Page images
PDF
EPUB

contre l'arrêt, bien que le décès du condamné rende l'arrêt inutile quant à la vindicte publique, il ne doit pas moins être statué par la cour suprême, dans l'intérêt de la partie civile si le pourvoi est rejeté, la partie civile peut exécuter la condamnation, sauf le droit que les représentans peuvent avoir de former tierce-opposition à l'arrêt de la cour de cassation; si, au contraire, l'arrêt est cassé, comme la décision relative tout à la fois à l'action publique et à l'action civile, est absolument éteinte, et qu'un nouveau procès criminel ne peut plus recommencer contre le prévenu décédé, le plaignant doit porter alors son action devant les tribunaux civils.-Relativement au condamné par contumace, c'est-à-dire qui n'était point présent à sa condamnation, il faut distinguer s'il meurt dans le délai de cinq ans, qui lui est donné pour se représenter ( 33, C. civ.), ou s'il meurt après ce délai; dans le premier cas, comme aux termes de l'article précité du Code civil, il est réputé mort dans l'intégrité de ses droits, on doit agir par une action nouvelle contre les héritiers du condamné devant les tribunaux civils (Ibid.); dans le second cas, tout étant consommé à l'expiration des cinq ans les plaignans peuvent poursuivre les héritiers du condamné en vertu de l'arrêt de condamnation, et sans qu'ils soient obligés d'intenter une action nouvelle au civil. Quant à l'amende et à la confiscation des objets saisis, par exemple dans les condamnations prononcées au profit de la régie des contributions indirectes, il faut encore distinguer : l'amende est considérée comme une peine, et conséquemment le décès du prévenu avant la condamnation éteint l'action sur ce point: mais la confiscation des objets saisis n'est pas considérée comme une peine, car les peines sont toujours applicables à la personne, tandis que la confiscation s'applique à la chose; elle peut donc être poursuivie contre les héritiers du prévenu et telle est en effet la jurisprudence de la cour suprême. La condamnation au remboursement des frais ne doit pas non plus être considérée comme une peine personnelle, mais comme une simple indemnité civile envers le trésor ; et conséquemment la mort du condamné après sa condamnation, mais avant l'exécution, n'empêcherait pas l'action du trésor contre les héritiers du condamné; mais il est de jurisprudence qu'ils n'en seraient tenus que personnellement pour leur part et portion (873; C. civ.); car la solidarité, qui ne se présume pas (1202, C. civ.), n'est prononcée par l'article 157 du décret du 18 juin 1811, à l'égard du remboursement des frais, que contre les auteurs et les complices du même délit, et non contre leurs héritiers; si le prévenu est mort avant le jugement de condamnation, le trésor n'a pas d'action; car l'action principale étant éteinte, les frais de poursuite

[ocr errors]

qui en sont l'accessoire ne peuvent plus être réclamés ; si c'était la partie civile qui eût fait ces frais, elle pourrait les comprendre dans l'indemnité qu'il lui est permis de réclamer par l'action civile.

L'une et l'autre action s'éteignent par la prescription. Ce sont les articles 637 et 638 qui déterminent le laps de temps nécessaire pour la prescription: ces articles distinguent entre les crimes emportant au moins peine affictive et infamante, et les délits de nature à être punis correctionnellement dans le premier cas, l'action publique et l'action civile se prescrivent par dix ans, à compter du jour où le crime a été commis, ou s'il a été fait une instruction, du dernier acte de la procédure (637). Dans le second, l'une et l'autre action se prescrivent par trois ans, à compter de la même époque (638); mais il ne faut pas confondre la prescription de l'action qui n'a encore été suivie d'aucune condamnation, et la prescription des peines prononcées par des condamnations_criminelles ou correctionnelles, que le condamné n'aurait pas subies, soit parce que la condamnation serait par contumace, soit parce qu'il se serait évadé : en effet, la prescription des peines prononcées par des jugemens rendus en matière criminelle n'a lieu que par vingt ans (635); celle des arrêts ou jugemens en matière correctionnelle, par cinq ans (636).

