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suivant laquelle le roi pouvait promulguer, quand il le voulait, la loi qu'il devait revêtir de sa sanction: aussi une ordonnance du 27 novembre 1816 vint-elle apporter à l'article premier du Code civil une modification, en statuant que le point de départ, pour calculer le délai après lequel la loi devient exécutoire, courrait de la réception du Bulletin des Lois de l'imprimerie nationale, au ministère de la justice (date toujours indiquée au Bulletin).

Dans les cas où l'exécution de la loi était urgente, on procédait suivant les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance de 1816 et des articles 1 et 2 de l'ordonnance du 18 janvier 1817. Article 4 de l'Ordonnance de 1816: « Néanmoins dans les cas et les lieux où nous jugerons convenable de hâter l'exécution, les Lois et Ordonnances seront censées publiées et seront exécutoires du jour qu'elles seront parvenues au préfet qui en constatera la réception sur un registre ».

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Et Ordonnance de 1817... « Les préfets prendront incontinent un arrêté par lequel ils ordonneront que lesdites Lois et Ordonnances seront » imprimées et affichées partout où besoin sera. »>

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Article 2: «Lesdites Lois et Ordonnances seront exécutées à compter du jour de la publication faite dans la forme prescrite par l'article cidessus. >>

47. Conformément à ces textes combinés, et en laissant de côté les lois urgentes, les lois sont exécutoires en France, en vertu de la promulgation qui en est faite par le Chef du pouvoir exécutif.

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La promulgation faite par le roi sera réputée connue dans le département de la résidence royale, un jour après celui de la promulgation » (art. 1, C. civ.). Il faut entendre ces mots : dans le département de la résidence royale, comme indiquant le département siège du gouvernement, aujourd'hui Paris. La promulgation n'est pas le point de départ du delai, mais bien la réception du Bulletin de l'imprimerie nationale au ministère de la justice (ord. de 1816). Il ne peut s'agir ici que de délais francs, c'est-à-dire de délais de 24 heures, jour légal de minuit à minuit. D'où il suit qu'une loi, insérée au Bulletin des Lois (réception au ministère de la justice) le 1er avril, est exécutoire à Paris le 3, la journée du 2, de minuit à minuit, formant le délai légal.

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«Et dans chacun des autres départements, après l'expiration du même délai, augmenté d'autant de jours qu'il y aura de fois dix myriamè»tres, environ vingt lieues anciennes, entre la ville où la promulgation »en aura été faite et le chef-lieu de chaque département. » (Article 1er du Code civil).

Pour l'application de l'article premier, on suit les dispositions de l'arrêté du 25 thermidor an XI, fixant les distances de Paris aux chefs-lieux de département.

Dans les départements dont le chef-lieu est à moins de dix myriamè

tres de Paris, la loi est exécutoire en même temps qu'à Paris; pour les autres zones, un jour est ajouté au délai par chaque dix myriamètres de distance, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de fractions inférieures à dix myriamètres. L'ordonnance royale du 7 juillet 1824 fixe à cent quarante-cinq myriamètres cinq kilomètres la distance de Paris à Ajaccio et donne un délai de quinze jours pour la promulgation, délai qui aurait été le même si Ajaccio avait été à cent quarante myriamètres exactement. Ce système de zones concentriques, dans lesquelles la loi est exécutoire successivement, est bizarre, et entraîne dans la pratique des difficultés d'application; car, au même moment, l'ancienne loi est encore obligatoire dans les départements éloignés de Paris et la loi nouvelle dans les plus rapprochés; aussi beaucoup de pays ont-ils abandonné le système de l'article premier, et déterminé une époque fixe à partir de laquelle la loi devient exécutoire pour tout le territoire (en Belgique dix jours après la promulgation).

Pour parer à ces inconvénients pour des lois très importantes, le législateur a fixé lui-même l'époque où la loi deviendrait exécutoire et cela dans la France entière. (Loi du 23 mars 1855, art. 10: « La présente loi est exécutoire à partir du 1er janvier 1856 ».)

48. Mais aujourd'hui, si l'article premier du Code civil n'est pas formellement abrogé, tout au moins a-t-il perdu la plus grande partie de son importance depuis les décrets du gouvernement de la Défense nationale du 5 novembre 1870, promulgués au Journal officiel du 6, et de la Délégation de Tours du 11 novembre 1870. Ces textes ont introduit un système nouveau, relativement à l'exécution des lois, analogue à celui de la loi du 12 vendémiaire an IV.

