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à cette pompe funèbre. Cette portion du royaume n'a pas été une des moins prompte à témoigner sa joie du nouvel ordre de choses ou plutôt de ce retour à l'ordre. Nous apprenons de Tonnerre qu'il y a été célébré aussi, le 6 juin, un service pour le même objet. Le curé a prononcé un discours qui a fait verser des larmes, et quatre chevaliers de saint Louis étoient placés aux coins du catafalque. Les habitans de cette petite ville ont dû applaudir d'autant plus à la restauration d'une famille auguste, qu'ils ont plus souffert d'une guerre dont son retour seul pouvoit arrêter les calamités. Ils furent pillés au commencement d'avril, à la suite des désordres commis par les agens de la tyrannie, et ils ont chanté le Te Deum avec enthousiasme quand ils ont appris la chute de l'insensé qui opéroit notre ruine en courant à la sienne.

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Dimanche dernier, parmi les processions que le temps incertain et pluvieux n'a pas empêché de sortir, celle de Sainte-Valère a offert un spectacle curieux et édifiant. A l'entrée du Palais-Bourbon, qui se trouve sur cette paroisse, LL. AA. le prince de Condé et le duc de Bourbon attendoient la procession à genoux sur des prie-Dieu qu'on leur avoit préparés (1). Après avoir reçu une première bénédiction, les deux Princes accompagnèrent le SaintSacrement, chacun un cierge à la main, jusqu'au reposoir qu'ils avoient fait élever au bout de la longue avenue plantée d'arbres qui aboutit à leur palais. A la droite de l'autel, que couvroit une très-belle tente, on voyoit LL. AA. toujours à genoux pendant les cantiques qui s'y chantèrent. La station finie, elles voulurent encore accompagner la procession jusqu'à la sortie de leur palais, et y recevoir, de nouveau, la bénédiction. La piété de ces Princes, pendant tout ce trajet, a frappé et ému les spectateurs.

(1) Un journal a dit que M. le prince de Condé avoit assisté à la procession de Saint-Sulpice. C'est une erreur. S. A. demeure fort loin de cette paroisse.

AURAY. Qui peut avoir perdu le souvenir des horribles suites de la malheureuse affaire de Quiberon?De généreux François qui s'y étoient ralliés sous les drapeaux de l'honneur et du devoir tombèrent au pouvoir des républicains, et furent impitoyablement massacrés. Depuis cette affreuse époque, les ossemens desséchés d'une partie de ces honorables victimes étoient abandonnés dans un pré situé à un quart de lieue de l'établissement des Sourds-Muets de la Chartreuse d'Auray. Personne n'osoit réclamer pour eux les honneurs de la sépulture ecclésiastique; mais à peine apprit-on que Louis XVIII alloit enfin s'asseoir sur le trône de ses ancêtres, qu'on s'occupa des moyens de remplir cette obligation sacrée. Notre respectable prélat, M. Bausset de Roquefort, et M. Deshayes, curé d'Auray, eurent, à ce sujet, une conférence, dont le résultat fut l'ordre donné par M. l'évêque de déterrer ces restes précieux, dont la translation dans l'église de l'institution des Sourds-Muets fut fixée au 15 mai.

Le jour marqué, les habitans de la ville d'Auray et des communes environnantes, se rendirent en foule au lieu vulgairement connu sous le nom de Champ des Martyrs. Avant le départ du convoi, M. Deshayes fit un discours analogue à la circonstance. Le clergé étoit suivi des personnes les plus marquantes, dont vingt-huit avoient été choisies pour porter les cordons des draps mortuaires. La garde nationale marchoit ensuite, précédant une population immense.

Tel fut l'ordre du convoi jusqu'à la belle église de l'institution des Sourds-Muets, où une autre cérémonie funèbre aura lieu le 21 de ce mois. Mr. l'évêque de Vannes y célébrera un service solennel pour ces intrépides défenseurs de l'autel et du trône, dont les ossemens seront déposés dans un mausolée, revêtu d'une inscription qui rappellera le souvenir de leur généreux sacrifice.

Si cette pieuse cérémonie rappelle d'affreux souvenirs, elle doit aussi faire couler les douces larmes de la reconnoissance. On sait que beaucoup d'habitans d'Auray rendirent des services aux malheureux pris à Quiberon. Ils

favorisèrent l'évasion de plusieurs. Ils donnèrent aux autres des secours et des consolations malheureusement peu efficaces, mais dont l'humanité doit leur savoir gré.

Le 29 avril, Mr. l'évêque de Vannes fit un service dans la même église pour Louis XVI et quelques membres de son auguste famille. Cette pompe funèbre n'avoit pas encore frappé les yeux des fidèles Bretons.

-Les religieuses des Pays-Bas reprennent l'habit de leur ordre. On écrit de Grave, que les capucins de Velpe sont rentrés dans leur couvent. Des religieuses s'empressent aussi de se réunir dans celles de leurs maisons qui ont échappé à la destruction.

NOUVELLES POLITIQUES.

M. Conen de Saint-Luc, neveu de l'évêque de Quimper, du même nom, et fils d'un ancien président au parlement de Rennes, a été nommé préfet du Finistère, en remplacement de M. Abrial fils. M. Réné de Brosses, membre de la cour royale de Paris, est nommé préfet de Limoges; M. le Boutillier, préfet du Var; M. de Gher, préfet de la Mayenne; M. Gamot, préfet de la Lozère, passe à la préfecture de l'Yonne. On donne encore pour certaines les nominations suivantes : à la préfecture de Dijon, M. Terray Desrozières; à celle de Montauban, M. Alban de Villeneuve, ex-préfet de Lérida; à celle de Bourbon-Vendée, M. Fremin de Beaumont, ex-préfet du département des Bouches-du-Rhin ; à celle d'Angoulême, M. Milon; et à celle de Marseille, M. d'Albertas.

