Page images
PDF
EPUB

» quelles je dois toute ma reconnoissance pour une fidélité >> aussi constante que généreuse ». Signé, Moi LE ROI.

Dans la matinée d'hier, un corps de troupes est sorti de la ville pour recevoir Ferdinand VII, qui doit arriver par la route de Valence; bientôt après, le cardinal de Bourbon, président de la régence, et le senor Layendo, ministre d'Etat, allèrent au-devant de S. M.

Aujourd'hui on a célébré dans l'église de Sainte-Marie, un service solennel en actions de grâces, auquel la régence et les cortès ont as-isté. Ils s'étoient réunis dans la salle du congrès, d'où ils se rendirent en procession à l'église à travers un concours immense de spectateurs, et entre deux lignes de troupes. Ils étoient accompagnés des grands et des généraux du royaume, ainsi que de LL. EE. l'ambassadeur anglois et les envoyés de l'Autriche et du Portugal. Toutes les maisons, sur leur chemin, étoient ornées de tapisseries. Cette solennité excita l'enthousiasme dans la foule qui remplissoit les rues."

[ocr errors]

Du 4 avril. Assemblée des cortès. - Une lettre du général Copons, en date du 30, porte que S. M. et l'infant don Carlos continuent de jouir de la meilleure santé, mais que l'infant don Antonio est tombé malade à Mataro; cependant cette indisposition donne d'autant moins d'inquiétude, que les méde cins ont assuré que le prince pourroit continuer son voyage le 1er avril.

Sur la motion du président, il a été résolu qu'il seroit donné avis au gouvernement de la part que les cortès ont prise à ces nouvelles.

L'ordre du jour ramène la discussion sur la liste civile: la régence est d'opinion que, considérant l'état de la nation espagnole et la dignité du roi d'Espagne, S. M. doit avoir annuellement 40 millions de réaux et six millions pour l'établissement de la maison royale, et que les infans d'Espague jouiront de 150,000 ducats pour leur maison.

Du 5.- On a lu des dépêches du lord Wellington, concernant le combat qui a eu lieu près de Conchez; elles ont excité une joie très-vive.

Du 6. Des lettres du gouvernement civil de Catalogne et d'Aragon annoncent que le roi a résolu de passer par Reuse, Sarragone, Lérida, Téruel et Valence.

Les ambassadeurs d'Angleterre et de Portugal sont partis pour Valence, où ils doivent attendre le roi.

Sur S. M. le Roi Louis XVIII.

La famille auguste, dont le retour fait en ce mo ment le sujet de la joie générale, est l'objet d'un intérêt bien vif et d'une curiosité bien légitime. On se plaît à connoître, et les sentimens qui ont occupée pendant son exil, et les différentes épreuves qu'elle a subies jusqu'au moment où elle vient d'être appelée au trône d'une manière si miraculeuse. C'est pours satisfaire cette juste curiosité, que nous allons entrer dans quelques détails sur le Roi, objet en ce moment de tant de voeux et d'hommages.

Louis-Stanislas-Xavier de France, naquit à Versailles, le 17 novembre 1755, et porta long-temps' le titre de MONSIEUR, comte de Provence: il étoit le quatrième fils de ce sage et vertueux dauphin, enlevé par une mort prématurée. Il étoit le frère puîné de ce malheureux Louis XVI, dont nous avons si mal payé la bonté, la vie pure et irréprochable, l'amour pour ses peuples, le désir de faire le bien, les vertus morales et chrétiennes. Le Roi actuel a beaucoup de rapports de caractère avec cette illustre victime de la révolution. Il avoit aussi montré, au commencement de nos troubles, les mêmes vues conciliantes et modérées, qui ont si mal réussi à l'un et à l'autre. Il étoit populaire, et il resta parmi nous jusqu'au moment où il n'y eut plus d'espérance de le faire impunément. On se rappelle qu'il partît en même temps que Louis XVI. Mais il suivit une autre route, et le ciel permit qu'on ne mit pas d'importance à empêcher sa sortie de France. Tandis que le Roi étoit arrêté à Varennes, MONSIEUR arrivoit heureusement en Flandres, et il

Tome I. L'Ami de la Relig. et du Roi. No. IV.

