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SECTION PREMIÈRE.

DES PRIVILÈGES QUI S'ÉTENDENT SUR LES MEUBLES ET LES IMMEUBLES.

1665. Les frais de justice sont privilégiés sur les meubles et les immeubles, à l'égard de tous les créanciers dans l'intérêt desquels ils ont été faits (art. 17). Ainsi, il n'y a de privilégi' sur tous les meubles et immeubles que les frais de justice fa .s dans l'intérêt commun des créanciers, c'est-à-dire dans l'intérêt de la masse des créanciers, qui auraient dû eux-mêmes en faire l'avance, pour obtenir leur payement. (Cass. fr., 29 juin 1875, D., 1875, 1, 471.) Tels sont, par exemple, les frais de scellés après faillite ou décès, les frais d'inventaire, de saisie, de vente, d'ordre, de distribution de deniers, etc. Les frais de l'inventaire dressé à la requête de la veuve commune d'un commerçant décédé ont droit au privilége des frais de justice dans la faillite du mari déclarée postérieurement. (Cass. B., 30 décembre 1875, B. J., t. 34, 113.) Car c'est par les frais de justice que le gage commun des créanciers est conservé et mis en état d'être réalisé. (Liége, 8 mars 1862, P., 1863, 355.)

Il résulte de cette disposition que les frais faits par un créancier dans son intérêt personnel, par exemple pour faire reconnaître sa créance, ne sont pas privilégiés sur la masse. Il en est de même des frais qui n'ont procuré qu'un avantage spécial à un ou à quelques-uns des créanciers, par exemple ceux faits pour la vente d'une chose donnée en gage; ces frais n'ont de privilége que sur cette chose. (Contrà, Bruxelles, 26 novembre 1868, P., 1869, 129, qui accorde le privilége aussi pour les frais de recouvrement de la créance.)

Il en résulte encore que ce privilége ne peut pas être opposé aux créanciers, qui n'ont pas profité des frais. Ainsi, lorsqu'un créancier possède un privilége spécial, susceptible d'être réalisé indépendamment de la liquidation générale de la fortune du débiteur, par exemple le créancier gagiste, on ne peut prélever sur l'objet affecté à son privilége aucune part des frais de cette liqui

dation. Par exemple le privilége du bailleur peut primer les frais de justice (art. 21).

1666. Dans le cas où les frais ont été faits dans l'intérêt de tous les créanciers, c'est-à-dire pour la masse des meubles et des immeubles, le privilége s'exerce proportionnellement sur le prix de ces deux objets, et non d'abord sur les meubles et subsidiairement sur les immeubles. (Rapport de la commission du sénat sur l'art. 17.)

1666 bis. Des controverses avaient été soulevées sur la question de savoir si l'assureur avait un privilége sur la chose asrée pour le payement de la prime d'assurance. En France, la cour de cassation a décidé que la prime d'assurance contre l'incendie pouvait, si elle avait été payée par le syndic de la faillite, gurer dans les dépenses d'administration de la faillite, et être, à ce titre, prélevée sur l'actif mobilier. (Cass. fr., 26 janvier 1875, D., 1875, 1, 52. En sens contraire: Trib. de commerce de la Seine, 14 juillet 1871, D., 1871, 3, 100.) En ce qui concerne le privilége pour la prime d'assurance d'un immeuble, la cour de Nancy a décidé que le créancier qui, sur la demande du syndic, a payé, dans l'intérêt de la faillite, la prime d'assurance d'un immeuble du failli, n'a pas, pour le recouvrement de cette avance, sur l'immeuble assuré le privilége attaché, par l'article 2102 3° du code civil, aux frais faits pour la conservation de la chose; mais qu'il a sur l'actif de la faillite le privilége accordé aux frais de justice par les articles 2101 et 2104 du même code. (Nancy, 20 décembre 1871, D., 1872, 2, 35.)

La loi belge du 11 juin 1874 sur les assurances (art. 23) porte:

<«< L'assureur a un privilége sur la chose assurée. Ce privilège est dispensé de toute inscription. Il prend rang immédiatement après celui des frais de justice.

« Il n'existe, quel que soit le mode de payement de la prime, que pour une somme correspondant à deux annuités. >>

Suivant la diversité des cas, l'assurance peut donc donner lieu à trois espèces de priviléges.

1o Si elle a pour objet un immeuble, la prime est privilégiée sur cet immeuble, et ce privilége est préféré à tous les autres ainsi qu'aux créances hypothécaires (arg. art. 17).

TOME IV.

17

2° Si la généralité des meubles a été assurée, le privilége frappe sur la généralité des meubles; il prend rang après les frais de justice et prime les priviléges indiqués sous les no 2, 3, 4 et 5 de l'article 19.

3o Si l'assurance a pour objet un effet mobilier déterminé, la prime est privilégiée sur ce meuble.

SECTION II.

DES PRIVILEGES SUR LES MEUBLES.

I DES PRIVILÉGES GÉNÉRAUX SUR LES MEUBLES (art. 19).

1667. L'article 19, en énumérant les priviléges généraux sur les meubles, en détermine en même temps le rang ou l'ordre dans lequel ils s'exercent. Il importe donc de ne pas intervertir l'ordre de cette énumération. Ces priviléges sont :

1o Les frais de justice faits dans l'intérêt commun des créanciers. Les observations faites sous le n° 1665 s'appliquent aussi à cette disposition. (Cass. fr., 24 juin 1867, D., 1867, 1, 374.)

