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tion des biens par la prescription (art. 2265 et 2279, C. civ.), de la constitution de l'hypothèque (art. 2114, 2118, C. civ.), etc.

923. Cette distinction des biens en meubles et immeubles doit se combiner avec une autre distinction, non spécialement indiquée par le législateur, mais résultant de la nature physique des biens: ces derniers se divisent en effet en biens corporels et en biens incorporels, suivant les caractères de leur nature physique. Les premiers comprennent les choses qui tombent sous nos sens; les seconds, les créations de la loi, les abstractions juridiques, qui ne peuvent être perçues que par l'entendement. Cette distinction est générale comme la précédente mais ne cadre pas avec elle, aussi aurons-nous bientôt à constater qu'au nombre des immeubles, il y en a de corporels et d'incorporels, de même que nous rencontrerons parmi les meubles des meubles corporels et des meubles incorporels.

CHAPITRE PREMIER

DES IMMEUBLES

924. Les immeubles étaient, en Droit romain, les choses qui ne pouvaient pas se transporter d'un lieu à un autre ; cette définition ne pourrait pas s'appliquer aujourd'hui à tous les immeubles, mais seulement à la première classe de ces biens, reconnue par l'article 517 du Code civil. D'après ce texte, il y a trois classes d'immeubles :

a) Les immeubles par leur nature;

b) Les immeubles par leur destination;

c) Les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent.

d) Enfin, la législation postérieure au Code civil reconnaît une quatrième catégorie d'immeubles, que nous pouvons appeler immeubles par la détermination de la loi : ce sont des objets qui, envisagés suivant leur nature propre, sont meubles, par exemple des actions de la Banque de France, et auxquels la loi dans certaines circonstances permet de donner la qualité d'immeubles.

Les règles relatives à ces diverses espèces de biens étant différentes, nous les étudierons dans quatre divisions distinctes.

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925. C'est aux biens de cette catégorie que paraît devoir s'appliquer encore aujourd'hui la définition romaine des immeubles (arg. a contra

rio de l'art. 528, C. civ.). Les fonds de terre sont immeubles (art. 518, C. civ.) ils constituent le principal immeuble; puis viennent, dans la catégorie des immeubles, divers objets qui, comme dépendance du sol, sont immeubles par suite de cette circonstance. Les bâtiments élevés sur le sol sont immeubles par nature (art. 518, C. civ.); ils se rattachent au sol sur lequel ils sont élevés, lui donnent le caractère d'immeuble bâti en lui enlevant sa qualité de fonds de terre ; ils sont immeubles par nature, et il ne faut pas hésiter à dire que, de même que les diverses parties du sol dictintes juridiquement les unes des autres, la superficie et le soussol (art. 553, C. civ.), la superficie et la mine (loi de 1810 sur les mines), forment des immeubles distincts; de même le bâtiment par lui-même est immeuble, bien que le constructeur ne soit pas propriétaire du sol sur lequel il l'a élevé (1). L'immeuble bâti par le propriétaire est immeuble et appartient au propriétaire du sol, comme accessoire et dépendance du sol; si le constructeur, non propriétaire du sol, a sur le sol, où la construction est élevée, un droit réel de jouissance, comme un usufruit, le caractère immobilier de sa jouissance s'étend aux bâtiments par lui élevés et il en jouit au même titre; son droit sur les immeubles est immobilier; si le constructeur sur le fonds d'autrui, non investi d'un droit réel sur ce fonds, locataire par exemple, a obtenu la renonciation du propriétaire aux constructions faites, il doit être considéré comme investi d'un droit de superficie sur les constructions par lui élevées, droit de superficie immobilier ; mais si le propriétaire du sol n'avait pas renoncé au droit lui appartenant de retenir à la fin du bail les constructions élevées, le constructeur n'aurait sur elles qu'une jouissance de même nature que la jouissance de l'immeuble lui-même, mobilière pour le preneur à loyer par exemple; dans ce cas la construction est immeuble pour le propriétaire comme dépendance du sol; et la jouissance qu'en a le fermier est mobilière de sa na

ture.

Donc, dans certains cas, le bâtiment forme un immeuble, propriété distincte de la propriété du sol; ce qui se réalisera au cas où l'immeuble est construit sur un sol dont le constructeur ne peut pas avoir la propriété, comme cela peut arriver au cas de l'article 519 pour des moulins établis sur des rivières navigables et flottables, ou pour des bâtiments élevés sur le rivage de la mer.

