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tions doctrinales et judiciaires, fixe, au regard de tous, le sens de la loi et arrête toute interprétation judiciaire ou doctrinale contraire.

100. Les conditions, dans lesquelles l'interprétation législative peut étre donnée, ont varié avec les diverses constitutions et avec les divers systèmes d'organisation judiciaire.

Tantôt le pouvoir législatif s'est réservé le droit d'interpréter la loi, tantôt il a confié le soin d'interpréter la loi à une autorité particulière dont la décision avait force de loi; tantôt encore le Corps législatif donnait l'interprétation, suivant que cela lui paraissait bon, ou se trouvait constitutionnellement obligé d'interpréter la loi : tels sont les principes qui ont réglé l'interprétation législative dans nos diverses constitutions. PREMIÈRE PÉRIODE: Elle s'étend de 1790 à 1807 (loi des 16-24 août 1790, art. 12, des 27 nov.-1er déc. 1790; Const. de 1791, tit. III, ch. X. art. 24 ; Const. de l'an III, art. 526; 27 ventòse an VIII, art. 78).

Pendant cette première période, le pouvoir législatif interprète la loi. Les tribunaux peuvent, dans une affaire douteuse, solliciter l'interprétation législative ou bien juger la contestation. Dans tous les cas, s'il y a eu deux cassations successives dans la même affaire, l'interprétation législative est forcée, et il faut en attendre les résultats pour statuer sur le procès.

Ce système présentait de graves inconvénients: le Corps législatif, absorbé dans ses travaux ordinaires, laissait s'accumuler les demandes d'interprétation, sans s'en occuper, et une foule d'affaires restaient en suspens, attendant la loi interprétative, pour être jugées.

2o PÉRIODE: A partir de 1807 (loi du 16 sept. 1807), le droit d'interpréter la loi fut délégué par le Corps législatif au Conseil d'État. Le travail d'interprétation marcha mieux; seulement, suivant l'avis du Conseil d'État des 17-26 décembre 1823, l'interprétation n'avait qu'une valeur relative pour l'affaire dans laquelle elle était intervenue. Ce deuxième système présente les mêmes inconvénients que le précédent: après deux cassations sur une même affaire, il fallait attendre l'interprétation par le Conseil d'État pour avoir la solution définitive du procès, et les affaires restaient ainsi en suspens, quelquefois pendant un temps très long.

3e

3o PÉRIODE: Elle s'ouvre par la loi des 30 juillet-1er août 1828. Dans cette période, le pouvoir législatif conserve et a seul le droit d'interpréter la loi (la loi du 16 sept. 1807 relative à l'interprétation des lois est abrogée art. 4, loi des 30 juillet-1er août 1828). Le pouvoir législatif est le maître d'interpréter la loi ; mais la nécessité d'interpréter, même manifeste, n'arrêtera jamais le cours de la justice et n'empêchera pas la solution des contestations entre particuliers. Si, dans une même affaire, la Cour de cassation avait prononcé deux cassations successives pour mêmes motifs, l'affaire devait être renvoyée devant une Cour d'appel. Celleci statuait toutes Chambres réunies (art. 2, loi des 30 juillet-1er août

1828); son arrêt ne pouvait être attaqué sur le même point, par les mêmes moyens: il était souverain et terminait la contestation (art. 2, loi des 30 juillet-1er août 1828). « Toutefois, il en est référé au roi, pour » être ultérieurement procédé par ses ordres à l'interprétation de la >> loi. >>

Ce système présentait un inconvénient : il enlevait à la Cour de cassation son autorité en donnant la solution définitive de l'affaire à la Cour royale; par là, il affaiblissait l'action que la Cour de cassation doit exercer sur les Cours et Tribunaux ; on pouvait craindre que l'unité d'interprétation judiciaire ne pût s'établir.

