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Dans le cas où il y a lieu à réquisition de la part des parents ou alliés, requête est présentée par eux au juge de paix. Cette requête doit être répondue d'une ordonnance, à peine de prise à partie pour le juge de paix ; si l'ordonnance refusait de convoquer le conseil de famille, les parties intéressées pourraient l'attaquer par la voie de l'appel : le juge de paix est, en effet, tenu de convoquer le conseil.

Sur les réquisition et requête de ses créanciers ou d'autres parties intéressées (art. 406 et 421, § 1, C. civ.), la loi donne aux créanciers du mineur en vue de sauvegarder leurs intérêts, le droit de provoquer l'organisation de la tutelle.

Enfin le tuteur et le subrogé tuteur peuvent provoquer les convocations du conseil de famille, en vue d'obtenir les autorisations nécessaires pour les actes de gestion tutélaire.

746. Le conseil est convoqué par voie de citation (art. 411, C. civ.) ou de simple avertissement (loi de 1838 sur les justices de paix). La citation ou l'avertissement sont toujours donnés avec un délai de trois jours, pour les parents domiciliés dans la commune ou dans le rayon de deux myriamètres, délai qui s'augmente à raison des distances de un jour par 5 myriamètres (art. 411, C. civ. et art. 4, al. 2 et 3, loi du 3 mai 1862). Il se réunit au prétoire de la justice de paix ou dans tout autre lieu désigné par le juge de paix.

Les membres cités et convoqués doivent se rendre au jour fixé pour la délibération; ils pourraient se faire représenter par un mandataire spécial; le fondé de pouvoir ne peut représenter qu'un seul membre, afin de conserver au conseil sa physionomie d'assemblée; le fondé de pouvoir doit être libre de se décider en connaissance de cause: il faut donc exclure tout pouvoir donné avec mandat impératif (art. 412, C. civ.) (1).

Tout membre qui, régulièrement cité (2), ne se présenterait pas, encourra, s'il n'y a excuse légitime, « une amende qui ne pourra excéder

cinquante francs et sera prononcée par le juge de paix sans appel » (art. 413, C. civ.). Si, malgré ces défaillances, le conseil de famille a plus de trois quarts de ses membres, il peut délibérer (art. 415 in fine, C. civ.). S'il est réduit à moins de trois quarts, le juge de paix a la faculté « d'a»journer l'assemblée ou de la proroger» (art. 414, C. civ.), c'est-à-dire de remettre la tenue de l'assemblée à jour fixe ou à jour indéterminé, et ce droit appartient au juge d'une manière absolue toutes les fois que l'intérêt du mineur parait l'exiger.

(1) Poitiers, 5 déc. 1879, Sir., 80, 2, 217.

(2) Au cas où les membres du conseil n'auraient été convoqués que sur simple avertissement, on ne pourrait leur appliquer l'amende de l'art. 413 (C. civ.).

$2.

Des délibérations du conseil de famille :
leur caractère, leur force.

747. Le conseil de famille doit intervenir dans des hypothèses multiples et variées, en matière de tutelle; nous les retrouverons au cours de nos explications. Il ne peut s'agir ici que de donner un aperçu général sur le rôle du conseil de famille et les délibérations qu'il peut prendre.

L'assemblée des parents, après la mort des père et mère, a l'exercice de la puissance paternelle; c'est ainsi qu'elle est appelée à statuer sur la concession d'émancipation du mineur, ou sur le retrait de l'émancipation (art. 478 et 485, C. civ.); sur le contrat de tutelle officieuse (art. 361, C. civ.); sur l'exercice du droit de correction par le tuteur (art. 468, C. civ.); et, au cas où le mineur n'a plus d'ascendants, le conseil de famille doit donner le consentement à mariage (art. 160, C. civ.) ou prononcer sur l'opportunité d'une opposition à mariage (art. 175, C. civ.); donner au mineur l'autorisation d'entrer en religion (loi du 24 mai 1825, décret du 18 février 1809, art. 7 et 8).

En outre, l'assemblée peut être appelée à donner son avis sur un fait déterminé, avis qui lui est demandé dans quelques cas fixés par la loi, par exemple, au cas de l'article 494 (C. civ.), sur l'opportunité et la nécessité de l'interdiction (comp. art. 892, 893, C. proc. civ.).

