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tion sur les listes électorales, et toute personne peut le réclamer en remplissant les conditions fixées par les lois politiques, en un lieu ou en un autre il est distinct du domicile civil. C'est là le sens qu'il faut attribuer à ces mots de l'article 102 (C. civ.): « quant à l'exercice des droits civils ». Ce serait se tromper que d'attacher à la loi cette signification, qu'on ne peut exercer les droits civils qu'à son domicile; tout Français peut en général exercer en tous lieux les droits civils dont il a la jouissance.

La règle est donc donnée par l'article 102 et le domicile est au lieu du principal établissement.

247. Mais que décider, 1o au cas où une personne possède plusieurs établissements de même importance, aura-t-elle autant de domiciles que d'établissements?

Il ne faut pas hésiter à répondre négativement; le domicile est constitué en vue de la personne civile, et de même que la personne est une, le domicile doit être unique. C'est là l'opinion que développa au Tribunat le tribun Malherbe; c'est le sens de l'article 102; puisqu'il est question de principal établissement, il faut entre les établissements de même importance rechercher le plus important, et déterminer là seulement le domicile. Au reste, qui ne voit les inconvénients graves que pourrait avoir la coexistence de plusieurs domiciles?

Chaque personne ne peut donc avoir qu'un domicile civil général. Tout ce que l'on peut accorder, c'est qu'au cas de significations faites, par suite d'erreur, à un établissement qui ne serait pas le principal, on puisse valider exceptionnellement l'acte, si l'erreur était excusable.

2o Que décider si la personne n'a pas de principal établissement ? Pour nous, nous n'hésitons pas à dire que toute personne qui n'a pas de principal établissement n'a pas de domicile; c'est ainsi que les colporteurs et autres marchands forains qui, par profession, circulent de place en place sans se fixer nulle part, n'ont pas d'établissement. C'est ce qu'il faut dire aussi des vagabonds. Pour toutes ces personnes, la résidence équivaut à domicile, et les ajournements et notifications seront valablement faits à la résidence (art. 59, 69 §8, Proc. civ.).

Certains auteurs ont contesté cette solution en s'appuyant sur le raisonnement suivant : toute personne a un domicile général au lieu de sa naissance, au domicile de ses parents (art. 108, C. civ.); ce domicile d'origine subsiste (1) tant que l'on n'a pas manifesté l'intention de le changer, par des déclarations ou par l'habitation réelle dans un autre lieu, avec intention d'y fixer son principal établissement (art. 103, 104, C. civ.). Nous ne pouvons accepter cette manière de voir; le maintien du domicile d'origine, dès qu'on n'y a plus son principal établissement, est contraire à l'article 102 et entraînerait dans la pratique les plus grands incon

(1) Cass., 24 mars 1890, Sir., 90, 1, 420; Cass. req., 5 nov. 1890, Sir.. 91, 1, 255

vénients; par là on validerait des procédures faites en un lieu où la personne pourrait ne plus avoir ni intérêts, ni relations, ni établissement. 248. Ces règles s'appliquent-elles à l'Étranger? Pour l'Étranger qui a obtenu l'autorisation d'établir en France son domicile, il ne saurait y avoir de difficulté; pour lui comme pour le Français, les règles sont les mêmes; le principal établissement détermine le domicile (art. 102, C. civ.); mais en dehors de toute autorisation, l'Étranger qui se fixe en France, y établit et s'y acquiert un domicile de fait; ce domicile ne lui fait pas obtenir les avantages du domicile autorisé par la loi et ne lui donne pas la jouissance des droits civils français (art. 13, C. civ.), mais il constitue un véritable domicile (1).

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249. On peut reconnaître plusieurs espèces de domiciles, suivant leur objet : a) le domicile politique, qui détermine le lieu où l'on doit exercer ses droits politiques; b) le domicile de secours organisé par la loi du 24 vendémiaire de l'an II, titre V ; et c) le domicile civil, avec le caractère que nous lui avons donné dans la première partie.

Nous n'avons qu'à nous occuper du domicile civil qui présente deux variétés le domicile général et le domicile spécial ou d'élection.

a) Domicile général.

250. Le domicile général est celui qui détermine le lieu où, pour tous les actes à signifier, la personne est réputée se trouver.

En fait, ce domicile est au lieu du principal établissement, et il y subsiste tant que le principal établissement y est maintenu.

