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INTRODUCTION.

L'instruction criminelle est le mode de poursuivre et de juger les crimes, les délits et les contraventions qui peuvent se commettre. Le recueil de lois qui règlent ce mode en France, forme notre Code d'instruction criminelle.

Concilier l'intérêt de la société, qui réclame la vengeance des crimes, avec les garanties dont il importe d'entourer l'innocence, tel est le but vers lequel doivent tendre constamment les efforts des auteurs d'une législation criminelle.

Tel est aussi celui que les rédacteurs de notre Code d'instruction se sont proposé, comme on le reconnaît en suivant la marche qu'ils se sont tracée.

Les délits et les contraventions peuvent être poursuivis directement par les personnes offensées, mais quant aux crimes qu'attendent des peines afflictives et infamantes, une procédure plus imposante a été introduite.

C'est d'abord à la chambre du conseil formée dans le sein des tribunaux de première instance, que le magistrat principalement chargé de la recherche des crimes, doit faire son rapport sur la prevention qui plane, d'après l'instruction, sur tel ou tel individu. Cette chambre peut, ou déclarer qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou ordonner le renvoi, soit devant un tribunal correctionnel ou de police, selon qu'il s'agit d'un délit ou d'une contravention, soit devant la cour royale, chambre des mises en accusation, s'il s'agit d'un crime.

Cette seconde épreuve peut encore épargner à l'innocence les tourmens d'un débat public et contradictoire. Si les charges s'évanouissent aux yeux de la chambre des mises en accusation, elle peut déclarer qu'il n'y a pas lieu à suivre et ordonner la mise en liberté du prévenu: si, au contraire, la prévention reste entière, cette chambre ne peut pas condamner.; mais elle peut mettre le prévenu en accusation.

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C'est alors que l'accusé doit comparaître devant la cour d'assises cette cour se compose de jurés pris parmi les citoyens les plus recommandables, et qui doivent déclarer si l'accusé est coupable du fait qui lui est imputé; elle se compose aussi de juges chargés, selon les circonstances, d'appliquer la peine au fait reconnu par le jury, ou de prononcer, soit l'acquittement, soit l'absolution de l'accusé. Il comparait libre devant ses juges, car il est réputé innocent jusqu'à l'arrêt de condamnation.

Instituées pour protéger l'innocence, si les formalités prescrites à peine de nullité ou si les formalités substantielles, comme le droit de défense, ont été violées, elles entraînent l'annulation des arrêts et de l'instruction. C'est à la cour de cassation qu'il appartient de statuer sur les demandes en nullité que les parties ou le ministère public peuvent former.

ABRÉVIATIONS.

C. B.
Ar.

· C. de C. de P.

C. de C. de B.

C. de C. de L.

C. de C. de La H.
J. du 19° S.

S. I. 1824, p. 19.
Dalloz.

Legraverend.

S. L.

Rec.

Constitution Belge.

Arrêt.

Cour de Cassation de Paris.
Cour de Cassation de Bruxelles.
Cour de Cassation de Liége.
Cour de Cassation de La Haye.
Jurisprudence du 19° siècle.
Sirey, 1re partie, 1824, page 19.
Recueil alphabétique de Dalloz.
Legraverend (édition Tarlier.)
Annales de Sanfourche-Laporte.

Indique le Recueil de la Cour dont l'arrêt est
cité; c'est-à-dire la Jurisprudence de la Cour
de Bruxelles, par les arrêts de Bruxelles ; le
Recueil des décisions notables, publié à Liége,
par les Arrêts de Liége; le Verzameling van
Gewysden, par Hamelsfeld, par les Arrêts de
la Cour de La Haye.

D'INSTRUCTION

CRIMINELLE.

DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES.

(Loi décrétée le 17 novembre 1808.-Promulguée le 27 du même mois.)

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L'action pour l'application des peines. C'est cette action qu'on nomme action publique, par opposition à l'action civile dont s'occupe le second alinéa de cet article. Il est facile, au moyen de quelques explications, de se fixer sur la nature de ces deux actions: toute espèce de délit, en troublant l'ordre public, base de l'existence sociale, offense nécessairement la société tout entière: or, l'action publique est le droit qui appartient à toute la société, au public, de poursuivre la vengeance du mal qui lui a été fait; le même délit qui attaque tout le corps social, blesse le plus souvent un citoyen en particulier; mais vengé comme mem

(1) Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi. Const. B. art. 9. Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour faits de leur administration, sauf ce qui est statué à l'égard des ministres. (ib. art. 24.)

