans partage. Tout ce que les autres Etats acquièrent de sécurité accroît également la sienne, et par conséquent, ajoute à sa puissance véritable. Ce qu'elle ne conserve pas de ses conquêtes ne doit donc pas être regardé comme retranché de sa force réelle.

>> La gloire des armées françoises n'a reçu aucune atteinte; les monumens de leur valeur subsistent, et les chefs-d'œuvre des arts nous appartiennent désormais, par des droits plus stables et plus sacrés que ceux de la victoire.

» Les routes de commerce, si long-temps fermées, vont étre libres. Le marché de la France ne sera plus seul ouvert aux productions de son sol et de son industrie. Celles dont

l'habitude lui a fait un besoin, ou qui sont nécessaires aux arts qu'elle exerce, lui seront fournies par les possessions qu'elle recouvre. Elle ne sera plus réduite à s'en priver ou à ne les obtenir qu'à des conditions ruineuses. Nos manufactures vont refleurir; nos villes maritimes vont renaître; et tout nous promet qu'un long calme au dehors, et une félicité durable au dedans, seront les heureux fruits de la paix. >> Un souvenir douloureux vient toutefois troubler ma joie. J'étois né, je me flattois de rester toute ma vie le plus fidèle sujet du meilleur des rois; et j'occupe aujourd'hui sa place! Mais, du moins, il n'est pas mort tout entier; il revit dans ce testament qu'il destinoit à l'instruction de l'auguste et malheureux enfant auquel je devois succéder. C'est, les yeux fixés sur cet immortel ouvrage; c'est, pénétré des sentimens qui le dictèrent; c'est, guidé par l'expérience, et secondé par les conseils de plusieurs d'entre vous, que j'ai rédigé la chartre constitutionnelle dont vous allez entendre la lecture, et qui asseoit sur des bases solides la prospérité de l'Etat.

» Mon chancelier va vous faire connoître, avec plus de détail, mes intentions paternelles ».

Il seroit aussi difficile de dire avec quelle émotion profonde, avec quel sentiment d'attendrissement et de reconnoissance le discours de S. M. a été entendu, que de donner une juste idée de l'expression noble et touchante à la fois, de l'accent paternel, du ton pénétré, et de la sensibilité communicative avec laquelle ce discours a été prononcé. Les acclamations réitérées de l'assemblée, et de nouveaux cris de vive le Roi! ont éclaté de toutes parts.

Le Roi a ordonné au chancelier de France de donner communication de la chartre constitutionnelle : alors la séance a pris un autre caractère; la nation alloit connoître ses droits et ses devoirs. Le plus profond silence a régné de nouveau,

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· M. le chancelier a pris la parole, et a dit :

તા Messieurs les Sénateurs, Messieurs les Députés des départemens,

» Vous venez d'entendre les paroles touchantes et les intentions paternelles de S. M.; c'est à ses ministres à vous faire les communications importantes qui en sont la suite.

>> Quel magnifique et touchant spectacle que celui d'un Roi qui, pour s'assurer de nos respects, n'avoit besoin que de ses vertus, qui déploie l'appareil imposant de la royauté pour

apporter à son peuple, épuisé par vingt-cinq ans, de mal heurs, le bienfait si désiré d'une paix honorable, et celui, non moins précieux, d'une ordonnance de réformation, par Jaquelle il éteint tous les partis, comme il maintient tous les droits!

» Il s'est écoulé bien des années depuis que la Providence divine appela notre Monarque au trône de ses pères. A l'époque de son avénement, la France, égarée par de fausses theories, divisée par l'esprit d'intrigue, aveuglée par de vaines apparences de liberté, étoit devenue la proie de toutes les factions, comme le théâtre de tous les excès, et se trouvoit livrée aux plus horribles convulsions de l'anarchie. Elle a successivement essayé de tous les gouvernemens, jusqu'à ce que le poids des maux qui l'accabloient l'ait enfin, ramenée au gouvernement paternel, qui, pendant quatorze siècles, avoit fait sa gloire et son bonheur.

» Le souffle de Dieu a renversé ce colosse formidable de puissance qui pesoit sur l'Europe entière; mais sous les débris d'un édifice gigantesque, encore plus promptement détruit qu'élevé, la France à retrouvé du moins les fondemens, inébranlables de son antique monarchie.

» C'est sur cette base sacrée qu'il faut élever aujourd'hui un édifice durable, que le temps et la main des hommes ne puisse plus détruire. C'est le Roi qui en devient plus que jamais la pierre fondamentale; c'est autour de lui que tous les François doivent se rallier. Et quel Roi mérita jamais mieux leur obéissance et leur fidélité! Rappelé dans ses Etats par les vœux unanimes de ses peuples, il les a conquis sans armée, les a soumis par amour; il a réuni tous les esprits en gagnant tous les cœurs.

»En pleine possession de ses droits héréditaires sur ce beau royaume, il ne veut exercer l'autorité qu'il tient de Dieu et de ses pères, qu'en posant lui-même les bornes de son pouvoir.

» Loin de lui l'idée que la souveraineté doive être dégagée des contre-poids salutaires, qui, sous des dénominations différentes, ont constamment existé dans notre constitution. Il y substitue lui-même un établissement de pouvoirs tellement combinés, qu'il offre autant de gar anties pour la nation que de sauvegardes pour la royauté. Il ne veut être que le chef suprême de la grande, famille dont il est le père. C'est luimême qui vient donner aux François une chartre constitu

tionnelle, appropriée à leurs désirs comme à leurs besoins, et à la situation respective des hommes et des choses.

