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ont été remises au voiturier ou aux personnes qu'il a préposées, soit dans la voiture ou dans le bateau, soit sur le port ou dans l'entrepôt ou dans le bureau à ce destiné (art. 1783). Mais il faut que la chose ait été réellement remise à une des personnes chargées de la recevoir; il ne suffit pas qu'elle ait été placée dans le bureau ou dans l'entrepôt.

1215. On s'est demandé si les domestiques ou les conducteurs des voituriers ont mission pour recevoir les choses? Quant aux domestiques, la plupart des auteurs ne les considèrent pas comme ayant capacité de recevoir les objets. Cependant cela dépend des circonstances; ainsi ils seraient capables pour les recevoir s'ils étaient envoyés par le voiturier pour les prendre à domicile; ils seraient alors préposés. Quant aux conducteurs des voitures publiques, ils sont, à l'égard des chargements qui s'effectuent pendant la route, les seuls préposés apparents auxquels on puisse s'adresser. Mais il n'en est pas ainsi dans les lieux où il y a des bureaux de réception ou d'inscription. Toutefois, comme ceux qui remettent des objets à transporter ne peuvent pas toujours connaître les personnes ayant mission de les recevoir, on doit facilement présumer que la remise a été faite valablement, si elle a été faite à la personne fonctionnant dans les bureaux de l'entrepreneur comme si elle était préposée à la réception.

1216. Quant à la preuve, il faut distinguer :

1o La convention a été faite avec un voiturier, un commissionnaire de transport ou un entrepreneur de voitures publiques, enfin avec une personne qui fait du transport sa profession habituelle. La preuve testimoniale est admissible contre eux, quelle que soit la valeur des objets remis. Car ils sont commerçants, et le louage de transport constitue, de leur part, un acte de commerce, dont la preuve peut être faite par témoins (C. comm., art. 96-109, 632).

L'obligation que l'article 1785 impose aux entrepreneurs des voitures publiques, de tenir registre de l'argent, des effets et des paquets dont ils se chargent, ne change rien à ces règles. Les registres prouvent contre eux, mais non pour eux. Ce sont des actes unilatéraux, dont l'expéditeur ne peut pas surveiller la régularité, sauf à y ajouter telle importance que de raison lorsque ses registres sont réguliers. La non-inscription au registre

n'exclut pas la preuve testimoniale de la remise. (Voy., suprà, t. III, no 338, 339.)

1217. 2o La convention a été faite avec une personne qui ne se charge pas habituellement de ces transports, qui n'est pas commerçante. Il faut appliquer les règles ordinaires du droit civil. La preuve testimoniale ne peut être reçue si l'objet excède la valeur de 150 francs (art. 1341, suprà, t. III, no 381). L'article 1782, d'après lequel les voituriers sont assujettis, pour la garde et la conservation des choses qui leur sont confiées, aux mêmes obligations que les aubergistes, n'apporte aucun changement à cette règle. Cet article n'assimile les voituriers aux aubergistes qu'à l'égard de la garde et de la conservation des choses qui leur sont confiées, mais non pas à l'égard de la manière dont le dépôt peut être prouvé. L'article 1950, qui admet la preuve par témoins pour dépôt nécessaire même au delà de 150 francs, n'y est pas applicable. Il n'y a pas identité de raison. Car l'article 1950 est motivé sur ce que les personnes qui font un dépôt nécessaire ne peuvent pas en avoir une preuve par écrit, tandis que chacun peut facilement se faire donner un reçu du voiturier auquel il confie ses objets à transporter.

III. DES OBLIGATIONS ET DES DROITS DU VOITURIER.

1218. 1o Il doit effectuer le transport dans le délai fixé par la convention, sauf le cas fortuit. Ainsi les compagnies de chemins de fer sont passibles de dommages-intérêts envers les voyageurs qu'elles n'ont pas conduits, à heure fixe, à destination, si ce retard leur cause un préjudice. (Jug. du trib. de comm. de Sens, 5 déc. 1865, B. J., t. 24, 94.) S'il n'exécute pas son engagement, il est passible de dommages-intérêts. S'il ne représente pas les objets qui lui ont été confiés, il doit en payer la valeur intégrale, sauf convention contraire. (Voy. Zachariæ, no 11.)

1219. 2° L'entrepreneur du transport étant un conductor operis, il répond, pour l'exécution de son obligation, de toute faute. Il n'est libéré de son obligation que par la preuve que l'inexécution est arrivée par une cause qui ne lui est pas imputable (suprà, no 1143). Ainsi, lorsque les choses sont perdues ou endommagées, il faut que le voiturier prouve que la perte ou

l'avarie est arrivée par cas fortuit, ou par force majeure, ou par le vice propre de la chose, ou par un défaut de soins de la part de l'expéditeur, par exemple par un défaut d'emballage (art. 1784). Le voiturier est aussi responsable du vol, que le vol ait été fait par ses domestiques ou employés, ou par des étrangers. Il n'est pas responsable des vols commis avec force armée ou autre forcé majeure (art. 1782, 1953, 1954). Pour que le voiturier soit déchargé de son obligation, il faut qu'il fasse la preuve positive de l'événement qui a causé la perte ou l'avarie.

Le voiturier serait aussi responsable du cas fortuit lorsque ce cas fortuit n'aurait pas eu lieu sans une faute ou un dol précédent de sa part (casus culpa determinatus), par exemple, si, contrairement à la convention, il avait voyagé la nuit, et s'il avait été attaqué par des brigands. (Fr. 11, § 1, D., locati, 19, 2; Metz, 18 janvier 1815.)

