Page images
PDF
EPUB

Le droit de vaine pâture est le droit pour les habitants d'une commune de faire paître dans toute l'étendue du territoire communal sur les héritages où il n'y a ni semences ni fruits, sur les prés après la fauchaison, sur les guérets et terres en friche et sur les biens défendables.

Le droit de parcours était le droit de vaine pâture existant entre deux communes voisines et réciproquement. Ce dernier droit a été aboli par la loi du 9 juillet 1889 détachée du Code rural (art. 1er). Le droit de vaine pâture avait été aboli aussi (art. 2), sauf son maintien possible, lorsqu'il était basé « sur une ancienne loi ou coutume, sur un usage im» mémorial ou sur un titre ». La loi du 22 juin 1890 est venue modifier sur ce point la loi de 1889, en décidant que le droit de vaine pâture ne cesserait de plein droit qu'un an après la promulgation de la loi; cette loi a ouvert un procédé pour assurer le maintien des vaines pâtures basées sur coutume, ancienne loi, usage immémorial ou titre, et la vaine pâture subsistera jusqu'à ce que la décision la supprimant soit inter

venue.

La loi du 22 juin 1890 a en outre décidé que la vaine pâture s'exercerait sur les prairies naturelles; les prairies artificielles seules en sont dégrevées.

Le droit de vaine pâture peut être basé sur titres ou sur l'usage; dans l'un et l'autre cas (loi de 1791, article 4), tout propriétaire peut, en clôturant son héritage, se protéger contre l'exercice de ce droit. Il diminue par là la surface générale qui y est soumise et perd dans la même proportion l'avantage qu'il pouvait personnellement en retirer (art. 648, C. civ. et art. 6, loi du 9 juillet 1889).

Si le droit de vaine pâture existe au profit de particuliers, et est basé sur titre, il constitue un droit réel pour le titulaire, droit qu'il ne peut pas céder et doit exercer lui-même; il paralyse chez le grevé le droit de se clore, mais ce dernier peut s'en affranchir soit moyennant indemnité fixée à titre d'experts, soit par voie de cantonnement (art. 12, loi du 9 juillet 1889). Les mêmes règles s'appliquent à la vaine pâture établie sur titre et appartenant à la généralité des habitants d'une commune (art. 12, loi du 22 juin 1890).

On oppose à la vaine pâture la grasse et vive pâture, qui est le droit de prendre les herbes poussant sur certains fonds: il y a là une propriété particulière à laquelle le grevé ne peut pas se soustraire si elle est fondée sur titre; fondée sur l'usage, le droit de clôture subsiste.

Pour être libérés des droits de vaine pâture, les héritages doivent être clos de la façon fixée par la loi (art. 6, loi du 9 juillet 1889): « Est ré» puté clos, tout terrain entouré soit d'une haie vive, soit par un mur, » une palissade, un treillage, une haie sèche d'une hauteur d'un mètre » au moins, soit par un fossé d'un mètre vingt centimètres à l'ouverture, » et de cinquante centimètres de profondeur, soit par des traverses en

» bois ou des fils métalliques distants entre eux de trente-trois centimè» tres au plus et s'élevant à un mètre de hauteur, soit par toute autre » clôture continue et équivalente faisant obstacle à l'introduction des >> animaux ».

CHAPITRE III.

DES SERVITUDES Établies par la LOI

1216. « Les servitudes établies par la loi ont pour objet, ou bien » l'utilité publique ou communale, ou bien l'utilité des particuliers (art 649, C. civ.).

[ocr errors]

« Celles établies pour l'utilité publique ou communale ont pour objet » le marchepied le long des rivières navigables ou flottables, la cons»truction ou réparation des chemins et autres ouvrages publics ou » communaux. T'out ce qui concerne cette espèce de servitude est dé>> terminé par des lois ou des règlements particuliers » (art. 650, C. civ.).

Le droit de propriété doit céder devant la nécessité publique; aussi la loi consacre-t-elle de nombreuses restrictions aux droits du propriétaire, restrictions qui sont justifiées par la nécessité d'assurer l'intérêt général de la société. L'examen détaillé des restrictions auxquelles fait allusion l'article 650 rentre dans le cadre du cours de Droit administratif; il nous suffira d'expliquer les expressions de notre article.

« Le marchepied le long des rivières navigables ou flottables ». Les propriétaires riverains sont obligés de fournir le long de leurs propriétés un passage aux personnes ou animaux qui assure la montée ou la descente des bateaux; sur l'une des rives, c'est le chemin de halage pour assurer la montée, sur l'autre rive le marchepied. Ces servitudes ont été organisées par l'ordonnance de 1669, titre 28, article 7. Le chemin de halage doit avoir trente pieds de large; le marchepied dix pieds. On les impose aux propriétaires riverains en échange des avantages que leur procure le voisinage de l'eau.