Enfin le conseil de famille prend des résolutions susceptibles d'exécution; il en est ainsi très souvent en matière de tutelle, lorsque le conseil de famille procède à la nomination ou à la destitution du tuteur, autorise un acte, le défend, etc.

En règle générale, le conseil de famille ne doit intervenir que dans les cas fixés par la loi. Il arrive cependant très souvent en pratique que les tuteurs sollicitent l'avis officieux du conseil de famille, en vue de certaines affaires spéciales; le conseil de famille est le maître de donner ou de refuser son intervention. Dans tous les cas, cet avis ne saurait dégager de toute responsabilité le tuteur sur lequel pèse l'administration.

de la tutelle.

748. On appelle délibération du conseil de famille l'acte dressé qui constate la décision du conseil ; la décision est prise à la majorité des voix; en cas de partage, la voix du juge de paix est prépondérante (art. 416, C. civ.). Souvent ce procédé permettra de mettre fin au partage. Si cependant, il s'était formé plus de deux opinions, le juge de paix pourrait ajourner la délibération (art. 414, C. civ.) et, pour sortir d'embarras, appliquer par voie d'analogie les règles données aux tribunaux pour mettre fin au partage des avis et former une majorité (art. 116, C. proc. civ.), sans avoir le droit de modifier la composition légale du conseil de famille, par exemple d'appeler plus de six membres.

Si, malgré cela, l'on ne pouvait arriver à former une majorité, le juge

de paix pourrait convoquer un conseil de famille composé d'autres parents. Il faut, en effet, remarquer que le conseil de famille n'est pas une juridiction permanente qui, une fois constituée, reste toujours composée de la même façon c'est une assemblée organisée en vue d'une séance déterminée, et le juge de paix reste le maître, chaque fois, de la composer comme il l'entend. Et en effet, ne pas former une majorité, n'est-ce pas méconnaître pour le conseil, son devoir, n'est-ce pas, souvent par amour-propre, ou entêtement, compromettre les intérêts du pupille et n'est-il pas naturel d'autoriser le juge de paix à vaincre toutes les résistances, même par ce moyen extrême ? Il faudra, nous en convenons, ne faire recours, qu'avec la plus grande réserve, à la convocation de conseils de famille composés d'éléments différents.

749. Le conseil de famille délibère sous la présidence du juge de paix et à huis clos; ses délibérations sont motivées et l'avis de chacun des membres doit y être énoncé, si l'assemblée n'est pas unanime: c'est là une règle indispensable pour organiser les recours, s'il y a lieu, contre lesdites délibérations (art. 883, C. proc. civ.).

750. Quelle est la force des délibérations du conseil de famille et sontelles susceptibles d'être attaquées par des voies de recours?

Avant de répondre aux questions posées, il faut faire remarquer que le conseil de famille ne constitue pas une juridiction proprement dite; c'est une assemblée de parents convoquée pour un but déterminé et spécial, et dont le mandat disparaît, dès que la décision est intervenue.

D'où il suit : 1o que le conseil de famille ne peut jamais statuer sur l'exécution des décisions par lui prises à la justice, conformément au droit commun, il appartient d'assurer l'exécution des décisions régulièrement prises;

2o La délibération du conseil de famille ne forme pas une décision judiciaire, il ne faut pas la considérer comme une décision en 1er ressort, dont le tribunal de 1re instance aurait à connaître en dernier ressort, mais comme une décision, exécutoire comme expression de la volonté de l'assemblée, et contre laquelle les parties intéressées peuvent se pourvoir, en 1re instance devant le tribunal civil, et en appel devant la Cour d'appel.

Cela dit, la réponse à la double question posée plus haut varie suivant la nature des délibérations.

Si nous sommes en présence d'un simple avis officieux du conseil de famille, cet avis ne peut pas lier le tuteur, qui reste maître de prendre telle ou telle décision sous sa responsabilité.

D'autres délibérations du conseil de famille forment des décisions véritables; elles sont obligatoires et doivent être suivies. Mais encore ici, il est nécessaire de présenter une distinction très importante (1) si la

(1) La jurisprudence a une tendance à accepter dans tous les cas le droit de re

décision du conseil de famille est l'exercice d'un acte de puissance paternelle, aucune voie de recours n'est ouverte contre elle, si ce n'est pour vice de forme, par exemple la délibération relative au mariage du pupille (art. 160, C. civ.).