De même que le bâtiment, chacune des parties qui le constituent est immeuble. Les diverses parties d'un bâtiment appartenant à des propriétaires différents sont, envisagées chacune à part, des immeubles, et il

(1) Cass. req., 22 juin 1885, Sir., 88, 1, 130. Dans l'emphytéose, le preneur reste propriétaire des constructions par lui élevées, et l'indemnité donnée pour cellesci à suite d'expropriation pour cause d'utilité publique lui appartient au cas où le titre ne l'obligeait pas à les établir.

faut appliquer toutes les règles relatives aux immeubles à leur aliénation, aux constitutions d'hypothèques, etc. (art. 664, C. civ.).

926. Puis viennent, dans les énumérations de la loi, des immeubles qui, envisagés en eux-mêmes, sont des objets mobiliers, mais qui, considérés comme dépendance nécessaire d'un immeuble, sont immeubles par voie de conséquence.

Par exemple, les divers objets qui constituent un bâtiment : les portes, fenêtres, volets, bien que non rattachés à l'immeuble par une relation physique, les clés, les volets que l'on enlève le matin pour les remettre le soir, tous ces objets, mobiliers, si l'on envisage leur nature propre, sont immeubles par nature, parce qu'ils font partie intégrante du bâtiment. Il en est de même des matériaux qui ont servi à le construire; envisagés en eux-mêmes, ces matériaux sont des objets mobiliers et conservent cette qualification jusqu'au moment où ils sont incorporés au bâtiment, et deviennent alors immeubles par nature (art. 532, comb. avec 518, C. civ.). Il en est de même des tuyaux servant à l'écoulement des eaux et faisant partie du bâtiment ou de l'héritage (art. 523, C. civ.); les moulins à vent ou à eau faisant partie du bâtiment (art. 519, C. civ.). Les fruits pendants par branches ou par racines, les bois, taillis ou futaies (art. 520 et 521, C. civ.) sont encore des immeubles par nature, à cause de leur adhérence au sol et comme faisant partie de l'immeuble. Si, en général, les arbres et plantations constituent des immeubles par nature, il faut bien remarquer qu'il ne peut en être ainsi qu'autant que cette solution est conforme à l'intention des parties: ainsi si des arbustes ont été organisés en pépinière, en vue de la vente; ces arbustes doivent être considérés comme des fruits de l'exploitation et ils peuvent être arrachés par le fermier, vendus par lui, bien que ce droit ne lui appartienne pas pour les arbres et arbustes en général.

927. Beaucoup des objets que nous venons d'indiquer peuvent done, suivant le moment où l'on se place, être des objets mobiliers ou des immeubles, et la question est particulièrement intéressante pour les récoltes et les matériaux à provenir d'une démolition.

Quel est le droit d'un acquéreur de récolte, de matériaux de démolition? Faut-il dire qu'au moment de l'acquisition il a acquis des immeubles et que par suite son droit est immobilier, et considérer la vente comme une vente immobilière? Il faut répondre hardiment non, car, qu'acquiert l'acheteur? Le droit de réaliser les coupes, de faire les démolitions, c'est-à-dire de réaliser à son profit des objets mobiliers, d'où il résulte que son droit est mobilier (1); il faut donc considérer cette vente comme une vente mobilière (2); et le législateur paraît bien l'avoir voulu

(1) L'action en exécution de la vente est pour l'acquéreur une action mobilière à poursuivre devant le Tribunal du domicile du vendeur.

(2) Entre deux acquéreurs successifs d'une coupe de bois, de matériaux, etc., il

ainsi, puisque la saisie des fruits ou récoltes, sous le nom de saisie-brandon, a la plus grande analogie avec la saisie mobilière.

928. Ces principes sont d'une application quelquefois délicate, si on veut les combiner avec d'autres règles du Code civil.

L'hypothèque est un droit qui frappe l'immeuble et s'étend à tous les accessoires de l'immeuble (art. 2114, C. civ.); donc, elle atteint les fruits pendants par branches et par racines, comme accessoires de l'immeuble (art. 2133, C. civ.), mais elle ne peut plus les atteindre lorsqu'ils sont séparés du sol, car, étant alors des objets mobiliers, ils ne sont plus touchés par l'hypothèque (art. 2119, C. civ.), celle-ci ne frappant jamais des meubles.

Cela étant, un propriétaire qui a hypothéqué son fonds, peut-il vendre ses récoltes, et la vente est-elle opposable aux créanciers hypothécaires? En principe, il faut répondre affirmativement; le propriétaire peut vendre ses récoltes, parce que, malgré l'hypothèque consentie, il est resté administrateur de sa chose, et que la vente des récoltes est un acte d'administration de sa nature opposable aux créanciers hypothécaires.

