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» même individu; entre l'adopté et les enfants qui pourraient survenir » à l'adoptant; entre l'adopté et le conjoint de l'adoptant et récipro» quement entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté. »

Des raisons de convenance exigeaient ces prescriptions. Suivant les principes par nous antérieurement posés, il faut interpréter ces textes en ce sens : a) que l'empêchement n'existe que dans les cas limitativement indiqués par la loi; b) que ces empêchements sont de simples empêchements prohibitifs, puisque la loi au titre des nullités du mariage n'en organise pas la sanction.

653. Le troisième effet de l'adoption est la création de l'obligation alimentaire entre l'adoptant, l'adopté et ses descendants. Il faut appliquer à cette obligation alimentaire, par voie d'analogie, les règles suivies pour l'obligation alimentaire entre parents en ligne directe (renvoi aux articles 206, 207, 208 et 209, C. civ.); et, bien que la loi ne le dise pas expressément, l'adopté doit honneur et respect à ses père et mère adoptants, comme aux père et mère légitimes (art. 371, C. civ.). C'est en conséquence de ce principe que le législateur, dans les articles 312 et 299 du Code pénal, a vu une cause d'aggravation dans la qualité de fils adoptif, chez l'auteur de délits contre l'adoptant: l'assassinat de l'adoptant par le fils adoptif est un parricide, et les blessures et coups donnés par le fils adoptif au père adoptant sont plus sévèrement punis que les coups et blessures entre personnes non parentes (art. 312 et 299, C. pén.).

654. Le quatrième effet de l'adoption est la concession de droits de succession à l'enfant adoptif et à ses descendants, sur la succession de l'adoptant. « L'adopté n'acquerra aucun droit de successibilité sur les » biens des parents de l'adoptant; mais il aura sur la succession de » l'adoptant les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage, même quand il y aurait d'autres enfants de cette dernière qualité nés depuis l'adoption » (art. 350, C. civ.).

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L'adopté et ses descendants obtiennent par l'adoption tous les droits de l'enfant légitime; d'où il suit :

1o Que l'adopté est héritier au premier degré, qu'il soit seul, ou qu'il ait à concourir avec d'autres enfants de l'adoptant, adoptifs ou légitimes; 20 Que les enfants de l'adopté sont héritiers au deuxième degré de l'adoptant, et viennent à sa succession soit directement et de leur chef, soit par représentation de l'enfant adoptif (art. 740, C. civ.). Les petitsenfants de l'adopté seront pour l'adoptant le troisième degré dans la ligne directe descendante, et viendront aussi, soit de leur chef soit par représentation, et ainsi de suite pour les degrés suivants;

3o Que l'adopté et ses descendants sont héritiers réservataires, comme s'ils étaient enfants légitimes; c'est-à-dire que l'adoptant ne peut disposer, à leur détriment par actes à titre gratuit (donations et legs), que

dans les limites de la quotité disponible: une part de la succession leur est réservée dans tous les cas (comp. art. 913 et 914, C. civ.).

Voilà les principales conséquences du droit de succession reconnu par la loi aux enfants adoptifs; les détails ne pourront être donnés qu'en étudiant le titre des successions.

655. L'adoption ne produit-elle pas d'effet au regard de l'adoptant? En général, il faut dire que l'adoption ne confère aucun droit à l'adoptant sur la personne ou les biens de l'adopté : ce contrat est tout dans l'intérêt de l'adopté; de plus, les droits que pourrait prétendre l'adoptant le mettraient en conflit avec les parents légitimes, et il y aurait atteinte. au principe que l'adopté reste dans sa famille. En conséquence, l'adoptant ne sera pas appelé à donner son consentement au mariage de l'adopté (une disposition dans ce sens, réclamée par le Tribunat, n'a pas été acceptée); ni l'usufruit légal, ni le droit de recueillir la succession ne peuvent appartenir à l'adoptant. Donc, ni sur la personne de l'adopté, ni sur ses biens, l'adoptant n'a les droits des parents légitimes; cependant la loi reconnaît à l'adoptant, dans des circonstances exceptionnelles, quelques droits sur les biens, droits mentionnés dans les articles 351 et 352 et qu'il faut étudier :

656. L'article 351 prévoit le cas où l'adopté meurt sans descendants légitimes et se préoccupe de la dévolution de sa succession. Pour que l'article ait à recevoir son application, il faut que l'adopté ne laisse pas d'enfants légitimes. S'il en laissait, ils seraient appelés à recueillir son hérédité, à titre d'héritiers de la première classe, et exclueraient tous les autres parents de l'adopté et l'adoptant; et comme les enfants légitimés et les enfants adoptifs ont les droits des enfants légitimes, si l'adopté en avait de cette qualité, ils mettraient obstacle aussi à l'application de. l'article 351 (C. civ.).