Se transporte-t-on en un autre lieu avec l'intention d'y établir son principal établissement (art. 103, C. civ.), le domicile est déplacé ; il n'est plus au lieu abandonné, mais se fixe au lieu du nouvel établissement. Quant à l'intention, elle dépendra des circonstances; les juges auront à les apprécier souverainement (2). Pour éviter sur ce point de fausses in

(1) La jurisprudence hésite sur la question de principe (Comp. Cass., 19 mars 1872, Sir., 72, 1, 238; Cass., 5 févr. 1872, Sir., 72, 1, 190; Cass., 5 mai 1875, Sir., 75, 1, 409); mais elle parait admettre que l'étranger non autorisé ne peut pas avoir de domicile parce que ce droit forme un droit civil particulier aux Français (art. 102, C. civ.). Cette opinion nous paraît exagérer la portée de l'article 102 (C. civ.) qui a voulu opposer le domicile civil au domicile politique, sans s'occuper de l'étranger, la question de domicile soulève une question de fait, comment la question de nationalité pourrait-elle exercer quelque influence sur la solution; enfin la loi du 23 août 1871 nous paraît trancher la difficulté dans notre sens en parlant de la succession d'un étranger domicilié en France avec ou sans autorisation.

(2) Cass. req., 11 mai 1887, Sir., 87, 1, 376; Cass. req., 24 avril 1883, Sir., 83, 1, 311; Cass., 20 novembre 1889, Sir., 90, 1, 155.

terprétations, les parties peuvent établir leur intention par des déclarations faites, tant à la municipalité du lieu qu'elles quittent qu'à celle du lieu où elles transfèrent leur domicile (art. 105, C. civ.). D'où il suit que le changement de résidence, sans l'intention de changer le domicile, laisse subsister ce dernier là où il était avant ce changement, et que la personne appelée par des fonctions publiques temporaires ou révocables à résider en un lieu autre que son domicile conserve ce dernier (1), à moins qu'on ne puisse induire des circonstances qu'elle a voulu en changer, et les tribunaux sont souverains appréciateurs des circonstances.

251. Quelquefois la loi détermine elle-même le domicile de certaines personnes, sans que l'on ait à rechercher leur intention.

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10 « L'acceptation des fonctions conférées à vie emportera transla» tion immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit » exercer ses fonctions » (art. 107, Cod. civ.). Le législateur a pensé qu'un fonctionnaire, qui acceptait des fonctions à vie perdait tout esprit de retour à son ancien domicile, et comme il y aurait les plus grands inconvénients à ce que son domicile fùt ailleurs qu'au lieu où il exerce ses fonctions, la loi lui impose ce lieu comme domicile légal. Les fonctions qui emportent ainsi attribution de domicile sont les fonctions à vie inamovibles: les fonctions de juge, conseiller, notaire, etc.

252. 2o Certaines personnes placées sous la dépendance d'autrui ont leur domicile légal chez leur représentant : « la femme mariée n'a point » d'autre domicile que celui de son mari » (art. 108, C. civ.). Cette règle est la conséquence de la puissance maritale et de l'obligation où est la femme d'habiter avec son mari (art. 214, C. civ.), d'où il résulte que la séparation de corps, faisant cesser entre époux l'obligation de cohabiter, la femme peut fixer son domicile où il lui convient.

« Le mineur non émancipé aura son domicile chez ses père et mère ou » tuteur...» (art. 108, C. civ.). Les enfants sous puissance paternelle, ayant leur père et leur mère, ont leur domicile légal chez le père, qui a seul, pendant le mariage, l'exercice de la puissance paternelle. Si les époux sont séparés ou divorcés, chez celui des deux époux ou chez le tiers à qui la garde et la direction des enfants ont été confiées. Si l'enfant est en tutelle, c'est chez son tuteur que sera son domicile : le tuteur a la gestion et la direction des intérêts matériels; chez lui doit être le domicile de l'enfant. Il en serait ainsi lors même que le tuteur gérerait la tutelle d'un enfant ayant encore son père (excusé de la tutelle) ou sa mère (art. 394, C. civ.).

« Le majeur interdit aura son domicile chez son tuleur » (art. 108, C. civ.). Le tuteur représentant l'interdit, c'est chez lui que celui-ci a son domicile, pour des raisons analogues à celles que nous avons indiquées

(1) Art. 106, C. civ., Cass., 28 mai 1872, Sir., 73, 4, 149.

pour le mineur en tutelle. Si lemari est interdit et que la femme soit choisie comme sa tutrice (art. 507, C. civ.), la femme choisira librement son domicile et le mari aura chez elle son domicile légal ; — si la femme n'est pas désignée comme tutrice, elle choisira librement son domicile, car l'interdiction suspend dans les mains du mari l'exercice de l'autorité maritale. La femme reprend sa liberté quant au droit de choisir son habitation.

Pour les enfants naturels, par analogie, le domicile est chez le père ou la mère qui les a reconnus ou chez leur tuteur.

253. 3o Les personnes qui servent habituellement chez autrui ont leur domicile chez la personne qu'elles servent, si elles demeurent avec elle dans la même maison (art. 109, C. civ.).

