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de la seule unité de liturgie? Qui peut remplacer auprés d'une ame fidèle l'impression profonde que produit cette seule réflexion : ce que je demande en ce moment au Seigneur, lui est demandé en ce même instant par tous les chrétiens répandus sur toute la surface de la terre; et quelle ferveur ne résulte pas d'une semblable pensée? Mais, indépendamment de cette considération, les avantages même dont nous venons de parler sont compensés par des défauts bien réels dont sont attaquées toutes les liturgies nouvelles; c'est qu'il y règne généralement une sorte de prétention à l'esprit, à la profondeur, à l'érudition; et qu'en général, celles mêmes qui sont les plus parfaites sont bien éloignées d'avoir l'onction qui règne dans la liturgie romaine. Cette liturgie, ouvrage de la primitive Eglise, possède un caractère de sainteté qui atteste son origine. Corrigée lentement, de siècle en siècle, elle n'offroit que de légères imperfections de détail qu'il étoit facile de faire disparoître, et ces défauts, légers en eux-mêmes, étoient bien compensés par les sentimens d'une piété profonde qu'on éprouvoit en la

méditant.

Il faut donc espérer que successivement les divers diocèses du royaume sentiront la nécessité de se rapprocher, sur ce point même, de l'unité qu'il est si désirable de conserver dans toutes les parties de la religion. Une circonstance décidera tôt ou tard ce retour: c'est l'épuisement des livres propres aux usages particuliers. Au reste, cette uniformité n'est point si éloignée que l'on pourroit le croire : les usages romains sont encore aujourd'hui en vigueur dans un grand nombre de diocèses. On sait, par exemple, que sur les soixante, tant évêchés qu'archevêchés,

compris en de-çà des Alpes, vingt-deux suivent le romain, vingt le parisien, et dix-huit des usages particuliers; ceux-ci reviendront naturellement les premiers à l'usage romain par la cause que nous venons d'indiquer les autres pourroient y revenir par une seule opération.

Nous ne terminerons point ces observations sans faire mention d'un petit écrit que nous avons sous les yeux, et qui a pour titre : Considérations sur la nécessité de rétablir le chant de l'Eglise de Rome dans toutes les Eglises de la France; par M. Choron, correspondant de l'Institut. L'auteur de ce petit ouvrage, publié il y a quelques années, n'envisage la question que par rapport au chant dont il annonce s'être particulièrement occupé. Il assure que les chants de l'Eglise de Rome méritent la préférence, premiè rement, à cause de leur supériorité sur tous les autres, qui n'en sont que des imitations généralement défectueuses; secondement, à cause de leur origine, vu qu'ils sont le seul reste de la musique des Grecs et des Romains, reste très-précieux, quoique très-défiguré; troisièmement, enfin, à cause de l'utilité dont ils sont à l'art musical, ayant été l'objet des travaux de tous les compositeurs du seizième siècle, les plus savans qui aient jamais existé. Nous renvoyons les amateurs en ce genre de discussion, à ce petit ouvrage, qui se fait lire avec intérêt (1).

(1) 15 pages d'impression: 1811; prix, 60 cent. A Paris, chez l'auteur; et chez Adrien Le Clere, au bureau du Journal.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Cette ville est encore dans le mouvement de joie et d'enthousiasme qui suit un événement aussi heureux que celui dont elle vient d'être témoin. Un concours nombreux de peuple remplit encore les places et les rues, el témoigne sa joie du retour de notre souverain. S. S. a passé la journée du 25 dans son palais. Elle avoit besoin de prendre un peu de repos après les fatigues de la veille et après un si long voyage. On est toujours étonné que sa santé ait pu résister à tant de secousses. Le 25, S. S. a reçu à Monte-Cavallo la visite du roi Charles IV et de la reine son épouse. On a remarqué qu'ils étoient accompagnés de leur ancien ministre, qui du moins leur est resté fidèle dans leur retraite. S. M. le roi CharlesEmmanuel de Sardaigne est aussi venu au palais du saint Père, avec lequel il a eu une longue conférence. Enfin le soir, le Pape a reçu M. Lucien Bonaparte, qui arrivoit d'Angleterre, et qui avoit donné, il y a quelques années, avec tant de courage, des preuves de son attachement à la cause pontificale. Le 26, S. S. est sortie, à la grande satisfaction du peuple avide de revoir le chef de l'Eglise. Elle s'est rendue, suivant l'ancien usage, à l'église des pères de la congrégation de l'Oratoire de SaintPhilippe de Néri. C'étoit le jour de la fête de ce saint. Il y a eu chapelle pontificale, et la messe solennelle a été célébrée par le cardinal Pacca, assisté des cardinaux Ruffo, Caracciolo et Litta. S. S. entendit ensuite une messe basse dans la chapelle de Saint-Philippe de Néri. On l'a vue avec plaisir signaler son rétablissement dans sa capitale en reprenant les pieux usages de ses prédécesseurs. On s'attend à une promotion de cardinaux, devenue d'autant plus nécessaire, qu'il y a long-temps que le sacré collége n'a été réduit à un aussi petit nombre.