Il ne pent être créé de commissions, ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit. (ib. art. 94.)

Les tribunaux de répression ne connaissent de l'action civile qu'accessoirement à l'action publique.Ainsi, ils sont incompétens pour statuer sur l'action civile, s'ils rejettent cette dernière. (arr. de la C. de C. de P. du 12 mai 1827, t. 27, 1, J. du 19o s. 282.)

bre de la société, par l'application de la peine que réclament les fonctionnaires préposés pour exercer l'action publique, le citoyen lésé dans ses intérêts privés, ne saurait plus invoquer que la loi civile, qui veut que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage soit réparé par l'auteur de ce dommage (1382, Code civ.); on nomme par suite action civile, le droit, la faculté qui appartient au citoyen lésé de poursuivre la réparation du dommage qu'il a éprouvé ainsi, un vol de 100,000 fr. m'a été fait; comme le vol porte atteinte à l'ordre public, qui commande le respect à la propriété, on poursuivra, au moyen de l'action publique, l'application de la peine dont la loi punit le vol; mais si la société est vengée par l'application de cette peine, je dois, moi, recouvrer les 100,000 fr. qui m'ont été enlevés, et c'est pour les réclamer que j'exercerai l'action civile.

Qu'aux fonctionnaires. Puisque l'action publique a pour but la réparation du tort causé à tout le corps social, et conséquemment à chacun des membres qui le composent, il semble que l'exercice de cette action devrait appartenir à tous les citoyens ; c'est en effet ce qui existait à Rome; mais cet état de choses offrait de grands inconvéniens; il encourageait les délateurs et servait les haines privées, en même temps qu'il laissait sans vengeance une foule de crimes; en France, les progrès de la civilisation durent amener l'institution de fonctionnaires chargés de poursuivre l'application des peines; les citoyens ont bien le droit de dénoncer les crimes, et c'est même pour eux souvent un devoir, mais la dénonciation est tout-à-fait distincte de l'exercice de l'action qui a pour objet l'application de la peine. (22, 30, 31.)

Confiée par la loi. Les fonctionnaires aux

quels la loi confie l'exercice de l'action publique, sont, devant les cours d'assises et sur les appels de police correctionnelle, les procureurs-généraux et leurs substituts; devant les tribunaux correctionnels, les procureurs du roi et leurs substituts, et en matière forestière, les conservateurs, inspecteurs, sous-inspecteurs et gardes généraux forestiers; devant les tribunaux de police, les commissaires de police, et subsidiairement le maire ou son adjoint. (271 et suiv. 91, 182, 144.) — Il ne faut pas confondre ces fonctionnaires avec ceux que l'article 9 charge de la recherche des crimes; car tous ceux qui sont chargés de cette recherche ne sont pas chargés de poursuivre l'application de la peine; ainsi, par exemple, les juges d'instruction et les gardes-champêtres, sont au nombre des officiers chargés de la recherche des délits (8, 9), et ils ne sauraient poursuivre l'application de la peine; mais quant au droit de poursuite en lui-même, il faut distinguer entre les délits : 1° dans les matières criminelles, l'action ne peut être intentée qu'à la réquisition du ministère public, parce que, dans ces sortes de matières, l'intérêt général, dont le ministère public est le gardien, se trouve surtout compromis; 2° dans les matières correctionnelles ou de police simple, le ministère public peut aussi agir par voie de réquisition; mais c'est pour lui une simple faculté, et non une obligation, comme lorsqu'il s'agit de crime, car s'il était forcé d'agir par voie d'action dans ces sortes de matières, où l'intérêt privé est plutôt lésé que l'intérêt public, le trésor royal serait exposé à des frais considérables. La loi a, par suite, permis à la partie civile de citer directement le prévenu devant le tribunal, et alors le ministère public réclame, par voie de conclusions seulement, l'application de la peine (64, 145, 153, 182, 196); (1) 3o certains délits ne peuvent être poursuivis que sur la dénonciation de la partie civile; tels sont le délit de contrefaçon (Loi du 19 juillet 1793); le délit de chasse hors les temps prohibés, et celui de péche dans un ruisseau non navigable ni flottable, hors le temps prohibé et sans engins défendus (Art. 8, loi 22 avril 1790); le délit d'adultère, qui ne peut être poursuivi que sur la plainte du mari, si c'est la femme qui est coupable, et sur la plainte de la femme, si le mari à entretenu la concubine dans la maison conjugale; le rapt, qui ne peut être poursuivi que par les parens qui ont le droit de demander Îa nullité du mariage, si le ravisseur a épousé

