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1o Elle ne peut être invoquée que par l'incapable. Les tiers qui ont traité avec la femme n'ont pas l'exercice de l'action (art. 1125, C. civ.) (1). L'action appartient à la femme, au mari et à leurs héritiers (art. 225, C. civ.): à la femme, parce que c'est la sanction de son incapacité; au mari, parce qu'il a intérêt que l'acte ne produise pas ses effets; à leurs héritiers, ce qui semble vouloir dire aux héritiers du mari et de la femme, mais il faut reconnaître que les héritiers du mari ne sauraient jamais avoir l'exercice de l'action en tant qu'héritiers du mari, car le mari n'a l'exercice de l'action que pour faire respecter l'autorité maritale dont il est investi: or, cette autorité ne passant pas aux héritiers, comment auraient-ils l'exercice de l'action? l'action ne passe donc qu'aux héritiers de la femme; elle peut appartenir, par application des principes généraux, aux ayants cause de la femme, à ses créanciers agissant en ses lieu et place (art. 1166, C. civ.).

2o La nullité est susceptible d'être ratifiée expressément ou tacitement (art. 1338, C. civ.) (2); pendant le mariage, la ratification émanée de la femme n'est valable que si la femme est autorisée du mari à la faire ; la ratification est un engagement qui ne peut être obligatoire que d'après les règles générales du Droit. Après la dissolution du mariage, la ratification de la femme éteint l'action en nullité et donne à l'acte toute sa valeur. Le mari, pendant le mariage, peut-il ratifier seul? Évidemment et par là il renonce à l'exercice de l'action en nullité. Mais cette ratification a-t-elle effet au regard de la femme? Fait-elle perdre à cette dernière l'action en nullité? Nous serions assez porté à l'admettre l'acte de la femme n'est nul qu'à cause de l'atteinte portée à la puissance maritale; or le mari en ratifiant ne change-t-il pas le caractère de l'acte, ne lui donne-t-il pas validité entière, comme l'aurait fait l'autorisation? C'est cette théorie que le législateur a appliquée au cas de mariage (art. 183, C. civ.) célébré sans le consentement des ascendants; la situation n'estelle pas la même ici? Cependant la jurisprudence partant de ce que la femme aurait un droit acquis à l'action en nullité, décide que le mari ne peut pas la lui faire perdre malgré elle (3).

3o La nullité est susceptible de se perdre par la prescription. Celle-ci s'acquiert par dix ans (art. 1304, C. civ.), qui commencent à courir du jour de la dissolution du mariage; la prescription opère ici comme entraînant une ratification tacite; or la ratification formelle de la part de la femme ne pouvant se produire qu'après la dissolution du mariage, la prescription ne pouvait commencer à courir qu'à partir de cette époque.

S'il s'agit d'actes judiciaires, le tiers, assigné par la femme non auto

(1) Cass. 3 juin 1880, Sir., 1881, 1, 331 et Cass. 21 avril 1880, Sir., 81, 1, 75, et Cass. civ. 4 août 1884, Sir., 85, 1, 477.

(2) Cass., 25 mai 1886, Sir., 87, 1, 268.
(3) Douai, 10 octobre 1873, Sir., 73, 2, 139.

risée, peut refuser de défendre tant que l'autorisation ne sera pas obtenue; dans l'hypothèse inverse. La femme assignée,non autorisée, pourra faire valoir contre le tiers, qui l'a assignée, le défaut d'autorisation par toutes les voies de recours ordinaires ou extraordinaires, contre le jugemeut ou l'arrêt qui l'aurait condamnée (1) et le mari contre ce même jugement. n'aurait que la tierce opposition, voie de recours réservée à ceux qui n'ont pas été parties dans l'instance (2).

CHAPITRE IV

DISSOLUTION DU MARIAGE.

454. « Le mariage se dissout: 1o par la mort de l'un des deux époux; » 2o par le divorce légalement prononcé ; 3° par la condamnation deve» nue définitive de l'un des époux à une peine emportant mort civile » (art. 227, C. civ.). De ces modes d'extinction, le dernier a disparu par l'effet de la loi du 31 mai 1854. Le divorce, aboli en 1816, a été rétabli dans notre législation par la loi du 27 juillet 1884. Avec le titre VI, nous étudierons le divorce, et la séparation de corps : cette dernière laisse subsister le mariage mais en altère certains effets.

