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public de l'État, est imprescriptible et inaliénable. Quant à savoir à quel moment l'île émerge au-dessus des eaux, cela résulte des arrêtés des préfets fixant la largeur des fleuves et la plus grande hauteur des eaux : c'est le point le plus élevé, au moment où l'inondation va se produire, et l'île a, si elle émerge au-dessus des plus hautes eaux, son existence légale à partir de ce moment elle peut être acquise par titre ou par prescription: elle fait partie du domaine privé.

1053. 2o Les îles formées dans les rivières non navigables ni flottables appartiennent aux riverains (art. 561, C. civ.); au cas où il y aurait plusieurs riverains pour se disputer la propriété, il faudrait tracer une ligne médiane suivant le cours de la rivière, et attribuer l'île ou partie de l'île, formée d'un côté de cette ligne, au propriétaire de ce côté ; s'il y a plusieurs propriétaires, ils ont chacun la propriété de l'île au droit de leur propriété, et on en détermine l'étendue en abaissant des perpendiculaires du point de séparation de leurs héritages sur la ligne médiane.

Cette attribution des îles aux propriétaires riverains prouverait-elle que le législateur a voulu considérer le lit de ces rivières comme leur propriété? On expliquerait l'article 561, comme on faisait tout à l'heure l'article 560, en disant que l'île est un accessoire du lit sur lequel elle se forme. Nous ne croyons pas qu'il soit possible de trancher une difficulté de cette importance par voie de conséquence; nous préférons dire que le législateur a attribué les îles aux riverains comme une juste compensation des inconvénients et des dangers qu'entraîne le voisinage de la rivière, et nous expliquons de même le droit de pêche attribué aux propriétaires riverains (loi du 15 avril 1829).

1054. Quant aux rivières non navigables ni flottables, nous pensons que ce sont là des choses qui, par leur nature,'échappent à toute idée de propriété privée: elles ne sauraient en être susceptibles, et les riverains ne peuvent avoir sur les eaux que certains droits d'usage ou avantages particuliers (art. 644, C. civ., loi sur la pêche du 15 avril 1829) ; et quant au lit, il participe par la force des choses de la nature même des cours d'eau, parce qu'il en fait partie intégrante.

1055. Les principes posés par les articles 560 et 561 ne peuvent s'appliquer qu'aux îles proprement dites: au cas où un cours d'eau «..... en se » formant un bras nouveau, coupe et embrasse le champ d'un proprié» taire riverain... (art. 562, C. civ.). Il ne faut pas voir là une île véritable la partie du fond respectée et, aujourd'hui entourée d'eau, reste à son ancien maître, que le fait se soit produit dans un fleuve, ou dans une rivière non navigable ni flottable (art. 562, C. civ.).

d) Lits abandonnés.

1056. « Si un fleuve ou une rivière navigable, flottable ou non, se » forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les proprié

» taires des fonds nouvellement occupés prennent, à titre d'indemnité, » l'ancien lit abandonné, chacun dans la proportion du terrain qui lui » a été enlevé » (art. 563, C. civ.). En Droit romain, on admettait une solution contraire; la décision du Droit français ne nous paraît pas mériter les critiques qu'on lui a adressées. Dans notre système, le lit abandonné est une chose nullius, il faut ajouter que généralement il n'a que très peu de valeur; donc, nous approuvons qu'on le donne, à titre d'indemnité, aux propriétaires si durement éprouvés, et qui ont fourni le nouveau lit. Nous ne verrions à cela qu'un inconvénient pratique, si l'hypothèse devait se réaliser : c'est la difficulté d'organiser le service des communications pour ces nouveaux propriétaires.

1057. « Les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre co» lombier, garenne ou étang, appartiennent au propriétaire de ces objets, pourvu qu'ils n'y aient point été attirés par fraude et artifice (art. 564, C. civ.).

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La loi vise ici le cas où des animaux vivant à l'état sauvage quittent le colombier, la garenne ou l'étang où ils se trouvaient, pour accepter une autre demeure: ils deviennent la propriété, à titre d'accessoires, du colombier, de la garenne ou de l'étang, du propriétaire des colombier, garenne ou étang; mais pour qu'il en soit ainsi, il faut que ces animaux y aient passé naturellement, sans fraude ni artifice. S'il y a eu fraude ou artifice et que les objets soient reconnaissables, nous estimons que leur premier propriétaire a le droit de les revendiquer et de demander des dommages-intérêts à l'auteur de la fraude. Le texte de notre article nous paraît formel dans ce sens, et l'induction qu'on peut tirer d'un passage de Pothier (1), en sens inverse, ne saurait prévaloir contre la volonté du législateur.