Sur les rivières flottables la même ordonnance organise « une servi»tude de passage pour la conduite du flot », servitude qui ne frappe qu'une des deux rives (ord. de 1669, tit. XV, art. 52).

1217. Servitudes établies pour « la construction ou réparation des » chemins et autres ouvrages publics ou communaux » (art. 650, C. civ.). La loi, par cette formule vague, fait allusion à des servitudes imposées à l'occasion de la construction et de la réparation des chemins;

c'est ainsi que par application de l'article 1, titre I, section 6 de la loi du 6 octobre 1791, et de celle du 16 septembre 1807, les entrepreneurs peuvent être autorisés à prendre les matériaux nécessaires aux travaux sur les fonds voisins des chantiers; s'ils les prennent dans une carrière ouverte, ils doivent indemnité; dans le cas contraire, ils ne doivent indemnité que pour le dommage occasionné.

Nous pouvons mentionner comme rentrant dans les prévisions de l'article 650 les nombreuses servitudes imposées aux propriétaires riverains des routes, des chemins de fer, des cimetières, des places fortes, et que des lois spéciales organisent. L'ensemble de ces règles forme le droit commun de la propriété en France; d'où il suit que ces servitudes organisées par la loi ne peuvent pas justifier, de la part du propriétaire grevé, une demande d'indemnité. Pour qu'il en fùt autrement, il faudrait un texte formel, c'est ainsi que, si par des travaux publics une rivière est rendue navigable qui ne l'était pas antérieurement, une indemnité sera payée aux propriétaires riverains, à cause des servitudes que leur impose le voisinage de la rivière (art. 3, décret du 22 janvier 1808, art. 1).

1218. Les articles 651 et 652 (C. civ.) s'occupent des servitudes légales qui ont pour objet l'utilité des particuliers; ces servitudes naissent par la seule force de la loi, indépendamment de toute convention; elles consistent dans certaines obligations réglées par les lois sur la police rurale, ou sont relatives à la mitoyenneté, à l'obligation de faire des contre-murs, aux vues, à l'égout des toits et au droit de passage en cas d'enclave. Les articles 653 à 686 du Code civil sont consacrés à l'étude de chacune de ces servitudes. Tout récemment, une loi détachée du Code rural, loi du 20 août 1881, a modifié quelques-uns de ces articles, à savoir les articles 666, 667, 668, 669, 670, 671, 672, 673, 682, 683, 684 et 685 du Code civil. Nous nous occuperons successivement de ces diverses servitudes.

[blocks in formation]

1219. La mitoyenneté est la copropriété portant sur un mur, un fossé, une haie, servant de séparation à deux héritages (1). La coutume de Paris disait (art. 188 et suiv.) mur moitoyen, ce qui rappelle l'origine du mot.

[ocr errors]

(1) Dans l'ancien Droit on distinguait deux espèces de mitoyenneté : « Pour le regard du mur moitoyen, il y en a de deux sortes à savoir par divis ou par indivis, le mur moitoyen par divis quand chacun des voisins est seigneur de la moitié qui est de son coté; par indivis quand chacun d'iceux a part en tout le mur, et en chacune partie d'iceluy..... » (Charondas le Caron, Cout. de Paris, édit. in-4o, Paris, t. II, 1595, p. 52). Aujourd'hui, il n'y a qu'une espèce de mitoyenneté, la mitoyenneté indivise.

[ocr errors]

TOME I

44

Nous nous occuperons successivement des règles applicables à ces espèces de clôtures.

[blocks in formation]

1220. La mitoyenneté du mur est la copropriété du mur, servant de séparation entre deux héritages, et appartenant aux deux propriétaires voisins; mais cette copropriété présente un caractère spécial qui la distingue des copropriétés ordinaires : c'est que le partage du mur ne peut pas être provoqué; et si l'un des deux copropriétaires veut faire cesser les obligations que cette copropriété lui impose, il doit abandonner sa portion dudit mur (art. 656, C. civ.). Pour l'étude de cette mitoyenneté, nous adopterons la division suivante :

§ I. Quand existe la mitoyenneté ; § II. Droits des copropriétaires; § III. Obligations à eux imposées.

§ 1.

Quand existe la mitoyenneté.