(1) Une jurisprudence constante décide que le principe de la nécessité de l'autorisation pour la femme tient à l'ordre public, et en conséquence peut être proposé, pour la première fois, au nom de la femme, devant la Cour de cassation. Cass. civ. 21 février 1888, Sir., 88, 1, 104. Comp. Cass., 14 août 1884, Sir., 85, 1, 477. Cass. civ. 16 juillet 1889, Sir., 89, 1, 423.

(2) Cass. req. 28 mars 1888, Sir., 90, 1, 294.

TITRE VI

DU DIVORCE.

(Décrété le 21 mars 1803 Promul. le 31 du même mois).

455. Ce titre comprenant la série des articles (229 à 311 C. civ.) consacrait quatre chapitres (art. 229 à 305, C. civ.) au divorce et le cinquième le plus court (art. 306 à 311) à la séparation de corps. Le divorce, aboli par la loi du 8 mai 1816, a été rétabli dans notre législation par la loi du 27 juillet 1884 (comb. loi du 28 avril 1886). Nous allons donc diviser notre titre en deux chapitres, l'un consacré au divorce, l'autre à la séparation de corps (1).

CHAPITRE PREMIER.

DU DIVORCE.

456. Le divorce est la dissolution prononcée par la justice du mariage valablement contracté qui unissait les époux.

En Droit romain, le mariage était un contrat de Droit civil; il se formait par la volonté des époux, et, à l'origine, on avait admis en conséquence, que le consentement en amenait la rupture, comme il avait suffi à le former: c'était le divorce bonâ gratiâ, c'est-à-dire résultant de l'accord des conjoints. En outre, on avait admis le divorce par la volonté de l'un des conjoints.

(1) Nous n'étudions sous ce titre que la législation française proprement dite; si celle-ci s'étend à quelques-unes de nos colonies, il est quelques colonies dans lesquelles on suit une législation toute différente: ainsi en Algérie, les indigènes algériens se rattachant à la religion musulmane, par suite de leur statut personnel, sont soumis quant au divorce à une législation spéciale (Comp. Gonse, Sur le divorce en Algérie, dans le Bulletin de la Société de législation comparée, année 1882, n° 2, pag. 166 et Pinchon, Sur le divorce en Cochinchine dans le Bulletin de la Société de législation comparée, année 1882, no 2, page 168. Dans le même bulletin et dans la même année on trouve des renseignements sur la législation du divorce à l'étranger, en Suisse, en Allemagne et en Autriche (Lefort, page 130), en Belgique, (Léon Renault, page 139), en Italie (Amiaud, page 140), en Alsace-Lorraine (Flach, pag. 147), en Angleterre (Hubert-Valleroux, p. 150).

L'Église ne pouvait se contenter de cette législation; c'est à son influence que sont probablement dues les modifications apportées par Justinien à notre matière. En 542, il reproduisait une loi de Constantin (331, C. Th. III, XVI, I). Il proscrivit le divorce boná gratiâ, si ce n'est pour entrer en religion; quant au divorce par la volonté de l'une des parties, on l'entoura de dispositions spéciales tendant à ne permettre le divorce que pour certaines causes déterminées (Nov. 117).

Bien que le Droit germain à l'origine admit le divorce au profit du mari, bien que nous possédions des formules de divorce par consentement mutuel d'une date assez récente (de Rozière, Recueil général des formules, nos 111, 112, 113, 114), l'influence de l'Église dût empêcher le divorce d'entrer dans les mœurs; il fut formellement prohibé par les capitulaires au IXe siècle (Capit. de 829, art. 3, et de 829, art. 20. Pertz. leg. t. I, p. 345, 353), et on n'en trouve plus trace dans la suite. L'Église ne pouvait accepter une institution contraire à la vraie doctrine, et qui, en brisant le mariage, compromettait gravement le sacrement, intimement uni à lui. Aussi le divorce fut-il inconnu. Mais l'Église, reconnaissant que dans certains cas la vie commune entre époux n'était pas possible, admit une espèce particulière de divorce qui laissait subsister le lien matrimonial, tout en faisant cesser la cohabitation, c'était le Divortium quoad thorum et habitationem qui est devenu la séparation de corps moderne.