(1) Le délit de contrefaçon est, en Belgique, prévu par la loi du 25 janvier 1817, sur le droit de copie; il a été jugé, que la poursuite doit en étre faite devant les tribunaux correctionnels, et que le ministère public peut d'office en poursuivre la répression. Ar. de la C. de Br. du 6 déc. 1828. (J. du 19 s. 1829, p. 29.)

la personne enlevée (357, C. pén. ); les délits des fournisseurs, qui ne peuvent être poursuivis que sur la dénonciation du gouvernement; enfin, en matière de contributions indirectes, les lois et décrets ont conféré à l'administration le droit exclusif de poursuivre et faire prononcer les amendes et confiscations, ainsi que de transiger avec les contrevenans; de telle sorte, que le ministère public n'agit dans ces affaires que comme partie jointe, et au moyen de simples conclusions. (Lois 15 ventôse an 12, ler germinal an 13, décrets 16 mars 1813; ordonnance 25 mars 1818.) — Il nous reste à observer que, même dans le cas où le ministere public a besoin pour agir de la dénonciation des parties, la renonciation que ces dernières feraient à leur action, ou les transactions qui pourraient avoir lieu, n'empêcheraient pas la poursuite du ministère public, une fois armé par la dénonciation, si ce n'est dans la poursuite d'adultère, qui s'éteint absolument si le mari consent à reprendre sa femme. La cour suprême a même décidé qu'une fois les tribunaux correctionnels ou de police saisis par la plainte directe de la partie, ils se trouvent nécessairement investis de l'action publique, et doivent prononcer la peine due au délit dont il s'agit, bien que le ministère public eût négligé d'y conclure; tel est le vœu des articles 161 et 189 (2). Il faut remarquer encore qu'il est des personnes que la loi défend de poursuivre relativement à certains délits qu'elles auraient pu commettre : ainsi un mari ne saurait être poursuivi à raison des soustractions qu'il aurait commises au préjudice de sa femme, d'avec laquelle il ne serait pas légalement séparé ; il en serait de même des soustractions que commettrait une femme au préjudice de son mari, et de celles que commettraient des ascendans au préjudice de leurs descendans, ou ceux-ci, au préjudice de leurs ascendans: l'honneur du mariage dans le premier cas, le lien du sang dans le second, ne permettraient pas que des poursuites criminelles pussent avoir lieu (380, C. pén. ); on ne peut également être poursuivi pour avoir recélé une personne coupable d'un crime emportant peine afflictive où infamante, si on était époux, ascendant, descendant, frère ou sœur du criminel recélé ( 148, ibid. ).

(2) L'action publique une fois mise en mouvement par les poursuites ou par la plainte de la partie civile, ne peut rester subordonnée à son changement de volonté, ni être arrétée par son inaction. Spécialement : bien que le ministère public ne puisse poursuivre les délits de chasse en tems non prohibé, commis sur le terrain d'autrui, qu'autant qu'il y ait plainte du propriétaire, il est néanmoins recevable à interjeter appel du jugement intervenu sur la plainte du propriétaire, quoique celui-ci n'appelle pas lui-même. Ar. de la C. de C. de P. du 31 juillet 1830. (J. du 19e s. 1830, p. 371.)

L'action en réparation du dommage. Cette action est l'action civile. (Art. 2.)

Par un crime, par un délit ou par une contravention. L'infraction que les lois punissent des peines afflictives ou infamantes est un crime (7 et 8, C. pén. ); celle qu'elles punissent des peines correctionnelles est un délit (9, C. pén.); celle qu'elles punissent des peines de police est une contravention. (464, C. pén.) Cependant le législateur emploie quelquefois d'une manière générale l'expression délit, pour exprimer collectivement les trois espèces d'infractions que nous venons de définir, par exemple articles 22, 27, 91, etc.

Par tous ceux qui ont souffert de ce dommage. Soit qu'ils aient éprouvé personnellement le dommage ou qu'ils l'aient éprouvé comme héritiers de ceux qui en ont souffert, soit encore qu'ils l'aient éprouvé directement, ou qu'ils ne l'aient éprouvé qu'indirectement, comme des enfans qui demandent des dommages-intérêts contre l'assassin de leur père, dont le travail subvenait à leur existence (1).

2. L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu.-L'action civile, pour la réparation du dommage, peut être exercée contre le prévenu et contre ses représentans. L'une et l'autre action s'éteignent par la prescription, ainsi qu'il est réglé au livre II, titre VII, chap. V, de la Prescription (2).