3. L'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique.-Elle peut aussi l'être séparément; dans ce cas, l'exercice en est suspendu, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile (1).

les

() Néanmoins les ordonnances rendues par chambres du conseil, sur la poursuite du ministère public, ne font pas chose jugée par rapport à l'action civile. Elles ne sont pas definitives, et le caractère de la chose jugée est l'irrévocabilité. (C. de Brux. Ar. du 1er juillet 1814.- 2o Ch. Rec. an 1814, vol. 1, p. 221.)

L'ordonnance d'acquittement rendue par le directeur du jury, portant qu'il n'y a pas lieu à poursuivre l'individu signalé comme auteur d'un crime ou d'un délit, n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'action civile, en réparation du dommage résultant du de la C. de Liége, du 12 août 1832, 1re Ch. Rec. des fait à raison duquel le défendeur a été acquitté. (Ar. Ar. Not. de cette Cour, t. 9, p. 478.)

L'ordonnance d'une chambre de Conseil, confirmée par la chambre des mises en accusation, qui, sans rien préjuger sur l'existence matérielle du crime, dont est inculpé un individu, déclare qu'il n'y a pas lieu de

- En même temps et devant les mêmes juges que l'action publique. L'action civile prenant naissance absolument dans les mêmes faits que l'action publique, il était utile, afin de ne pas multiplier les procédures et les jugemens, d'é

poursuivre à défaut de charges suffisantes, ne fait pas chose jugée, en ce sens que celui au prejudice de qui le crime aurait été commis ne puisse plus opposer à l'action en dommages-intérêts, intentée à sa charge par l'individu qu'il a fait poursuivre, une demande reconventionnelle en dommages-intérêts qu'il ferait résulter du même crime.

(Ar. de la C. de C. de B. du 21 janvier 1824, Rec. 1824, t. 1er p. 357.) (V. dans ce sens Legraverend, t. 1er, édit. de Tarlier, p. 59.)

Les jugemens rendus en matière criminelle ou correctionnelle, sur la poursuite du ministère public, et en l'absence de la partie lésée, ont l'autorité de la chose jugée à l'égard de tout le monde sur l'action civile, intentée à raison du même fait. (Rec. an 1818, v. 1, p. 221, ar, du 26 octobre 1816.-1re Ch., du 27 février 1818.Ire Ch., du 13 mai 1820.-1re Ch. Rec. an 1820, v. 2, p. 61, arrêts conformes à l'opinion de Mr Merlin, Questions de Droit, au mot faux, et que combat Mr Toullier, t. 10, p. 130.)

Jugé de même quant aux jugemens rendus en matière de contravention par les tribunaux de simple police. (Ar. du 14 juillet 1825, J. C. an 1825, p. 145.)

La partie lésée par des faits reconnus constans par des jugemens rendus sur la poursuite du ministère public, peut, à l'effet d'établir la hauteur des dommagesintérêts, articuler et prouver d'autres faits que ceux qui résultent de la déclaration de la cour d'assises, si ces faits ne sont qu'accessoires au fait principal. (Ar. de la C. de Br. du 13 mai 1820.-1re Ch., J. C., an 1820, v. 2, p. 62.)

L'ordonnance d'une chambre de Conseil portant qu'il n'y a lieu à suivre, ne forme pas chose jugée à l'égard de l'instigateur ou du coopérateur de la partie plaignante, en ce sens que s'il est poursuivi pour dénonciation calomnieuse, il ne puisse plus alléguer, en termes de défense, la vérité des faits consignés dans la plainte. (Ar. de la C. de Br. du 13 nov. 1822, J. C. an 1822, v. 2, p. 48.)

Les jugemens rendus en matière criminelle ou correctionnelle, sur la poursuite du ministère publie, n'ont pas, en ce qui regarde la constatation du fait qui a motivé la condamnation, l'autorité de la chose jugée à l'égard des tiers qui ne représentent ni l'accusé ou le prévenu, ni la partie civile; on doit considérer comme tiers, celui qui, avant la poursuite du ministère public, a acquis de bonne foi des objets obtenus à l'aide d'escroquerie. (Ar. de la C. de Br. du 4 novembre 1829, J. du 19e s. an 1830, p. 99.)