Article premier: « Dorénavant, la promulgation des lois et décrets ré»sultera de leur insertion au Journal officiel de la République française, lequel à cet égard remplacera le Bulletin des Lois. Le Bulletin des » Lois continuera à être publié, et l'insertion qui y sera faite des actes » non insérés au Journal officiel en opérera la promulgation. »

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En vertu de ce texte, l'article premier du Code civil reste applicable aux lois, qui ne seraient pas insérées au Journal officiel.

Quant aux documents législatifs insérés au Journal officiel, la promulgation résulte de cette insertion, et la loi est censée publiée, puisque chacun a pu en avoir connaissance.

Article 2: Les lois et les décrets seront obligatoires à Paris, un jour franc après la promulgation... »

C'est la solution du Code civil, avec l'indication du caractère du délai qui est un délai franc, et la disposition n'est applicable qu'à Paris, siège légal du Gouvernement.

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Et partout ailleurs dans l'étendue de chaque arrondissement, un

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jour franc après que le Journal officiel sera parvenu au chef-lieu de » cet arrondissement. »

Par cette disposition, le système de l'article premier du Code civil est complètement renversé; le délai après lequel la loi est exécutoire est beaucoup plus court qu'avec l'ancien système ; la nouvelle solution est, plus que l'ancienne, en rapport avec la rapidité des communications. N'était-il pas étrange, en effet, que la loi ne fût exécutoire à Marseille que plusieurs jours après qu'elle l'avait été à Paris, et cela malgré les moyens de publicité, qui portent à la connaissance de tous, et avec rapidité, les discussions des Chambres.

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49. Article 3: « Le Gouvernement, par une disposition spéciale, » pourra ordonner l'exécution immédiate d'un décret... Les préfets et sous-préfets prendront les mesures nécessaires pour que les actes législatifs soient imprimés et affichés partout où besoin sera. »

Il était nécessaire de réserver les cas d'urgence, pour rapprocher encore l'exécution des lois.

Par ce système, la promulgation faite, la loi devient exécutoire pour tous, qu'on l'ait connue ou non; il suffit qu'on ait été en situation de la connaître. Cependant l'article 4 réserve aux autorités judiciaires ou administratives la faculté d'accepter l'excuse d'ignorance: « si la contraven» tion a été commise dans les cinq jours francs, à partir de la promulgation; ce sera à celui qui invoque l'excuse à en justifier, sous peine de » subir les conséquences de l'infraction (1) ».

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50. Les règles que nous venons d'indiquer ne s'appliquent qu'à la mé tropole. Pour déterminer le moment où une loi devient obligatoire dans nos colonies (2), on suit des règles particulières; c'est ainsi que, pour l'Algérie, les lois, bien que promulguées en France, ne deviennent obligatoires qu'en vertu d'un décret spécial de promulgation; cependant si une loi ne fait que modifier une loi antérieure, elle s'applique de plein droit à l'Algérie sans promulgation spéciale, dès qu'elle a été promulguée en France (3).

51. Le législateur a donc voulu, conformément aux données de la raison, que la loi ne fût exécutoire qu'après promulgation et publicité alors seulement les intéressés ont eu moyen de connaître la loi, alors seulement ils sont soumis à son empire.

Certaines lois françaises (les lois de statut personnel) obligent les Français à l'étranger, à quel moment la loi promulguée et publiée en France sera-t-elle exécutoire à l'étranger. Il est certain que les règles de publicité ont été organisées, soit par le Code civil, soit par le décret du 5 no

(1) Comp. sur la promulgation et la publication un arrêt intéressant, Cass.crim., 7 nov. 1885, Sir., 87. 1. 233, à propos de la loi du 15 janv. 1881.

(2) Cass. 20 juin 1888, Sir. 90. 1. 393, pour la Nouvelle-Calédonie.

(3) Comp. Cass. crim., 27 mai 1886, Sir., 87. 1. 288 et nombreux arrêts.

vembre 1870, en vue du territoire français, il serait arbitraire de vouloir les appliquer par analogie à notre hypothèse en conséquence, il faut décider que la loi promulguée et publiée en France, ne sera exécutoire pour le Français à l'étranger que si en fait le Français a pu en connaître les dispositions: point de fait, qui sera décidé souverainement par les tri-. bunaux, suivant les circonstances (1).

52. L'article 1 du Code civil ne s'applique qu'aux lois proprement dites, quant aux décrets, règlements, ordonnances, etc., 'ils sont obligatoires, conformément aux dispositions du décret du 3 novembre 1870, après leur insertion au Journal officiel et suivant les dispositions de ce décret, et s'ils ne sont insérés qu'au Bulletin des lois, suivant les dispositions des ordonnances de 1816 et 1817 (Voir ci-dessus no 46).