S'il n'y a pas d'enfants légitimes, et il faut entendre par là le cas où l'adopté n'a pas eu d'enfants légitimes, et le cas où ses enfants légitimes, appelés à sa succession, y ont renoncé ou sont indignes de la recueillir légalement, c'est comme s'ils n'existaient pas, et alors se présente l'application de l'article 351 (comp. art. 785, C. civ.).

Remarquons à cet égard que si l'adopté laissait des enfants naturels reconnus (comp. art. 334, C. civ.), leur présence n'empêcherait pas l'application de l'article 351 (C. civ.).

La loi, en face de cette succession, abandonne les règles générales posées au titre des successions, notamment la règle de l'article 732 du Code civil. D'après ce texte, le législateur règle la dévolution de la succession, sans se préoccuper de la nature et de l'origine des biens, abrogeant ainsi les anciennes règles paterna paternis, materna maternis, la succession des propres et acquêts, etc. Mais ici la loi revient à l'idée fondamentale de ces règles, la conservation des biens à la famille d'où ils

proviennent; le patrimoine de l'adopté comporte un double élément : les biens recueillis de l'adoptant et les biens provenant de toute autre source; le législateur trouve injuste de faire profiter la famille légitime de l'adopté des biens provenant de l'adoptant, et il appelle à les recueillir l'adoptant et, à son défaut, ses descendants (art. 351, C. civ.).

Quant au restant du patrimoine, il est recueilli par les parents de l'adopté, suivant les règles générales posées au titre des successions. Sur ces biens, les parents de l'adopté excluent toujours l'adoptant, non parent (1), en vertu du principe indiqué plus haut, que l'adoptant n'acquiert par l'adoption aucun droit sur les biens de l'adopté.

Quant à l'adoptant et, à son défaut, ses descendants, ils sont appelés à recueillir tout ce qui provient de l'adoptant; la loi pour caractériser ce droit, dit : « ...les choses données par l'adoptant... retourneront... » (art. 351, C. civ.); faudrait-il voir là l'indication d'une espèce de condition résolutoire au profit de l'adoptant ou de ses descendants et considérer ceux-ci comine redevenant propriétaires d'une chose dont ils seraient censés n'avoir jamais abandonné la propriété ? Nous ne le pensons pas : c'est à titre d'héritiers que l'adoptant et ses descendants sont appelés à reprendre les biens, d'où il suit qu'ils ne les prennent qu'à la charge de payer une partie des dettes de la succession; cette part se détermine par une proportion: l'adoptant aura à payer une portion des dettes en rapport avec la valeur des biens qu'il recueille; si les biens recueillis par lui sont le quart du patrimoine, il paiera le quart des dettes.

657. Pour que le droit de l'adoptant, ou de ses descendants s'ouvre, il faut deux conditions: 1o que les choses proviennent de l'adoptant, soit de donations faites par l'adoptant à l'adopté, soit de droits recueillis par ce dernier dans la succession de l'adoptant; 2o que ces objets se retrouvent en nature, c'est-à-dire qu'ils soient au décès de l'adopté dans la succession; d'où il résulte que si l'adopté les a aliénés, s'il les a compris dans des dispositions testamentaires ou des donations par lui faites, il a mis fin au droit de l'adoptant. Ce droit n'est en effet qu'un droit de succession ab intestat, qui ne peut s'ouvrir que sur les choses étant dans la succession du de cujus au moment de son décès et dont celui-ci n'aura pas disposé.

Mais nous pensons que, si l'aliénation faite par l'adopté n'était pas définitive, si le prix d'aliénation était dù, s'il y avait une action en reprise, l'adoptant reprendrait, à titre d'héritier ab intestat, ce prix, cette action en reprise, comme tenant lieu de la chose provenant de lui (comp. art. 747, C. civ. arg. an.). Cours élémentaire, t. II, no 126.

(1) Il est bien entendu que si l'adoptant était un des parents de l'adopté, sa qualité de parent lui donnerait le droit de recueillir la succession légitime de l'adopté en concours avec les autres parents suivant la règle de la succession ab intestat.

658. L'article 352 suppose que l'adopté a laissé des descendants: ils ont recueilli la succession de ce dernier et ont exclu l'adoptant. Ils meurent à leur tour et avant l'adoptant, que décider de leur succession?

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« Si, du vivant de l'adoptant, et après le décès de l'adopté, les enfants ou descendants de celui-ci mouraient eux-mêmes sans postérité, l'adoptant succèdera aux choses par lui données, comme il est dit en » l'article précédent; mais ce droit sera inhérent à la personne de l'adoptant, et non transmissible à ses héritiers même en ligne descen»dante» (art. 352, C. civ.).

