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8 novembre 1877, P., 1878, 79.) Ce qu'il y a de certain, c'est que la convention ne peut jamais constituer un louage lorsqu'il n'y a pas de prix, ni expressément ni tacitement convenu. Mais le contrat n'est pas nécessairement louage lorsqu'il y a un prix (art. 1986), de sorte que l'absence ou la stipulation du prix seule ne décide pas de la nature du contrat.

Il est encore moins juste de dire que le contrat est un louage ou un mandat, suivant que les services qui en sont l'objet sont manuels ou illibéraux, ou intellectuels ou libéraux. Il faut, pour décider cette question, avoir égard à la nature de la convention et à l'intention des parties. (Laurent, t. XXV, no 508; Liége, 20 avril 1877, P., 1877, 303.)

Le caractère distinctif qui sépare le mandat du contrat de louage consiste dans le pouvoir donné au mandataire de représenter le mandant dans des actes juridiques, de l'obliger envers des tiers et d'obliger les tiers envers lui. (Duvergier, IV, no 267; Zachariæ, § 371 bis.)

SECTION PREMIÈRE.

DU LOUAGE DES DOMESTIQUES ET DES OUVRIERS.

I. RÈGLES GÉNÉRALES.

1200. Le projet primitif du code renfermait plusieurs articles sur le louage des domestiques et sur les rapports que ce contrat faisait naître entre eux et le maître. Les auteurs du code les ont supprimés, et s'en sont rapportés aux conventions des parties et aux règles générales sur le contrat de louage. (Rapport au Tribunat, no 17, Locré, XIV, 442.)

1201. On ne peut engager ses services qu'à temps ou pour une entreprise déterminée (art. 1780). Cette règle a pour but de concilier le respect dû aux conventions avec la liberté individuelle. L'engagement des services pour toute la vie a été considéré comme une espèce d'esclavage. (Exposé de motifs, no 19, Locré, p. 416.) Il en était de même sous l'ancienne jurisprudence française. Les conventions qui éluderaient indirectement la dis

position de l'article 1780 ne seraient pas valables. Ainsi, est nul, comme contraire à l'article 1780, l'engagement illimité, pris par un ouvrier, de ne pas se livrer, dans un pays déterminé, à la même industrie que son maître, sous peine de lui payer une somme déterminée s'il venait à le quitter. (Liége, 18 nov. 1865, P., 1866, 11.)

1202. Quel est l'effet d'une convention contraire à la règle qui précède? Suivant quelques jurisconsultes, chacune des parties est libre de se prévaloir de la nullité de la convention et de se refuser à l'exécuter sans être tenue à des dommages-intérêts; seulement le temps du service écoulé jusqu'au moment où l'engagement serait rompu, devrait être payé. (Duranton, no 226.) Suivant d'autres, la nullité de cette convention n'est pas d'ordre public; elle est relative, et ne peut être invoquée que par celui qui a engagé ses services. Cette opinion est juste; car l'article 1780 ne dit pas que la convention par laquelle quelqu'un engage ses services pour la vie est nulle, mais seulement que l'on ne peut engager ses services qu'à temps, c'est-à-dire que celui qui engage ses services pour toujours n'est pas lié. Mais le maître, qui prend les services d'un domestique ou d'un ouvrier, n'engage pas ses services pour toute sa vie. L'article 1780 ne peut donc être invoqué par lui. Interprétée en ce sens, la disposition de l'article 1780 sauvegarde la liberté individuelle, tout en maintenant la foi des conventions. L'ouvrier ou le domestique engagé, qui veut exécuter son engagement, fait en cela un acte de liberté, d'autant plus qu'il ne dépend que de lui de ne pas l'exécuter. (Troplong, nos 853-856; Colmet de Santerre, t. 7, n° 230 bis, VIII.)

1203. Il suit de là que l'article 1780 n'est pas violé par la convention par laquelle quelqu'un s'engage à garder, sa vie durant, un domestique. C'est une obligation qui consiste à donner ou à faire des prestations en argent ou en nourriture, mais elle n'a pas pour objet des services de la part du maître. (Troplong, n° 857.)

1204. Il suit encore de cette solution que lorsqu'un domestique ou ouvrier a engagé ses services pour toute la vie, il peut se départir de son engagement sans payer des dommages-intérêts. Une convention nulle dès le principe ne peut produire au

cun effet; son inexécution n'en produit donc pas non plus. (Bordeaux, 23 janvier 1827.) Mais l'ouvrier peut demander le salaire pour le temps pendant lequel il a fourni ses services. Le maître, s'il rompt la convention par laquelle il a accepté l'engagement du domestique de le servir sa vie durant, est tenu aux dommages-intérêts.

II. COMMENT PREND FIN LE LOUAGE DES DOMESTIQUES ET OUVRIERS.

1205. 1° Si la durée de l'engagement n'est déterminée, ni par convention, ni par l'usage des lieux, ni par la nature de l'entreprise à faire, chacune des parties peut résilier le contrat quand elle veut, en donnant avertissement suivant l'usage des lieux (arg. art. 1736, 1757, 1759). (Paris, 17 août 1872, D., 1873, 5, 310; Cass. fr., 10 mai 1875, D., 1875, 1, 198, et 10 mai 1876, D., 1876, 1, 424.)