Cette solution confère donc un domicile d'emprunt aux gens de service, chez leur maître, à cause de leur habitation dans la même maison. Nous ne pensons pas cependant que cette solution soit de nature à enlever à ces personnes les domiciles de droit qu'elles peuvent avoir: en conséquence nous ne l'appliquerions ni aux mineurs non émancipés, ni aux femmes mariées. Bien qu'en service et logeant chez leur maître, ces personnes restent domiciliées chez leur tuteur, et leur mari. En dehors de ces exceptions, l'article 109 s'applique à toute personne, aux majeurs comme aux mineurs émancipés. Si l'article parle des majeurs seulement, c'est qu'il n'a voulu résoudre que l'hypothèse la plus commune.

Le domicile légal cesse avec le fait qui lui avait donné naissance, et le domicile pour la personne se détermine alors, suivant l'article 102, au lieu du principal établissement.

b) Domicile spécial.

254. Le domicile spécial est celui qui n'existe que pour un acte ou une série d'actes déterminés, C'est ainsi qu'en matière de mariage, il y a un domicile spécial, résultant d'une résidence de 6 mois dans l'endroit (art. 74, C. civ., renvoi au titre du mariage).

Le domicile élu est un domicile spécial; c'est celui d'une personne faisant, en vue d'un acte, élection de domicile en un endroit déterminé (art. 111, C. civ.).

L'Édit de 1580, pour assurer l'exécution des actes de l'autorité, voulait que toute personne ayant seigneurie, maison forte ou autre de difficile accès, fit élection de domicile dans la ville royale la plus voisine. Aujourd'hui, en quelque ville que soit le domicile, il sera possible d'obtenir contre la personne l'exécution de ses engagements, mais souvent cette exécution sera plus facile et moins coûteuse, si le domicile est en un certain lieu. Aussi la loi, dans un but d'intérêt général, impose-t-elle quelquefois aux parties l'élection de domicile en un lieu déterminé. Par exemple en matière d'opposition à mariage (art. 176, C. civ.. renvoi au mariage); en

matière hypothécaire (art. 2148, C. civ., art. 8 in fine, loi du 10 juillet 1885), et dans beaucoup de dispositions du Code de Procédure civile (Comp. art. 61, 422, 435, 559, 584, 609, 637, 673, 780, 783, 789, 927, Procéd. civ.).

En dehors de toute disposition impérative de la loi, les parties peuvent faire une élection conventionnelle de domicile (art. 111, C. civ.). En général, cette élection se trouvera dans l'écrit constatant la convention et sera le résultat d'un accord des parties contractantes sur ce point (art. 111, C. civ.). Mais il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi, et après la conclusion des conventions et arrangements, par un acte postérieur, les parties peuvent parfaitement se mettre d'accord sur une élection de domicile en un lieu déterminé. Le principe de la liberté des conventions justifie cette solution, que ne saurait infirmer le texte de l'article 111; il n'a prévu que l'hypothèse la plus ordinaire.

Mais que l'élection soit le résultat d'une convention accessoire, concomitante au contrat, ou celui d'une convention postérieure, dans tous les cas, il faut que l'élection de domicile résulte clairement de la volonté des parties. Le domicile élu est un domicile exceptionnel; les parties ont renoncé à l'application de la règle générale de l'article 102; il faut que leur volonté soit clairement exprimée. Nous avons supposé jusqu'ici une convention constatée par écrit, mais dans beaucoup de conventions verbales, on peut induire des circonstances que les parties, en les faisant, ont stipulé une élection de domicile que justifient la nature des conventions et les circonstances dans lesquelles elles sont intervenues. Ainsi, on admet que les fonctionnaires publics, les artistes dramatiques, les étudiants, pour les conventions ordinaires de la vie, ont leur domicile au lieu de leur résidence, en vertu d'une convention tacite d'élection de domicile.

255. En laissant de côté les cas d'élection tacite de domicile, qui peuvent donner lieu à des difficultés, plaçons-nous en présence d'une élection de domicile conventionnelle, et examinons quels en sont la nature et les effets.

Nature de l'élection de domicile.

256. L'élection de domicile est une convention entre les parties contractantes, et à l'interprétation de laquelle il faut appliquer les règles générales, suivant lesquelles on interprète les conventions (art. 1156 et suiv. du Code civil). D'où il résulte que si l'élection de domicile est faite dans l'intérêt des deux parties, elle est irrévocablement faite, et les parties ne pourraient y renoncer que si elles se mettaient d'accord sur ce point; faite dans l'intérêt du débiteur seul, ce dernier peut renoncer à son bénéfice, de même le créancier peut renoncer à une élection de domicile qui

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