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qu'ils doivent exercer en personne. En outre, ils ne peuvent former opposition que dans deux cas prévus par la loi en dehors desquels le droit d'opposition n'est pas ouvert.

Quels sont ces deux cas? « 1° Lorsque le consentement du conseil de » famille requis par l'article 160 n'a pas été obtenu;

» 2o Lorsque l'opposition est fondée sur l'état de démence du futur époux.... » Dans le premier cas, l'enfant étant mineur, il y a empêchement dirimant au mariage; dans le second cas, la démence du futur époux le met dans l'impossibilité de manifester un consentement réfléchi, de prendre la direction de son ménage. N'est-il pas légitime de faire opposition au mariage? Mais le législateur ne veut pas que l'opposition s'appuie sur un état supposé de démence :

...

« Cette opposition, dont le tribunal pourra prononcer main-levée » pure et sinple, ne sera jamais reçuc qu'à la charge, par l'opposant, » de provoquer l'interdiction, et d'y faire statuer dans le délai qui sera » fixé par le jugement » (art. 174, C. civ.). La solution de cet article. est importante et l'on peut en induire que si l'interdiction est prononcée, l'opposition sera maintenue. Le législateur voit donc dans l'interdiction judiciaire un empêchement à mariage; l'empêchement est seulement prohibitif, car au titre des nullités de mariage, nous ne trouvons pas l'organisation d'une nullité basée sur l'état d'interdiction du futur époux ; le mariage de l'interdit est donc valable, à condition que l'interdit ait fourni son consentement pendant un intervalle lucide, sans quoi il n'y aurait pas consentement et partant pas de mariage (art. 146, C. civ.).

360. L'article 175 mentionne le tuteur du futur époux, et son curateur au cas d'émancipation, comme pouvant faire opposition au mariage de leur pupille.

« Dans les deux cas prévus par le précédent article, le tuleur ou cu» rateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle, former opposition » qu'autant qu'il y aura été autorisé par un conseil de famille qu'il pour» ra convoquer » (art. 175, C. civ.).

L'article donne donc le droit d'opposition à mariage, à défaut d'aucun ascendant et concurremment avec les collatéraux (art. 174 et 175 comb.) au tuteur du mineur et à son curateur, s'il y a eu émancipation, et dans les deux cas où le droit d'opposition appartient aux collatéraux. Mais cette solution ne va pas sans présenter des difficultés : elles se posent, qu'il s'agisse du tuteur ou du curateur. Examinons-les pour l'une des hypothèses.

Le tuteur a le droit de former opposition au mariage de son pupille, 1° au cas où le consentement exigé du conseil de famille par l'article 160 n'a pas été donné. Si cette solution paraît naturelle comme sanction des droits de la famille, on se demande à quoi tend l'exigence du législateur, à quoi bon une autorisation spéciale du conseil de famille à donner au

tuteur ? Cependant on se l'explique au cas où le conseil de famille ayant donné son consentement veut le rétracter ante matrimonium, et aussi au cas où le consentement exigé par l'article 160 aurait été donné par un conseil de famille irrégulièrement constitué et où le tuteur veut faire opposition au mariage; le tuteur doit justifier de l'autorisation du conseil de famille régulièrement constitué et l'autorisant à agir.

20 Au cas de démence du pupille, futur époux, le tuteur doit, pour faire une opposition valable, être autorisé par le conseil de famille; mais quelle peut bien être l'hypothèse prévue ? Ce ne peut pas être celle où le conseil n'aurait pas été consulté et n'aurait pas donné son consentement, car nous retomberions dans le paragraphe 1er, déjà étudié ; si le conseil a donné consentement au mariage, c'est qu'apparemment il ne croyait pas à la démence du pupille, et persistant dans sa manière de voir, ayant donné son consentement à l'union, il ne donnera jamais au tuteur l'autorisation pour faire opposition. Au reste, si, après avoir donné son consentement, le conseil de famille croyait à la démence, ne vaudrait-il pas mieux retirer le consentement à mariage que d'autoriser le tuteur à faire opposition? Il est donc difficile de comprendre l'hypothèse que le législateur a eue en vue.

On a voulu la trouver au cas où le mineur ayant un ascendant, ce dernier ne serait pas son tuteur; l'ascendant a seul qualité pour donner son consentement au mariage, et le tuteur voulant faire opposition au mariage, se mettant en contradiction avec l'ascendant, devrait être autorisé par le conseil de famille. Cette hypothèse ne peut pas se réaliser, car dès qu'il y a un ascendant, le droit d'opposition ne peut appartenir ni aux collatéraux, ni au tuteur (art. 174 et 175, C. civ.).