L'art. 3, Cod. Inst. Crim., portant que l'exercice de l'action civile est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile, doit s'entendre du cas où il y a action intentée par le ministère public, et non du cas où, indépendamment de l'action civile, il y aurait eu seulement plainte ou action correctionnelle par l'une des parties, sans que le ministère public se fut joint à la partie civile.-Dans ce dernier cas il n'y a pas nécessité de surseoir au jugement de l'acon jusqu'à ce qu'il ait, été statué sur la plainte correctionnelle. (Ar. de la C. de C. de P. du 15 juin 1829.) (J. du 19e s. 29, 1, 311.)

Le criminel tient le civil en état: ce principe ne souf

[blocks in formation]

fre pas d'exception même en matière de banqueroute frauduleuse, ce moyen préjudiciel doit être supplée d'office, C. com. art. 600. (Ar. de la C. de Br. du 10 mars 1831. (J. du 19 s. 1831, 3, 96.)

Celui qui a été lésé par un délit, ne peut se présenter pour la première fois, en cause d'appel, pour réclamer contre les prévenus les dommages-intérêts résultant de leur délit. (Ar. de la C. de Br. du 28 juillet 1829.) (J. du 19e s. 1830, 47.)

Cette question avait été jugée dans le même sens par arrét du 17 juin 1826. Ces arrêts sont fondés sur le principe qui veut que les deux degrés de juridiction soient de rigueur toutes les fois que la loi n'en a pas autrement disposé. Quant à l'objection prise de l'art. 67, qui statue que le plaignant pourra se porter partie civile en tout état de cause, la Cour a considéré que cela devait s'entendre de l'instance devant le premier juge. (V. Carnot, t. 1er, p. 62 et 102, édit. de Bruxelles.) Il pense que la partie lésée peut intervenir, même en cause d'appel, sans que son intervention puisse néanmoins retarder le jugement de l'affaire principale ; il argumente de l'art. 390 du C. de Pr.: Dans ce cas, dit-il, elle renonce par le fait aux deux degrés de juridiction. Cette opinion est difficile à concilier avec le principe qu'il énonce, p. 62, no 65, sur les deux degrés de juridiction.

Celui qui a rendu plainte à raison d'un crime ou d'un délit, sans néanmoins s'être rendu partie civile, est recevable à demander des dommages-intérêts par action civile, après qu'il a été prononcé définitivement sur l'action publique. (Ar. du 27 février 1818, C. de Br. re Ch.-An 1818, v. 1, p. 207, J. C.).

Lorsque, pour la réparation d'un fait qualifié crime ou délit par la loi, la partie lésée, au lieu d'agir par voie d'action criminelle, saisit la juridiction civile, le mode d'exécution des condamnations prononcées au profit de la partie demanderesse est le même que celui qui aurait lieu, si les condamnations émanaient de la juridiction criminelle; ainsi les restitutions ordonnées entraînent contrainte par corps. (Ar. de la C. roy. de Paris, du 6 janvier 1832.) (J. du 19e s. 1832, 2, 149.)

Des arrêts ont également décidé par application du méme principe que les dommages-intérêts et les dépens adjugés contre les auteurs et complices d'un même délit, sont dus solidairement aux termes de l'art. 53, C. P., quoique la condamnation ait été prononcée par un tribunal civil.

Toutes personnes obligées par les faits d'un prévenu ou d'un accusé, peuvent être citées par la partie civile devant les tribunaux criminels, saisis de l'action publique. L'art. 3, C. d'instr. Crim., n'est pas restreint à l'action civile dirigée contre le prévenu ou l'accusé lui-même spécialement; le père d'un accusé mincur peut, comme civilement responsable des faits de son fils, étre actionné par la partie 'civile devant la Cour d'assises, où le fils est traduit. (Ar. de la C. d'as. de Colmar du 23 fév. 1831.) (J. du 19o s. 1831, 2, 279.)