2o Si la durée de l'engagement a été fixée, le contrat finit par l'expiration du terme. Ni l'une ni l'autre partie ne peut rompre son engagement avant l'expiration du temps, sans être passible de dommages-intérêts. (Paris, 1er fév. 1873, D., 1873, 2, 166.)

1206. 3o Le contrat finit par l'inexécution de l'engagement de l'une des parties (art. 1741, 1184). Ainsi, le maître peut renvoyer son domestique lorsque ce dernier est incapable de faire son service ou lorsqu'il manque à ses devoirs. Le domestique peut quitter son service si le maître ne lui paye pas ses gages, s'il le maltraite par des voies de fait ou par des injures, ou s'il ne lui fournit pas les choses nécessaires à son entretien, suivant la convention ou l'usage.

4o Par la mort de l'ouvrier ou domestique (art. 1122, 1795). 1207. 5o Par l'impossibilité de faire les services ou les travaux promis. La question de savoir qui doit supporter le cas fortuit lorsqu'il est cause que les travaux ou services ne peuvent pas être fournis ne trouve pas de solution dans le texte de nos lois. D'après le principe adopté pour le louage des choses (article 1722), le locataire ne doit le loyer que lorsque l'usage de la chose lui a été fourni. Si l'usage de la chose est impossible, le contrat se résout; il n'y a pas lieu à des dommages-intérêts, mais le locataire ne doit plus le loyer. Les auteurs et la jurisprudence

appliquent le même principe au louage des travaux et services. (Pothier, no 169; Duranton, n° 232.)

1208. Le louage des services peut être prolongé par tacite réconduction. La durée de la réconduction est fixée par l'usage des lieux (arg. art. 1759).

III. DES CONTESTATIONS ENTRE LE MAITRE ET LE DOMESTIQUE OU L'OUVRIER (art. 1781).

1209. En France, l'article 1781 a été abrogé par la loi du 2 août 1868.

En Belgique, un projet de loi portant abrogation de cet article a été proposé par M. le ministre de la justice pendant la session parlementaire de 1866 à 1867 (le 28 novembre 1866) ; il a été voté par la chambre des représentants, mais rejeté par le sénat.

En cas de contestation entre le maître et l'ouvrier, le maître est cru sur son affirmation, pour la quotité des gages, pour le payement du salaire de l'année échue, et pour les à-compte donnés pour l'année courante (art. 1781). Cette disposition a été empruntée à l'ancienne jurisprudence. (Toullier, X, no 448.) Elle est exceptionnelle, en ce que le débiteur peut affirmer si et dans quelles limites la dette existe, sans que le demandeur lui défère le serment. Le législateur l'a conservée par le motif qu'il a voulu proscrire la preuve testimoniale à cause de ses inconvénients, et qu'il a considéré le maître comme méritant plus de confiance que le domestique. (Séance du conseil d'État du 14 nivôse an xii, no 4; Locré, p. 355.) Elle déroge aux règles sur la preuve testimoniale, mais non pas aux règles sur la preuve en général. Ainsi, elle n'est pas applicable lorsqu'il y a une preuve par écrit sur les points indiqués dans l'article 1781. Elle n'exclut pas non plus le serment déféré d'office dans le cas de l'article 1367 (suprà, t. III, n's 448-451).

L'affirmation dont il s'agit dans cet article est une affirmation sous serment (arrêté royal belge du 4 novembre 1814).

1210. La disposition étant exceptionnelle, elle doit être strictement renfermée dans son objet. Ainsi, elle n'est pas applicable lorsque la contestation roule non pas sur le montant des gages, ou sur le payement soit de la totalité, soit des à-compte,

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mais sur l'existence même de la convention. Alors il faut suivre les règles ordinaires sur la preuve. Il en est de même si le débat a pour objet des prêts faits par le maître au domestique, ou des avances faites par le domestique, ou des effets que ce dernier prétend avoir apportés dans la maison du maître.

1211. L'article 1781 est applicable lorsque la contestation a lieu entre le maître et les héritiers du domestique, mais non pas entre le domestique et les héritiers du maître (art. 1359), quand même ces héritiers seraient ses enfants, d'autant moins que le fait de la convention ne leur est pas personnel.

1212. L'article 1781 ne s'applique pas aux gens qui exercent des professions libérales, par exemple aux précepteurs, clercs, commis, secrétaires, etc., quand même ils seraient logés et nourris dans la maison de celui qui a pris leurs services en location. Ils ne sont pas, d'après le sens usuel du mot, compris dans la classe des ouvriers ou domestiques. (Troplong, no 887.)

SECTION II.

DES VOITURIERS PAR TERRE ET PAR EAU.

I. A QUELLES PERSONNES S'APPLIQUE CETTE SECTION?

1213. On entend par voiturier en sens général toute personne qui, pour un certain prix, se charge de transporter, en un endroit déterminé, des hommes ou des choses, soit par terre, soit par eau. Les dispositions de cette section s'appliquent donc : 1° aux entrepreneurs de voitures publiques, donc aussi aux administrations des chemins de fer; 2o aux voituriers, rouliers, bateliers, etc., dont la profession consiste à faire habituellement des transports; 3° aux commissionnaires des transports par terre et par eau; 4o aux personnes qui entreprennent accidentellement un transport.

II. DE LA FORMATION ET DE LA PREUVE DU CONTRAT AVEC LE VOITURIER.

1214. Ce contrat peut être formé expressément ou tacitement. Il est censé tacitement conclu lorsque les choses à transporter

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