La loi du 1er avril 1837 a fait disparaître ces inconvénients. Si, dans une même affaire, et sur le même point, il y a deux cassations successives pour les mêmes motifs, l'affaire est renvoyée à la Cour d'appel, ou au Tribunal, qui se conformeront « à la décision de la Cour de cassation » sur le point de droit jugé par cette Cour » (article 2, loi des 1er-2 avril 1837). C'est le système actuellement en vigueur: avec lui les difficultés antérieurement signalées ne se présentent plus. Quelque obscure que soit la loi, quelque désirable ou nécessaire que soit son interprétation, la justice saisie d'une contestation statuera, sans avoir à attendre l'interprétation législative.

L'interprétation législative appartient exclusivement au pouvoir législatif: ayant seul qualité pour formuler la loi, il doit avoir seul le droit d'en déterminer la portée d'application.

101. Donnons, en terminant, quelques renseignements bibliographiques.

De tout temps, on a senti la nécessité de réunir dans des recueils les diverses décisions judiciaires. Pour le Droit civil, en dehors de quelques recueils locaux, il existe trois grands Recueils donnant les principaux documents judiciaires des diverses juridictions.

1o Le Recueil général des lois et des arrêts en matière civile, criminelle, administrative et de Droit public fondé par J. B. Sirey. Pour chaque année, il paraît un volume divisé en plusieurs parties: la première est consacrée à la jurisprudence de la Cour de cassation; la deuxième, à celle des Cours et Tribunaux; la troisième, à la jurisprudence administrative; la quatrième, à la jurisprudence étrangère. C'est à ce Recueil que renvoient les citations de cet ouvrage, de la manière suivante: Sir., 70.1.227, veut dire arrêt publié dans le volume de l'année 1870, première partie, page 227. Sir., 70.2.13, arrêt ou jugement dans l'année

1870, 2 partie, page 13. 2o Le Journal du Palais. Il parait chaque année un volume, contenant les principaux arrêts de la Cour de cassation et des autres juridictions. 30 Jurisprudence générale: Recueil périodique fondé par Dalloz aîné. Les arrêts de chaque année forment un volume particulier les arrêts de

la Cour de cassation forment la Tre partie; les arrêts des Cours d'appel, Tribunaux civils, de commerce et administratifs, la seconde.

Un grand nombre d'ouvrages généraux, sous forme de commentaires ou de traités, ont été publiés sur le Code civil, et un plus grand nombre de traités spéciaux. Nous ne saurions ici porter un jugement sur eux, ni les énumérer tous : nous citerons les principaux.

1o Ouvrages de Proudhon, professeur à la Faculté de Droit de Dijon : comprenant un traité sur l'état des personnes, 2 vol.; un traité du domaine privé, 3 vol.; un traité du domaine public, 5 vol.; un traité des Droits d'usufruit (3e édit.), d'usage et d'habitation et des servitudes 2e édit.). 7 vol.

2o Duranton, professeur à Paris : Cours de Droit civil français suivant le Code civile édit.), 22 vol. in-8o.

3o Toullier, Troplong, Duvergier.

Toullier, doyen de la Faculté de Rennes, Droit civil français suivant l'ordre du Code, 14 vol. in-8°, un vol. de tables, t. XV; cet ouvrage s'arrête à la vente. J. B. Duvergier a continué l'œuvre de Toullier, 6 voluines: Troplong a publié aussi une série de Commentaires des divers titres du Code civil, à partir de la vente (liv. III, t. VI), pour continuer l'œuvre de Toullier, 27 vol. in-8°.

4o Demolombe, doyen à la Faculté de Droit de Caen: Cours de Code Napoléon. C'est une réunion de traités sur les divers titres du Code civil jusqu'au contrat de mariage (liv. III, tit. V), 31 vol. in-8°. M. Guillouard, professeur de Code civil à la Faculté de Droit de Caen, continue l'œuvre de M. Demolombe: traité du contrat de mariage, 4 vol. ; traité de la vente, 2 vol.; traité du louage, 2 vol. ; traité de la société, 4. vol. 5o Laurent: Principes de Droit civil français, par F. Laurent, professeur à l'Université de Gand. Ouvrage complet (33 vol. in-8o).