SECTION II.

DU DROIT D'ACCESSION, RELATIVEMENT
AUX CHOSES MOBILIÈRES

1058. Les articles qui terminent notre titre II, de l'article 565 à l'article 577, s'occupent de l'accession relativement aux choses mobilières. Qu'on nous permette d'emprunter à propos de ces dispositions le jugement porté par M. Valette: « Le législateur, si laconique sur tant de sujets >> importants, s'est ici étendu longuement sur des questions presque entiè>>rement dénuées d'intérêt usuel; il y suppose à peu près tous les cas pos»sibles, donnant des décisions multipliées, lorsqu'il vient de proclamer » que le droit d'accession relativement aux choses mobilières est entière»ment subordonné aux principes de l'équité naturelle » (2) (art. 565,

(1) Voir Pothier, Comm., no 41; Traité du domaine, nos 53 et 106 à 108. (2) De la propriété et de la distinction des biens. Paris, 1879, p. 176.

ΤΟΜΕΙ

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C. civ.). Aussi le mieux eût-il été, conformément à ce qu'on avait demandé dans la discussion, de supprimer les articles 566 et suivants.

Le législateur les a cependant maintenus: ils s'occupent successivement de l'adjonction (art. 566 à 569, C. civ.), de la spécification (art. 570 à 572, C. civ.), et du mélange (art. 573 et 574, C. civ.) Disons quelques mots de chacune de ces hypothèses.

A. Adjonction.

1059. L'adjonction suppose l'union de deux choses appartenant à différents maîtres, de manière à former un tout unique; que les choses soient susceptibles d'être séparées comme le suppose l'article 566 (C. civ.) ou bien, a fortiori, qu'elles ne soient pas séparables, la propriété du tout appartient au propriétaire de la chose principale; l'autre, comme accessoire, lui est attribuée : c'est l'application de la maxime accessorium sequitur principale. Pour déterminer la chose principale, il peut y avoir des difficultés on prendra, comme principe de solution, soit le fait que l'une n'a été jointe à l'autre « que pour l'usage, l'ornement ou le complé»ment » (art. 567, C. civ.), << soit la valeur de l'une des choses » (art. 568, C. civ.), « soit leur volume » (art. 569, C. civ.). S'il était impossible de déterminer la principale des deux choses, l'objet serait commun entre les deux intéressés; et, pour sortir d'indivision, ils pourraient provoquer la licitation de l'objet formé (art. 575, C. civ.).

1060. Mais, si par suite de ces principes, on fait perdre à l'un sa propriété, tout au moins lui doit-on la valeur de sa chose (art. 566 in fine, C. civ.) ou la restitution de sa matière en même nature, quantité, poids et mesure (art. 576, C. civ.); en outre, une indemnité peut lui être accordée s'il a souffert un préjudice par suite de la privation de sa chose.

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1061. Le mélange de deux objets, pour former un objet nouveau, donne lieu à l'application de règles analogues (comp. art. 573 et 574, C. civ.).

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1062. La spécification fait l'objet des articles 570 à 572. On entend par là la formation d'un objet nouveau, par l'industrie de l'ouvrier, avec des matières premières dont il n'est pas propriétaire.

Pour déterminer à qui, de l'ouvrier ou du propriétaire des matériaux. doit être attribuée la species nova, les jurisconsultes romains se divisaient. Les Sabiniens préféraient le propriétaire de la matière; les Proculiens. le spécificateur: forma dat esse rei; Justinien avait accepté une solution éclectique.

Le Code français, rejetant la distinction de Justinien, à savoir si la chose peut ou non reprendre sa première forme, attribue la propriété au propriétaire de la matière considérée généralement comme principale, sauf indemnité à l'artiste (art. 570, C. civ.); que si cependant la maind'œuvre était de beaucoup supérieure en valeur à la matière, « l'artiste » aurait le droit de retenir la chose travaillée en remboursant le prix » de la matière au propriétaire (art. 571, C. civ.). Telles sont les diverses solutions données par la loi et inspirées par l'équité.