457. Avec la Révolution française, d'autres principes sont acceptés par la législation; le mariage n'est plus considéré comme un contrat dépendant du sacrement, mais comme un contrat civil pur et simple, tout à fait distinct du sacrement, et par suite les époux peuvent, lorsqu'ils le veulent, le faire cesser. La loi du 20 septembre 1792 sur le divorce posa les règles suivantes :

1o Le divorce peut être admis par consentement mutuel. C'est le consentement des époux qui a établi le mariage, pourquoi un consentement en sens contraire n'en entraînerait-il pas la rupture?

2o Le divorce peut être admis à la demande d'un seul des époux, soit pour causes déterminées, soit pour incompatibilité d'humeur.

3o Enfin la séparation de corps était prohibée : les époux avaient à opter entre le mariage et ses conséquences et la rupture complète du lien matrimonial.

On ne peut que s'associer aux justes critiques dirigées contre cette législation: la loi ne doit jamais violenter, ni directement, ni indirectement, la conscience des citoyens; or, proscrire la séparation de corps, c'était obliger les catholiques à une union insupportable, leur foi ne leur permettant pas de recourir au divorce. En outre, cette législation admettait trop facilement le divorce et laissait les époux se jouer de l'union matrimoniale.

Le Code civil accepta le divorce, mais à côté de lui il admit la séparation de corps, et par là il respectait les scrupules des catholiques en leur ouvrant un moyen de faire cesser la vie commune sans rompre le mariage. 458. Le divorce était admis par consentement mutuel et pour causes déterminées.

Le divorce par consentement mutuel était entouré de précautions minutieuses, destinées à en arrêter les abus. Il fallait une longue procédure, avec des épreuves multiples pour les époux, telles que peu de personnes pouvaient les réaliser, et de plus, les droits des enfants étaient, par le fait du divorce, assurés sur la fortune des parents, de façon à décourager les époux qui, à la légère, auraient voulu divorcer par consentement mutuel (art. 305, C. civ.). Ce divorce avait un avantage particulier les époux pouvaient, grâce à lui, dissimuler les véritables causes du divorce et ne pas les livrer à la publicité.

Le divorce pour causes déterminées n'était admis que d'une manière très restreinte c'était la suprême ressource des ménages profondément désunis.

Cette législation du Code civil, beaucoup plus modérée que celle de 1792, ne trouva pas grâce devant la réaction qui suivit la chute de l'empire, et par une loi du 8 mai 1816 le divorce fut aboli.

C'est vainement que, pendant la monarchie de juillet, après la révolution de 1848, des propositions furent faites de rétablir le divorce: elles échouèrent toutes. Un sort meilleur attendait la proposition de rétablissement faite par M. Naquet. Déposée en 1880, cette proposition, après des fortunes diverses, a été érigée en loi, le 27 juillet 1884, et la procédure pour y aboutir a été modifiée par la loi du 18 avril 1886.

459. Le divorce est donc de nouveau accepté par notre législation; est-ce une bonne chose en soi, et doit-on donner approbation à cette modification? Théoriquement, le mariage constituant un contrat de Droit civil, contrat se formant par le consentement, on peut admettre pour les époux la faculté de le faire disparaître; il ne faut pas craindre par là d'ébranler la famille : le divorce n'est fait et organisé que pour les ménages troublés dans des conditions particulières rendant la vie commune impossible.

Le divorce non admis par l'Église peut bien être accepté par la législation, aujourd'hui que l'on a séparé le contrat civil et le sacrement, et que la législation, laissant à côté de lui la séparation de corps, évite le reproche de violenter les consciences.

Le divorce se présente donc comme un mode exceptionnel de dissolution du mariage. Nous l'étudierons sous les trois sections suivantes : Dans quels cas le divorce est admis;

Procédure suivie pour arriver au divorce;
Effets du divorce.

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