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L'adoptant seul est appelé à recueillir ces objets, dans la succession des descendants de l'adopté ; d'où il suit que, s'il meurt avant les enfants de l'adopté, son droit ne se sera jamais ouvert à son profit; et comme ce droit n'est reconnu qu'à lui, il ne pourra pas être réclamé par ses héritiers, même ses descendants: c'est ce qu'a voulu dire la fin de l'article 352, en employant des expressions bien impropres. Si l'adoptant est vivant, au moment de l'ouverture de la succession des enfants de l'adopté, il recueille le droit, qui, fixé sur sa tête, fait partie de son patrimoine et est transmissible à ses héritiers, quels qu'ils soient (1).

APPENDICE.

DE LA TUTELLE OFFICIEUSE (art. 361 à 370, C. civ.),

659. La tutelle officieuse peut être définie : un contrat de bienfaisance par lequel une personne se charge des fonctions de tuteur et s'oblige en plus à fournir au pupille des aliments, l'entretien et l'éducation et à l'adopter (2).

Cette tutelle a été introduite par les rédacteurs du Code civil pour un double motif: ils ont voulu faciliter l'adoption en ouvrant au tuteur officieux la faculté d'adopter par testament son pupille, et en même temps permettre à une personne, privée de famille, de s'attacher un mineur par un titre sérieux. Étudions cette tutelle sous la division suivante :

§ I. Conditions de forme et de fond de la tutelle officieuse; § II. Effets de la tutelle officieuse.

$1. Conditions de forme et de fond de la tutelle officieuse.

660. Pour permettre de figurer à un contrat de tutelle officieuse, le législateur exige certaines conditions qui doivent se réaliser, les unes dans la personne du tuteur, les autres dans celle du pupille.

(1) Dans les développements qui précèdent, nous n'avons étudié que les règles de l'adoption pour les Français en France, l'adoption dans les colonies se fait, relativement ainsi aux indigènes, ayant conservé leur statut personnel, suivant des règles particulières (voir Huc, Commentaire théorique et pratique du Code civil, t. III, p. 167 et suiv.).

(2) Depuis la promulgation du Code civil, il a été organisé une autre espèce de

Le tuteur doit être :

1o Agé de plus de cinquante ans (art. 361, C. civ.).

20 Sans enfants ni descendants légitimes (art. 361, C. civ.).

Et 30 il doit avoir, s'il est marié, le consentement de son conjoint (art. 362, C. civ.); ces conditions, déjà étudiées en matière d'adoption, se justifient par des considérations analogues à celles que nous avons indiquées sur cette matière.

En outre et malgré le silence du législateur, nous admettrions par analogie de l'article 344 (C. civ.) que l'on ne peut pas être placé à la fois sous la tutelle officieuse de plusieurs personnes ; il est en effet conforme à la nature même de la tutelle que les pouvoirs qu'elle confère n'appartiennent qu'à un seul : autrement des conflits se produiraient entre les tuteurs; cependant, par analogie des articles 362 et 344 combinés, nous déciderions que l'on peut être placé sous la tutelle officieuse de deux époux il faut faciliter à ces derniers le moyen de se créer une famille. 661. Pour le pupille, il faut qu'il ait moins de quinze ans (art. 364, C. civ.). On veut que cette tutelle dure un certain temps, pour que les personnes puissent, dans la suite, se décider en connaissance de cause à l'adoption, lorsqu'elles en rempliront les conditions (comp. art. 345, C. civ.).

Qu'il ait le consentement du pouvoir domestique sous lequel il est placé (art. 361, C. civ.).... « en obtenant le consentement des père et » mère de l'enfant, ou du survivant d'entre eux, ou à leur défaut, d'un » conseil de famille.... ». Si l'enfant a ses père et mère, il faut obtenir leur consentement: nous pensons ici, comme sous l'article 343 (C. civ.), et contrairement à ce qui a lieu pour le mariage, que le consentement de l'un et de l'autre est exigé, les père et mère étant placés sur la même ligne.

Si la mère ou le père est mort, le survivant seul aura à fournir le consentement; au cas de mort du père et de la mère, la loi ne confère pas aux ascendants des second ou subséquents degrés, la faculté de consentir à la tutelle officieuse; elle exige l'intervention d'un conseil de famille; en vue du mariage, on suit d'autres règles (art. 148 et suiv. C. civ.). On a craint ici que les ascendants, trouvant dans la tutelle officieuse un moyen de se décharger du soin de l'éducation de leurs enfants, ne consentissent trop facilement à un contrat de cette nature.

« ...Si l'enfant n'a point de parents connus, en obtenant le consente»tement des administrateurs de l'hospice où il aura été recueilli ou de » la municipalité du lieu de sa résidence » (art. 361, C. civ.).

Pour les enfants élevés dans les hospices, ils sont placés sous la tutelle

tutelle officieuse, par la loi sur la déchéance de la puissance paternelle : il en sera question au titre de la PUISSANCE PATERNELLE.

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