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peuple qui se prosterne, tout cela parle à l'ame, et j'avoue, pour mon compte, que j'en ai été fréquem→ ment touché. Je crois même qu'il auroit été difficile au plus indifférent de ne pas être un peu ému du spectacle imposant de cette cérémonie si majestueuse. Je n'ai pas vu toutes les processions de Paris, il s'en faut; mais ce que j'en ai ouï dire se rapporte si bien avec ce que j'ai vu, que je crois qu'elles ont dû faire éprouver le même sentiment qu'elles ont fait naître en inoi. Partout on s'est porté avec empressement à tendre, chacun suivant ses moyens, les lieux par où devoit passer le cortége. Des reposoirs nombreux ont été dressés et ornés à l'envi. Enfin, quoiqu'on n'eût pas eu beaucoup de temps pour s'y préparer, on y a suppléé par le zèle et l'ardeur, et tout s'est trouvé prêt pour l'heure indiquée. On avoit annoncé, la veille, quelles étoient les rues que chaque procession devoit parcourir. Plusieurs paroisses ont fait un tour fort long, comme pour se dédommager de n'avoir pu, depuis vingt ans, satisfaire leur piété. La procession de la Métropole, dont il convient de parler la première, n'a pas parcouru un cercle fort étendu, mais elle s'est fait remarquer par l'ordre et la régularité. M. l'abbé de la Myre portoit le saint Sacrement sous un dais fort beau. Les chanoines étoient en chapes. La procession de SaintEustache brilloit par son dais ou arche, qui est d'une grande beauté et d'une grande richesse d'exécution. La procession de Saint-Roch étoit une des plus pompeuses. Elle est allée jusqu'à la chaussée d'Antin. M. le duc de Plaisance et plusieurs personnes qualifiées suivoient le saint Sacrement. Mais il n'est peut-être pas de procession qui fût aussi imposante et surtout aussi nombreuse que celle de Saint-Sulpice. Le grand sémi

naire y assistoit, et relevoit l'éclat de la cérémonie par le recueillement de ses élèves. Ils paroissoient ravis à la fois, et de se retrouver sous les yeux des maîtres vénérables qu'on leur a rendus, et de concourir à un triomphe nouveau pour eux. Ils étoient distribués en deux bandes, les uns se relevant pour encenser le Saint des Saints, les autres jetant des fleurs sur sa route. Leur modestie et leur piété frappoient tous les regards. En tête de la procession étoient de jeunes filles vêtues de blanc, des élèves des pensions, et ces Sœurs de la Charité qui justifient si bien cette belle dénomination, et qu'on aimoit à voir là avec leurs novices, avec le costume de leur état, et avec le maintien le plus propre à édifier. Un clergé nombreux, et rangé avec beaucoup d'ordre, chantoit lentement les louanges du Très-Haut. Immédiatement avant le dais marchoient six prélats qui avoient assisté à la grand'messe, et qui avoient désiré orner aussi ce cortége. C'étoient MM. l'ancien archevêque d'Albi, l'ancien évêque de Quimper, et les évêques de Casal, de Trèves, de Metz et de Troyes. Derrière le dais étoient plusieurs pairs et présidens de cour, dans le costume convenable à leur dignité. Le dais étoit porté par des ecclésiastiques même qui se relevoient. Le curé de la paroisse portoit le saint Sacrement dans un soleil magnifique, et étoit assisté de deux prêtres également sous le dais. Des troupes bordoient la haie, et sembloient prendre part aussi à ce triomphe et à cette fête. La garde nationale et la troupe de ligne étoient également décentes et respectueuses. Un reposoir avoit été dressé à la grande porte du Luxembourg, vis-à-vis la rue de Tournon. La façade du palais étoit masquée par des tapisseries des Gobelins. Le reposoir lui-même

avoit été fait avec beaucoup de magnificence et de goût, et offroit même du bas de la rue de Tournon, un très-beau coup d'œil. C'étoit la chambre des pairs qui l'avoit fait disposer. Deux autres reposoirs avoient été préparés dans des chapelles de maisons religieuses. La procession n'est rentrée qu'à deux heures et demie, après avoir parcouru la rue de Tournon, la rue de Vaugirard, la rue du Regard, la rue du Cherche-Midi et la rue du Vieux-Colombier. Elle a été constamment suivie par beaucoup de personnes pieuses, qui joignoient leurs prières à celles de l'Eglise, et qui sans doute remercioient Dieu de notre délivrance, et de cet éclat rendu à nos solennités. Parmi ces personnes on distinguoit avec plaisir de grands noms, depuis long-temps chers à l'Eglise et précieux à l'Etat, qui sont encore aujourd'hui l'espérance de l'une et de l'autre, et qui nous paroissoient là d'autant plus grands, qu'ils étoient plus recueillis, et qu'ils se confondoient dans la foule des simples fidèles. Permis à eux de se cacher; mais il est bon que l'on sache que les plus anciennes familles comptent, aujourd'hui comme autrefois, des chrétiens dignes de ce nom, qui servent Dieu avec autant de fidélité que le Roi, et que l'on voit assidus dans nos temples, où leur exemple confond l'indifférence, la présomption, le respect humain et les fausses défaites de ceux qui n'ont pas le courage de les imiter. Ils se sont empressés de concourir, par leur présence, à cette solennité, qui étoit bien aussi la fête de l'Etat. La France, en ce jour, a semblé se consacrer de nouveau à ce Dieu qu'elle avoit si long-temps méconnu. Elle lui a rendu un hommage éclatant, et les honneurs que l'orgueil lui avoit refusés. Elle s'est replacée, en quelque sorte, sous sa

