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jusqu'à cet échafaud ignominieux que lui dressa notre barbarie; et partout il le montre bon, sensible, modeste, ami de l'ordre, sage, disposé personnellement à tous les sacrifices, ne se comptant pour rien lui-même, et ne voyant que le bien de l'Etat. Mais c'est surtout dans sa disgrâce qu'éclate le noble et religieux caractère de Louis. C'est à la révolution qu'on le voit calme dans le danger, patient au milieu des outrages, résigné dans l'excès de l'infortune. On admire tout son courage dans la journée du 20 juin 1792, lorsqu'il étoit entouré de factieux, qui déjà faisoient leur apprentissage, et en vouloient à sa vie. Il ne perdit point, au milieu de leurs cris, son sang froid et sa tranquillité. Quel homme dans sa prison! quelle constance, quelle sérénité, quel esprit de religion! Il partageoit son temps entre la lecture et la prière, observant avec exactitude les règles de l'Eglise sur l'abstinence et le jeûne, récitant l'office divin, ne se plaignant jamais ni de ses ennemis, ni de la manière indigne dont on le traitoit, s'occupant de ses enfans tant qu'il lui fut permis de les voir, et donnant ses soins à l'instruction de ce jeune Prince, auquel il n'avoit à transmettre que des droits impuissans et des malheurs sans remède, la captivité et la mort. Il rencontra quelquefois dans son cachot des ames honnêtes et sensibles, mais qui ne pouvoient alléger sa position. On exerçoit d'ailleurs, envers lui, la tyrannie la plus odieuse. Entouré d'espions, ne pouvant parler à personne, manquant même des choses les plus nécessaires; privé, à la fin, de toute communication avec sa famille; toujours placé sous les yeux de surveillans barbares, qui interrogeoient tous ses gestes, et ne répondoient pas à ses questions les plus sim

ples, il se vit périr lentement, et présagea de bonne heure le sort qui l'attendoit. Ce fut dans cette disposition qu'il rédigea ce testament, si éloquent dans sa simplicité, où il rendoit compte, avec un si touchant abandon, de tous les sentimens de son ame; monument précieux de la magnanimité la plus rare, de la constance la plus héroïque, du détachement le plus chrétien, de la piété la plus vraie; monument que nous avons tous trempé de nos larmes, et qui passera à la postérité comme une preuve de ce que peuvent la foi et la religion pour consoler l'homme plongé dans la plus profonde infortune. Tout le dé tail des derniers momens de Louis offre un tableau douloureux et attendrissant. On ne peut le parcourir sans être ému à la fois d'indignation et de respect, de honte et d'admiration, et sans être tenté d'invoquer cette auguste victime de sa bonté et de notre scélératesse. Mais il est temps de revenir à l'ouvrage de M. Montjoie.

Cet écrivain montre un attachement très-louable. pour la mémoire de Louis XVI. Il ne parle de lui qu'avec l'accent de la vénération. Il rapporte avec complaisance les moindres détails de sa vie, et tout ce qui peut faire honneur à ce vertueux Prince. Il répond même aux reproches qui lui ont été faits, et discute les jugemens qu'on a portés sur quelques-unes de ses actions. Ainsi, il ne croit point que ce soit un tort d'avoir convoqué les Etats généraux, de n'avoir point voulu passer à Varennes, et de s'être refugié, le 10 août, au lieu des séances de l'Assemblée législative. M. Montjoie pense que, dans ces diverses occasions Louis XVI n'avoit d'autre parti à prendre que celui qu'il a effectivement pris. On peut, sur ces points,

avoir une opinion différente de la sienne; mais on doit, au moins, rendre hommage à la pureté de ses motifs, et on sera même forcé de convenir qu'il donne des raisons assez plausibles pour étayer son senti

ment.

La partie la plus intéressante de l'ouvrage est, sans contredit, celle qui peint Louis XVI dans sa prison, n'opposant à ses malheurs que sa constance et sa piété. L'auteur paroît avoir eu des secours particuliers pour cette partie de son travail. Il n'a pu nommer les sources où il a puisé; il n'y auroit plus d'inconvénient à les faire connoître aujourd'hui, et nous croyons qu'il seroit utile de révéler des noms et des eirconstances qui ajouteroient un nouveau poids à des récits importans.