Lorsqu'un prévenu a légalement élevé la question préjudicielle de propriété, il ne peut intervenir contre lui de condamnation par les tribunaux de justice répressive, tant que la question de propriété est pendante devant les tribunaux civils: peu importe que, durant l'instance, il y ait eu de la part du prévenu, réitération

de l'action publique, ils ne peuvent rester saisis de l'action civile; lors donc que le prévenu meurt pendant l'instruction, la partie civile doit se pourvoir au civil. Il en serait de même s'il y avait condamnation, et que le condamné mourût dans le délai de l'appel ou du pourvoi en cassation; car tant que le con-, damné a un moyen de faire annuler la condamnation, il meurt dans l'intégrité de ses droits.-Il y a exception, en matière d'usure, au principe posé dans l'article actuel, que l'action civile peut être poursuivie devant les mêmes juges que l'action publique. En effet, il est de jurisprudence que la partie lésée par un fait d'usure, ne peut agir en réparation que devant les juges civils; la raison en est, que le délit d'usure ne peut résulter que d'une série de faits qui forment l'habitude d'usure (Loi du 3 septembre 1807); or, comme l'action civile, pour être portée devant les mêmes juges, doit nécessairement procéder du même fait qui constitue le délit, le fait isolé d'usure dont une partie se plaint, n'est pas cette habitude de l'usure que la loi punit.

Elle peut aussi l'être séparément. Le légis lateur ne pouvait pas obliger la partie lésée de renoncer à la jurisdiction ordinaire en qui elle a confiance, pour suivre les chances d'une procédure spéciale et sévère, qui peut ne pas lui offrir les mêmes avantages. C'est donc une faculté pour la partie civile d'embrasser l'une ou l'autre voie; mais il y a exception à ce principe dans l'article 600 du Code de commerce, qui défend, en matière de banqueroute simple ou frauduleuse, d'attribuer aux tribunaux de police correctionnelle ou aux cours d'assises, les actions civiles autres que celles dont il est parlé dans l'article 598 du même Code (relativement aux complices des banqueroutes). Mais celui qui a d'abord formé sa demande devant les tribunaux civils, est-il recevable à revenir ensuite, devant les tribunaux de répression, suivre cette même action accessoirement à l'action publique ? Pour l'affirmative, on invoque l'article 67 du Code d'instruction criminelle, qui permet au plaignant de se rendre partie civile en tout

du fait, objet des poursuites. (Ar. de la C. de C. de P. du 14 août 1823.) (J. du 19e s. 24, 1, 353.)

La question de propriété ne peut être considérée comme préjudicielle, et donner lieu au sursis devant la juridiction criminelle, que lorsque la preuve de la , propriété fait disparaître le délit.

Ainsi, celui qui commet des dévastations sur un fonds affermé comme bien communal, en vertu d'une délibération du conseil municipal approuvée par le préfet, ne peut faire surseoir aux poursuites correctionnelles en alléguant qu'il est propriétaire. Quand même il serait propriétaire, il n'aurait le droit ni de dévaster au préjudice du fermier, ni'de se faire justice contre un acte de l'autorité. (Ar. de la C. de C. de P. du 5 déc. 1824.) (J. du 19e s. 24, 1, 181.)

état de cause; pour la négative, qui paraît avoir été embrassée par la cour suprême, on dit que la partie qui a pris la voie civile, a renoncé à la voie criminelle; qu'en optant, elle a épuisé son droit: Semel optare possumus; que l'article 67 ne parle que du plaignant et non du demandeur qui a suivi l'action civile ; du reste, on est généralement d'accord que lá partie qui a pris la voie civile, pourrait revenir par la voie criminelle, si le fait qui n'avait dans le principe qu'un caractère civil, prenait, dans l'instruction, les couleurs d'un délit (1).

L'exercice en est suspendu. Il ne fallait pas que les tribunaux fussent exposés à rendre des jugemens contradictoires ; ce qui arriverait nécessairement, si les tribunaux civils condamnaient à des dommages-intérêts, pour un fait que les tribunaux criminels déclareraient n'avoir pas existé. L'accessoire, dans ce cas, aurait un effet, bien qu'il fût jugé qu'il n'y a pas de fait principal; or, cum principalis causa non consistat, plerùmque ne ea quæ sequuntur Mais il est des cas où c'est locum habent.. l'action publique, au contraire, qui doit être suspendue, jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par les tribunaux civils, sur des questions qui ont une influence immédiate sur l'action publique; questions qu'on nomme, pour cette raison, préjudicielles (2). Ainsi on m'accuse

(1) Le motif est que la voie civile ne peut exclure la voie criminelle, qu'autant qu'elle a été prise avec choix et en connaissance de cause. (Carnot, t. 1er, p. 100, édit. de Br.)

