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avant la loi du 26 juin 1889; il n'aura plus qu'une application restreinte à quelques cas seulement, car la plupart des enfants nés en France, de parents étrangers, se placeront sous la disposition des articles 8 § 3 et 8 § 4 (C. civ.).

Quelques autres articles mentionnent encore des cas où l'acquisition de la qualité de français se produit postérieurement à la naissance de l'enfant ce sont les articles 10, 18, 19. Ces cas seront exposés après que nous aurons étudié la naturalisation.

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132. La naturalisation peut être définie, l'acquisition de la qualité de français par un étranger qui abandonne sa propre nationalité. Elle suppose donc l'abdication de la nationalité d'origine pour acquérir une nationalité nouvelle.

133. En matière de naturalisation, on peut admettre trois systèmes de législation:

1o Le système dans lequel toute naturalisation est impossible, la nation ne voulant se composer que de personnes ayant même origine, rejetant loin d'elle tout élément étranger.

2o Le système dans lequel la naturalisation est possible suivant certaines conditions déterminées par la loi. C'est au pouvoir législatif, en tenant compte des intérêts généraux du pays, à déterminer les conditions légales suivant lesquelles la nationalité s'acquiert; et, ces conditions remplies, toute personne se trouvant dans les cas prévus par la loi acquerra la nationalité par une simple manifestation de sa volonté. La naturalisation constituera une acquisition de la nationalité par le bienfait de la loi.

Chacun de ces deux systèmes offre des inconvénients graves: le premier ferme le pays à une foule de personnes qu'il y aurait intérêt à affilier à la nation française; le second, en ouvrant à toute personne remplissant les conditions légales la possibilité d'acquérir la qualité de français, aboutit à des naturalisations très nombreuses et donne la qualité de national à des personnes qu'il n'y a aucun intérêt à affilier à la famille francaise.

30 Un troisième système organise autrement la naturalisation. Avec lui, les conditions légales suivant lesquelles s'acquiert la qualité de français sont déterminées par la loi. En dehors de leur accomplissement, aucune naturalisation n'est possible. Mais l'Étranger, voulant profiter des avantages offerts par la loi, devra adresser aux pouvoirs publics une demande de naturalisation, que ces derniers sont toujours les maîtres d'accorder ou de refuser.

Par ce moyen, on n'a à redouter ni les naturalisations trop nombreu

ses, ni les naturalisations de personnes indignes, puisque la naturalisation dépend d'une décision de l'autorité publique, même vis-à-vis de personnes remplissant les conditions prévues par la loi.

En étudiant la législation française dans son entier développement, on y trouve, suivant les époques, l'application de chacun de ces trois sys

tèmes.

134. Dans l'ancienne jurisprudence française, la naturalisation se présente à nous comme le résultat d'une décision royale tout à fait discrétionnaire. On accordait les lettes de naturalité, collectives ou individuelles; elles devaient être vérifiées par la Cour des comptes.

Avec la période intermédiaire jusqu'à la rédaction du Code civil et aussi pendant un certain temps, en 1849, la naturalisation présente le caractère d'une acquisition de la qualité de français par le bienfait de la loi: toute personne, digne ou non de cette faveur, pouvait devenir française, dès qu'elle remplissait les conditions légales.

Le système actuel, maintenu en principe par la loi sur la nationalité de 1889, donne à la naturalisation le caractère d'une décision discrétionnaire de l'autorité publique au profit de l'Étranger remplissant les conditions légales.

Le pouvoir législatif intervient donc au nom des intérêts généraux du pays et détermine dans la loi les conditions suivant lesquelles la naturalisation sera accordée.

La naturalisation étant sollicitée par l'Étranger, le pouvoir exécutif vérifie si les conditions légales sont remplies et accorde ou refuse la naturalisation, suivant sa volonté. En 1849, on avait demandé que ce fût au pouvoir législatif qu'appartint le droit d'accorder ou de refuser la naturalisation; mais ce pouvoir est-il fait pour rendre des décisions particulières en faveur de telle ou telle personne, et n'y aurait-il pas à craindre, à cette occasion, des discussions offrant, au point de vue international, les plus grands inconvénients? L'attribution au pouvoir exécutif, du droit d'accorder ou de refuser la naturalisation, nous paraît donc justifiée.

135. La matière de la naturalisation n'était pas comprise dans les dispositions du Code civil. Des documents législatifs particuliers, en dernier lieu la loi du 29 juin 1867, l'avaient réglementée. Les auteurs de la loi récente sur la nationalité ont pensé que la naturalisation avait sa place marquée dans les dispositions du Code civil; et, en abrogeant les dispositions antérieures rendues sur la matière (1), ils l'ont réglementée à nouveau dans l'article 8 § 5 du Code civil (loi sur la nationalité).

D'après ces dispositions, la naturalisation reste ce qu'elle était antérieurement, un acte discrétionnaire du pouvoir exécutif. La naturalisa

(4) Art. 6 loi du 26 juin 1889).

tion est accordée par décret, après enquête sur la moralité de l'Étranger; la décision rendue par le gouvernement n'est susceptible d'aucune voie de recours.

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Article 8.....« Sont Français..... 5o Les étrangers naturalisés. Peuvent être naturalisés :...