>> L'enthousiasme touchant avec lequel le Roi a été reçu dans ses Etats, l'empressement spontané de tous les corps civils et militaires, ont convaincu S. M. de cette vérité si douce pour son cœur, que la France étoit monarchiqué par sentiment, et regardoit le pouvoir de la couronne comme un pouvoir tutélaire nécessaire à son bonheur.

» S. M. ne craint donc pas qu'il puisse rester aucun genre de défiance entre elle et son peuple; inséparablement unis par les liens du tendre amour, une confiance mutuelle doit cimenter tous les engagemens.

» Il faut à la France un pouvoir royal protecteur sans pouvoir devenir oppressif; il faut au Roi des sujets aimans et fidèles, toujours libres et égaux devant la loi. L'autorité doit avoir assez de force pour déjouer tous les partis, comprimer toutes les factions, en imposer à tous les ennemis qui menaceroient son repos et son bonheur.

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La nation peut en même temps désirer une garantie contre tous les genres d'abus dont elle vient d'éprouver les excès.

«La situation momentanée du royaume, après tant d'années d'orage, exige enfin quelques précautions, peut-être même quelques sacrifices, pour appaiser toutes les haines, prévenir toutes les réactions, consolider toutes les fortunes, amener, en un mot, tous les François à un oubli généreux du passé et à une réconciliation générale.

» Tel est, Messieurs, l'esprit vraiment paternel dans lequel á été rédigée cette grande chartre, que le Roi m'ordonne de mettre sous les yeux de l'ancien Sénat et du dernier CorpsLégislatif. Si le premier de ces corps a, pour ainsi dire, cessé d'exister avec la puissance qui l'avoit établi; si le second ne peut plus avoir, sans l'autorisation du Roi, que des pouvoirs incertains et déjà expirés pour plusieurs de ses séries, leurs membres n'en sont pas moins l'élite légale des notables du royaume aussi le Roi les a-t-il consultés, en choisissant dans leur sein les membres que leur confiance avoit plus d'une fois signalés à l'estime publique. Il en a, pour ainsi dire, aggrandi son conseil, et il doit à leurs sages observations plusieurs additions utiles, plusieurs restrictions importantes.

>> C'est le travail unanime de la commission, dont ils ont fait partie, qui va être mis sous vos yeux, pour être ensuite porté

aux deux chambres créées par la constitution, et envoyé à tous les tribunaux comme à toutes les municipalités.

>> Je ne doute pas, Messieurs, qu'il n'excite parmi vous un enthousiasme de reconnoissance, qui, du sein de la capitale, se propagera bientôt jusqu'aux extrémités du royaume».

Après ce discours, M. le chancelier a remis à M. Ferrand, ministre d'Etat, la déclaration du Roi, concernant la chartre constitutionnelle.

M. Ferrand en a fait lecture; en voici le texte :

LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre,
A tous ceux que ces présentes verront, salut:

La divine Providence, en nous rappelant dans nos Etats, après une longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La paix étoit le premier besoin de nos sujets; nous nous en sommes occupé sans relâche, et cette paix, si nécessaire à la France, comme au reste de l'Europe, est signée. Une chartre constitutionnelle étoit sollicitée par l'état actuel du royaume; nous l'avons promise et nous la publions. Nous avons considéré que, bien que l'autorité toute entière résidât, en France, dans la personne du Roi, nos prédécesseurs n'avoient point hésité à en modifier l'exercice suivant la différence des temps; que c'est ainsi que les communes ont dû leur affranchissement à Louis-le-Gros, la confirmation et l'extension de leurs droits à saint Louis et à Philippe-le-Bel; que l'ordre judiciaire a été établi et développé par les lois de Louis XI, de Henri II et de Charles IX; enfin, que Louis XIV a réglé presque toutes les parties de l'administration publique par différentes ordonnances dont rien encore n'avoit surpassé la sagesse.

Nous avons dû, à l'exemple des Rois nos prédécesseurs, apprécier les effets du progrès toujours croissant des lumières, les rapports nouveaux que ces progrès ont introduits dans la société, la direction imprimée aux esprits depuis un demi-siècle, et les graves altérations qui en sont résultées. Nous avons reconnu que le vœu de nos sujets pour une chartre constitutionnelle étoit l'expression d'un besoin réel; mais en cédant à ce vou, nous avons pris toutes les précautions pour que cette chartre fût digne de nous et du peuple auquel nous sonimes fier de commander. Des hommes sages, pris dans les premiers corps de l'Etat, se sont réunis à des commissaires de notre conseil, pour travailler à cet important ouvrage.

En même temps que nous reconnoissions qu'une constitution libre et monarchique devoit remplir l'attente de l'Europe éclairée, nous avons dù nous souvenir aussi que notre premier devoir envers nos peuples étoit de conserver, pour leur propre intérêt, les droits et les prérogatives de notre couronne. Nous avons espéré qu'instruits par l'expérience, ils seroient convaincus que l'autorité suprême peut seule donner aux institutions qu'elle établit, la force, la permanence et la majesté dont elle est elle-même revêtue; qu'ainsi, lorsque la sagesse des Rois s'accorde librement avec le veu des peuples, une chartre constitutionnelle peut être de longue durée; mais que quand la violence arrache des

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