2o La prime d'assurance pour deux annuités, si la généralité du mobilier a été assurée (loi du 11 juin 1874, art. 23; suprà, n° 1666 bis ;

3o Les frais funéraires en rapport avec la condition et la fortune du défunt. Des motifs d'humanité et des raisons de police ont fait maintenir ce privilége, qui existait déjà en droit romain, d'après les fr. 12, § 5, fr. 14, § 1 et 6, fr. 45 et 46, § 2, D., De religiosis, et sumptibus, etc., 11, 7. Il faut comprendre parmi les frais funéraires les frais de l'ensevelissement et de la sépulture, le service religieux et les honoraires du ministre du culte. Le deuil de la veuve n'est pas privilégié. Celui qui a payé les frais funéraires avec intention de les répéter peut réclamer son remboursement par privilége. Les frais funéraires ne sont privilégiés que sur les biens du défunt et non sur les biens de celui qui a commandé les funérailles. (Cass. B., 29 mars 1878, B. J., t. 36, 581 et la note; P., 1878, 197.)

1668. 4° Les frais de dernière maladie pendant un an ce sont les comptes des médecins, chirurgiens, apothicaires, gardesmalades, etc. Les commentateurs du droit romain avaient étendu le privilége des frais funéraires aux frais de la dernière maladie en s'appuyant sur les 1. 4, C., De hæreditatis petitione, 3, 31 et l. 3, C., De religiosis, 3, 44. L'ancienne jurisprudence a adopté cette

extension.

Parmi les frais de dernière maladie il faut comprendre tous les frais de maladies qui ne remontent pas à plus d'une année, quand même ils seraient dus à raison d'une maladie dont le débiteur ne serait pas mort. Après l'année, ces frais sont prescrits (art. 2272).

5o Les salaires des gens de service pour l'année échue et ce qui est dû sur l'année courante; le salaire des commis pour six mois, et celui des ouvriers pour un mois.

Le privilége des gens de service ne doit pas être étendu aux salaires de tous ceux qui louent leurs services dans les termes de l'article 1780 du code civil; ainsi, doit être annulé l'arrêt qui accorde ce privilége aux employés et travailleurs d'un établissement sucrier, sans rechercher la nature des services pour lesquels ils étaient engagés. (Cass. fr., 9 juin 1873, D., 1873, 1, 338.)

La raison de la différence entre la durée de ces divers priviléges, c'est que les commis sont ordinairement payés par trimestre ou par semestre, tandis que les ouvriers sont payés par mois ou par quinzaine. Le privilége ne s'étend pas aux sommes que le commis a déposées entre les mains de son patron à titre de cautionnement ou à un autre titre. (Bruxelles, 21 juin 1859, P., 1861, 139.)

6o Les fournitures de subsistances faites au débiteur et à sa famille, pendant les six mois. Il ne faut pas distinguer entre les livraisons faites par les marchands en gros ou par les marchands en détail. Les maîtres de pension n'ont plus de privilége. (Rapport de la commission spéciale sur cet article.)

1669. Sous le code il y avait eu souvent controverse sur la question de savoir si les époques indiquées aux trois derniers numéros étaient celles qui avaient précédé la mort, ou la faillite, ou la déconfiture. La nouvelle loi a décidé ces controverses en disposant que ces époques sont celles qui précèdent la mort, le dessaisissement ou la saisie du mobilier du débiteur.

1670. Lorsque la valeur des immeubles n'a pas été absorbée par les créances hypothécaires ou privilégiées sur les immeubles, la portion du prix qui est due est affectée de préférence au payement des créances énoncées aux nos 1667 et 1668. D'après l'article 2104 du code, ces créances étaient aussi privilégiées sur la généralité des immeubles, et elles étaient préférées même aux créances hypothécaires et aux priviléges spéciaux sur les immeubles. Aujourd'hui, ces créances ne peuvent jamais atteindre les immeubles au détriment des créances privilégiées ou hypothécaires. Ceux auxquels ces dernières créances sont dues ont eu le droit de compter sur toute la valeur des immeubles qui leur ont été donnés en hypothèque; il n'est pas juste que la sûreté du créancier hypothécaire puisse être diminuée à raison de la maladie du débiteur, ou parce que celui-ci n'a pas payé les gages à ses domestiques ou parce qu'il a reçu de ses fournisseurs des marchandises à crédit. (Rapport de la commission spéciale et rapport à la chambre.)

Ainsi les créances de l'article 19 ne sont privilégiées sur les immeubles qu'à l'encontre des créanciers chirographaires.

1670 bis. 7o Le trésor public a, pour le payement du droit de succession, un privilége général sur tous les biens meubles délaissés par le défunt. Ce privilége prend naissance au jour du décès du de cujus; il est indivisible pour toute la créance due au trésor. Il s'éteint au dernier jour du douzième mois qui suit celui dans lequel échoit le délai fixé pour la déclaration de succession. Le trésor n'a pas un droit de suite; son privilége n'existe qu'autant que les meubles sont encore en la possession des héritiers.

Le privilége du trésor prend rang après les priviléges généraux de l'article 19 et les priviléges spéciaux de l'article 20 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851. (Loi du 27 décembre 1817, art. 3; loi du 17 décembre 1851, art. 26; Bastiné, Théorie du droit fiscal, 2o partie : Droits de succession, no 328-330; 332, 333.)

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DES PRIVILÉGES SUR CERTAINS MEUBLES (art. 20).

1671. I. Pour les loyers et fermages des immeubles, pour les réparations locatives et pour tout ce qui concerne l'exécution

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