(2) Il n'y a pas lieu à surseoir et à renvoyer à fins civiles, sur une question préjudicielle élevée devant lution de cette question en sa faveur ne ferait pas disun tribunal correctionnel par un prévenu, lorsque la soparaître le délit; tel est le cas où un individu poursuivi pour avoir fait paître des bestiaux dans un bois non déclaré défensable, prétendrait avoir des droits d'usage dans ce bois. (Ar. de la C. de C. de P., du 3 avril 1830.) (J. du 19 s. 1831, 1, 376.) (V. dans ce sens Legraverend, édit. Tarlier, t. I, p. 53.)

que

Lorsque le prévenu d'anticipation sur la voie publiélève une question préjudicielle de propriété, le tribunal de police ne doit pas renvoyer purement et simplement la cause et les parties devant les juges com

pétens il doit se borner à surseoir et à fixer un délai au prévenu, pour faire statuer sur cette question par les juges compétens. (Ar. de la C. de C. de P., du 15 fév. 1828.) (J. du 19e s. 28, 1, 170.) (V. sur ce point, Carnot, p. 43, édit. de Brux.)

Lorsqu'une question préjudicielle est élevée par un prévenu, pour arréter les poursuites dirigées contre

lui par le ministère public, le tribunal ne peut, en prononçant le sursis, se borner à ordonner qu'il sera justifié par la partie la plus diligente de la décision à intervenir sur cette question préjudicielle; il doit, peine de nullité, condamner le prévenu à rapporter cette décision dans un délai déterminé. (Ar. de la C. de C. de P. du 29 mai 1830.) (J. du 19o s. 1930, 1, 349.)

Lorsqu'une question préjudicielle de propriété ou de servitude est élevée par le prévenu d'une contravention de police, c'est à sa charge et non à la charge de la partie publique que doit être imposée l'obligation de

d'avoir commis un délit dans telle propriété; je conviens du fait qu'on m'impute; mais je prétends que cette propriété m'appartient, et que, conséquemment, j'ai eu le droit de faire ce qu'on me reproche; en un mot, je me retranche derrière l'exception: Feci, sed jure feci. Avant de poursuivre l'action publique, il faut vider la question de propriété, qui ne peut être jugée que par les tribunaux civils; car il s'agit d'interpréter des actes, et d'appliquer les principes du droit civil; mais s'il ne s'agissait que d'une vérification quelconque; si, par exemple, un individu poursuivi pour un délit forestier, prétendait que les arbres qu'il a coupés n'étaient pas au nombre des arbres réservés, le tribunal correctionnel ne serait pas incompétent pour en connaître, car il ne s'agirait pas là d'une appréciation de titres de propriété, mais d'une simple vérification, et ce serait le cas d'appliquer le principe que les juges de l'action le sont aussi de l'exception. Il y aurait également question préjudicielle à décider par les tribunaux civils, sí l'action publique avait pour objet la violation d'un dépôt, et que le prévenu niat avoir reçu le dépôt; car il ne saurait y avoir violation du dépôt, qu'autant qu'il est prouvé qu'il a été fait; et comme, aux termes des articles 1923 et 1924 du Code civil, la preuve par témoins n'est pas admise pour les dépôts excédant 150 fr., si les tribunaux criminels pouvaient rester juges de cette question préjudicielle, cette règle serait violée, puisque la loi permet la preuve testimoniale en matière criminelle, correctionnelle et de police (1). — Remarquons en

faire statuer sur la question préjudicielle dans un certain délai. (Ar. de la C. de C. de P. du 20 fév. 1829.) (J. du 19e s. 1830, I, 200, et 1828, 1, 397.)

(1) S'il y avait commencement de preuve par écrit du dépôt des deniers, effets ou pièces dont la destruction, la soustraction ou la dissipation donneraient lieu à la plainte, ou si le prévenu avait fait des aveux dans ses interrogatoires, les tribunaux de répression pourraient continuer l'instruction, et passer outre au jugement, dans la forme ordinaire, attendu qu'en pareil cas la preuve testimoniale serait admise même devant les tribunaux civils. (Legraverend, p. 41, t. Ier, édit. de Tarlier.) Au surplus, en généralisant davantage, il faut dire que la preuve testimoniale est admissible devant les tribunaux de répression, toutes les fois que ce fait ou l'acte dont le délit suppose l'existence, pourrait être prouvé par témoins devant les tribunaux civils; par exemple, si la somme déposée était moindre que 150 fr., s'il s'agissait d'un dépôt nécessaire, si enfin le dépôt avait eu lieu en matière commerciale. (Ar. de la C. de Metz, du 5 août 1822. ) (J. du 19e s. 25, 2, 268.)

