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Les principales raisons qui ont déterminé le législateur belge de 1851 à supprimer l'hypothèque judiciaire sont les suivantes :

En premier lieu, les motifs qui doivent repousser toutes les hypothèques générales. Pour une somme minime, l'hypothèque peut affecter plusieurs immeubles d'une valeur considérable et, dans l'incertitude sur lequel des immeubles pourra un jour porter la collocation du créancier, ils sont tous dépréciés. Le crédit du débiteur peut être ébranlé sans motif réel.

Mais, en principe, l'existence même de l'hypothèque judiciaire, qu'elle soit générale ou spéciale, n'est pas suffisamment justifiée. Car ce qui peut donner à une créance la préférence sur une autre, c'est ou sa qualité même, ou une convention des parties, ou son ancienneté. Par suite de l'hypothèque judiciaire, le créancier dont la créance est peut-être la moins favorable ou la moins ancienne peut se créer lui-même un titre à la préférence, en déployant contre son débiteur plus de rigueur qu'un autre; c'est donc une espèce de prime accordée à celui qui a le premier renversé le crédit du débiteur. Et ce n'est pas même toujours celui qui a poursuivi ses droits avec le plus de diligence qui obtient la priorité. Souvent la préférence dépend du hasard; car il se peut très bien qu'entre plusieurs créanciers qui ont poursuivi leur débiteur, celui qui a agi le premier soit le dernier à obtenir jugement, à cause de la complication de la procédure ou de la difficulté de la preuve.

Enfin, l'hypothèque judiciaire présente un grave inconvénient pour les commerçants. Si l'un des créanciers a obtenu jugement, et par conséquent hypothèque, les autres créanciers, qui n'ont pas la même garantie, s'empresseront de provoquer la déclaration de la faillite du débiteur et de la faire remonter à une date antérieure à l'inscription, afin de faire tomber l'hypothèque. (Rapport de la commission spéciale, chap. II, § 3.)

1730. Sous le code, cette hypothèque prenait date du jour de l'inscription (art. 2123, 2134), et une fois inscrite, elle grevait généralement tous les biens présents et futurs du débiteur. Les jugements rendus après le 1er janvier 1852 n'ont plus conféré d'hypothèque.

Mais les hypothèques judiciaires qui étaient inscrites au moment où la loi de 1851 est devenue obligatoire n'ont conservé leurs

effets et leur rang, déterminé par la date de l'inscription, qu'autant qu'elles ont été inscrites de nouveau dans l'année, c'est-àdire avant le 1er janvier 1853, conformément à l'article 83 de cette loi, avec indication spéciale des immeubles qu'elles devaient grever et en déterminant la somme pour laquelle elles étaient prises. (Dispos. transit., art. 9.)

1731. Les jugements rendus avant le 1er janvier 1852, et qui n'ont pas encore été inscrits, peuvent toujours encore l'être avec effet d'établir une hypothèque sur les biens du débiteur. Mais cette hypothèque n'aura de rang que depuis le jour de son inscription. Car la faculté de prendre cette hypothèque était un droit acquis au créancier, et la loi n'a pas d'effet rétroactif. Or, la loi ne soumet l'inscription à aucun délai. Le délai d'un an, prescrit par l'article 9 des dispositions transitoires, ne s'applique qu'aux hypothèques judiciaires inscrites d'une manière générale conformément au code civil, et auxquelles les créanciers veulent conserver leur rang; elles doivent, à cet effet, être spécialisées dans l'année. Elles peuvent être spécialisées encore aujourd'hui, mais alors elles n'ont de rang qu'à partir de l'inscription spéciale.

SECTION PREMIÈRE.

DES HYPOTHÈQUES LÉGALES.

NOTIONS GÉNÉRALES.

1732. L'hypothèque légale est celle qui résulte de la loi. C'est la loi qui en est le principe générateur sans le concours de la volonté des parties. Mais il n'en faut pas conclure que cette hypothèque produise son effet de plein droit, sans inscription, comme sous le code civil. Aujourd'hui, le véritable caractère de l'hypothèque légale consiste en ce qu'elle peut être établie et inscrite sans la volonté du débiteur.

1733. D'après le code civil, toutes les hypothèques légales étaient générales et grevaient tous les immeubles présents et futurs du débiteur; quelques-unes d'entre elles existaient d'une manière occulte, sans inscription.

Aujourd'hui, toutes les hypothèques légales sont soumises aux conditions de publicité et de spécialité.

Dans l'alternative ou de léser dans quelques cas les intérêts particuliers des femmes et des mineurs, ou de porter une atteinte permanente au crédit foncier, en grevant, d'une manière occulte, un nombre considérable d'immeubles de charges indéfinies, au préjudice des tuteurs et des maris, le code a préféré les intérêts des mineurs et des femmes. Il est vrai que le code prescrit beaucoup de mesures pour garantir l'inscription des hypothèques légales (voy. art. 2136-2139), mais si, malgré toutes ces mesures de précaution, l'hypothèque n'est pas inscrite, elle n'en subsiste pas moins. Suivant la nouvelle loi, l'existence de l'hypothèque dépend de son inscription. En ce point, on a rétabli le principe de la loi du 11 brumaire an vii.

L'hypothèque ne frappe que sur les immeubles spécialement désignés dans l'inscription, et le montant des créances et des droits à conserver doit toujours être déterminé.

