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Quant à la seconde partie, elle est consacrée aux législations étrangères et au droit international. Tous les États avec lesquels il existe, soit des traités, soit simplement des rapports commerciaux, et qui ont une législation spéciale sur l'une ou l'autre de ces matières, y figurent par ordre alphabétique. Sur chacun, nous donnons, en suivant la même subdivision, soit le texte même des lois, soit des précis qui permettront aux Français d'apprécier quels sont les pays où ils pourront avoir intérêt à prendre des brevets ou à faire valoir leurs droits d'auteurs, et qui leur feront connaître, en même temps, les formalités qu'ils auront à remplir pour s'en assurer l'exercice.

C'est dans cette seconde partie que nous avons placé, sous la rubrique de chacun des États qu'ils concernent, tous les traités internationaux qui ont été conclus avec la France pour la garantie réciproque de la propriété littéraire et artistique. Seulement, pour permettre en même temps de les apprécier dans leur ensemble et faciliter les recherches, nous avons, à la fin du chapitre II de la première partie, donné les tableaux des États avec lesquels cette réciprocité existe en vertu, soit des traités, soit des législations locales.

Tel est le plan fort simple de ce livre, destiné à servir d'introduction à notre recueil mensuel. Nous avons cherché à le rendre utile en le faisant aussi complet que possible et en le mettant à la portée de tous. - Puissions-nous avoir réussi !

INTRODUCTION.

DE LA NATURE DU DROIT DES AUTEURS, ARTISTES ET INVENTEURS,

SUR LEURS ŒUVRES ET DÉCOUVERTES.

Suum cuique.

Les créations littéraires et artistiques, les inventions scientifiques et industrielles, ont toutes une source commune, l'intelligence humaine, ---un but commun, le développement de notre bien-être moral, intellectuel ou physique. Et, néanmoins, les lois qui les protégent paraissent reposer sur des bases complétement différentes. Ainsi, toutes les législations qui permettent de garantir, par un brevet, la priorité d'une invention, en font un simple privilége, limité dans sa durée et soumis à des conditions fiscales. La plupart, au contraire, de celles qui protégent les créations littéraires ou artistiques sont basées sur ce principe, que si l'auteur ou l'artiste livre sa pensée au public, il n'en reste pas moins propriétaire de son œuvre.

Pourquoi cette divergence? Parce que, malgré une communauté générale d'origine et de but, les inventions industrielles et les créations littéraires ou artistiques se différencient entre elles, d'abord par la nature et l'étendue des emprunts qu'elles font à la masse commune des connaissances humaines, ensuite,

et surtout, par le caractère essentiellement différent des productions dont elles dotent le domaine public.

Dans les œuvres littéraires ou artistiques, en effet, il y a toujours un caractère d'individualité, un travail personnel, qui matérialise en quelque sorte la pensée, et qui la rend susceptible d'appropriation. Sans doute, l'auteur et l'artiste doivent beaucoup à leurs devanciers; leur œuvre peut même n'être qu'une compilation ou un pastiche; mais, enfin, c'est leur œuvre, et, quand ils la livrent au public, ils ne lui abandonnent que le profit intellectuel qu'il pourra en retirer, et non le profit matériel que pourra procurer la publication, restituant ainsi au domaine public tous les emprunts qu'ils peuvent lui avoir faits, et conservant pour eux la propriéte d'une œuvre qui est leur chose, et des produits qui ne sont que la juste rémunération d'un travail personnel.

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Ce partage répond à toutes les exigences légitimes, et garantit les droits de tous : du public, car le génie et le talent ne copient pas, ils créent, et il suffit, dès lors, que chacun puisse s'inspirer des mêmes pensées et du même sujet; de l'auteur et de l'artiste, car eux aussi ont pu s'inspirer des travaux de leurs devanciers, et ce qu'il peut y avoir de personnel dans leur œuvre leur restera, puisque, à moins de se copier, il n'est pas donné aux hommes de produire deux œuvres intellectuelles identiques.

En matière d'inventions industrielles, au contraire, il est souvent difficile de faire la part exacte du domaine public et de l'inventeur, mais il est surtout presque impossible, dans la plupart des cas, de séparer l'idée de l'application. Dès que

vous livrez la pensée nouvelle, l'idée créatrice au public et qu'il s'en empare, soyez certain que l'application ne se fera pas attendre, et que de tous côtés vous verrez apparaître des inventions et des produits similaires; et cela, parce que les lois de la nature sont les mêmes pour tous, et que les principes connus de physique, de chimie et de mécanique, vivifiés par la même idée, amèneront infailliblement des résultats analogues.

De là, l'impossibilité d'assurer à l'inventeur un droit absolu · de propriété sur son invention; car, outre qu'il ne sera plus seul maître de son œuvre quand il en aura livré l'idée au public, chacun peut, sans son secours et sans connaître son invention, faire personnellement la même découverte, et arriver à un résultat identique. De là, dès lors, pour les législations qui veulent, tout à la fois, protéger et stimuler l'industrie, la nécessité de n'établir au profit des inventeurs qu'une propriété limitée dans sa durée et ses effets.

Mais il ne faut pas se méprendre sur la portée de ces dissemblances. Au fond, le droit est le même, et, pour nous, il constitue, dans les deux cas, une véritable propriété, la plus personnelle et la plus incontestable de toutes, puisqu'elle porte sur les produits mêmes de l'intelligence.

Sans doute, c'est là une propriété différant essentiellement de celle qui repose sur l'occupation; sans doute, elle sera plus difficile à constater et surtout à défendre, parce que, dans ce

il se

public auquel l'auteur ou l'inventeur confie son œuvre, trouvera toujours des forbans littéraires ou industriels, cherchant à se parer ou à s'enrichir des dépouilles d'autrui. Mais la difficulté qu'on éprouve à faire respecter son droit n'en altère pas

la nature, et si, par la publication d'une œuvre ou d'une invention, le public acquiert un droit de jouissance imprescriptible, le droit de propriété n'en reste pas moins au créateur. Lors donc que la loi en limite la durée, loin de créer un privilége au profit de l'auteur ou de l'inventeur, pour le temps de propriété exclusive qu'elle lui garantit, c'est, selon nous, une véritable expropriation qu'elle prononce pour tout le temps qu'elle lui - enlève.

Seulement, cette dépossession peut être plus ou moins hâtive, plus ou moins complète, selon que le législateur, qui pèse les droits et les intérêts de tous, jugera que la priorité et l'individualité de l'œuvre ou de l'invention sont plus ou moins certaines, ou que l'intérêt général réclame une jouissance commune plus ou moins prompte.

C'est à ce double point de vue que nous comprenons la divergence des législations qui régissent la propriété industrielle et la propriété littéraire ou artistique, et cela suffit pour que nous ayons soin de les traiter séparément dans des chapitres distincts. Mais, en principe, et au point de vue théorique, ce droit est le même et se résume ainsi au public, la jouissance intellectuelle de l'idée émise; à l'auteur ou inventeur, la gloire de la création et les profits matériels de son application.

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