1220. 3° Quant au montant des dommages et intérêts résultant de la perte d'une chose, la preuve et l'évaluation peuvent offrir des difficultés lorsque des effets précieux étaient renfermés dans un paquet ou une malle dont le contenu n'a pas été déclaré. Si la perte de la chose est constante, le juge peut déférer au propriétaire le serment sur la valeur, dans les limites et sous les conditions de l'article 1369. La responsabilité du voiturier ne doit pas être rigoureuse lorsque les objets précieux ne lui ont pas été déclarés. Il n'est tenu d'indemniser le propriétaire que dans la proportion de la valeur d'objets ordinaires.

1221. 4° La contrainte par corps peut être exercée contre le voiturier pour les dommages-intérêts auxquels il a été condamné pour perte ou avaries des choses qu'il s'est chargé de transporter (art. 2060, no 1, 1782, 1952). Cette disposition est abolie en France par la loi du 22 juillet 1867.

En Belgique, elle est aussi abolie par la loi du 27 juillet 1871, sauf pour le cas de délit et de quasi-délit commis méchamment ou de mauvaise foi, et seulement pour sommes excédant 300 francs.

1222. 5° En outre des obligations qui précèdent, les entrepreneurs et directeurs de voitures et roulages publics, les maîtres de barques et navires sont assujettis à des règlements particuliers, qui font la loi entre eux et les autres citoyens (arti

cle 1786). Ces règlements n'ont pas pour objet de régler les rapports résultant du contrat de louage. Ils sont établis dans des vues de sûreté publique. Cependant, les expéditeurs et les voyageurs sont tenus de s'y conformer et d'en souffrir l'exécution, et ils ont action pour en réclamer l'exécution, quand ils y ont un intérêt. (Voy., pour la France, les décrets des 30 floréal an xi; 28 août 1808; 13 août 1810; loi du 25 mars 1817, art. 112; ordonn. des 4 fév. 1820; 27 sept. 1827; 16 juillet 1828; et pour la Belgique, les arrêtés des 1er mars et 21 août 1818; 24 novembre 1829; 31 janvier 1838.

1223. Le voiturier a, pour le payement des frais de voiture et des dépenses accessoires, un privilége sur les choses voiturées (code civil, art. 2102, no 6; loi hyp. belge du 16 décembre 1851, art. 20, no 7). (Voy. infrà, no 1687.)

SECTION III.

DES DEVIS ET DES MARCHÉS (art. 1787-1799.).

I. NOTION.

1224. Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière (art. 1787). Si l'ouvrier fournit la matière, il y a une vente d'une chose fongible, régie par les principes sur la vente (§ 4, I., De locatione, 3, 25; fr. 65, D., De contrahenda emptione, 18, 1; fr. 2, § 1, D., Locati, 19, 2; arg. art. 1710). C'est pour ce motif que, si la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose (art. 1788). L'ouvrier reste propriétaire de la chose commandée, jusqu'à ce qu'elle ait été achevée et remise à celui qui l'avait commandée. (Cass. fr., 20 mars 1872, D., 1872, 1, 140.)

1225. Lorsque l'ouvrier fournit en partie le travail et en partie les matériaux, il y a un contrat mêlé de vente et de louage. Ainsi, si un architecte s'est chargé de bâtir une maison et d'en

TONE IV.

fournir les matériaux, le contrat constitue un louage irrégulier, parce qu'il y a aussi transmission de propriété, en ce que les matériaux employés à la construction deviennent la propriété du maître. (Fr. 22, § 2, D., Locati, 19, 2) Le contrat n'est pas une vente dans ce cas, parce que le principal de la construction, qui est le sol, a été fourni par le maître.

1226. Les règles contenues dans cette section s'appliquent non seulement au contrat intervenu entre le maître et l'entrepreneur d'un ouvrage, mais aussi aux conventions qui ont lieu entre le principal entrepreneur et les sous-entrepreneurs, tels que maçons, charpentiers, serruriers et autres ouvriers, ou entre ces derniers et le maître, lorsqu'ils font directement des marchés à prix fait; ils sont alors entrepreneurs dans la partie qu'ils traitent (art. 1799).

II. EFFETS DE CES CONTRATS.

A. Pour l'entrepreneur (conductor operis).

1227. 1. L'entrepreneur est obligé d'exécuter l'entreprise dans le temps convenu et de le bien faire, conformément à la convention, de manière qu'elle soit trouvée bonne par des experts à l'approbation desquels elle pourra être soumise. Il peut la faire exécuter par d'autres personnes, à moins que le contrat n'ait été fait avec lui en considération de son talent personnel. Il répond de toute faute, tant pour lui-même que pour les personnes qu'il emploie (art. 1789, 1797), c'est-à-dire si l'ouvrage vient à périr par sa faute, il supporte non-seulement la perte de son travail et des matériaux, s'il les a fournis, mais il est encore tenu des dommages-intérêts pour inexécution de l'obligation. Si les matériaux ont été fournis par le maître et qu'ils ne puissent plus servir, l'ouvrier doit les payer.

1228. 2. Quant à la question de savoir qui doit supporter le dommage, lorsque l'ouvrage vient à périr par cas fortuit, il faut distinguer :

A. L'ouvrier fournit la matière, il y a vente, et la chose est aux risques de l'ouvrier jusqu'à la livraison, ou jusqu'à ce qu'elle ait été agréée par le maître (Suprà, n° 1224.) S'il s'agit d'un ouvrage

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