cipaux, ont eu autrefois le privilège à l'exclufion de tous les autres Bachas, de faire porter devant eux ( de même que le Grand Vifir) les trois queues de cheval dont j'ai raconté l'histoire. Mais ce privilége s'étend à prefent aux deux autres Bachas de Natolie & de Romanie, & ils font tous cinq égaux de ce côté-là. Je reviens au Grand Vifir, qui a une Cour magnifique qui répond à la grandeur du Maître qu'il fert, & fa Maison eft compofée de plus de deux mille domeftiques. Quoi qu'il foit fujet comme les autres Bachas à effuyer la colere du Prince, & contraint de lui donnner fa tête quand il la demande; toutefois le Grand Seigneur dans les affaires importantes & qui concernent l'Etat, défére beaucoup aux fentimens de fon Grand Vifir,& fes propofitions au Confeil font autant d'Arrêts. C'eft ce qui rend fon pouvoir fi abfolu, que dans tous les Empires & les Royaumes du monde il ne fe trouve point de premier Ministre, dont l'autorité puiffe aller du pair avec celle du Grand Vifir. Qui que ce foit, qui le vienne vifiter, il ne fe leve point, ni pour le recevoir ni pour le conduire, fi ce n'eft le Mouphti qui eft le Chef de la Loi, pour qui le Grand Seigneur même fe leve auffi. Mais ceci principalement eft digne d'être obferve; que comme il n'appartient qu'au Grand Vifir de propofer toutes les affaires d'importance, il doit bien prendre garde de n'avancer rien qui dé plaife au Grand Seigneur : car a

me temps fans lui rien répondre, il le feroit étrangler, fur cette maxime de la Cour Othomane,qu'il ne faut rien propofer au Prince dont il fe puiffe fâcher. Privilege Le Caïmacan eft le Capitaine & Gouparticu- verneur de la Ville de Conftantinolier du Carma ple, Lieutenant du Grand Vifir; mais

an.

des vrais

qui n'a point d'autorité qu'en fon abfence: Alors il fait toutes les fonctions de cette importante charge, il commande abfolument, & donne audience aux Ambaffadeurs. Il n'eft pas fujet comme les autres Bachas à la dure neceffité de donner fa tête ; parce que s'il fait quelque chofe qui déplaife au Grand Seigneur,il en rejette la faute fur le Grand Vifir de qui il reçoit les ordres.

Le Bacha de la Mer eft l'Amiral & le Capitaine General des Armées Navales. Les Beys Gouverneurs des Provinces Maritimes,& qui font obligez d'entretenir les Galeres du Grand Seigneur, dépendent de fes ordres, & doivent aller en Mer au premier commandement qui leur en eft fait.

Nombre Le fanifaira- Aga, que les Turcs ap Janiffai pellent Vengeri-Agafi, eft le Colonel General des Janiffaires. Cette charge eft trés-confiderable, parce que l'Infanterie Turque paffe à prefent pour la plus grande partie fous le nom de Janiffaires, quoi que les veritables Janiffaires, qui tirent leur inftitution d'Othoman premier,& leurs grands priviléges d'Amurat troifiéme, ne faffent aujourd'hui qu'un corps de ving-cinq mille hommes. Ils ont entr'eux de beaux regle

