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ou du colonage. Ces animaux, bien qu'immeubles par destination, n'en sont pas moins à la disposition du fermier, qui les vend valablement et reste débiteur de leur valeur.

Ces mêmes principes s'appliquent aux semences, pailles et engrais; aux ustensiles aratoires et aux ustensiles de toute nature servant à l'exploitation du fonds, aux pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes, aux ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines; nous en trouvons encore des applications dans l'article 8, alinéa 3 et 4 de la loi du 21 avril 1810 sur les mines.

931. L'article 524 mentionne comme immeubles par destination les pigeons des colombiers, les lapins des garennes, les ruches à miel, les poissons des étangs : d'où il suit que la loi considère ces animaux comme placés sur le fonds pour en assurer l'exploitation, mais il faut en conséquence que le propriétaire lui-même les y ait placés. Apportés par le fermier, ils restent sa propriété et conservent leur qualité juridique, ils sont des meubles. Mais cela ne subsistera que tout autant que le fermier pourra faire la preuve que ce sont bien les animaux par lui apportés, car s'il s'agissait de. lapins dans les garennes, poissons dans les étangs, sans que l'on sût qui, du maître ou du fermier, les a apportés, il faudrait appliquer la règle de l'article 564, les considérer comme accessoires de la garenne, des étangs, des colombiers, et comme tels, les laisser au propriétaire du fonds.

932. Pour tous ces objets, rattachés à l'immeuble pour en assurer la culture, le service ou l'exploitation, la loi se contente de la simple destination. Si l'objet n'augmente que l'agrément de l'immeuble, en servant à son ornementation, la loi, pour lui donner le caractère d'immeuble par destination, exige que l'objet se trouve rattaché à l'immeuble par le propriétaire lui-même, et à perpétuelle demeure, c'est-à-dire d'une manière qu'on doive croire définitive: la perpétuelle demeure est démontrée par les circonstances que relève l'article 525. Nous rattachons ainsi le dernier alinéa de l'article 524 à l'article 525. Il y aurait donc deux classes d'immeubles par destination : les premiers comprendraient tous les objets mobiliers servant à la culture, au service ou à l'exploitation d'un fonds: la destination, œuvre du propriétaire, suffirait à leur donner le caractère immobilier; les seconds seraient les objets mobiliers placés dans un immeuble pour son ornement, par le propriétaire et à perpétuelle demeure: la destination donnée par le propriétaire ne serait pas par elle-même suffisante, s'il n'y avait pas la preuve de la perpétuelle demeure justifiée par les circonstances de fait (art. 524, dernier alinéa et 525, C. civ.).

933. Tous ces immeubles par destination, tant que la relation avec l'immeuble n'a pas été détruite, font corps avec l'immeuble dont ils sont l'accessoire, et comme tels, sont vendus, légués, hypothéqués, saisis avec

l'immeuble lui-même. L'article 1064 du Code civil consacrant ce principe n'avait pas besoin d'être inséré dans le Code pour que sa solution fùt appliquée: elle résultait des principes généraux.

934. En résumé, la loi française place parmi les immeubles: le sol, immeuble par excellence, immeuble dans toutes ses parties, superficie et tréfonds; puis elle considère les constructions et les plantations, dépendances du sol, faisant corps avec lui, comme des immeubles par nature. Leur caractère immobilier ne subsiste que tant que se maintient l'adhérence au sol; peu importe que l'adhérence au sol soit le fait du propriétaire du fonds ou d'un non propriétaire; dès qu'elle cesse, l'objet prend le caractère mobilier. En outre, la loi considère comme immeubles les objets, mobiliers de leur nature, qui, par leur destination, sont rattachés à l'immeuble par le propriétaire.

Cette destination ne peut être que l'œuvre du propriétaire lui-même. Par intérêt pour l'agriculture et pour l'industrie, la destination résulte, pour les objets servant à l'exploitation du fonds, de la simple affectation de ces objets au fonds par le propriétaire lui-même; pour les objets qui ont pour but l'ornement et l'agrément du fonds, on veut une preuve matérielle de l'affectation, par la perpétuelle demeure (art. 524 et 525, C. civ.).

SECTION III.

IMMEUBLES PAR L'OBJET AUQUEL ILS S'APPLIQUENT

935. La loi, dans l'article 526, énumère les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent. Mais l'énumération est incomplète et il faut combler les lacunes de l'article par des développements théoriques.