Au cas où le mineur est enfant naturel, le consentement à mariage étant donné par le tuteur ad hoc (art. 159, C. civ.), on s'explique que le tuteur de cet enfant, voulant faire opposition à mariage, doive justifier de l'autorisation du conseil de famille, et ce dernier n'aura pas, pour la donner, à se déjuger. Mais n'est-il pas permis de douter que ce soit pour cette hypothèse que l'article 175 ait été rédigé ? Quoi qu'il en soit de ces difficultés, les tuteur et curateur n'ont le droit de former opposition au mariage du mineur que dans les deux cas prévus spécialement par l'article 175 et sous les conditions prescrites.

361. Telles sont les personnes qui ont, d'après nos textes, le droit de former opposition au mariage. En dehors de ces hypothèses, l'on ne peut admettre pour aucune autre personne le droit d'opposition. La jurisprudence a souvent fait l'application de ces principes, en décidant que le droit d'opposition ne saurait être reconnu aux neveux et nièces de l'un des futurs, ni aux enfants (1) de l'un des futurs époux, lors même qu'ils auraient introduit contre ce dernier une demande en interdiction.

(1) Cass., 28 août 1872, Sir., 72,1,329.

Ne faut-il pas tout au moins ajouter à l'énumération de nos articles le ministère public? On peut en douter, car nos articles ne le mentionnent pas; et ne voit-on pas le danger qu'il peut y avoir à son intervention? Le mariage ne sera-t-il pas définitivement rompu en présence de l'opposition, qu'elle soit ou non fondée? D'un autre côté, ne faudrait-il pas dire que, des textes formels (art. 184, 191, C. civ.) donnant au ministère public le droit d'exercer l'action en nullité du mariage, il y aurait contradiction à lui interdire le droit d'opposition? Ne vaut-il pas mieux, en effet, empêcher le mariage que d'avoir plus tard à le faire détruire? Cependant cet argument ne paraît pas suffisant; car, si l'on compare les personnes qui ont l'exercice de l'action en nullité et celles qui ont le droit d'opposition, on s'aperçoit qu'il n'y a aucune concordance entre ces listes ; que certains parents ont l'exercice de l'action en nullité, mais n'ont pas le droit d'opposition. Il pourrait de même en être du ministère public. Toutefois nous sommes porté à admettre l'intervention du ministère public; c'est un fonctionnaire chargé d'assurer l'exécution et l'observation des lois, et il nous paraîtrait contraire au bon ordre de la société qu'il assistât, sans avoir le droit d'intervenir, à l'accomplissement d'un mariage contracté en violation de la loi (argument de l'article 46 de la loi du 20 avril 1810). En conséquence, nous concluons que pour tout mariage projeté, au cas d'existence d'un empêchement dirimant ou prohibitif, le ministère public peut faire opposition.

362. Ces principes exposés, nous devons ajouter que les personnes non comprises dans les énumérations de la loi et qui voudraient empêcher un mariage peuvent faire connaître officieusement, à l'officier de l'état civil, l'existence des empêchements dirimants ou prohibitifs; il y a lieu de penser que ce magistrat, une fois prévenu, ne consentira pas à procéder à l'union tant que les futurs époux n'auront pas justifié de l'existence de toutes les conditions requises pour le mariage.

2o A quelles formalités l'opposition est-elle soumise ?

363. L'opposition à mariage doit être faite par acte extra-judiciaire, signifié à l'officier de l'état civil et au futur époux. Il ne suffirait pas d'une déclaration verbale, ni d'une lettre missive. La loi a indiqué des formes qui doivent être suivies à peine de nullité (Comp. art. 66 et 176, C. civ.).

« Les actes d'opposition sont signés sur l'original et sur la copie par » les opposants... » (art. 66, C. civ.). Cette mesure est exigée pour établir l'identité des opposants, et aussi pour éviter plus tard des difficultés relativement à l'obligation de payer des dommages-intérêts pouvant peser sur eux (art. 179, C. civ.).

L'acte énoncera la qualité qui donne à l'opposant le droit de former l'opposition. Il fera connaitre les motifs de l'opposition, à moins qu'elle

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n'émane d'un ascendant, et contiendra élection de domicile dans le lieu où le mariage devra être çélébré : élection de domicile nécessaire pour attribuer compétence sur la procédure en levée de l'opposition, au Tribunal du domicile des époux (art. 111, C. civ.).

L'acte d'opposition sera signifié au futur époux, et à l'officier de l'état civil au futur époux, pour le mettre à même de demander la levée de l'opposition; à l'officier de l'état civil, pour lui permettre de refuser la célébration du mariage. Pour constater que la signification a été faite, l'officier de l'état civil doit mettre son visa sur l'original.

Ces règles sont sanctionnées par « la nullité de l'acte d'opposition et » l'interdiction de l'officier ministériel qui aurait signé l'acte contenant » opposition » (art. 176, C. civ.).