Au contraire, les décisions, qui ont pour objet l'organisation de la tutelle, la gestion des intérêts de tutelle, peuvent être attaquées, soit pour vice de forme, soit quant au fond.

L'action appartient au tuteur, au súbrogé tuteur, aux membres du conseil de famille dont l'opinion n'a pas triomphé.

Cette action s'exerce diversement, suivant que la décision du conseil de famille est sujette à homologation du Tribunal ou non. Dans le premier cas, on attaque la délibération en s'opposant à l'homologation, ou en faisant appel du jugement qui l'a accordée (art. 888 et 889, C. proc. civ.). Dans le second cas, on poursuit la réformation de la décision, en mettant en cause les membres du conseil dont l'avis a triomphé (art. 883 et 884, C. proc. civ.).

Si l'action est basée sur le vice de forme, il faut établir qu'il y a eu irrégularité commise dans la constitution, composition, et délibération du conseil de famille; au fond, que la décision préjudicie aux intérêts du mineur.

751. Les membres du conseil de famille ont donc un rôle très important à remplir; mais quelle est leur responsabilité ? La loi n'en parle pas. Nous pensons que leur responsabilité ne serait engagée qu'au cas où, par dol, par collusion frauduleuse, ils auraient compromis les intérêts du pupille.

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752. Enfin la justice joue en matière de tutelle un rôle important; elle est appelée à autoriser et à surveiller les actes les plus graves de la gestion tutélaire; c'est ainsi qu'elle est appelée à homologuer les délibérations du conseil de famille, en vue d'emprunt, d'aliénation des immeubles, de constitution d'hypothèque (art. 457, C. civ.). De même les aliénations immobilières se feront par autorité de justice (art. 458, C. civ.), et les partages ne produiront à l'égard du mineur tout leur effet, que s'ils ont été faits dans la forme des partages judiciaires (art. 466, C. civ.).

753. Les lois relatives à la tutelle sont des lois de police et d'ordre public, d'où résultent des conséquences très importantes; en premier lieu, il ne peut appartenir aux parties de modifier par leurs conventions les règles relatives à son organisation, pas plus qu'elles ne pourraient

cours contre les délibérations des conseils de famille. Comp. Revue critique de législ. et de jurisprud. Examen doctrinal par M. Charmont, 1892, pages 78 et suiv.

modifier les règles suivant lesquelles le tuteur administre le patrimoine, ni les garanties imposées par la loi, ni les surveillants chargés du contrôle de la tutelle.

Si donc un mineur se trouve dans un des cas où la loi a prévu l'ouverture d'une tutelle celle-ci s'ouvre, est organisée et fonctionne conformément aux dispositions légales (1).

CHAPITRE II

des diverses espèces de tutelles.

754. On peut distinguer diverses espèces de tutelles, suivant le point de vue auquel on se place; les tutelles générales et les tutelles spéciales.

La tutelle est générale lorsqu'elle confère le droit de représenter le pupille et de gérer son patrimoine tout entier; elle est organisée avec ce caractère dans notre titre en vue du mineur; c'est ce même caractère que présentent les tutelles à suite d'interdiction légale et d'interdiction judiciaire.

La tutelle est spéciale, lorsqu'elle ne confère au tuteur des fonctions qu'en vue d'une affaire déterminée, tuteur ad hoc, ou d'une partie déterminée du patrimoine, protuteur (art. 417, C. civ.).

Les tutelles organisées en vue de l'enfant mineur doivent être distinguées suivant la qualité de l'enfant à protéger. Notre titre s'occupe de la protection de l'enfant légitime, et laisse de côté la tutelle des enfants. naturels et celle des enfants abandonnés.

Les tutelles organisées en vue de la protection des enfants légitimes se divisent en plusieurs classes: la tutelle du survivant des père et mère, Ja tutelle testamentaire, la tutelle légitime des ascendants, la tutelle conférée par le conseil de famille. Ce sont ces tutelles que nous examinerons tout d'abord; nous dirons quelques mots ensuite de la tutelle dès enfants naturels et de la tutelle des enfants abandonnés.

(1) Ainsi l'on ne pourrait pas imposer à un tuteur de prêter serment, de fournir caution, de se soumettre à l'assistance d'un conseil, pratiques de Droit commun dans certaines de nos anciennes coutumes (Rép. de Merlin, V° Conseil de tutelle).

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