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que par la possibilité d'une telle possession intelligible ; Que la société doit garantie et protection à l'appropriant, mais seulement à partir d'une manifestation extérieure de la prise de possession de l'expropriant;

Que l'appropriation est, en principe, perpétuelle, héréditaire ;

Que, d'ailleurs, à la suite de cette appropriation, et à travers toutes les transactions successives, l'objet approprié, la terre elle-même, offerts gratuitement par la nature, restent perpétuellement gratuits, sans valeur, parce que toute valeur provient uniquement de la prestation d'un service; et que jamais la valeur, la propriété, ne peuvent résider dans la matérialité des objets extérieurs;

Qu'à la perpétuité de l'appropriation il y a deux exceptions, la prescription et l'expropriation pour cause d'utilité publique;

Que ces deux exceptions sont fondées sur l'intérêt social et sur la rétractation supposée de l'assentiment universel primitif;

Mais qu'à la différence de la prescription, l'expropriation pour utilité publique accorde un équivalent au propriétaire, pour l'abandon de sa propriété.

Tous ces principes sont vrais; nous en avons la conviction profonde. Eh bien! tous, sans exception, sont applicables à la propriété dite intellectuelle. En effet, comme la propriété ordinaire, elle a pour origine un effort de l'homme, l'exercice de son activité, le travail : comme le cultivateur; le chasseur, le pêcheur, ou le berger, l'artiste, l'écrivain et l'inventeur ont le droit de recueillir tous les fruits de leur travail, de s'appliquer à eux

mêmes le résultat de leurs efforts, ou de ne le céder à autrui qu'en échange d'une valeur équivalente; pas plus que le droit du laboureur, du chasseur, etc., le droit de l'artiste ou de l'inventeur ne peut être soumis, pour son acquisition ou son maintien, à la grossière condition de la détention matérielle. Et, d'ailleurs, ce qui constitue la valeur de la propriété ordinaire elle-même est aussi peu matériel que ce qui fait la propriété intellectuelle. Cette valeur est de même nature, c'est un service.

Comme le premier droit, le second doit être perpétuel sous les deux exceptions communes à ces deux droits. Enfin, pour tout dire, en un mot, les deux droits n'en font qu'un propriété ordinaire, propriété intellectuelle, pourquoi distinguer? il n'y a pas lieu tout cela, c'est la propriété.

Cette affirmation est la conséquence logique des principes que nous avons posés ; s'ils sont vrais, la conclusion est juste; elle va se confirmer par l'examen des objections à la réfutation desquelles nous allons passer maintenant.

LIVRE II.

RÉFUTATION DES OBJECTIONS.

On a bien compris que nous n'avons plus à réfuter ici les objections essayées contre les principes de la propriété dite ordinaire, mais seulement les objections que les partisans même de cette propriété ont cru devoir élever contre l'assimilation à celle-ci de la propriété dite intellectuelle.

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Tout d'abord débarrassons le champ de la discussion d'une certaine objection qu'on peut appeler historique, tirée de l'autorité des précédents législatifs en cette matière.

<«< S'il fallait se décider d'après l'autorité (dit M. Renouard dans ses traités des Brevets d'invention, p. 18, et des Droits d'auteurs, p. 439), je n'hésite pas à dire que la pratique universelle des nations éclairées devrait être d'un beaucoup plus grand poids que l'accord des théoriciens, fussent-ils tous unanimes. Le système d'un droit temporaire a joui de très-peu de faveur auprès des écrivains; mais, en revanche, il a hautement prévalu dans la législation. C'est le droit général de tous les peuples, etc... »

-On peut d'abord répondre que s'il fallait se décider par de semblables raisons, si le passé devait servir de règle absolue pour l'avenir, la porte serait depuis langtemps fermée à tout progrès; la consécration législative de toute vérité nouvelle serait condamnée à l'avance. Mais, non-seulement la raison, mais encore les faits s'élèvent contre une semblable objection; ces faits qui lui ôtent toute portée sérieuse, nous les avons nous-même exposés dans le travail rappelé au commencement de cet article et publié dans le journal le Droit, en 1843, sous ce titre Historique du principe de perpétuité en matière de propriété littéraire. Nous y avons montré que plusieurs nations considérables, telles que la France, l'Angleterre, la Hollande, l'Espagne, ont vu, à diverses époques, ce principe consacré par leur législation, par leurs magistrats et leurs jurisconsultes, et que, depuis les temps antiques jusqu'à nos jours, jamais la conscience de la justice d'un tel droit n'a été complétement éteinte.

Au surplus, les auteurs de l'objection ont bien senti son peu de valeur et nous n'insisterons pas plus sur ce point qu'ils ne l'ont fait eux-mêmes.

Après cette première excarmouche, nous arrivons devant le gros des arguments hostiles à la propriété intellectuelle.

S II.

Deux systèmes adverses.

Tout ce qui a été produit contre la reconnaissance de cette propriété peut se résumer en deux systèmes, qu'il serait bien facile et plus logique peut-être de confondre en un seul.

Quelques-uns des écrivains dont nous combattons les doctrines admettent bien qu'au début, tant que l'auteur et l'inventeur renferment leur idée, leur découverte en eux-mêmes, ou gardent pour eux seuls le manuscrit qui en est dépositaire, l'écrivain et l'inventeur se trouvent propriétaires de leur idée, mais qu'aussitôt que l'inventeur et l'écrivain ont donné une publicité quelconque à leur pensée, à leur découverte, au manuscrit, ils ont irrévocablement, à partir de ce moment et par ce fait, perdu la propriété de leur idée. Que, dès lors, les producteurs de cette idée se trouveraient, en fait, dans l'impossibilité d'en exercer le droit de reproduction, si pour leur assurer une juste rémunération et ne pas méconnaître en eux, non pas le droit de propriété qui n'existerait point ici, mais le droit incontestable du travail, le législateur, tout en sauvegardant, dans une certaine mesure, les droits du public, n'intervenait pour conclure une transaction et régler équitablement les droits de tous, en accordant un privilége simplement temporaire à l'écrivain, à l'artiste ou à l'inventeur.

Les autres, sans s'arrêter à examiner quel peut être le

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