1063. Comment ces règles se combinent-elles avec les principes généraux du Droit, et comment comprendre que l'on puisse employer un objet mobilier appartenant à autrui ? Si, mis en possession de cet objet, on s'en est cru propriétaire, par application de la maxime « en fait de meu»bles la possession vaut titre » (art. 2279, C. civ.) on en devient propriétaire, et par suite nos articles ne peuvent pas recevoir leur application. Pour qu'il y ait lieu de les invoquer, il faut que l'on ait employé, le sachant, la chose d'autrui. En le faisant, on commet soit un abus de confiance, soit un vol, et, en dehors des solutions données pour la difficulté au civil, on peut avoir engagé sa responsabilité au point de vue pénal. C'est à quoi fait allusion l'article 577 (C. civ.) en parlant des poursuites par voie extraordinaire, ancienne expression qui n'est plus en rapport avec notre législation pénale.

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Il ne saurait être question pour nous de présenter la théorie complète de la prescription acquisitive: cette matière fait partie du programme de 2e année et se rattache au titre de la Prescription (liv. III, tit. XX, C. civ.); mais au moins est-il indispensable de donner une idée de ce mode particulier d'acquérir le domaine des choses. Ces notions sont nécessaires pour la saine interprétation des titres III et IV, livre I.

1064. Le Législateur autorise le possesseur d'un objet à en acquérir la propriété par la possession prolongée; il y a alors prescription à son profit; la prescription dans notre législation est un mode d'acquérir (art. 712, C. civ.). Nous laisserons de côté la prescription des choses mobilières (art. 2279, C. civ.) et la prescription appliquée aux Droits incorporels (renvoi aux titres III et IV, livre I) pour ne nous occuper que de la prescription acquisitive relativement aux immeubles.

1065. Une personne propriétaire d'un immeuble le laisse à l'abandon, un tiers le possède: la loi en présence de ce double fait, qu'une personne se comporte à l'égard de la chose, comme le ferait un propriétaire véritable, et que le véritable propriétaire reste dans l'inaction, donne la préférence au possesseur sur le propriétaire et fait acquérir au pre= mier la propriété de la chose possédée.

Mais, pour en arriver là, le législateur exige que la possession présente les caractères d'une possession légale et qu'elle ait duré un certain temps.

1066. Les caractères que doit présenter la possession pour être légale sont énumérés dans l'article 2229 (C. civ.). « Pour pouvoir pres»crire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ».

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Ces caractères, lorsqu'ils se rencontrent dans une possession, la qualifient d'une manière très énergique ; ils montrent chez le possesseur l'intention d'agir comme propriétaire de l'objet, et, en même temps, ils sont une contradiction permanente au droit du propriétaire véritable; ils éveillent son attention, et vont le pousser à agir, s'il est réellement propriétaire, pour défendre ses droits.

a) La possession doit être continue, ce qu'il ne faut pas entendre en ce sens que la possession doit se manifester par des actes de puissance incessante et sans intervalle aucun, mais ce qu'il faut entendre d'une possession comportant les actes réguliers de puissance qu'aurait faits un propriétaire, bon père de famille, pour tirer de la chose toute l'utilité dont elle est susceptible.

La continuité de la possession s'apprécie, suivant la nature de l'objet, et tout possesseur, qui aura fait les travaux nécessaires et habituels à la chose possédée, aura une possession continue, bien qu'il ne l'ait pas occupée jour et nuit et à tous les instants.

La possession, à laquelle manque le caractère de continuité est dite discontinue: elle ne sera telle que si elle a été temporairement désertée ou abandonnée, si elle présente des intervalles assez éloignés pour nuire à la notoriété que doit avoir la possession dans l'intérêt du propriétaire contre lequel la prescription s'accomplit.

b) La possession doit être non interrompue. L'interruption de la possession résulte de l'intervention du véritable propriétaire celui-ci ou bien enlève la possession au possesseur ou bien agit contre lui en justice pour faire reconnaître ses droits. Dans le premier cas, la possession est interrompue naturellement, dans le second cas, la possession est interrompue civilement.

La discontinuité et l'interruption sont donc très différentes: la première résulte de l'abstention du possesseur qui, à certains moments, ne possède plus; elle ne fait pas perdre la possession; mais elle la rend impropre à servir de base à la prescription acquisitive; la seconde est destructive de la possession par l'intervention du propriétaire véritable, enlevant la possession au possesseur.

c) La possession doit être paisible; on peut entendre cela en ce sens que la possession ne doit pas être violente, la violence vicie la possession (art. 2233, C. civ.) et tant que la possession ne se maintient que par la

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