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chose engagée. (Cass. belge, 1er juin 1878, P., 1878, 279.) Le créancier seul contracte principalement une obligation, celle de garder et de rendre le gage après payement de la dette. Celui qui a donné le gage peut devenir accidentellement obligé (voy. infrà, no 1599);

2o Comme constituant un droit de préférence au profit du créancier qui reçoit le gage. Sous ce rapport, il faut examiner les effets du nantissement à l'égard des tiers.

1584. Les dispositions du code contenues dans le premier chapitre du présent titre (art. 2073-2083) ne sont applicables ni aux matières de commerce, ni aux maisons de prêt sur gage autorisées, et à l'égard desquelles on suit les lois et règlements qui les concernent (art. 2084). (Voy., sur les monts-de-piété, la loi belge du 30 avril 1848.)

1585. L'histoire du droit romain concernant le gage et l'hypothèque a été traitée par M. Maynz. (Cours de droit romain, 4 éd., §§ 153 et 154.)

Le contrat de gage (gagium, wadium) était usité chez les anciennes populations germaniques et au moyen âge. Les lois barbares, surtout celles des Visigoths, renferment plusieurs dispositions qui le concernent. Le débiteur remettait au créancier une chose mobilière ou immobilière pour sûreté de son droit. Si le gage était un immeuble, la mise en possession se faisait, d'après beaucoup de coutumes, avec les formalités appelées dessaisine et saisine, ou devest et vest; elle n'attribuait pas au créancier la propriété de la chose, mais seulement le droit d'en maintenir la possession jusqu'au payement de la dette, et d'en provoquer la vente en justice, si le débiteur ne payait pas.

On distinguait deux espèces de gages : le vif-gage et le mortgage. On disait : Vif-gage est qui s'acquitte de ses issues; mort-gage qui de rien ne s'acquitte; c'est-à-dire le vif-gage est celui qui s'acquitte lui-même, et dont le créancier prend les fruits en payement de sa dette; le mort-gage est celui qui ne s'acquitte pas lui-même, ou dont les fruits appartiennent au créancier, en pure perte pour le débiteur. (Loysel, Institutes coutumières, nos 483, 484.) Le mort-gage, c'était l'antichrèse, appelé aussi contrat d'engagement, par lequel on remettait au créancier la possession. d'un immeuble pour sûreté de sa créance, avec la faculté d'en

percevoir les fruits à son profit. Ce contrat, très usité au moyen âge, ayant été défendu par les lois canoniques comme usuraire, sauf dans quelques cas exceptionnels, on se servait d'une autre forme pour arriver au même résultat; le débiteur vendait son immeuble au créancier, avec faculté de rachat ou de réméré. Ce contrat était aussi appelé Contrat pignoratif. Plus tard l'antichrèse fut remplacée par l'usage des hypothèques, et le gage mobilier fut régi par les principes du droit romain sur le pignus. Les dispositions du code ont été puisées principalement dans le traité de Pothier du Nantissement et de l'Antichrèse.

CHAPITRE PREMIER.

DU GAGE. (ART. 2073-2084.)

1. DÉFINITION ET CONDITIONS REQUISES.

1586. Le contrat de gage, ou le gage, est une convention par laquelle le débiteur ou un tiers remet au créancier une chose mobilière, corporelle ou incorporelle, dans le but de donner à ce dernier une sûreté pour l'exécution d'une obligation. C'est un contrat réel, qui se parfait par la remise de la chose. Ce contrat est unilatéral; il fait naître une obligation principale seulement pour le créancier qui est nanti du gage. (Voy. suprà, no 1583.)