Il faudrait modifier la solution si une saisie avait été faite par les créanciers; du jour de la transcription de la saisie, les fruits sont immobilisés au profit des créanciers hypothécaires; le prix doit leur en être distribué (art. 682, C. proc. civ.); à partir de ce moment, le propriétaire n'a plus le droit d'aliéner les fruits au préjudice des créanciers hypothécaires; mais les ventes de cette nature antérieurement faites sont valables, à moins qu'on ne puisse démontrer leur caractère frauduleux.

Quant aux actes qu'un propriétaire pourrait faire, autres qu'une aliénation de fruits, par exemple vente de matériaux de démolition à provenir d'un immeuble, etc., les créanciers hypothécaires, qui laisseraient accomplir ces déinolitions, ne pourraient prétendre aucun droit sur les objets mobiliers réalisés; mais, avant la séparation des objets vendus du sol, ils pourraient, en vertu de leur droit d'hypothèque, mettre obstacle à l'exécution de la vente faite en fraude de leur hypothèque, c'est-à-dire en vue de diminuer le gage qui leur appartient.

SECTION II.

IMMEUBLES PAR LEUR DESTINATION

929. Dans les articles 524, 525 et 522, le législateur s'occupe des immeubles par leur destination; ces immeubles présentent tous un caractère commun : ils consistent en des objets qui, par leur nature propre et envisagés en eux-mêmes, sont des objets mobiliers, qui ne deviennent immeubles que par la relation établie entre eux et un immeuble, relafaudra appliquer l'article 1141 (C. civ.) et préférer celui des deux qui aura reçu tradition de bonne foi; en outre, les droits de mutation seront ceux des ventes de meubles et non pas les droits perçus en matière immobilière.

tion que crée la destination dont ils ont été l'objet. Nous sommes donc ici encore en présence de choses qui, suivant les époques, peuvent être mobilières ou immobilières : c'est là une analogie avec les immeubles par nature dont nous parlions en dernier lieu; mais il existe cependant entre ces deux natures de biens une différence profonde. En fait, les immeubles par nature font partie intégrante d'un immeuble, dont ils sont l'accessoire; les immeubles par destination se rattachent à un immeuble, mais non d'une façon aussi énergique : ils restent indépendants de l'immeuble, en fait du moins; ils peuvent en être très facilement séparés; ils reprennent leur nature propre dès que cesse la destination dont ils avaient été l'objet.

Cette différence de fait entraîne comme conséquence des résultats importants: pour un immeuble par nature, de quelque personne qu'émane la relation de l'objet mobilier avec l'immeuble, le caractère immobilier a pris naissance; au contraire, la destination dont un objet mobilier peut être l'objet ne lui donne le caractère d'immeuble que si elle est l'œuvre du propriétaire lui-même : seul il peut donner le caractère d'immeubles par destination aux objets mobiliers qu'il rattache à son immeuble.

Qu'une personne fasse des constructions ou des plantations sur le sol loué, ces constructions et plantations constituent des immeubles et appartiennent au propriétaire du sol comme accessoires de ce dernier, sauf à régler l'indemnité due aux planteurs et constructeurs par le propriétaire, suivant des principes, variant avec les hypothèses (comp. art. 555, C. civ. et commentaire de cet article). Au contraire, qu'un fermier, qu'un usufruitier, se plaçant dans l'hypothèse des articles 524 et 525, mettent en relation des objets mobiliers avec l'immeuble dont ils jouissent, la destination qu'ils leur donnent ne leur confère pas le caractère d'immeubles par destination (comp. art. 524, 525 et 599, dernier alinéa).

930. Quels sont donc les objets qui, rattachés au fonds par le propriétaire deviennent des immeubles par destination? La loi les énumère dans les articles 524 et 525; mais ces énumérations sont incomplètes et insuffisantes; mettons donc en lumière le principe.

10 Tout objet mobilier, rattaché par le propriétaire à un fonds, pour en assurer la culture, le service ou l'exploitation, devient par ce fait, et tant que la destination subsiste, immeuble par destination: c'est ce principe qui, d'après l'article 524, s'applique aux animaux donnés au colon partiaire ou au fermier et constituant le cheptel. L'article 522 revenant sur cette hypothèse dit : « que les animaux soient estimés ou non »; ce qu'il faut interpréter en ce sens que le propriétaire, par l'estimation donnée aux animaux, n'a voulu que fixer à l'avance le montant de la restitution à réclamer par lui, à défaut d'animaux, à la fin du bail

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