1221. Il y a plusieurs hypothèses dans lesquelles peut exister la mitoyenneté d'un mur la première est celle où un titre établit la mitoyenneté, en constatant, par exemple, que le mur bâti sur la limite de deux héritages l'a été par les deux propriétaires, à frais communs et sur le terrain de chacun d'eux; nous aurons aussi la mitoyenneté établie par titre, au cas des articles 663 et 661; à la suite d'accords intervenus entre les voisins, un écrit sera dressé pour constater le caractère juridique du mur.

1222. En dehors de ce cas, la mitoyenneté peut résulter d'une présomption de la loi : c'est la deuxième hypothèse de mitoyenneté.

« Dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation » entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même » entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen, s'il n'y a titre ou » marque du contraire» (art. 653, C. civ.).

Faisons d'abord remarquer que la loi ne pose la présomption qu'au cas où l'on ne peut pas établir la véritable condition du mur, car s'il y a titre établissant que le mur est la propriété exclusive de l'un des deux voisins, ou s'il y a une marque de non-mitoyenneté de laquelle on puisse induire que le mur n'est pas mitoyen, la présomption de l'article 653 tombe d'une manière absolue.

Quels sont les motifs qui ont porté le législateur à poser la présomption de l'article 653? Ces motifs sont bien simples; toutes les fois que le mur a été établi dans des conditions à être utile aux deux propriétaires voisins, la loi présume la mitoyenneté, parce qu'elle pense qu'à cause de l'utilité commune que le mur avait pour eux, ces voisins l'ont fait bâtir à frais communs. Ce principe explique les règles de l'article 653.

"...

Tout mur servant de séparation entre bâtiments... » Le mur sert aux deux bâtiments : il est à présumer qu'il a été dressé à frais communs ou que la mitoyenneté a été achetée (art. 661, C. civ.). Comment supposer en effet que, propriétaire exclusif du mur d'un bâtiment, on souffre que le voisin y appuie le sien? Si les deux bâtiments ont même hauteur, le mur est mitoyen pour le tout; si les bâtiments sont de hauteur inégale, le mur est présumé mitoyen « jusqu'à l'héberge », c'est-à-dire jusqu'à la hauteur du bâtiment le moins élevé : ce n'est, en effet, que jusque-là qu'il présente utilité pour ce bâtiment.

« Entre cours et jardins » : c'est-à-dire entre cours, entre jardins, et entre cours et jardins; ce sont là des dépendances de l'habitation que l'on a l'habitude de clôturer; or, si entre deux de ces choses existe un mur, la loi suppose que, présentant de l'utilité pour les deux propriétaires, il aura été fait par eux à frais communs, et présume la mitoyenneté.

« Même entre enclos dans les champs » : l'enclos est une pièce de terre entourée de murs; or, si entre deux enclos existe un mur, il sert aux deux propriétaires de clôture, présente la même utilité pour chacun et la loi en présume la mitoyenneté.

Cette présomption légale doit être restreinte aux seuls cas prévus; il en résulte que dès que nous modifierons les hypothèses de l'article 653, nous retomberons dans le Droit commun: par exemple, le mur servant de soutènement à un héritage supérieur est présumé la propriété du propriétaire supérieur (1); le mur entre bâtiment et jardin n'est pas présumé mitoyen; il ne présente pas une égale utilité pour les deux voisins, et il est naturel de supposer qu'il a été exclusivement élevé par celui des deux propriétaires voisins pour lequel il forme une face de son bâtiment (2).

1223. Cette présomption constitue ce qu'en Droit on appelle une présomption de fait, c'est-à-dire contre laquelle la preuve contraire peut être administrée ; l'article 653 réserve contre elle le titre : toutes les fois que par un titre on pourra établir la condition juridique du mur, la présomption de mitoyenneté tombera; il faudra, pour être invoqué valablement, que ce titre soit commun aux deux propriétaires voisins: nul, en effet, n'est admis à se faire une preuve de ses droits.

«Les marques de non-mitoyenneté » il faut entendre par là des marques extérieures qui manifestent le véritable caractère du mur.

« Il y a marque de non-mitoyenneté lorsque la sommité du mur est » droite et à plomb de son parement d'un côté, et présente de l'autre un plan incliné »: par là le mur rejette les eaux chez l'un des propriétaires; d'où il faut induire que ce propriétaire seul a fait construire le

[ocr errors]

(1) Cass., 25 avril 1888, Sir., 88, 1, 380.

(2) Cass., 12 mai 1886, Sir., 88, 1, 206; Cass., 12 janvier 1886, Sir., 86, 1, 248,

« PreviousContinue »