[graphic]
[ocr errors]

alla joindre le prince son frère, et le grand nombre. de gentilshommes françois qui avoient trouvé un asile dans les Etats de l'électeur de Trèves. Là ils cherchèrent vainement à lutter contre les progrès d'une révolution, qui devenoit de jour en jour plus grave et plus effrayante. Ils entendirent gronder l'orage sans pouvoir le conjurer, et ils gémirent sur les déchiremens des partis, et sur les crimes qui souillèrent leur patrie. Bientôt même ils furent forcés de quitter leur asile sur les bords du Rhin, et de s'enfoncer dans l'Allemagne à mesure que les armées françoises s'avançoient vers ce pays. Ils résidèrent successivement en différens lieux. MONSIEUR, devenu Roi, demeura quelque temps à Vérone, et on se rappelle avec quelle noble fermeté il écrivit au sénat de Venise, quand celui-ci lui intima l'ordre de sortir des Etats de la république. Sa lettre fut publiée, à cette époque, dans les journaux, même en France, et fut applaudie par ce caractère de dignité qui honore un prince dans l'infortune. D'Italie, le Roi passa en Allemagne, et depuis en Russie, où un monarque généreux lui fit un traitement analogue à sa dignité. C'est-là qu'il resta plusieurs années avec quelques françois fidèles à sa fortune. Il y fut joint par l'abbé Edgeworth, ce digne ecclésiastique qui avoit rempli, auprès de Louis XVI, un courageux et triste ministère, et qu'on ne pouvoit voir sans être pénétré de respect pour sa vertu, d'estime pour son noble caractère, et d'attendrissement pour les récits touchans qu'on aimoit à entendre de sa bouche (1). Il y fut joint plus tard par MADAME, fille

(1) M. Edgeworth mourut, dit-on, à Mittau, en 1807, des suites d'une maladie qu'il contracta dans les hôpitaux où il alloit donner des secours aux prisonniers françois.

de Louis XVI, échappée seule aux désastres de sa famille, après trois ans de captivité, de deuil et de larmes. Elle avoit été renvoyée à Vienne, et le Roi souhaitoit ardemment de la revoir, et de l'unir à un prince de son sang. Il lui sembloit que l'héritière de tant de souvenirs ne devoit point passer à une alliance étrangère, quelque nécessaire qu'elle parût pour lui procurer un appui, et la princesse elle-même souhai toit de ne point changer de famille et de patrie. Elle consentit à s'unir au sort de l'héritier de son nom, et à venir partager l'exil de sa maison. Elle arriva à Mittau en 1799. Quelles durent être les pensées de ces augustes proscrits, en se revoyant après de si grandes catastrophes ! Ils confondirent ensemble leurs larmes, seul langage qu'eut d'abord leur douleur. La reine vivoit encore. Elle regarda la jeune princesse comme sa fille, et les fidèles serviteurs de leur Roi furent consolés un instant, en revoyant celle qui leur rappeloit des personnages si chers. Sa grâce, sa bonté, ses malheurs, les traits de ressemblance qu'on lui trouvoit avee d'illustres victimes, les sentimens tendres et religieux qu'elle montroit, tout contribuoit à lui gagner les coeurs. Le 10 juin 1799, son mariage avec M. le duc d'Angoulême fut célébré à Mittau, par le cardinal de Montmorency, évêque de Metz, et grand-aumônier. Le Roi lui servit de père dans cette cérémonie si touchante par les réflexions qu'elle faisoit naître, et chacun ne pouvoit retenir ses larmes en songeant qu'une fille de France, et un prince issu comme elle du sang des Bourbons, n'avoient pu trouver qu'à 600 lieues de leur patrie un autel pour recevoir leurs sermens.

[ocr errors]

A la fin de la même année, les cardinaux assemblés

à Venise, écrivirent, le 8 octobre, au Roi, suivant l'usage, pour lui annoncer la mort de Pie VI, et la tenue prochaine du conclave. Louis XVIII leur répondit, le 24 novembre. On remarque que dans sa lettre, tout en déplorant les malheurs de Pie VI, il insiste sur les témoignages de respect et d'intérêt que reçut ce pontife en France. On y voit, qu'il aimoît à rendre justice aux François, et à ne point rendre la nation responsable des crimes de ses oppresseurs. On y voit, qu'il n'avoit point désespéré de la Providence, et qu'il comptoit sur son secours, en même temps qu'il le méritoit par ses sentimens religieux, et par sa noble résignation dans le malheur. Il eut, quelques années après, une nouvelle occasion de montrer son courage et sa constance à maintenir ses droits et ceux de sa maison. En 1802, Bonaparte, qui marchoit à grands pas au pouvoir absolu, mais qui sentoit le besoin de fortifier ses prétentions, et de s'entourer de quelque apparence de légitimité, fit proposer secrètement au Roi de lui céder ses droits au trône de France moyennant des dédommagemens. Louis XVIII repoussa avec dignité des offres qui lui parurent incompatibles avec son honneur, et tous les princes de sa famille s'empressèrent d'applaudir à sa résolution, et de manifester leur vœu de ne jamais transiger sur leurs droits. Leurs lettres, bien dignes de chevaliers François, furent imprimées dans le temps dans les journaux étrangers, et elles se trouvent entr'autres dans le Nouveau Registre annuel (1), ouvrage périodique qui s'imprime en Angleterre. La lettre du Roi porte particulièrement un

(1) New annual Register. Cet ouvrage est à la bibliothèque du Roi.

« PreviousContinue »