1734. Les droits et créances auxquels l'hypothèque légale est attribuée sont ceux des femmes mariées, sur les biens de leur mari; ceux des mineurs et interdits, sur les biens de leur tuteur; ceux des personnes placées dans des établissements d'aliénés, sur les biens de leur administrateur provisoire; ceux de l'Etat, des provinces, des communes et des établissements publics, sur les biens des receveurs et administrateurs comptables (art. 47); les droits de succession et de mutation dus au trésor public en cas de décès, sur tous les immeubles situés en Belgique et délaissés par le défunt (loi du 27 décembre 1817, art. 3; loi du 17 décembre 1851, art. 26).

I. DES GARANTIES A FOURNIR PAR LES TUTEURS, DANS L'INTÉRÊT DES MINEURS ET DES INTERDITS (art. 49-63).

A. Observations générales.

1735. Les législateurs ont toujours considéré comme un devoir d'entourer d'une protection spéciale les intérêts de ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes. Le droit romain accordait aux pupilles et mineurs sur tous les biens de leurs tuteurs

et curateurs, une hypothèque générale dont l'origine remonte peut-être à une plus haute antiquité, mais qui a été positivement consacrée par l'empereur Constantin. Justinien a étendu ce bénéfice aux furieux sous curatelle. (Maynz, Cours de droit romain, § 158, B, 2o.) En France et dans une partie de la Belgique, on suivait l'ancien droit romain, dont les principes furent également adoptés par la loi du 11 brumaire an vii et par le code civil.

La loi hypothécaire de 1851 établit tout un système de protection des intérêts des mineurs et des interdits. Parmi les dispositions qu'elle renferme, il y en a qui n'ont aucun rapport avec le régime hypothécaire, mais qui concourent à assurer aux mineurs et aux interdits les garanties dont le législateur a voulu les entourer, afin que la suppression des hypothèques occultes ne pût porter atteinte à la protection que la société leur doit. Ces dispositions trouvent leur place naturelle dans la section VIII du chapitre II du titre X du livre ler, de l'Administration du tuteur. Il y a une lacune et une inconséquence dans la législation du code rigoureuse envers le tuteur propriétaire foncier, en soumettant tous ses biens à une hypothèque légale et générale, elle ne donne aucune sûreté aux mineurs et aux interdits, lorsque leurs tuteurs n'ont qu'une fortune mobilière.

Dans cette section, la loi prescrit plusieurs précautions à l'égard du tuteur qui n'a pas de biens immeubles, ou qui n'a que des immeubles insuffisants pour répondre de la fortune du mineur ou de l'interdit.

1736. La loi confie au conseil de famille, au juge de paix, au ministère public et aux tribunaux le soin de veiller à l'exécution des mesures qu'elle prescrit dans l'intérêt des mineurs et des interdits (art. 63).

Elle veut que les mineurs et les interdits ne restent pas sans tuteur, et que l'exécution des mesures de garantie soit assurée aussi bien à l'égard des tuteurs légaux qu'à l'égard des tuteurs datifs. A cet effet, elle devait s'assurer de la convocation du conseil de famille (voy. t. Ier, no 709).

Afin de mettre le juge de paix à même de connaître l'ouverture des tutelles, l'officier de l'état civil devra donner, dans les vingtquatre heures, connaissance de l'acte de décès qu'il a dressé, au juge de paix du canton du domicile du décédé, et lui faire con

naltre, autant que possible, s'il y a des héritiers mineurs ou absents. L'officier de l'état civil qui contreviendra à cette disposition sera puni d'une amende qui n'excédera pas 100 francs, ou le double, en cas de récidive (article additionnel à l'art. 79 du code civil).

B. Des garanties à fournir par les tuteurs qui n'ont pas d'immeubles.

1737. 1o Les articles 454-456 du code civil prescrivent au tuteur de faire déterminer par le conseil de famille la somme à laquelle commencera l'obligation d'employer l'excédant des revenus sur les dépenses du mineur; mais ces articles ne disent rien de la manière dont l'emploi devra être fait (t. Ier, no 730). Les articles 55, 56 et 58 de la loi hypothécaire prévoient les deux cas où le tuteur n'a pas d'immeubles et celui où le tuteur n'a que des immeubles insuffisants pour répondre de sa gestion. Si, lors. de sa première délibération, le conseil de famille a reconnu que le tuteur ne possède pas d'immeubles, ou n'en possède que d'une valeur insuffisante, il peut, après avoir, en exécution de l'article 455 du code civil, fixé la somme à laquelle commencera pour le tuteur l'obligation d'employer l'excédant des revenus sur les dépenses, ordonner qu'en attendant cet emploi les capitaux des mineurs et des interdits soient versés par le tuteur à la caisse des dépôts et consignations, à la diligence du subrogé tuteur ou d'un membre du conseil de famille commis à cet effet.

Si le tuteur possède des immeubles, mais qu'ils soient jugés insuffisants pour répondre de la totalité de sa gestion, le conseil de famille pourra déterminer la somme au delà de laquelle le versement devra être fait (art. 55, 56). Il a été décidé, à tort selon nous, que l'article 56 n'est pas applicable à la tutelle des père et mère. (Liége, 12 juin 1870, P., 1871, 370.)

Le conseil de famille a donc la faculté, mais non l'obligation d'ordonner le dépôt.

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Aux termes de la loi, le tuteur qui a des immeubles, mais qui a été dispensé de l'inscription hypothécaire, ne peut pas être astreint à ce dépôt.

La loi ne contient d'autre sanction de son précepte que la diligence du subrogé tuteur ou d'un membre de conseil de famille,

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