1587. Pour faire naître entre le créancier et le débiteur les obligations qui résultent de ce contrat, il suffit qu'une chose ait été remise au premier dans l'intention de constituer un gage. Aucune formalité n'est requise pour la validité de ce contrat entre les parties. Il peut exister et produire des obligations personnelles entre les parties, alors même qu'il n'aurait pas pour effet de constituer, au profit du créancier, le droit de se faire payer sur la chose même. Par cela seul que le créancier reçoit la chose, il contracte l'obligation de veiller à sa conservation et de la rendre éventuellement (art. 2080). Cette obligation, le créancier la contracte même dans le cas où il a reçu, à titre de gage,

une chose d'autrui, sur laquelle il ne peut pas acquérir le droit de se faire payer.

Le gage, étant une convention accessoire, suppose nécessairement l'existence d'une dette, pour sûreté de laquelle il a été donné. Le gage n'a donc pas d'existence légale, s'il n'y a pas de dette. Néanmoins, la seule remise d'une chose à titre de gage, quand même il n'y aurait pas de dette, produit entre celui qui reçoit la chose et celui qui la donne les obligations personnelles résultant de ce contrat.

1588. Pour que le créancier acquière sur la chose un droit de gage, c'est-à-dire le droit de se faire payer sur cette chose, il faut qu'il y ait : 1°une dette valable; 2° une chose susceptible d'être donnée en gage.

1589. Pour pouvoir donner une chose en gage, il faut en être propriétaire et avoir la capacité d'en disposer. (Cass. fr., 17 décembre 1873, D., 1874, 1, 145.) Cependant, le créancier qui a reçu de bonne foi, à titre de gage, une chose dont celui qui l'a remise n'était pas propriétaire, peut en refuser la restitution au véritable propriétaire, excepté dans le cas de vol ou de perte (arg. art. 2279, 1141). (Paris, 23 mai 1873, D., 1875, 1, 67 sous cass. fr., 15 avril 1874; Bordeaux, 26 mai 1873, D., 1876, 2, 23.)

1590. Entre les parties, le gage se contracte par la seule remise de la chose. (Bruxelles, 25 mars 1861, et cass., 28 mai 1861; B. J., t. 19, 637, 860; P., 1861, 317, et 29 juillet 1872, P., 1873, 18; Guadeloupe, 1er juillet 1872, D., 1874, 2, 93. Laurent, t. XXVIII, no 447.) Mais, pour que le créancier acquière un droit de préférence sur les autres créanciers, il faut la réunion des conditions suivantes :

1o En matière excédant la valeur de 150 francs, le gage doit être constaté par acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré (art. 2074). La matière excède la valeur de 150 francs lorsque la somme due dépasse ce chiffre ET que la chose engagée dépasse la valeur de 150 francs. (Duranton, no 511.) Si l'une ou l'autre est inférieure à ce chiffre, il n'est pas nécessaire que l'acte soit fait par écrit. Car la somme pour laquelle il y a conflit d'intérêt entre le créancier nanti et les autres créanciers; est, en tous cas, inférieure à 150 francs lorsque soit la valeur de l'objet mis

en gage, soit la créance ne s'élève pas à ce chiffre. (Zachariæ, § 433, note 1.)

Mais l'enregistrement n'est pas une formalité substantielle, requise pour que le gage ait de l'effet à l'égard des tiers. Il a pour but de donner date certaine au contrat et de prévenir la fraude entre le détenteur et le propriétaire du gage. La date certaine peut donc aussi être établie par une des autres causes énumérées dans l'article 1328. (T. III, no 334; Troplong, nos 196199; Cass. B., 29 mai 1868, 2 arrêts, B. J., t. 26, 760, et le réquisitoire de M. l'avocat général Faider.) Duranton, no 514, et Laurent, t. XXVIII, no 451, sont d'une opinion contraire, mais à tort. Car la disposition de l'article 2074 est conforme à celle des articles 8 et 9 du titre VI de l'ordonnance de 1673, qui n'avait jamais été expliquée et exécutée que dans l'intérêt des tiers, et pour assurer la date du nantissement, en cas de faillite du débiteur. (Gary, dans le rapport au Tribunat, n° 7, Locré, XVI, 38.) Il faut admettre, par le même motif, que la preuve du gage peut se faire par témoins ou par présomptions lorsque le titre constitutif est perdu, ou lorsqu'il y a un commencement de preuve par écrit ayant date certaine (art. 1347, 1348, 4", t. III, nos 390394). Pour avoir effet entre les parties, l'acte sous seing privé constatant le gage ne doit pas nécessairement être fait en double, Car ce n'est pas un contrat synallagmatique; le créancier seul est obligé à la restitution envers le débiteur; il suffit donc d'un écrit unilatéral entre les mains du débiteur pour prouver la remise. Mais, pour pouvoir établir son droit de préférence à l'égard des tiers, le créancier doit avoir un acte écrit, à moins que la chose ne soit inférieure à 150 francs, ou qu'il ne se trouve dans un des cas d'exception qui viennent d'être mentionnés.

