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tant avec l'Etranger. L'ordre public n'est pas intéressé à l'application (1) de ce principe. Quant à fixer le tribunal français devant lequel la question sera portée, l'article 14 n'y a pas songé. Suivant l'opinion généralement acceptée, nous déciderions que l'action doit être portée devant le tribunal de la résidence de l'Étranger, au cas où il réside en France; devant le tribunal du domicile du demandeur, ou du lieu du contrat, si l'Étranger réside hors de France. Ces solutions se rapprochent du Droit commun, ce qui doit les faire accepter.

190. Dans le cas où l'Étranger sera demandeur contre le Français, il n'y a aucune raison de ne pas suivre le Droit commun, et la compétence se déterminera suivant les principes généraux (art. 59, C. Proc. civ.): L'article 15 en fait l'application en matière personnelle.

Mais la compétence déterminée, l'article 16, dans l'intérêt du Français et pour le protéger, veut que ce dernier puisse obliger l'Étranger demandeur à fournir la caution judicatum solvi, c'est-à-dire à donner un répondant, pour assurer l'exécution de la condamnation et des dommagesintérêts qui pourraient être dus au Français. Cette caution ou répondant pourra être exigée de tout étranger demandeur, en toutes matières, autres qu'en matière commerciale. Si cependant l'Étranger justifiait qu'il a des immeubles suffisants pour satisfaire aux obligations naissant du procès, il serait dispensé de la dite caution. Le but de cette loi est évident : elle veut protéger le Français, lui assurer que le jugement pourra toujours être exécuté contre l'Étranger en France; d'où il suit que le défendeur Français peut seul, contre l'Étranger demandeur, faire valoir la dite exception judicatum solvi. Le défendeur Étranger contre le demandeur, Étranger aussi, n'aurait pas ce droit.

Ces articles 14, 15, 16 créent donc, pour les hypothèses qu'ils prévoient, des avantages et privilèges pour le Français. L'Étranger, admis à établir son domicile en France, jouira de ces avantages et privilèges, comme le Français lui-même (art. 13, C. civ.).

Il arrive souvent que par des traités formels la France renonce, au profit des nationaux de certains pays, aux avantages que constituent pour le Français les articles 14 et 16 (2).

(1) Cass., 9 décembre 1878, Sir., 79, 1, 401. Cass. civ., 13 mars 1889, Sir., 89, 1,200 et Cass., 29 fév. 1888, Sir., 89,1, 150.

(2) Comp. traité du 15 juin 1869, art. 13, entre la France et la Confédération helyétique; traité du 19 octobre 1866 entre la France et l'Autriche; traité du 6 février 1882 entre la France et l'Espagne, etc.

TITRE II

DES ACTES DE L'ÉTAT CIVIL (1)

(Décr. le 11 mars 1803, promulg. le 21 du même mois).

191. L'état d'une personne est la situation qu'elle a dans la société et dans la famille. Ainsi l'on est étranger ou français, enfant légitime ou enfant naturel, mineur ou majeur, marié ou célibataire, etc.

La désignation de la personne se fait au moyen de noms, qui nous apprennent à quelle famille elle appartient, et de prénoms et surnoms, qui permettent de la distinguer des autres membres de la même famille. Le nom constitue pour les membres d'une même famille une espèce de propriété particulière (2). Il forme la partie la plus précieuse et la plus inviolable de notre patrimoine, c'est de tous les objets celui qui est le moins dans le commerce: il est également défendu de l'aliéner et de l'usurper. Le chef de l'État a cependant le droit, en vertu de la loi du 11 germinal an XI, d'autoriser les changements de nom; ces règles se justifient par deux ordres de considérations; il n'est pas acceptable que par un changement de nom on puisse se soustraire à ses engagements en mettant les tiers dans l'impossibilité d'établir l'identité de leur débiteur; il n'est pas possible que le premier venu, en s'emparant d'un nom qui n'est pas le sien, se procure la considération, le crédit attaché au nom usurpé.

