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planche secourable, et qui, tirant le bien de l'excès même du mal, nous a fait luire, comme par enchantement, des jours sereins, quand nous étions au plus fort de la tempête.

Quel plus grand exemple pouvions-nous avoir de la puissance miséricordieuse du souverain maître des hommes et des choses! quelle étonnante révolution dans toutes les circonstances qui l'ont accompagnée! Il semble que le ciel eût inspiré à celui dont il se servoit pour nous châtier, cet esprit de vertige et d'erreur, avant-coureur d'une chute certaine. L'ivresse de son ambition et les illusions de son orgueil l'ont conduit à sa ruine. Il a consumé, dans des projets insensés, les troupes qui faisoient sa force et son appui. On diroit qu'il s'est entendu avec ses ennemis pour hâter sa perte. La manie des conquêtes l'a aveuglé. H avoit dit comme Assur: Je vais déployer la force de mon bras et la supériorité de mes conseils. J'irai dans les contrées les plus éloignées, je bouleverserai les peuples, et j'arracherai les rois de leurs trónes. Dans sa folle jactance, il affectoit les formes ambitieuses d'un oracle, en même temps que dans son imprévoyance il s'avançoit en insensé, sans calculer ni les distances, ni les rigueurs du climat, ni les besoins des vivres, ni les forces humaines. Bientôt il lui fallut revenir honleusement sur ses pas. Il vit disparoître par milliers, dans les neiges, les malheureuses victimes de son im

prudence et de son orgueil, et il s'échappa lâchement du milieu des dangers où il les avoit précipitées. Depuis, tout concourut à dissiper les illusions et l'enchantement qu'avoient pu produire son charlatanisme et ses succès. Ce colosse de puissance fut sapé de toutes parts. L'Europe entière se ligua contre l'ennemi commun. En vain il appela à son secours les dernières ressources de la tyrannie expirante. Les levées en masse, les violences, le pillage, les mesures les plus furieuses et les plus arbitraires prouvoient son impuissance et ses craintes. Il avoit aliéné le cœur des peuples; il se trouva au moment de la crise sans défense, et il tomba sans exciter ni intérêt ni même de pitié. Nous pouvons encore dire ici avec Isaïe: Le Seigneur a brisé cette verge superbe qui frappoit les peuples et les rois. La terre va jouir enfin du repos. Elle se livre à la joie. Les cèdres méme du Liban se félicitent en disant : on ne nous abattra plus. Les princes admirent la chute de celui qui les avoit si long-temps menacés d'un pareil sort. Ton orgueil a donc été humilié à son tour, lui dirent-ils.

Mais oublions l'artisan de nos maux, et abandonnons-le au mépris et à l'horreur qu'il mérite. Attachonsnous plutôt à suivre et à reconnoître les bienfaits de la Providence dans cette suite d'événemens inespérés. Les habitans de Paris surtout ont de plus grandes actions de grâces à rendre pour leur délivrance. C'est-là

que

la tyrannie, vue de plus près, étoit plus odieuse. C'est-là que sa chute pouvoit être accompagnée de plus de désastres. C'est-là, au contraire, qu'elle s'est opérée de la manière la plus douce. Le ciel a permis que celui dont nous avions tout à craindre, fût alors absent. S'il eût été au milieu de nous, il eût provoqué une résistance insensée, qui auroit appelé sur nous la vengeance, la destruction et le pillage. Il l'avoit annoncé. Son éloignement a permis de suivre les conseils de la prudence. Des vainqueurs généreux ont consenti à une capitulation inespérée. Cent mille hommes se sont arrêtés devant ces foibles remparts qu'ils pouvoient si aisément franchir. Qu'on nous explique comment ce torrent, qui devoit nous engloutir, a respecté une digue impuissante; comment cette masse de guerriers, animés par tant de combats et ulcérés par tant d'injures, s'est calmée tout à coup ; comment cette invasion si redoutable s'est changée subitement en un triomphe et en un jour de fête. Paris n'a eu à gémir d'aucun excès, et sa paix n'a point été troublée. Nos conquérans sont entrés parmi nous en amis. On eût dit que c'étoient des frères qui revenoient dans leurs familles après une longue absence. Ils étoient couverts des symboles de la paix, et leurs fronts n'annonçoient que la concorde et la joie. Leurs souverains, à leur tête, leur donnoient l'exemple de la bonté et de la clémence. On les a vus, accessibles et affables, s'en

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tretenir avec les moindres habitans, sourire à la foule qui se pressoit autour d'eux, et déployer une familiarité noble, une curiosité à laquelle nous n'étions plus accoutumés, et un air de satisfaction et d'allégresse qui se communiquoient rapidement. Ils ne sentoient pas, ceux-là, le besoin de se relever en affectant de l'arrogance et de l'orgueil, et on ne pouvoit assez s'étonner de voir l'union, la confiance, la cordialité, la joie, régner dans cette marche qui eût pu être si funeste à la capitale, et être marquée par la terreur, le sang et le pillage. Qui a amené ces souverains des extrémités du monde ? qui leur a prescrit cette honorable alliance et ce concert si noble et si rare? qui leur a inspiré cette clémence magnanime et si peu méritée? qui a éteint subitement la foudre qu'ils portoient? qui leur a dicté ces belles paroles : L'Europe en armes attend votre choix et vos vœux? Voilà ce qui nous sollicite plus puissamment d'adresser les plus vifs remercîmens à l'auteur de tout bien, au souverain maître des cœurs, à celui dont les rois exécutent les décrets éternels, et qui juge les peuples dans sa miséricorde.

Ce bienfait signalé de la Providence n'étoit que le prélude d'un autre bienfait qui doit être vivement senti, et qui le sera universellement. Cette entrée des troupes alliées, et ce triomphe de leurs magnanimes souverains, n'étoit qu'une préparation à une autre entrée et à un autre triomphe. La France, veuve de ses sois,

étoit, depuis plus de vingt ans, livrée à toutes le agitations des partis. Victime tour à tour de l'anarchie et du despotisme, successivement en butte aux fureurs populaires et à la rage des conquêtes, elle avoit vu le plus pur de son sang couler, tantôt sur des échafauds, tantôt dans des combats sans cesse renaissans. Fatiguée de ces secousses, versant des larmes amères sur la perte de ses enfans, elle appeloit de tous ses vœux un gouvernement sage et doux, qui substituât la modération à la force, les lois à l'arbitraire, la justice à la violence, la paix à un état de guerre permanent, qui senţît le besoin du repos, de la stabilité, de l'ordre, et qui fit cesser ces agitations perpétuelles, ces inquiétudes, ces variations, et surtout cette effroyable consommation d'hommes que chaque année voyoit envoyer à la boucherie, et qui portoit le deuil dans les familles, la solitude dans les campagnes, l'épouvante dans toutes les classes. Tous les souvenirs se reportoient sur cette famille ancienne qui avoit donné à la France tant de rois, et à laquelle nous devions saint Louis et Henri IV; sur cette famille que ses malheurs rendoient encore plus intéressante et plus chère, et que le ciel sembloit tenir en réserve pour l'amener à notre secours quand le temps marqué dans ses décrets seroit enfin arrivé. Aussi, à peine un prince de cette maison reparut-il sur le sol françois, que tous les regards se tournèrent vers lui. La marche victo

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