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quelques questions auxquelles nous ne pouvons mieux répondre qu'en donnant des détails circonstanciés sur une portion de l'histoire ecclésiastique des temps modernes, qui est peu connue, qui mérite de l'être, et qui se rattache directement à l'objet de notre Journal.

La religion catholique a cessé depuis long-temps d'être dominante en Angleterre, mais elle y a encore conservé des partisans zélés. Au milieu du feu des persécutions et des troubles des guerres civiles, l'ancienne foi s'est maintenue parmi quelques familles privilégiées. Elisabeth s'étoit efforcée vainement de la détruire. Elle avoit été secondée, à cet égard, par les préjugés et l'antipathie de la majorité de la nation; mais leurs efforts réunis n'avoient pu déraciner entièrement une croyance si long-temps respectée. Les catholiques se sont maintenus en assez grand nombre dans plusieurs parties de l'Angleterre, et notamment à Londres, dans le comté de Lancastre et dans celui de Stafford. Il est difficile de donner des renseignemens bien précis sur leur nombre total. Des relevés faits en différens temps dans le cours du siècle dernier , par ordre du parlement, ne les portent qu'à soixante et quelques mille. Mais il ne paroît pas qu'on doive ajouter une entière créance à ces renseignemens pris dans un temps de persécution, et auxquels on parvenoit aisément à se soustraire. M. Berington, dans ses écrits, porte aussi le nombre des catholiques à peu près au même taux; mais cet écrivain, trop vif et trop partial pour être exact, n'est plus regardé que comme une autorité suspecte et trompeuse. Sans prétendre donner une évaluation juste du nombre des catholiques répandus en Angleterre, nous

dirons, d'après le témoignage d'un prélat que nous avons consulté, qu'il y a à Londres et dans les envi→ rons, quatre-vingt mille catholiques. Cette estimation résulte des naissances, décès et mariages, et est par conséquent aussi exacte que possible.

Sous Jacques I, on divisa l'Angleterre en quatre districts, et on mit à la tête de chacun pour le gouverner, un évêque avec un titre in partibus infidelium, et la qualité de vicaire apostolique. Ces évêques sont indépendans les uns des autres, et sont nommés. par la congrégation de la Propagande, qui pourvoyoit à leur entretien. Les premiers de ces évêques furent MM. Leyburn, Giffard, Smith et Ellys. Ils ont eu des successeurs, et malgré les temps fâcheux de persécution où on se trouvoit, on a continué à pourvoir aux besoins des catholiques. Plusieurs des vicaires apostoliques, que le Saint-Siége leur a donnés, ont été des hommes connus par de bons ouvrages. MM. Hornyold, évêque de Philomélie, et Walton, évêque de Tracon, ont laissé des écrits dont les catholiques font encore aujourd'hui grand cas. M. Challoner, évêque de Dibra, et vicaire apostolique du district de Londres, fut recommandable par son zèle, ses talens, et par un grand nombre de livres, soit de controverse, soit de piété. A une époque plus récente encore, M. Walmesley, évêque de Rama, et vicaire apostolique du district de l'ouest, s'est distingué aussi par son zèle à maintenir les droits de l'épiscopat, et par son explication de l'Apocalypse, qui a été publiée sous le nom de Pastorini. Ce pieux et savant évêque étoit de la congrégation des Bénédictins anglois. Il est mort en 1797. Les vicaires apostoliques qui gouvernent aujourd'hui les quatre districts, n'ont point

dégénéré du mérite de leurs prédécesseurs. Ce sont MM. Gibson, Milner, Poynter et Collingridge. Le premier gouverne le district du nord, sous le titre d'évêque d'Acanthe. Le second est évêque de Castabala, et chargé du district de Milieu. Il a composé beaucoup d'ouvrages, la plupart de controverse, et dont plusieurs ont eu un succès mérité. Il réunit beaucoup de zèle à beaucoup de connoissances, et a soutenu plus d'une fois les intérêts de la religion. M. Poynter, évêque d'Halie, a succédé, il y a deux ans, à M. Douglass dans le vicariat de Londres, où il étoit coadjuteur de ce prélat. On l'a vu dernièrement à Paris, où il étoit venu pour une cause qui fait honneur à son zèle, et il a paru à quelques cérémonies où l'on a été frappé de sa figure noble, imposante, et qui annonce à la fois la gravité et la douceur. Il étoit accompagné d'un de ses grands-vicaires, et est retourné promptement à Londres, après avoir rempli l'objet de son voyage. Le quatrième évêque est M. Collingridge, qui est vicaire apostolique du district de l'ouest. C'est un religieux; un usage assez constant voulant que les évêques de ce district soient pris dans l'état religieux.