(1) Le père a qualité pour se constituer partie civile dans une poursuite en répression de calomnie, dirigée contre sa fille majeure, habitant avec lui. (V. art. 63.) Ar. de la C. de C. de L. du 24 mai 1823, Rec. t. 9, p. 308, t. 1er, et dans ce sens, Carnot, p. 26,

V. édit. de Bruxelles.

(2) L'Art. 2, du Code d'instruction Criminelle, portant que l'action publique pour l'application de la peine, s'éteint par la mort du prévenu, est applicable aux frais exposés par le ministère public: par suite, les héritiers du prévenu décédé pendant l'instruction de la cause, ne peuvent être condamnés au remboursement de ces frais. (Ar. de la C. de C. de L. du 16 déc. 1824, rec. t. 9, p. 469. Mais ceux faits par la partie civile devraient lui être adjugés, comme accessoires des condamnations principales qu'elle obtiendrait contre eux. (V. Carnot, p. 84, t. 1, édit. de Bruxelles.)

Lorsqu'un tribunal correctionne↓ a annulé des actes; d'aliénation de biens immeubles, comme ayant été ob tenus à l'aide d'escroquerie, la partie lésée, qui a fait prononcer cette annulation, ne peut attraire devant le même tribunal correctionnel les tiers détenteurs de ces biens, pour s'y voir condamner à les lui restituer. -Pareille demande doit être formée devant les tribunaux civils. (Ar. de la C. de B., 4e Ch., du 18 mars 1824. Rec. 1824, t. 2, p. 197.)

Celui qui se prétend lésé par un crime ou délit, peut

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S'éteint par la mort du prévenu. Les peines sont établies pour venger la société et prévenir par la terreur de l'exemple, les crimes. et les délits; le procès fait à la mémoire du prévenu n'obtiendrait aucun de ces résultats; et si, dans l'ignorance de la mort du prévenu, une condamnation par contumace était prononcée, l'arrêt, sur la requête des héritiers pourrait être déclaré non avenu par la cour qui l'aurait rendu. Inutile d'observer que la mort de l'auteur du crime n'éteint pas l'action contre ses complices.

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Peut être exercée contre le prévenu et contre ses représentans. La mort du prévenu éteint l'action publique, parce que les héritiers du coupable ne doivent pas porter la peine d'un crime qu'ils n'ont pas commis : ce principe de justice et d'humanité a été consacré par toutes les législations, et notamment par la loi romaine: in hæredem non solent actiones transire quæ pœnales sunt. Mais la mort du coupable n'empêche pas l'exercice de l'action civile; car ses successeurs ne doivent pas profiter de sa mort, pour conserver les fruits de vils que l'action doit être intentée, puisque son crime; c'est alors devant les tribunaux cil'action civile n'étant devant les tribunaux criminels que l'accessoire de l'action publique, et cette dernière action se trouvant éteinte " l'accessoire ne peut plus, dans l'absence du principal, être porté au criminel; il en serait ainsi, lors même que le coupable viendrait à décéder pendant l'instruction; car les débats cessant l'instant même, les juges criminels se trouvent en même temps dessaisis de l'accessoire, c'est-à-dire de l'action civile: si, au contraire, le condamné meurt après le jugement, comme il a dû être statué sur l'action civile en même temps, et que tout est consonimé sous les deux rapports, le plaignant pourra poursuivre, contre les réprésentans du condamné, l'exécution des réparations civiles obtenues, mais huit jours après leur avoir fait signifier l'arrêt, aux termes de l'article 877 du Code civil; - si le condamné venait à mourir pendant l'existence du pourvoi en cassation

agir en dommages-intérêts devant le tribunal civil, et le juge civil est compétent pour connaître de l'existence du crime ou du délit prétendu, bien qu'aucune actien publique n'ait été intentée de ce chef.

Et spécialement : celui qui a été poursuivi criminellement sur la dénonciation d'un tiers, peut, en cas d'acquittement, attraire son dénonciateur devant de tribunal civil, en dommages-intérêts, pour fait de calomnie, sans devoir au préalable faire décider, par le tribunal correctionnel, si la dénonciation est où non calomnieuse.

Le simple acquittement ne suffit pas pour obtenir des dommages-intérêts contre le dénonciateur, pour fait de calomnie, il faut qu'il soit établi qu'il a agi mé chamment. (Ar. de la C. de La Haye, du 2 mai 1823, Rec. 1824, t. 2, p. 304.)

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