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fait & qui promettoit beaucoup, l'envoya en prefent au Grand Seigneur. Il fut auffi chaffé du Serrail aprés quinze ans de fervice, pour avoir été découvert entretenir une fecrette correfpondance avec le Sicilien difgracié, qui l'avoit autrefois beaucoup cheri, & qui avoit fait enforte par fon crédit qu'il fut avancé d'abord à la chambre du Trefor.

C'eft de ces deux hommes trés-capables de bien remarquer les chofes, que j'ai tiré la meilleure partie de cette Relation. Quoiqu'ils euffent été contraints d'embrafler les erreurs de Mahomet, il leur étoit refté quelques bons fentimens du Chriftianifme; & comme ils étoient déchûs pour jamais de l'efperance des honneurs qui flâtent ceux qui font dans les charges qu'ils poffedoient au Serrail, ils n'avoient nul intérêt à me déguifer les chofes. Eux-mêmes prenoient quelque plaifir à defcendre dans le particulier, & à me marquer jufqu'aux moindres circonftances; mais je dois auffi avouer qu'ayant été élevez parmi les Turcs & aimant comme eux l'argent, il ne m'a rien falu épargner pour les fatisfaire. Je les ai tenus long tems auprés de moi & en divers lieux, l'un à Ifpaham, & l'autre aux Indes, où ils s'étoient retirez, & les memoires qu'ils

m'ont fournis fe font trouvez trés-conformes.

Aux inftructions que j'ai tirées de ces deux hommes, & à ce que j'ai pu découvrir en mon particulier de l'état prefent de la Maison du Grand Seigneur, j'ajouterai quelques obfervations néceffaires des mœurs & coûtumes de plufieurs Provinces de l'Empire Othoman, paffant legerement fur les chofes qui vrai-femblablement font connues de tout le monde. Mais afin que le Lecteur ait plus de facilité à entendre les matiéres que je traite, & que le difcours ne foit pas interrompu par l'explication neceffaire de plufieurs noms, de Charges & de Dignitez, j'ai jugé à propos d'en donner d'abord une courte lifte, que je ferai fuivre de celle des differentes efpéces de monnoye qui ont cours dans tout l'Empire des Turcs.

NOUVELLE ET EXACTE

RELATION

D U

SERRAIL

D U

GRAND SEIGNEUR·

Des Charges & dignitez tant du Serrail, que de l'Empire Othoman.

E T

Des differentes efpéces de Monnoye d'or & d'argent qui ont cours dans la Turquie.

SOMMAIRE.

Origine des Grands de la Porte. Sévére difcipline du Serrail. Autorité des quatre premicrs Bachas, dangereuse pour le Grand Seigneur, & comme il la fçait rabattre. Obfervations fur les Etendars. De l'Aigrete

AS

Origi ne des

Grands de la Por

10

que le Grand Seigneur porte à fon Turban. Honncurs & defavantages attachez à la Charge de Grand Vifir. Privilége tout particulier du Caïmacan. Nombre des vrais faniffaires. Grand Privilége de leur Aga ou Colonel General. Condition heureufe des Spahis & des Zaims. Quantité prodigieufe d'Eunuques dans tout l'Orient. Obfervations curieufes fur ce fujet. Charges principales du Serrail. Beaux avantages du Capi-Aga. Crédit & richeffes du Kiflar- Agafi Intendant de l'apartement des Femmes. Boftanchi-bachi pourvû d'une des plus belles charges de la Porte. Grande economie de Partifans. Politique de la Porte pour tenir en fon devoir le Cam de la Petite Tartarie. Dignitez principales des Gens de la Loi. Efpéces d'or & d'argent qui ont cours dans la Turquie. D'où & comment on aporte l'or que l'on bat au Caire. Bonne foi des Abyffins. Hiftoire du commerce des pieces de cinq fols. faloufies des Négocians. Méchante fraude doucement punie. Ancienne fincerité des Turcs corrompue par le commerce des Europeans..

Eux qui poffedent des char ges, foit dans le Serrail, foit dans l'Empire (à la referve des Eunuques, dont je parleraibien-tôt)viennent tous generalement des enfans pris en guerre, ou envoyez en prefent par les Bachas;& des enfans de Tribut,qu'on enleve à l'âge de neuf ou dix ans d'entre les bras de feurs meres, dans toutes les Provinces conquifes par les Princes Othomans.

Ils doivent être les uns & les autres de parens Chrétiens; & à ne compter que: les Efclaves pris fur l'ennemi, on void par les Regiftres fur la feule Douane de Conftantinople, que de l'un & l'autre fexe, on y en améne tous les ans prés de vingt mille. Les petits Tartares qui font des courfes continuelles dans toutes les Terres ennemies de l'Empire, en envoyent une grande quantité & le Grand Seigneur ayant le choix.de tous ces jeunes enfans, les mieux faits & qui promettent le plus, font diftribuez en divers Serrails, pour y être inftruits dans la Loi de Mahomet, & en toutes fortes d'exercices. C'eft de l'élite de ces derniers que l'on remplit celui de Conftantinople, & il faut les di-. ftinguer en deux ordres, Le premier & le plus relevé eft celui des Ichoglans, deftinés pour les grandes charges de l'Empire; le fecond, des Azanoglans, emplo yez à des offices où il n'elt befoin que: de la force du corps. Les Ichoglans font: ceux en qui, outre les perfections du i corps, on a découvert un beau genie, propre à une belle éducation, & à les; rendre capables de fervir un jour le Prince. Ils font inftruits avec un grand foin & une trés-fevere difcipline. Is sévére paffent par quatre Chambres, appellées difcipli Oda, qui font comme quatre claffes,où e du ils apprennent par ordre tout ce qui eft convenable à de jeunes hommes, qui doivent être continuellement auprés d'un Grand Prince, & qui font comme Les Pages, ou comme fes Gentilshom

Serrail

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