protection par cette pompe publique et par cette juste reconnoissance de sa grandeur et de ses droits. Puisse ce grand acte religieux avoir fait sur tous l'impression convenable! Il paroît que partout on a saisi avec empressement cet heureux retour aux usages du christianisme. On nous mande qu'à Orléans la procession s'est faite avec beaucoup de pompe. On l'a faite le jeudi même, jour de la fête, qui, sans doute, sera rétablie. Un évêque, qui étoit venu faire l'ordination de la Trinité, y a officié, et les cordons du dais étoient portés par quatre généraux. Cette ville, plus heureuse que Paris, avoit repris, depuis plusieurs années, l'usage des processions, et les paroisses rivalisoient de zèle pour la pompe et l'éclat. Elles avoient surtout des dais magnifiques. Ceux de la cathédrale et de Saint-Paterne attirent toujours l'admiration par leur grandeur et leur richesse, et ne seroient pas déplacés dans les paroisses les plus riches de la capitale, où cette sorte de luxe étoit inconnu en ces derniers temps, à cause du secret et de l'obscurité à laquelle le culte étoit condamné.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Et nous aussi, nous avons retrouvé notre Souverain! et nous aussi, nous avons eu notre fête de famille! La France, l'Espagne, le Piémont, viennent de célébrer le retour de leurs rois, et ce qu'on nous racontoit de leur joie augmentoit notre impatience et notre désir. Il vient enfin d'être satisfait, et la capitale du monde chrétien a vu rentrer dans ses murs ce Pontife auguste, ce Souverain généreux qu'on en avoit arraché avec tant de violence. La barque de Pierre est encore une fois rentrée dans le port. Les vues des ennemis de la re

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ligion sont encore déjouées. Les portes de l'enfer n'ont point prévalu, l'Eglise triomphe de nouveau, et celui qui commande aux vents et aux orages, a fait sortir le calme du sein de la tempête. Les détails de cette grande révolution fixeront quelque jour les regards de l'histoire. Aujourd'hui nous n'avons à rendre compte que de notre bonheur. Il a été au comble. Mgr. Rivarola, délégué apostolique, ayant fait annoncer l'arrivée du souverain Pontife pour le 24 mai, ce jour même avant le lever du soleil, on s'occupa à achever les préparatifs pour l'entrée de S. S. Toutes les rues se remplirent de peuple. Chacun s'étoit mis dans ses habits de fête, et la population des environs s'étoit jointe à celle de la ville. Le concours étoit immense, Pour la plus grande commodité des spectateurs, on construisit, de chaque côté des rues que devoit traverser le saint Père, de vastes amphithéâtres qui s'étendoient depuis Pontemole jusqu'à la porte del Popolo, et de-là jusqu'au Vatican et au Quirinal. Dès dix heures du matin ces amphithéâtres étoient couverts de monde. Les fenêtres, les balcons étoient occupés. Les maisons étoient tendues de tapisseries et ornées de guirlandes de fleurs. On vit sortir les carosses des cardinaux, des seigneurs et des prélats qui se rendoient au-devant de S. S. La garde pontificale, les suisses, les troupes autrichiennes et napolitaines prirent les postes qui leur avoient été assignés. Des orchestres de musiciens exécutoient des concerts, et charmoient l'attente du peuple par leurs chants. S. M. le roi d'Espagne, Charles IV, qui résidoit depuis long-temps dans cette capitale, se rendit au-devant de S. S, à la Villa-Justiniana, où elle devoit s'arrêter. Il étoit accompagné de la reine son épouse, de l'infant D. Francisco son fils, de la reine d'Etrurie, et de toutes les personnes de sa maison. Lorsque le souverain Pontife arriva à la Villa, Leurs Majestés se trouvèrent à la descente de voiture, et le félicitèrent, avec l'accent de la joie la plus vive, au milieu des applaudissemens d'une foule émue à ce spectacle. Elles, mon

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