30 Effets juridiques de l'opposition.

364. Supposons une opposition valable en la forme et remplissant les conditions des articles 66 et 176 du Code civil.

L'officier de l'état civil qui a reçu l'opposition a dù en faire mention sommaire sur le registre des publications (art. 67, C. civ.), et la faire figurer sur le certificat des publications remis aux parties (art. 69, C. civ.).

L'officier de l'état civil, auquel on demanderait de procéder à la célébration du mariage, et connaissant l'opposition faite (art. 68, C. civ.), « ne pourra célébrer le mariage, avant qu'on lui en ait remis la main» levée, sous peine de trois cents francs d'amende et de dommages-in

>> térêts ».

Donc toute opposition constitue par elle-même un obstacle à la célébration du mariage, un empêchement prohibitif. Si l'officier de l'état civil passait outre, il engagerait sa responsabilité (art. 68, C. civ.), mais le mariage ne serait pas nul par suite de cette irrégularité. La nullité ne pourrait en être demandée et obtenue que s'il avait été contracté en violation d'un empêchement dirimant.

365. Donc, en général, l'officier de l'état civil, en cas d'opposition, refusera de procéder au mariage tant que la mainlevée de l'opposition ne lui sera pas rapportée (art. 68, C. civ.). Qu'arriverait-il si l'opposition n'était pas valable en la forme, si elle n'était pas faite suivant les prescriptions de l'article 176 du Code civil, si elle émanait d'une personne évidemment sans qualité ? L'officier de l'état civil doit-il s'arrêter et refuser de procéder au mariage? Doit-il passer outre à la célébration? Il semble que l'opinion qui s'accorde le mieux avec les textes de notre Code soit celle suivant laquelle les officiers de l'état civil ne devraient tenir compte que d'une opposition régulière: c'était l'opinion acceptée pendant la période intermédiaire. Si une opposition irrégulière paralyse l'officier de l'état civil, à quoi servent donc les exigences de la

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loi en matière d'opposition? Cependant, comme le Code civil est muet sur la question et qu'il serait difficile à l'officier de l'état civil de juger par lui-même de la valeur ou de la validité d'une opposition, on suit l'opinion de notre ancien droit, suivant laquelle toute opposition, quelque irrégularité qu'elle présente, oblige l'officier de l'état civil à refuser la célébration, jusqu'à ce qu'on ait justifié de la mainlevée.

366. Voilà donc le futur époux, à l'occasion duquel l'opposition a été faite, obligé de s'en procurer la mainlevée. Celle-ci peut être donnée amiablement ou imposée par la justice à l'opposant.

La loi ne s'occupe pas des formes de la mainlevée amiable: elle peut être donnée verbalement à l'officier de l'état civil par l'opposant, au moment de la célébration du mariage; ou bien par acte authentique notarié, dont la copie sera remise à l'officier de l'état civil (art. 67 in fine, C. civ.), ou par acte signifié par huissier à l'officier de l'état civil.

Si l'opposant ne consent pas à la mainlevée amiable, il appartient aux époux de faire disparaître l'obstacle. La question doit être portée devant les tribunaux; c'est un procès dans lequel l'opposant est défendeur.

En vertu de l'élection de domicile faite dans l'opposition (art. 176, C. civ.), l'affaire pourra être portée devant le Tribunal du domicile élu ; mais ce n'est là qu'une disposition de faveur pour le futur époux qui peut actionner d'après le droit commun l'opposant au Tribunal de son domicile (art. 69, Proc. civ.).

La procédure présente ici quelques particularités : le législateur a voulu qu'elle fût rapidement menée; c'est pourquoi elle n'est soumise ni au préliminaire de la conciliation ni à la formalité de la mise au rôle. Le Tribunal << prononcera dans les dix jours sur la demande en main» levée» (art. 177, C. civ.). C'est aussi dans les dix jours de la citation en appel, que l'appel doit être vidé (art. 176, C. civ.). Mais ces délais. ne constituent pas des déchéances, et la loi les indique sans y attacher de sanction. En dehors de ces règles, la procédure se développe suivant les dispositions ordinaires.

Le Tribunal apprécie si l'opposition doit ou non être maintenue; son examen doit s'exercer à divers points de vue.

1o Si l'opposition n'émane pas d'une personne ayant qualité légale pour la former, le Tribunal en donnera mainlevée de plano, sans examiner l'affaire au fond.

2° Si l'opposition est nulle en la forme (comp. art. 66 et 176, C. civ.), le Tribunal en donnera immédiatement mainlevée.

3o Enfin, si, la personne ayant qualité pour faire opposition, celle-ci est valable en la forme, le tribunal aura à aborder le fond du débat. Il aura à vérifier si le mariage projeté remplit toutes les conditions voulues par la loi, ou bien s'il existe quelque empêchement dirimant ou prohibitif à sa célébration. Dans le premier cas, il donnera mainlevée

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