mens, & font divifez en plufieurs chambres dans de grands logis qu'ils' occupent, foit à Conftantinople, foit en d'autres lieux. L'ordre y eft fi beau en toutes chofes, & fi exactement obfervé, qu'ils vivent moins en foldats qu'en Religieux, & quoique le mariage ne leur foit pas défendu,c'eft fort rarement qu'ils fe marient. Les grands priviléges dont ils jouiffent dans tout l'Empire où ils font fort refpectez, portent quantité de gens, pour s'exempter de payer des taxes, & fe décharger de quelques devoirs publics, à gagner par argent des Officiers qui les protegent & les font paffer pour Janiffaires. Mais ils ne reçoivent point de paye du Prince, & tout leur avantage eft borné à ces priviléges qui font affez grands. C'eft par ce mélange des vrais Janiffaires avec les faux, que le nombre en monte aujourd'hui à plus de cent mille,& à ne compter que ceux qui font Janiffaires effectifs,leur corps s'eft rendu quelquefois fi redoutable, qu'ils ont détrôné des Monarques Othomans, & fait en un moment changer de face à l'Empire. Le pouvoir de leur Aga eft privilege trés-grand, & perfonne ne peut s'ap- de leur procher du Prince de la maniere qu'il Aga, ou fui eft permis. Car il peut venir en la Colonel prefence du Grand Seigneur les bras li- General bres, & avec une démarche toute hardie, tandis que tous les Grands de la Porte fans exception, même le premier Vifir, n'ofent y paroître que les bras croifez, & les mains l'une fur l'autre

Grand

desZaïms

devant l'eftomac pour marque d'ane profonde foûmiffion.

Les Beglerbeys fufvent en dignité les quatre premiers Bachas, & font comme autant de Souverains dans les Gouvernemens Generaux de l'Empire,dont le Grand Seigneur leur donne le commandement. Comme je n'entreprends pas de parler du Gouvernement de la Turquie, qu'autant qu'il eft neceffaire pour le fujet que je traite, il n'eft pas befoin d'informer le Lecteur du nombre de ces Beglerbeys, & il me fuffit de lui avoir nommé les cinq principaux, de qui j'aurai occafion de parler ailleurs. J'ajoûterai feulement que ces grands Bachas ont fous eux des Sangiacsbeys, qui font des Gouverneurs de Sangiacs ou Provinces particulieres, comme le Sangiacbey de Salonique, ou de la Morée.

Comme il fera auffi parlé affez fou vent dans ma Relation, de Spahis, de Zaims & de Chaoux, il faut dire auffi un mot de ces trois fortes de gens.

Condi- Les Spabis, qui font un corps d'envition heu- ron quinze mille hommes, font une seufe des efpece de Chevaliers, qui veulent pafSpahis & fer pour la Nobleffe du païs, & vantent fort leur bravoure. Ils s'entretiennent du revenu des Timars, c'est-à-dire des terres qui font comme des fiefs ou commanderies que leur donne le Grand Seigneur, felon la récompenfe qu'il veut leur donner de leurs fervices. On ne leur peut, ôter ces Timars, à moins qu'ils ne manquent à leur devoir, qui

eft de fe trouver à l'armée quand le Grand Vifir y va en perfonne. Ce font les plus heureux de tout l'Empire Othoman, & comme de petits Souverains dans les lieux où ils commandent. Les Zaims different peu des Spahis, & jouiffent comme eux du commandement & du revenu de certains fiefs que le Grand Seigneur leur donne. Il y en a un trés-grand nombre dans tout l'Empire, & ils s'eftiment comme les Seigneurs & les Barons du Païs.Ce font les Zaïms & les Spahis qui compofent la Cavalerie des Turcs,& ils fçavent ce qu'ils doivent fournir de chevaux se. lon le revenu de leurs Timars.

Le chaoux ou Chiaoux-Bachi eft le chef de tous les Chaoux de l'Empire, qui portent les commandemens du Prince dedans & dehors l'Etat, & font envoyez en Ambaffade, quoi qu'au fond ce ne foient que de fimples meffagers. C'eft d'ordinaire en leur garde que l'on met les prifonniers de qualité, & ils ne les abandonnent point de vûë.

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Voilà quelles font les principales charges & dignitez de l'Empire, toures poffedées par des gens qui font pris de l'ordre des Ichoglans. Je viens maintenant aux Officiers du Serrail,& parce que ce font des Eunuques,à qui le grand Seigneur donne les premieres charges, & qui d'ailleurs gouvernent les Ichoglans, je fuivrai l'ordre des chofes en les plaçant ici, avant que de parler du fecond ordre des Enfans de tribut, ou pris en guerre, qui font les Azamoglans.