-La division d'infanterie des quatre régimens du Roi et de la Reine; celle de cavalerie, de même des quatre régimens du Roi et de celui de Berry, destinées à former la garnison de Paris, ont fait, le 16, leur entrée dans la capitale. Ces divisions, à leur arrivée, ont été passées en revue aux Champs-Elysées par LL. AA. RR. les princes duc d'Angoulême et duc de Berry, accompagnés de S. Exc. le ministre secrétaire d'Etat de la guerre. Lorsque les troupes sont arrivées, une députation des officiers-généraux et supérieurs de

la garde nationale de Paris, de cette belle troupe qui a rendu de si grands services, est venue recevoir ces braves destinés à partager le service honorable, mais pénible, qu'elle a fait dans la capitale depuis l'éloignement des troupes de lignes. M. de Montesquiou, en l'absence de M. le général Dessolles, commandant en chef, a adressé à MM. les officiers-généraux et supérieurs de la ligne, le discours suivant :

Messieurs, la garde nationale de Paris nous a chargés de vous témoigner la joie que lui fait éprouver le retour si désiré de ces braves défenseurs de la France, qui, dans leurs triomphes, ont obtenu l'admiration de l'Europe, et, dans leurs malheurs mêmes, n'ont pas cessé de mériter la reconnoissance de leurs concitoyens, et l'estime de leurs ennemis.

» Aucune époque ne pouvoit, Messieurs, nous rendre votre présence plus chère; vous remplacez, enfin, dans la capitale, les troupes étrangères que des fautes, qui ne vous appartiennent pas, y avoient conduites. La garde nationale s'empressera de seconder votre zèle pour le service du Roi et de la patrie; elle s'enorgueillira d'être considérée par l'armée comme son auxiliaire; de recevoir d'elle l'exemple d'un dévouement et d'une fidélité sans bornes, et de pouvoir répéter avec elle ce cri si cher aux François Vive le Roi » !

Les officiers-généraux et supérieurs de la ligne ont accueilli avec le plus vif plaisir les expressions d'estime et d'affection de la garde nationale par les cris de Vive la garde nationale parisienne! Le général en chef comte Maison a répondu au discours de M. de Montesquiou de la manière

suivante :

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Messieurs, les troupes de ligne, appelées par la confiance de S. M. à former la garnison de Paris, sont extrêmement flattées de l'honneur que vous leur faites; elles s'efforceront de mériter, par leur discipline et leur exactitude dans le service, l'estime et l'affection des habitans de la capitale; nous ambitionnerons surtout celles de la garde nationale, dont tout bon François a su apprécier les services, et admirer la conduite pendant les grands événemens qui viennent de se passer.

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Messieurs, nous sommes tous de la même famille, réunis, reconstitués sous le meilleur des Rois; citoyens et soldats, tous nos sentimens, tous nos vœux seront pour la gloire et le bonheur de notre souverain, de son auguste famille, qui assurent à jamais la prospérité de notre belle patrie. Vive le Roi ».

Une circonstance remarquable, et qui a causé une vive sensation aux nombreux spectateurs, a été de voir Mr. le duc de Berry recevoir, à la tête de son beau régiment, le prince son frère, et ensuite défiler devant lui, à la tête des chasseurs du Roi, comme colonel-général de l'arme. Toutes les troupes qui ont défilé devant LL. AA. ont obtenu l'honneur de porter la décoration du lis.

ORDRE DU JOUR.

Paris, le 16 juin 1814.

Le ministre de la guerre, après avoir pris les ordres de LL. AA. RR. Mgr. le duc d'Angoulême et Mer. le duc de Berry, fait connoître, en leur nom, aux corps qui sont entrés aujourd'hui dans la ville de Paris, et dont les Princes ont passé la revue aux Champs-Elysées, que LL. AA. RR. sont entièrement satisfaites de la belle tenue et de l'excellent esprit qui les distinguent.

S. M., daignant apprécier la fidélité et le dévouement de tous les braves qui composent les régimens d'infanterie de ligne du Roi et de la Reine, d'infanterie légère du Roi et de la Reine, de cuirassiers du Roi, de dragons du Roi, de chasseurs du Roi et de Berry, et de hussards du Roi, autorise les militaires qui composent ces corps à porter la décoration du lis, qui leur sera remise par MM. leurs colonels respectifs.

La même autorisation est accordée à MM. les officiersgénéraux et officiers d'état-major de ces deux divisions, comme une marque de la satisfaction de S. M.

Le ministre et secrétaire d'Etat de la

guerre, Comte DUPONT.

On assure que M. le comte de Vaugiraud, cordon rouge, et lieutenant-général de la marine royale, est nommé viceamiral et gouverneur de la Martinique. Cet officier n'a point quitté nos Princes depuis le moment de leur départ de France.

se distingua dans la fatale expédition de Quiberon, et fut chargé du commandement de l'île d'Yeu, en 1795, sous les ordres de MONSIEUR, comte d'Artois. Son fils unique est mort à la fleur de son âge dans la guerre de la Vendée; son frère, le marquis de Vaugiraud, a péri dans les massacres de septembre, victime de sa fidélité pour son Roi. On dit également

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