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caractère de modération, en même temps que de vigueur. Il y parle avec mesure d'un homme qui ne s'étoit pas encore souillé, ni du sang d'un Bourbon, ni de celui de tant de malheureux sacrifiés à son ambition. Ce fut en 1804, que la France et l'Europe le virent avec effroi donner, par un crime inutile, la mesure de son caractère. L'indignation fut générale. En morale, c'étoit un attentat horrible sans prétexte; en politique, c'étoit une terrible école sans excuse. C'étoit être bien mal avisé que d'arriver au trône par une telle route, et de prétendre conquérir les suffrages sous ces sanglans auspices.

Louis XVIII dut être plus sensible que personne à cet affreux événement. Il perdoit un prince aimable et généreux, qui auroit pu être l'appui du trône et l'honneur de son pays. Dès-lors il ne vit dans Bonaparte qu'un assassin, et dans l'usurpateur heureux qu'un tyran coupable, indigne de commander à une nation généreuse. Dès-lors il ne voulut avoir rien de commun avec l'ennemi de sa famille. Le roi d'Espagne, Charles IV, ayant envoyé au nouvel empereur l'ordre de la Toison d'Or, Louis XVIII, qui avoit reçu autrefois ce même ordre de Charles III, jugea qu'il ne lui convenoit plus de porter une décoration qu'il regardoit comme avilie. Sa lettre au roi d'Espagne est noble et vigoureuse. Il lui renvoyoit la décoration. La religion, disoit-il, peut m'engager à pardonner à un assassin; mais le tyran de mon peuple doit toujours étre mon ennemi. Dans le siècle présent, il est plus glorieux de mériter un sceptre que de le porter.

Cependant les événemens de la guerre forcèrent, de nouveau, Louis XVIII à changer d'exil. Après

avoir erré quelque temps, il accepta un asile en As-' gleterre, où MONSIEUR, comte d'Artois, étoit depuis long-temps. Le gouvernement. anglois, constant dans son opposition aux vues ambitieuses de l'usurpateur, avoit accordé la plus généreuse hospitalité aux François, victimes de la révolution. Le clergé, la noblesse y avoient trouvé sûreté et protection, et les princes y recevoient un traitement proportionné à leur dignité. Le Roi trouva, dans ce pays, les mêmes égards et la même munificence dont il avoit joui long-temps sur le continent. C'est-là qu'il perdit la Reine, qui mourut, il y a environ trois ans, et dont les obsèques furent faites avec la pompe convenable à son rang. Îl habitoit depuis quelque temps le château d'Hartwell, dans le comté de Buckingham, à seize lieues de Londres. Cette terre lui fut cédée par le propriétaire, et le Roi se plaisoit à y réunir les membres de sa famille, et particulièrement MONSIEUR et ses enfans. Il a eu constamment auprès de lui Mme. la duchesse d'Angoulême, dont les soins touchans et l'aimable bonté charmoient son exil. Luimême cherchoit volontiers des distractions dans des lectures utiles. Il a toujours aimé l'étude, et a eu tout le loisir, d'abord dans une condition privée, et par la suite dans le bannissement, d'acquérir des connoissances, dont une mémoire heureuse lui fait conserver les avantages. D'ailleurs c'étoit lui qui expédioit ses affaires, qui ouvroit ses dépêches, qui y faisoit les réponses, qui donnoit des instructions à ses envoyés et qui recevoit le rapport de leur mission. Instruit à l'école du malheur, il aimoit à voir par lui-même et à entrer dans les détails. C'est ainsi qu'il a su se donner une expérience et des talens dont nous allons recueillir les fruits. Il revient parmi nous, muni de

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cette sagesse qui fait le bien sans secousse, qui guérit le mal sans violence, qui se proportionne aux temps, qui juge avec discernement des hommes et des choses. Tous les détails que nous avons sur lui, ses proclamations, sa conduite, les rapports de ceux qui ont eu l'honneur de l'approcher, annoncent la bonté de son ame et les dispositions indulgentes qu'il nous rapporte. Il arrive, comme l'a dit un de ses plus loyaux chevaliers, le testament de Louis XVI à la main, accompagné de cette princesse qui lui écrivoit après sa délivrance: C'est celle dont ils ont fait mourir le père, la mère et la tante, qui vous demande de leur pardonner. Il a été précédé par ce prince aimable, dont toutes les paroles respirent la paix et l'union, et annoncent un si noble et si beau caractère. Quel coeur françois ne s'ouvriroit pas aux plus riantes espérances, et ne voleroit pas en esprit au-devant d'une famille si intéressante par ses malheurs, d'une princesse en qui reposent tant de souvenirs, d'un Roi si respectable par sa généreuse constance dans l'infortune, et si propre à rassurer tous les esprits par son âge, par ses lumières, par sa sagesse, par sa religion éclairée, et par les nobles et beaux sentimens que lui inspireroient aujourd'hui ses magnanimes alliés, s'il n'en avoit la source dans son cœur, et s'il n'en trouvoit l'exemple dans les actions de ses illustres prédécesseurs et dans ses propres habitudes!