Les faits, qui intéressent l'état d'une personne dans l'ordre civil, sont assez nombreux; les principaux sont la naissance, le mariage et le décès. La naissance fait apparaître dans la société une personne nouvelle ; il importe de constater ce fait par un acte spécial, pour justifier de la minorité ou de la majorité de la personne, et souvent l'acte de naissance, rattachant l'enfant aux parents dont il est issu, servira à établir la filiation de cet enfant (art. 319, C. civ.). En outre, la constatation des naissances facilitera la surveillance de l'autorité publique sur les personnes à

(1) Voir Cours de Code civil, par A. Valette, pages 99 à 121. Cours analytique de Code civil par Demante, t. I, nos 75 à 126. Cours de Code Napoléon, par Demolombe, t. I, pages 454 à 560. Cours de Droit civil français, par Aubry et Rau, 4o édit., t. 1, §§ 55 à 67. Principes de Droit civil français, par Laurent, t. II, pages 1 à 89. (2) Comp. sur le nom en général Tribunal de la Seine, 15 fév. 1882, et 30 mars 1882, Sir., 1884, 2. 21. et Trib. Seine, 13 nov. 1889, Sir., 90, 2, 119. Rép. de Merlin, Vo Nom. Cass. civ., 27 juillet 1886, Sir., 90, 1, 335, et Cass. req., 2 fév. 1881, Sir.. 82. 1, 145. Sur le nom commercial, Cass. civ., 21 juillet 1891. Sir., 1891.1, 377.

qui incombe la garde des enfants, empêchera les infanticides, les abandons d'enfants et assurera la répression de ces actes coupables.

Le mariage établit pour les époux une situation nouvelle, d'où découlent des droits et des obligations; il importe à la société comme aux époux, qu'un fait de cette importance soit facilement établi.

Enfin le décès faisant disparaître la personne, sujet de droits, ouvre sa succession, et il est du plus haut intérêt de déterminer l'époque de la mort, car c'est à ce moment qu'il faut se placer pour la dévolution de la succession aux héritiers (art. 718, C. civ.).

D'autres événements influent sur l'état civil de la personne, comme son émancipation, le divorce, l'adoption dont elle peut être l'objet, l'interdiction prononcée à son égard, les jugements rendus sur une question d'état.

Peut-être eût-il été bon de soumettre à une règlementation identique. au point de vue de la forme, la constatation de tous ces événements; le législateur n'a cru nécessaire de soumettre à des règles spéciales que la constatation des faits ordinaires intéressant l'état civil: la naissance, le décès et le mariage; ces faits présentent un tel caractère de généralité, qu'il y avait lieu de prescrire pour leur constatation des règles particulières; pour les autres événements, la loi s'en réfère aux règles générales, voulant cependant quelquefois que les actes, constatant ces événements, soient inscrits sur les registres de l'état civil (art. 359, C. civ.. pour l'adoption; art. 251, C. civ., loi du 18 avril 1886, pour le divorce), ou puissent y être inscrits (la reconnaissance d'enfant naturel).

192. Occupons-nous donc des faits ordinaires, intéressant l'état civil de la personne naissance, mariage et décès. La loi veut que la preuve de ces faits soit assurée, au moyen d'actes particuliers, tenus suivant des formes spéciales par les officiers de l'état civil, et inscrits sur des registres publics. L'ensemble des actes, intéressant une commune, forme un registre d'actes de l'état civil, et tout le monde peut se faire délivrer copie de l'un des actes qui y sont contenus.

Division générale : Ch. I. - Historique des actes de l'état civil;
Ch. II. Règles générales, communes à tous les actes de l'état civil:
Ch. III. Règles particulières à chaque espèce d'actes.

CHAPITRE PREMIER

HISTORIQUE des actes de L'ÉTAT CIVIL

193. Un acte de l'état civil est donc un acte dressé conformément à la loi, et faisant preuve d'une naissance, d'un décès ou d'un mariage. Les registres de l'état civil sont des registres particuliers sur lesquels les actes de l'état civil sont inscrits.

C'est au clergé catholique que revient l'honneur d'avoir inventé les registres des naissances, décès et mariages; ces événements, au point de vue religieux, correspondent à des sacrements: baptême, mariage, sépulture ecclésiastique; il parut bon à l'Église de tenir registre des sacrements administrés.

Dans l'ordre civil, les faits de naissance, décès et mariage se prouvaient par témoins; à cause des dangers et des imperfections de ce mode de preuve, le pouvoir civil songea à utiliser les registres tenus par le clergé, pour la preuve des naissances, décès et mariages; et cela d'une façon d'abord timide, par l'ordonnance de Villers-Cotterets de François Ier de 1539, art. 50 et 51. « Lorsque les actes de baptême contiendront le » temps et l'heure de la nativité, l'extrait du registre pourra prouver le temps de majorité ou minorité, et fera pleine foi à cette fin

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Et, aux termes de l'article 50, les actes mortuaires dresses par les curés, faisant mention de la mort, font preuve du décès eu égard à la collation des bénéfices, et au droit de prévention (1).