Le droit de propriété est un droit réel permettant de tirer d'une chose toute l'utilité dont celle-ci est susceptible, ce droit porte tantôt sur des immeubles, tantôt sur des meubles. Lorsqu'il frappe des immeubles, il doit participer de la nature de la chose, et il constitue un droit immobilier à ce titre, il aurait dù figurer dans l'énumération de l'article 526. S'il a été oublié, c'est que le législateur, suivant en ce point les traditions romaines, n'a pas cru utile de le mentionner; ce droit ne se confond-il pas en effet avec la chose même sur laquelle il porte ? A quoi bon le faire figurer dans les énumérations de la loi ?

Mais le législateur a cru nécessaire de mentionner parmi les immeubles de notre catégorie l'usufruit des choses immobilières; l'usufruit est le droit de jouir d'une chose dont un autre a la propriété (art. 578, C. civ.) c'est un droit réel sur la chose, qui ne permet de tirer de cette dernière qu'une utilité limitée et qui forme un démembrement de la propriété (art. 543, C. civ.); ce droit frappe-t-il des immeubles, il est immobilier ; il serait en sens contraire mobilier, s'il portait sur des meubles.

Le mot usufruit ne doit pas être pris dans un sens trop étroit; à côté

de l'usufruit proprement dit, la loi place l'usage et l'habitation, qui sont des droits réels, ayant pour objet la jouissance de la chose d'autrui : ces droits, qui ne sont que des usufruits qualifiés et soumis à des règles spėciales, sont évidemment immeubles de leur nature, comme l'usufruit, lorsqu'ils portent sur des choses immobilières.

Sont encore immeubles, les servitudes ou services fonciers: ce sont là des droits réels dont des immeubles, fonds dominants, sont investis sur d'autres immeubles, fonds servants (art. 637, C. civ.), et que le législateur a bien fait de placer au rang des immeubles, puisqu'ils portent toujours sur des immeubles et en sont des parties intégrantes.

936. Ne faut-il pas ajouter à cette énumération, et n'y a-t-il pas d'autres droits qu'il faudrait ranger parmi les immeubles par la détermination de la loi ? Nous pensons que s'il existe sur les immeubles d'autres droits réels que ceux que nous venons d'énumérer, ils doivent, comme parties intégrantes d'immeubles, figurer dans notre énumération. C'est ainsi que nous déciderions que l'hypothèque, droit réel sur les immeubles (art. 2114, C. civ.), envisagée en elle-même, constitue un droit immobilier, un immeuble par la détermination de la loi.

Il faudrait décider de même pour le droit de l'emphyteote temporaire, si l'on jugeait qu'il constitue pour son titulaire un droit réel. C'est ainsi encore que la possession légale d'un immeuble, considérée en soi, est, pour son titulaire, un droit réel immobilier.

937. L'article 526 ajoute: «... Les actions qui tendent à revendiquer » un immeuble » sont immeubles par l'objet auxquel elles s'appliquent. L'action est une prétention portée devant la justice, par laquelle on se dit investi d'un droit.

La prétention peut avoir pour objet un droit réel que l'on réclame sur une chose, l'action est alors réelle; on dit que l'on revendique le droit réclamé, et si ce droit est un droit immobilier, l'action en revendication est immobilière; c'est la solution de l'article 526. Les actions en revendication d'immeuble, les actions confessoires et négatoires d'usufruit. immobilier ou de servitude sont des actions réelles immobilières. On peut aussi se prétendre investi d'un droit de créance contre quelqu'un, c'està-dire prétendre qu'une personne est tenue vis-à-vis de nous à une certaine prestation : l'action que l'on exerce dans ce but est dite personnelle, parce que l'on invoque le lien obligatoire; mais si la prestation réclamée est un immeuble ou droit immobilier, l'action est personnelle et immobilière. Nous verrons en effet que les actions ne sont mobilières que si elles tendent à faire acquérir au réclamant un objet mobilier; or, tous les biens étant meubles ou immeubles, l'action personnelle tendant à la réclamation d'une prestation immobilière est immeuble par application des principes de l'article 526, et derrière l'action, nous voyons apparaitre une créance qui a pour objet un immeuble, et qui est immobilière (art. 529,

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a contr., C. civ.). Théoriquement, Primus ayant vendu un immeuble à Secundus, celui-ci par la vente à lui consentie serait créancier de Primus, et l'action à exercer serait personnelle, immobilière; et nous rencontrerions ainsi beaucoup d'exemples de ces actions personnelles et immobilières. Mais comme par le seul effet du consentement (art. 1138, C. civ.) la propriété de l'objet vendu passe du vendeur à l'acquéreur, ce dernier actionnant son vendeur n'a pas intérêt à invoquer la créance résultant de la vente, il invoque sa qualité de propriétaire, née du contrat, et agit en revendication de l'objet vendu et exerce une action réelle. Cependant les principes reprendraient leur empire si l'on avait vendu un immeuble désigné dans son genre: 10 hectares à prendre sur telle concession, par exemple, car dans ce cas la vente, ayant pour objet une chose de genre, déterminée dans son espèce seulement, n'est pas par elle-même translative de propriété.