Un arrêt de la Cour de Bruxelles, du 4 nov. 1831, tout en admettant que la preuve du dépôt demeure assujétie aux règles établies par le Code civil pour la preuve des obligations, a pensé que cette preuve pouvait indistinctement se faire devant la juridiction correctionnelle sans qu'il fût nécessaire de renvoyer la ques

core, que le propriétaire qui n'aurait pas la possession du fonds, et qui se serait permis de détruire la récolte du possesseur, ne pourrait, pour échapper aux poursuites, invoquer l'exception de propriété; car le possesseur de bonne foi faisant les fruits siens (549, C. civ.), quels que soient les droits du propriétaire sur le fonds, il n'en a pas moins troublé le possesseur dans la jouissance d'une chose qui lui appartenait, et, par suite, la question préjudicielle ne pourrait pas, dans ce cas, effacer C'est principalement en les traces du délit.

matière de délits et de contraventions, qu'il y a lieu à l'examen des questions préjudicielles; car en matière de crime, il est difficile qu'il y ait quelque question à examiner au civil; ainsi une personne se rend coupable d'un meurtre, elle pourra bien opposer une excuse (321 et suiv., C. pén.); mais cette exception devra être jugée par le tribunal saisi de l'action, et non par un tribunal civil; il ne peut être question ici de propriété et d'interprétation de conventions civiles. Cependant il y a question préjudicielle, en matière criminelle, lorsqu'un accusé de bigamie prétend que son premier mariage était nul; car cette prétention renferme implicitement une question d'état qui, aux termes des articles 189 et 326, doit être jugée par les tribunaux civils. Il doit donc être sursis au jugement de l'action publique. Il faut bien remarquer qu'il n'y a pas de question préjudicielle à décider, que le prévenu prétend que le crime est prescrit, qu'il est couvert du voile de l'amnistie, ou qu'il y a chose jugée; dans tous ces cas, il y a une question préalable à juger par le tribunal criminel saisi de l'action, et il n'y a aucun sursis à prononcer; car, selon que cette question sera résolue négativement ou affirmativement, tout se trouvera terminé, ou bien la cour continuera les débats (2).

[ocr errors]

lors

[blocks in formation]

tion préjudicielle, dans les cas où la jurisprudence l'a admis, aux tribunaux civils. (J. du 19e s., an 1831, p. 242.)

(2) Ce ne serait pas une question préjudicielle proprement dite, que celle que l'on ferait résulter de l'incompétence du tribunal saisi si le déclinatoire était fondé, ce ne serait pas un simple sursis, qui devrait être prononcé ; le tribunal devrait se déclarer incompétent: il ne pourrait joindre la question de compétence au fond pour y étre statué par un seul et même jugement, sans commettre un excès de pouvoir; car un tribunal n'a rien à examiner, rien à juger, lorsqu'il n'a pas été compétemment saisi. (Ar. du 25 juin 1825, cité par M. Carnot, t. 1er, p. 43, édit. de Brux.)

être vengé nonobstant les conventions que les parties peuvent faire entre elles sur les intérêts civils. C'est une conséquence de la maxime: Privatorum conventio juri publico non derogat. Ces transactions mêmes peuvent, dans les mains du ministère public, servir à établir le crime, s'il est plus ou moins formellement avoué dans l'acte, ou si les sacrifices pécuniaires sont tels qu'ils supposent le crime, Ne peut arrêter. Le Code civil avait posé déjà la même règle, article 2046. — Mais il y a, dans des matières spéciales, quelques exceptions au principe consacré par notre article; ainsi, en matière de contributions indirectes, de douane et de contrebande, les transactions intervenues entre les régies et les contrevenans, font cesser l'action publique. (Arrêté du 14 fructidor an 10; ordonnance 2 janvier 1817.)