Bientôt l'ordonnance de Blois de 1579, sur la police générale du royaume, article 181, généralisa l'utilisation des registres tenus par le clergé. Cette ordonnance constate les dangers que présente la preuve testimoniale, à l'égard des naissances, mariages et décès, et veut que les officiers de justice se fassent remettre, à l'expiration de chaque année, par les curés ou vicaires, les registres tenus pour constater les naissances, mariages ou décès; ces registres feront preuve de ces événements. Le clergé recevait ainsi de la loi civile la mission spéciale de tenir les registres contenant la preuve des naissances, mariages et décès, et la loi civile

(1) En vertu du concordat conclu entre le pape et François Ier, le pape nommait aux bénéfices vacants sur la présentation du roi, mais il avait le droit de nommer, à partir du décès, si présentation n'était pas faite. Aussi les candidats aux bénéfices tenaient cachée la mort du titulaire et cherchaient à obtenir la collation du bénéfice en cour de Rome, avant de faire connaître le décès. C'est pour empêcher ces abus que fut rendue l'ordonnance de Villers-Cotterets de 1539 (art. 51) pour permettre d'établir facilement le fait et la date du décès.

fixait les conditions suivant lesquelles ces registres devaient être tenus. L'ordonnance de 1667 et une déclaration du roi de 1736 ne firent qu'édicter les dispositions réglementaires pour la tenue des registres.

194. Malgré cela, il est important de constater que ces registres étaient tenus, surtout en vue des constatations intéressant la religion (administration des sacrements) et ne servaient qu'exceptionnellement à la preuve des faits de l'état civil. D'où il suivait que des registres particuliers devaient être tenus pour chaque culte.

Avec l'intolérance religieuse, la situation se compliquait; c'est ainsi qu'après la révocation de l'Édit de Nantes, et l'expulsion des ministres de la religion réformée, la constatation des faits de l'état civil, intéressant les protestants, fut très difficile à obtenir pour ceux qui ne voulaient pas abjurer leur religion et se présenter aux curés (Déclaration du 11 déc. 1685). Leur situation ne devint tolérable que par l'Édit de 1787, qui conféra à des officiers de justice le soin de dresser les actes de l'état civil intéressant les protestants (art. 8: mariage; art. 25 : naissance; art. 27: décès.)

195. Avec la Révolution étaient proclamés des principes nouveaux qui devaient aboutir à la sécularisation des actes de l'état civil ; c'est ainsi que, par l'article 10 de la loi du 23 août 1789, la liberté des cultes était proclamée; et par la constitution de 1791, article 7, titre II, il était affirmé que « la loi ne considère le mariage que comme contrat civil ». Et on émettait le vœu que « le pouvoir législatif établirait pour tous les ha>>bitants, sans distinction, le mode par lequel les naissances, décès et » mariages seraient constatés, et désignerait les officiers publics qui en >> recevraient et conserveraient les actes ».

La loi du 20 septembre 1792 réalisa le vœu émis par la Constituante : d'après cette loi, les municipalités étaient chargées du soin de tenir les registres des actes de l'état civil. Ces registres devaient être tenus en double, et l'un des exemplaires déposé aux archives des directoires des départements (préfectures); et, pour amener les populations à s'habituer au nouvel état de choses, une proclamation du 22 janvier 1793 faisait défense au clergé de tenir des registres de naissances, mariages et décès.

La loi du 28 pluviôse an VIII, article 56, chargea les maires et les adjoints du soin de tenir les registres de l'état civil; et la loi du 18 germinal an X permit aux ministres des différents cultes de tenir des registres particuliers pour la constatation des faits religieux (baptêmes, mariages, inhumations ecclésiastiques), mais stipulant (art. 55) que ces registres ne serviraient de rien pour la preuve des faits de l'état civil.

Ces registres cependant peuvent quelquefois avoir une grande importance: c'est ainsi qu'après l'abolition de l'esclavage aux colonies, les registres, tenus aux colonies par les curés et desservants, pour constater les naissances, mariages et décès des personnes non libres,... seront dé

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