Il s'est élevé, il y a quelques années, une question assez vive parmi les catholiques anglois, sur un point qui n'est pas sans importance. Nous ne prétendons pas juger ce différend. Nous ne ferons que rapporter les principaux faits, en laissant à l'autorité le soin de décider. Mais nous pouvons d'autant moins nous dispenser d'entrer, à cet égard, dans quelques détails, que des journaux ont publié quelques circons tances de ces faits, circonstances qui ont été mal saisies, parce qu'elles étoient isolées, sans suite, et qu'on

n'a fait connoître le véritable état de la question pas Ainsi, ce qu'on a dit sur ce point n'a pu être entendu, et ne l'a pas été en effet. Il est bon de rectifier les idées du lecteur sur ces matières. Ce que nous allons en dire est puisé dans les sources même.

La question de l'émancipation entière des catholiques anglois occupe depuis quelque temps les esprits. Cette émancipation est sollicitée par les hommes les plus sages de la nation, aussi bien que par les vœux des catholiques; mais elle a été arrêtée jusqu'ici, d'abord par les dispositions particulieres du Roi, ensuite par l'opposition de quelques anglicans zélés. On la proposa de nouveau, il y a quatre ans; mais alors les défenseurs les plus distingués de la cause catholique au parlement, étoient en désunion avec leurs cliens, et surtout avec les évêques. Les avocats des catholiques, dans la chambre des communes, attachoient à l'émancipation quelques clauses qui déplaisoient à plusieurs. Ils y faisoient prêter serment aux ecclésiastiques de n'avoir avec la cour de Rome aucune correspondance qui pût troubler le gouvernement ou l'église protestante. Ils établissoient un comité qui examineroit cette correspondance. Enfin, ils accordoient au Roi un veto dans la nomination des évêques. Ces concessions furent jugées diversement par les catholiques. Plusieurs, en Angleterre, les regardèrent comme admissibles. Mais elles parùrent à d'autres un joug intolérable. Les catholiques irlandois surtout s'y montrèrent fort opposés. Les évêques de ce pays se prononcèrent, à cet égard, de la manière la plus formelle. Ils se réunirent plusieurs fois, à Dublin et ailleurs, pour manifester leur improbation du veto.. Ils l'avoient déjà blâmé dans leur assemblée du 14

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septembre 1808; ils renouvelèrent ce jugement dans leur réunion du 24 février 1810, où se trouvoient løs quatre archevêques et douze autres évêques. De là des discussions, des écrits et des controverses qui agitèrent les esprits. M. Milner fut un de ceux qui se donna le plus de mouvement en cette occasion. II étoit l'agent des évêques irlandois en Angleterre, et il mettoit dans cette commission l'ardeur de son zèle et la vivacité de son caractère. Nous avons vu de lui une explication avec M. Poynter, dans laquelle il y a des raisons et des faits sur lesquels nous ne devons pas prononcer; mais aussi, ce semble, un peu trop de chaleur.

Toutefois ce différend entre les catholiques, ou plutôt cette diversité d'opinion, n'eut point de suites aussi fâcheuses qu'on auroit pu le craindre. La négociation au parlement échoua. Un petit nombre de voix de plus que la majorité écarta l'émancipation sollicitée, qui ne peut plus être présentée dans la même session. On croit que ce sera pour l'année prochaine. En attendant les évêques ont désiré avoir de nouvelles lumières et des avis qui les dirigeassent sur les questions qui les avoient divisés. M. Poynter en a écrit

Rome, où, en l'absence du souverain Pontife, on avoit laissé encore quelques prélats qui étoient fort gênés dans l'exercice de leurs fonctions, mais qui trouvoient encore le moyen de rendre quelques services à l'Eglise, et d'entretenir quelque correspondance au dehors. Tous les cardinaux membres de la congrégation de la Propagande avoient été expulsés; mais Mgr. Quarantotti, secrétaire de cette congrégation, étoit resté à Rome avec le titre de vice-préfet. Consulté par M. Poynter, sur les points controversés

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