5. Tout Français qui se sera rendu coupable, hors du territoire de France, d'un crime attentatoire à la sûreté de l'Etat, de contrefaction du sceau de l'Etat, de monnaies nationales ayant cours, de papiers nationaux, de billets de banque autorisés par la loi, pourra être poursuivi, jugé et puni en France, d'après les dispositions des lois françaises.

Hors du territoire de France. Les crimes commis en France, soit par des Français, soit par des étrangers (3, C. civ.), doivent toujours être réprimés en France; quant à ceux commis hors du territoire, comme l'ordre public, en France, n'est troublé qu'autant qu'il s'agit de crimes, qui ont un rapport direct à la sureté de l'État, ou qui peuvent, quoique commis à l'étranger, altérer son crédit, c'est seulement dans ces cas, que la poursuite en est autorisée en France; ces dispositions ne s'appliquent pas aux agens français en pays étran ger, car ils sont toujours légalement présumés présens et domiciliés en France; ils sont dèslors soumis aux principes généraux.

Attentatoire à la sûreté de l'état. Tels sont les crimes commis par les Français qui ont porté les armes contre la France, ou entretenu des intelligences avec l'ennemi. (75 et suiv., C. pén.)

De contrefaction du sceau de l'état. Le sceau de l'état, qui est entre les mains du ministre de la justice, offre une des garanties des actes de l'autorité publique : toute contrefaction, même en pays étranger, peut donc devenir funeste à l'état; mais cette disposition ne s'étendrait pas aux timbres qui s'appliquent au nom du gouvernement.

Pourra être poursuivi, jugé et puni en France. Notre article autorise les poursuites

- Mais

dont il s'agit, bien que le coupable ne soit pas rentré en France; c'est une dérogation à l'article 11 du Code de brumaire an 4, et cette dérogation était sollicitée par l'intérêt public, qui ne veut pas que la vengeance des crimes portant actuellement atteinte à l'État, soit subordonnée au retour en France du coupable, lequel peut-être n'y rentrera jamais. Il est vrai que le gouvernement français aurait droit de demander l'extradition du prévenu; mais celui-ci pourrait se dérober aux recherches du gouvernement dans le territoire duquel il se trouve, ou bien, pendant les lenteurs qu'entraîne cette demande, il serait possible que la prescription s'accomplit. Le Français prévenu de ces crimes pourra donc être jugé par contumace, et toutes les poursuites permises par les lois pourront, nonobstant son absence, avoir lieu réellement sur ses biens. quel tribunal sera chargé de l'instruction? il faut distinguer: ou l'ancienne résidence en France du prévenu est connue, ou elle ne l'est pas; dans le premier cas, on chargera de l'instruction, le tribunal de cette résidence (Art. 24); dans le second cas, on s'adressera à la cour de cassation, qui saisira par voie de réglement de juges, le juge d'instruction du tribunal qu'elle voudra choisir.- Notre article 5 doit s'étendre aux délits qu'on nomme successifs, et qui, commencés en France, se consommeraient en pays étranger par des Français: ainsi, par exemple, le meurtre commis en pays étranger sur un préposé francais, lorsqu'il poursuivait, hors du territoire, les auteurs d'une contrebande qu'il était chargé d'empêcher, devrait être juge par les tribunaux français; car bien que le crime ait été consommé en pays étranger, il se rattachait, ou plutôt se confondait avec le fait de la tentative d'introduction de la contrebande.

6. Cette disposition pourra être étendue aux étrangers qui, auteurs ou complices des mêmes crimes, seraient arrêtés en France, ou dont le gouvernement obtiendrait l'extradition.

[ocr errors]

Cette disposition pourra être étendue aux étrangers. Le droit des gens a dicté, comme dans l'article précédent, cette exception au principe, qui veut que le sujet d'un gouvernement ne puisse être jugé que par ses juges naturels; mais il faut bien remarquer la différence qui existe entre le Français qui se rend coupable d'un des crimes prévus par l'article 5, et l'étranger prévenu des mêmes crimes; le premier peut être poursuivi en France, et condamné par contumace, lors même qu'il n'y serait pas rentré, ou que son extradition n'aurait pas été obtenue; le second ne peut être poursuivi en France qu'autant qu'il serait arrété en France, ou que son extradition serait

« PreviousContinue »