C'est par application de ce principe et de la loi belge du 11 février 1816 (art. 24) que l'arrêt précité de la cour de cassation du 29 mai 1868 a décidé que l'acte de gage régulier, donné pour sûreté d'un prêt à six mois, est valable, quoique par une contrelettre le créancier ait accordé à son débiteur un terme plus long, ou que les parties aient de commun accord plusieurs fois prorogé l'échéance de l'obligation, sans soumettre ces prorogations successives à la formalité de l'enregistrement; que ces changements d'échéance n'opèrent pas novation, et que le

nantissement reste valable en cas de faillite du débiteur. 1591. 2o L'acte doit contenir la déclaration du montant de la créance pour laquelle le gage est constitué; mais il n'est pas nécessaire qu'il indique la cause ni l'époque de l'exigibilité de cette créance, ni la nature et la date de l'acte qui la constate (arg. art. 2148, no 4, et loi hypothécaire belge, art. 83, 4o). Toutefois, le gage donné pour garantir la gestion du mandataire ne doit pas nécessairement exprimer une somme déterminée. (Cass. B., 29 mai 1868, B. J., t. 26, 760 et le réquisitoire de M. Faider, avocat général.) Lorsqu'il s'agit d'une obligation de faire, il suffit de spécifier la chose due, c'est à dire l'obligation pour laquelle le gage est donné. (Même arrêt, faillite de Villegas c. Daele.)

1592. 3° L'acte doit contenir l'indication de l'espèce et de la nature des choses remises en gage; ou bien, il faut qu'il y soit annexé un état de leurs qualité, poids et mesure (art. 2074). Cette disposition est énonciative, en ce qu'elle prescrit d'indiquer la qualité, le poids et la mesure de ces choses. Il faut une désignation qui permette de distinguer suffisamment l'individualité des choses données en gage, pour que l'on ne puisse pas en substituer d'autres à leur place. Si quelques objets sont suffisamment désignés et que d'autres ne le soient pas, le gage est nul quant à ces derniers. (Bruxelles, 23 mai 1873, P., 1874, 18.)

L'état annexé, dans lequel la loi permet de désigner les choses, doit faire un ensemble inséparable avec l'acte constitutif du gage, ou bien il doit en être spécialement fait mention dans ce dernier. L'acte annexé doit aussi avoir date certaine; autrement il serait trop facile d'y substituer un autre état annexé. (Ordonnance de 1673, art. 9. Pothier, Nantissement, no 17.) La part d'un associé dans une société peut être valablement donnée en gage. (Bruxelles, 20 décembre 1874, P., 1875, 72.)

1593. 4° Il faut remise de la chose au créancier, c'est-à-dire le privilége ne subsiste sur le gage qu'autant que ce gage a été mis et est resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties (art. 2076). Autrement, le gage n'aurait pas de base solide; si le créancier, ou un tiers pour lui, n'en avait la possession, le débiteur serait maître de le lui soustraire quand il voudrait, le gage n'ayant pas de suite sur les meubles. (Voy. Bruxelles, 4 avril 1868, B. J., 26, 987.) Il suffit que le

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