MADRID. Notre révolution politique peut bien être

appelée aussi une révolution religieuse. L'ennemi de l'Espagne avoit travaillé avec ardeur à y détruire la religion par les violences commises sur le clergé séculier et régulier. On sait, ou plutôt on ne sait pas quelle énorme quantité de prêtres et de religieux furent enlevés de leurs paroisses et de leurs couvens, traînés en France, réduits à la misère, privés de tous secours. Un grand nombre ont péri dans cet exil honorable; car quel que soit le jugement que l'on se permette de porter sur la conduite particulière de ces malheureux proscrits, la résistance qu'ils opposèrent à l'oppression ne leur sera plus sans doute imputée à crime. Ils partagèrent l'esprit et l'enthousiasme général de la nation, ils soutinrent ses efforts par les moyens que leur donnoit leur ministère. Ils ne méritent pas plus pour cela le nom de fanatiques, que les autres Espagnols n'ont mérité celui de rebelles, qu'on leur donnoit si ridiculement. Nous ne parlons pas de ceux qui ont pris les armes, mais de ceux qui, par leurs discours, ont pu contribuer à soutenir le courage de leurs compatriotes. Quoi qu'il en soit, l'intérêt général aujourd'hui est d'ensevelir tous les torts dans l'oubli, et en même temps d'honorer tous les services. Aussi il paroît que le clergé va reprendre sa portion légitime d'influence et de considération. Déjà le roi, dans sa proclamation du 4 mai, a payé un tribut d'hommages à la conduite loyale du saint et respectable évêque d'Orense, de ce prélat digne des premiers siècles par la pureté de ses principes, par la noble fermeté de son caractère, et par son attachement inviolable à la foi et au sang de ses maîtres. Il avoit refusé de reconnoître les nouveaux cortès, et l'exemple d'un prélat si pieux et si vénéré n'a pas peu contribué peut-être à renverser l'édifice informe qu'on vouloit élever. S. M. vient de prendre diverses mesures qu'elle a jugées conformes à l'intérêt et au désir de ses peuples. Elle a donné deux décrets, l'un sur la restitution des biens vendus, l'autre sur la rentrée des religieux des différens ordres dans leurs

couvens. En applaudissant à ces réglemens, on s'attend qu'on admettra dans leur exécution les modifications et les tempéramens les plus propres à tout concilier. On peut s'en reposer, à cet égard, sur la bonne volonté d'un prince qui paroît animé du désir de terminer nos malheurs, et de nous rendre le repos. Il sentira mieux que personne la nécessité d'imposer un frein à l'exagération d'un faux zèle, et de pacifier tous les différends par une sage condescendance. Il y a eu, à cet égard, des excès qui ont besoin d'être réprimés. Après une si grande tourmente, il est difficile qu'il ne reste pas un peu d'agitation. Ces jours derniers tous les chefs des couvens et autorités ecclésiastiques ont salué S. M. et les infans. Ces princes les ont accueillis avec une distinction qui a été remarquée. Le roi a permis que les religieux lui baisassent la main, ét a promis de s'occuper de leurs affaires avec un intérêt particulier. On ne doute pas que S. M. ne s'entende avec la cour de Rome, et ne cherche à concilier à la fois les intérêts de la religion, les ménagemens qu'exigent les circonstances, et ce besoin de concorde et de paix que

nous sentons tous.

LEYDE. On a publié dans cette ville et dans toutes les Provinces-Unies la nouvelle constitution, décrétée pour notre pays, et sanctionnée le 29 mars dernier. Elle renferme un grand nombre d'articles. Ceux qui regardent la religion, ont particulièrement fixé l'attention de toutes les communions religieuses. Il est dit, chapitre VIII, article 133, que la religion protestante est celle du souverain. Les articles suivans accordent une égale protection à toutes les religions existantes, la tolérance de tout culte public, le paiement par l'Etat du culte dominant, et la jouissance des subsides accordés précédemment aux autres établissemens religieux. Ces articles ne nous ont pas étonnés. Nous nous attendions bien que la croyance dominante seroit favorisée de préférence. Mais l'article 139 a jeté l'alarme parmi les catholiques. Il est ainsi conçu: Le prince souverain, indépendamment et sans

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