SECTION IV.

IMMEUBLES PAR LA DÉTERMINATION DE LA LOI

938. Ce sont des objets qui, envisagés en eux-mêmes, sont meubles, mais que la loi, dans certaines circonstances, permet d'immobiliser. C'est ainsi que les actions de la Banque de France, de leur nature, mobilières (art. 529, C. civ.), peuvent être immobilisées par la volonté des parties, aux termes des décrets du 6 janvier 1808, article 7, du 1er mars 1808, articles 2 et 3, et du 3 mars 1810, articles 34 et 35; elles sont à partir de ce moment considérées comme immeubles et deviennent susceptibles d'hypothèque; il en est de même des actions du canal du Midi (1). Les rentes sur l'État peuvent aussi être immobilisées, lorsqu'elles servent à former les biens d'un majorat, mais leur immobilisation ne les rend pas susceptibles d'hypothèques, attendu qu'elles ne peuvent pas être saisies (2), et que ramener à exécution le gage hypothécaire serait par là même impossible, puisque le créancier hypothécaire ne pourrait pas faire vendre en justice la chose hypothéquée.

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« Les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de » la loi » (art. 527, C. civ.).

(1) Décret du 10 mars 1810, art. 13.

(2) Aux termes des lois du 8 nivòse et 22 floréal an VI, les réntes sur l'État et leurs arrérages sont insaisissables.

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939. Cette première catégorie correspond aux immeubles par nature de l'article 517 (C. civ.). Ici la qualité juridique de l'objet se déduit de sa nature physique : « Sont meubles par leur nature, les corps qui

peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent » par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer » de place que par l'effet d'une force étrangère, comme les choses ina»nimées» (art. 528, C. civ.). Peu importe la valeur de l'objet, son importance; les articles 531 et 532 (C. civ.) confirment les principes qui viennent d'être posés en ce qui touche les navires, les matériaux de construction. Si les navires sont meubles, ils constituent une classe à part, en ce qu'ils peuvent être hypothéqués (loi du 10 juillet 1885), bien qu'en général les meubles ne soient pas susceptibles d'hypothèque (art. 2119, C. civ.), en ce que leur saisie est soumise à des formes spéciales (art. 620, C. proc. civ., art. 197 à 215, C. com.); les articles 202 à 207 (C. com.) ont été abrogés par la loi du 10 juillet 1885 et remplacés par les articles 23 et suivants de cette loi.

Tous ces objets mobiliers de leur nature peuvent, rattachés à un immeuble, devenir des immeubles par nature (matériaux, art. 532, C. civ.), ou par destination (bacs, navires affectés à l'exploitation d'un fonds, d'un établissement industriel, etc.).

SECTION II. MEUBLES PAR LA DÉTERMINATION DE LA LOI

940. Cette catégorie comprend les droits que la loi range parmi les meubles, parce qu'ils font acquérir au titulaire des objets mobiliers: ils correspondent aux immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, et il n'y aurait eu aucun inconvénient à les désigner de cette façon. Cette catégorie de meubles comprend un très grand nombre d'objets : il faut y faire figurer les droits de propriété littéraire, industrielle, et artistique, les offices, les droits de péage sur les ponts du domaine public concédés aux entrepreneurs ou constructeurs de ces ponts; les droits de propriété ou de créance ne portant que sur meubles, etc.

Le législateur dans les articles 529 et 530 (C. civ.) a présenté un catalogue de ces meubles, il les divise en plusieurs catégories.

Io « Sont meubles par la détermination de la loi, les obligations et » actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobi»liers »... (art. 529, C. civ.). Le législateur écrit ici la contre-partie de l'article 526; de même que le droit qui a pour objet un immeuble est immeuble, de même le droit qui a pour objet un meuble est meuble. Par application de cette idée, il aurait fallu, dans l'article 529, comme mobiliers, faire figurer: 1° les droits réels portant sur des meubles :

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