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARME, 12 avril. Le Pape a fait, le 30 mars, à deux heures après-midi, son entrée solennelle à Bologne. Le

préfet du département étoit allé, avec tous les membres de la préfecture, au-devant de S. S. à plusieurs milles de distance. Les autres autorités attendoient le souverain Pontife à la porte de la ville. S. S. fut reçue au bruit du canon et au son de toutes les cloches. Le clergé s'étoit rendu en procession à sa rencontre. Malgré tous les efforts de la cavalerie qui escortoit le saint Père, le peuple détela les chevaux de sa voiture, et la traîna jusqu'à l'église métropolitaine de Saint-Pierre. S. S. mit pied à terre, fit sa prière, donna sa bénédiction, et se rendit au palais archiepiscopal, où les autorités furent admises au baisement des pieds. Le soir, toute la ville fut illuminée, ainsi que le lendemain. C'étoit un spectacle attendrissant que le retour d'un Pontife vénéré après tant de tribulations. Les efforts de son ennemi n'ont servi qu'à lui imprimer ce je ne sais quoi d'auguste que le malheur a joint à la vertu.

Une circonstance peu connue, c'est que, par un décret du 10 mars, Bonaparte avoit ordonné lui-même de rendre au Pape la 38°. division, composée des départemens de Rome et du Trasimène, à condition que S. S. abandonneroit, par un acte de session, les autres parties du territoire ecclésiastique. Le Pape n'a rien voulu signer.

Pendant son séjour à Bologne, le saint Père a eu plusieurs conférences avec lord Bentinck : dans la dernière ce ministre lui offrit, au nom de S. A. R. le prince régent d'Angleterre, 50,000 sequins pour les frais de son voyage. Le Pape est parti, le 4, pour Imola. S. S. passera la semaine sainte et les fêtes de Pâques, partie à Imola, partie à Césène, sa patrie.

Les forteresses de Saint-Angelo et de Civita-Vecchia ont capitulé; les garnisons retournent en France, sous condition de ne point porter les armes pendant un an contre les alliés,

S. E. le Cardinal di Pietro, qui avoit été précédem

ment enlevé de Fontainebleau au milieu de la nuit et transféré à Auxonne, sans qu'on sût comment il s'étoit attiré cette nouvelle rigueur, a quitté son exil. Il est arrivé à Dijon, le 22 avril, et a continué son voyage vers Rome, où se rendent également, de toutes parts, les autres cardinaux, prélats et ecclésiastiques arrachés à leurs fonctions et dispersés par la violence.

-On dit que depuis la démission donnée par M. l'évêque de Metz de ses fonctions d'administrateur capitulaire du diocèse d'Aix, et dont ce prélat avoit instruit S. S. dès le commencement du mois d'avril, le chapitre d'Aix a écrit au Pape pour l'assurer de son attachement aux règles de l'Église et de son dévouement pour le SaintSiége.

-Les trois premiers mois de cette année ont vu périr un grand nombre d'ecclésiastiques qui ont été victimes de leur dévouement dans le service des hôpitaux. Il est peu de diocèses qui ne comptent à cet égard des pertes déplorables, tant par le nombre que par les qualités de ceux qui ont succombé dans ce généreux ministère. Nous pourrons donner, à ce sujet, quelques détails honorables pour la charité pastorale.

NOUVELLES POLITIQUES.

On annonce que les corps de troupes alliées ne séjourneront que peu de temps en France. On leur a donné divers cantonnemens, d'où elles se mettront en marche dans quinze jours ou trois semaines. Elles sortiront de France dans différentes directions; les Wurtembergeois par le Fort-Louis, les Autrichiens qui se trouvent dans le Midi par Bâle, ceux du Nord par Kell, les Russes par Mayence et Coblentz, les Prussiens par Cologne et Wesel. Toutes les réserves et les transports ont déjà reçu l'ordre de faire halte.

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