6o Demante et Colmet de Santerre : Cours analytique du Code Napoléon. L'ouvrage commencé par M. Demante, professeur à la Faculté de Paris, a été continué par M. Colmet de Santerre, doyen de la Faculté de Droit de Paris; ouvrage complet en 9 vol. in-8o.

7o Marcadé, Paul Pont: Explication théorique et pratique du Code Napoléon, ouvrage commencé par M. Marcadé et continué par M. Paul Pont, en tout 13 vol. in-8o.

8o Aubry et Rau: Cours de Droit civil, d'après la méthode de C. S. Zachariæ, 4 édit. 8 vol. in-8°.

9 Valette: Cours de Code civil, professé à la Faculté de Droit de Paris, par M. A. Valette, t. I, titre préliminaire et livre I, 1 vol. in-18. De la propriété et de la distinction des biens (liv. II, tit. 1 et 2), 1 vol. in-8o.

10 M. Huc, conseiller à la Cour de Paris, et ancien professeur de Code civil à la Faculté de Droit de Toulouse, a commencé la publication d'un

Commentaire théorique et pratique de Droit civil français, dont 2 volumes ont paru.

Ces ouvrages sont ceux que l'on entendra le plus souvent citer dans les cours du professeur : les uns et les autres doivent être l'objet des lectures et de l'étude de l'élève : pour ce dernier, l'important, l'essentiel est de suivre le cours en y prenant des notes, de se munir d'un bon ouvrage élémentaire pour se guider dans ses études, de choisir parmi les ouvrages plus importants celui qui doit faire l'objet de ses méditations habituelles, et d'arriver peu à peu à utiliser et à savoir manier tous les ouvrages importants publiés sur le Droit.

LIVRE PREMIER

DES PERSONNES

102. Aux termes de l'article 4 de la loi du 30 ventòse an XII, le Code civil est divisé en un titre préliminaire et en trois livres. Le premier livre est consacré aux personnes; le deuxième, aux différents droits que l'on peut avoir sur les choses, à la propriété et à ses démembrements; le troisième doit s'occuper des différentes manières d'acquérir la propriété, et des principaux contrats entre particuliers.

Cette division est la division traditionnelle; elle est celle des plus anciens manuels de Droit romain venus jusqu'à nous: on la retrouve dans Gaius et dans Justinien.

La logique la justifie le Droit civil étudie les rapports divers qui se forment entre les particuliers; or, la première chose à connaître ne sontce pas les personnes entre lesquelles les rapports juridiques vont se former?«< Nam parum est jus nosse, si personæ quarum causa est constitutum ignorentur. » (Inst. de Justin. I, tit. 3, præmi.).

Après l'étude des personnes, envisagées comme sujets des droits, le législateur étudiera, dans le livre II, les choses, c'est-à-dire les objets sur lesquels nos droits peuvent porter, et dans le livre III, les différentes manières dont les droits s'acquièrent sur les choses.

103. La personne, en Droit civil, est tout être qui peut avoir des droits à exercer et des devoirs à remplir. Et le législateur s'applique à déterminer la formation et l'exercice de ces droits et de ces devoirs.

Qui ne voit par là le vaste champ du livre I du Code civil? La personne peut être étudiée, au point de vue de la nationalité à laquelle elle appartient titre I, livre 1), au point de vue de sa situation dans la famille titres V, VI, VII, VIII et IX), au point de vue de l'aptitude à faire tels ou tels actes, c'est-à-dire de la capacité (titre V, ch. VI, titre X et titre XI, livre I, Code civil) et de l'influence qu'exercent sur la capacité, l'âge, les infirmités physiques et morales.

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