Des observateurs pointilleux pourroient se plaindre de quelques longueurs dans l'ouvrage, de quelques digressions inutiles. Ils pourroient reprendre un ton un peu monotone, et le retour trop fréquent des mêmes apostrophes et des mêmes plaintes lorsqu'il s'agit du crime que l'auteur avoit à retracer. Mais quand on est profondément affecté d'un sentiment, il est difficile de n'y pas revenir, et nous sommes fort portés à excuser M. Montjoie, et à trouver qu'un bon François, écrivant à l'époque où cet ouvrage a été fait, dans un temps où l'horreur pour un crime récent étoit dans toute sa force, pouvoit bien n'être pas maître de son. indignation. Peut-être qu'actuellement, si on réimprimoit l'ouvrage, il seroit à propos d'y faire quelques légers retranchemens. Mais dans l'état où il est,

ne peut manquer d'être lu avec intérêt et attendrissement par les ames sensibles qui pleurent encore une grande injustice, et pour lesquelles tout ce qui rappelle l'objet de leur douleur est précieux.

Pensées philosophiques, traduites de l'anglois, par un ami des rois et des peuples (1).

Je suis bien persuadé que l'auteur de ce livre a les meilleures intentions. Je le crois philosophe, moral, religieux. Mais je ne puis me dispenser de lui dire qu'il n'a pas fait un bon ouvrage. Il n'avoit point de plan, et il a l'air d'avoir jeté ses idées au hasard. Il erre de sujets en sujets sans ordre et sans liaison. De la métaphysique, de la morale, de l'histoire, tout cela est mêlé et confondu. Un chapitre sur l'origine des langues est après celui qui traite de Dieu. Une espèce d'abrégé de l'ancien Testament, précède un article sur les auteurs, et un autre sur le monde intellectuel. Le néologisme et l'amitié sont à côté l'un de l'autre. D'autres disparates non moins choquantes coupent le fil, déroutent le lecteur et altèrent l'intérêt. J'en suis fâché; car l'auteur paroît, non-seulement avoir d'excellentes vues, mais être instruit. Il doit avoir beaucoup lu, et il a profité de ses lectures. Mais il devoit savoir aussi que l'ordre, la méthode et la liaison sont des qualités essentielles à toute composition, et que les choses les plus sensées perdent de leur prix quand elles portent sur des sujets décousus, et qu'elles n'ont point d'harmonie entr'elles. C'est beaucoup d'être exact et judicieux dans ce qu'on avance. Mais il faut y joindre le goût, la régularité, la suite et l'ensemble. Il ne faut point promener sans cesse son lecteur à travers des matières diverses, passer brusquement de l'histoire

(1) 1 vol. in-12; prix, 3 fr. A Paris, chez Mame, frères, rue Pot-de Fer, n°. 14,

ancienne à la moderne, effleurer vingt sujets et ne rien approfondir. Il y a dans ces pensées des chapitres qui ne sont pas sans mérite et sans utilité. Je regrette que l'auteur ne se soit pas donné le temps d'y mettre plus d'arrangement, de coordonner les matières, et d'imprimer à ses pensées ce caractère de précision, de vivacité, de chaleur et d'ensemble qui donne la vie à un ouvrage, et en assure le succès et l'utilité.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Nous attendons iei S. S. pour le 24 mai, et les habitans font à l'envi des préparatifs pour rendre son entrée aussi pompeuse qu'il est possible. Le saint Père a déjà été précédé ici par beaucoup de prélats et d'ecclé→ siastiques qui avoient été bannis comme lui, et par attachement pour lui. Il paroît que le Pape a dû partir de Macerata, le 16 mai, et qu'il sera à Spolète le 21. Dans tous les lieux où il passe on s'empresse à lui rendre les honneurs dus à sa haute dignité, et que ses vertus et ses souffrances rendent encore plus légitimes et plus touchans. Ce n'est pas seulement en Italie que son retour a répandu la joie. Le reste de la chrétienté a pris part à un événement si intéressant pour toute l'Eglise. Nous apprenons qu'à Vienne il a été chanté un Te Deum,. pour célébrer la délivrance du souverain Pontife. Dans plusieurs autres endroits de l'Allemagne, en Suisse, on a fait des fêtes en l'honneur de son rétablissement. Des princes, même protestans, se sont unis, à cet égard, aux souverains catholiques. On dit que d'après un ordre du roi de Wurtemberg, du 9, il y a eu dans les églises catholiques de ses Etats des actions de grâces solennelles pour le retour du chef de l'Eglise.

MODÈNE, 5 mai. Depuis quelques jours notre ville

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