53. Le Droit privé comprend de multiples dispositions dont l'ensemble peut se ranger en deux groupes distincts; les unes ont pour objet de fournir les règles auxquelles chaque membre de la Société doit se soumettre, que la loi ait pour objet de commander, de défendre ou de permettre certains actes (2) ou bien de déterminer la condition des personnes ou des choses: ces dispositions ont pour but de tracer les règles des actions humaines elles constituent le Droit déterminateur (3); elles suffiraient si les passions humaines n'entraînaient pas l'homme à désobéir à la loi, à en violer les dispositions.

Aussi le législateur est-il obligé de formuler des règles, dont l'objet, accessoire et subordonné aux premières, assurera l'exécution de celles-ci. Leur ensemble forme le Droit sanctionateur (4). Celui-ci comprend des règles très importantes du Droit, le Droit pénal, l'instruction criminelle, la procédure civile, la procédure administrative, dans le Code civil et dans les lois particulières de nombreuses dispositions ne font qu'assurer l'exécution des décisions légales : les théories des preuves, des nullités des actes etc., font partie du Droit sanctionateur.

54. Dès que la loi est devenue exécutoire, le devoir de tout citoyen est de se conformer à ses prescriptions; chacun est présumé connaitre la loi, du moment que par la publication elle a pu être portée à sa connaissance. En ce sens seulement il est vrai à dire que nul n'est censé ignorer la loi.

Si la loi vient à être violée, suivant la nature de la loi, la conséquence sera différente: la violation d'une loi pénale constitue un fait de nature à être puni, hypothèse qui rentre dans le Droit criminel; la violation d'une

(1) Cass. civ. 22 juin 1891, Sir., 91, 1, 289.

(2) Fr. 1, De legibus, etc. Dig. liv. I, tit. III.

(3) La division en Droit déterminateur et sanctionateur n'est pas particulière au Droit privé.

(4) Cette terminologie est empruntée à M. Oudot, Premier essai de Philosophie du droit, etc. (Paris 1846), p. 180 et 375.

loi civile ou bien entraîne la nullité des actes faits en violation de la loi ou oblige l'auteur à réparer les conséquences de ses actes : dans tous ces cas, nous entrons dans le domaine du Droit sanctionateur.

CHAPITRE II

effets des lois. (art. 2 et 3, C. CIV.)

55. Les effets de la loi, comme force obligatoire, peuvent être étudiés à divers point de vue et principalement quant au temps, quant aux personnes et quant aux lieux.

56. A. Quant au temps, la question est visée dans l'article 2. « La loi « ne dispose que pour l'avenir: Elle n'a point d'effet rétroactif ». Ce principe n'est posé que pour servir de règle aux juges, dans les contestations portées devant eux, mais il ne lie pas le législateur. La constitution du 5 fructidor an III, article 14, interdisait au législateur de faire des lois rétroactives; depuis, aucune constitution n'a renouvelé semblable défense; donc, en vertu de la plénitude de ses pouvoirs, le législateur pourrait faire une loi régissant les faits passés antérieurs à la loi, comme elle régit les faits à venir; la loi serait peut-être désastreuse dans ses conséquences, mais il ne faudrait pas hésiter à en assurer l'entière application.

57. L'article 2 constitue une règle, pour le juge; pour en comprendre la portée, il faut distinguer diverses hypothèses:

1° Il peut arriver, en premier lieu, qu'une loi ayant posé une règle, les Tribunaux donnent à celle-ci une portée qui parait exagérée; le législateur pourra faire une loi interprétative de la première, pour fixer le sens de celle-ci y aura-t-il à se préoccuper de l'article 2? Non. La loi interprétative, déterminant le sens d'une loi antérieure, fait corps avec cette dernière. Ainsi, pour les actes, tant antérieurs que postérieurs à la loi interprétative, il faut appliquer cette loi interprétative: l'article 2 ne peut intervenir dans la question (comp. loi du 21 juin 1843 sur l'interprétation de l'article 9 de la loi du 25 ventôse an XI sur le notariat).

2o D'autres fois, le législateur, réglementant une matière à nouveau, et faisant une loi qui modifie la loi antérieure, peut indiquer lui-même quelle solution il faut appliquer aux faits qui se sont produits sous l'empire de l'ancienne législation, et dont les conséquences se produisent sous la nouvelle les questions ainsi prévues se résolvent conformément aux règles posées par le législateur; ce sont là des questions transitoires

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