» Et

«Il est statué par décret sur la demande de naturalisation, après une enquête sur la moralité de l'étranger. les formalités à remplir, décret du 13 août 1889 (art. 1 et 2).

pour

Les Étrangers ne peuvent donc pas réclamer la naturalisation comme un droit pour eux, mais seulement la solliciter comme une faveur que le gouvernement français est le maître d'accorder ou de refuser.

136. Quelles sont les personnes qui peuvent demander la naturalisation? Le législateur n'accepte pas que tout Étranger puisse être naturalisé; il exige de celui qui sollicite cette faveur certaines conditions, qui toutes montrent de la part du requérant l'attachement pour notre pays et une certaine persévérance dans la pensée d'acquérir la nationalité francaise.

L'article 8 § 5 répartit en quatre catégories les Étrangers pouvant sol

liciter la naturalisation :

«1o Les étrangers qui ont obtenu l'autorisation de fixer leur domi»cile en France, conformément à l'article 13 ci-dessous, après trois ans » de domicile en France, à dater de l'enregistrement de leur demande au ministère de la justice ».

La demande de fixer en France son domicile montre de la part de l'Étranger l'intention d'acquérir la qualité de Français. Après trois ans de stage, il peut solliciter la naturalisation: cet article confirme les conditions exigées par la législation antérieure (art. 1, loi du 29 juin 1867, sur la naturalisation).

Si nous rapprochons l'article 8 § 5 de l'article 4 de la loi de 1867, nous remarquons une différence de rédaction. La loi de 1867 exigeait que l'Étranger eut demandé l'autorisation de fixer son domicile après 21 ans, voulant que la demande fût l'œuvre d'une volonté réfléchie; la loi nouvelle est muette sur ce point. Nous pensons cependant que la demande ne peut être faite que par l'Étranger majeur, et, par application de l'article 3 § 3, majeur d'après la loi de son pays. Alors seulement, suivant son statut personnel, il sera en état de manifester une volonté réfléchie. 2o Les étrangers qui peuvent justifier d'une résidence non in terrompue pendant dix années.

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«Est assimilé à la résidence en France le séjour en pays étranger pour l'exercice d'une fonction conférée par le gouvernement fran cais ».

Cette disposition est une innovation de la loi nouvelle; elle est due à l'initiative du Sénat. La longue résidence en France ne montre-t-elle pas

de la part de l'Étranger un attachement pour la France, et faut-il reprocher à celui-ci de n'avoir pas sollicité l'autorisation de fixer en France son domicile? Cela eût paru bien rigoureux. Dix ans de résidence autorisent donc l'Étranger à solliciter la naturalisation.

L'assimilation à la résidence en France, d'un séjour à l'étranger pour l'exercice d'une fonction conférée par le gouvernement français, est trop naturelle pour ne pas être approuvée. L'exercice d'une fonction française à l'étranger ne prépare-t-elle pas à l'acquisition de la qualité de français ? 30 « Les étrangers admis à fixer leur domicile en France, après un an, s'ils ont rendu des services importants à la France, s'ils y ont apporté des talents distingués, ou s'ils y ont introduit soit une industrie, soit des inventions utiles, ou s'ils y ont créé soit des établissements industriels ou autres, soit des exploitations agricoles, ou s'ils ont été » attachés, à un titre quelconque, au service militair e dans les colonies "et les protectorats français ».

Le législateur, en faveur de certaines catégories d'Étrangers, restreint à une année seulement le stage de trois ans de Droit commun, et cela toutes les fois que l'Étranger aura rendu à la France des services importants. Le législateur aurait pu se borner à cette simple formule; il a tenu cependant à indiquer les principaux faits de nature à constituer les ser vices rendus de là l'énumération de l'article 8 § 5, 3o (C. civ.).

40 « L'étranger qui a épousé une Française, aussi après une année de domicile autorisé ».

Le double fait d'avoir sollicité l'autorisation d'établir en France son domicile et d'avoir épousé une Française montre pour la France un grand attachement. Aussi peut-on se contenter pour cet Étranger d'un stage

d'une année.

Telles sont les conditions que, suivant les cas, les Étrangers doivent remplir pour pouvoir obtenir la naturalisation. Pour les Étrangers habitant nos colonies ou pays de protectorat, on suit des règles spéciales (1).

137. Quels sont les effets de la naturalisation? Aux termes de la loi de 1867, articles 1 et 2 combinés, la naturalisation conférait la qualité de français, au point de vue des droits civils comme au point de vue des droits politiques; la loi nouvelle sur la nationalité n'admet pas cette assimilation, et si la naturalisation confère pour l'avenir la qualité de français avec la jouissance des droits civils comme pour le Français d'origine, elle retarde pendant une certaine période l'aptitude à certains droits politiques. Article 3 (loi sur la nationalité, 26 juin 1889):

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L'étranger naturalisé jouit de tous les droits civils et politiques attachés à la qualité de citoyen français. Néanmoins, il n'est éligible aux assemblées législatives que dix ans après le décret de naturalisa(1) Comp. les décrets du 29 juillet 1887, relatifs à la naturalisation en Tunisie, en Annam et au Tonkin.

་་

tion, à moins qu'une loi spéciale n'abrège ce délai. Le délai pourra être réduit à une année. »

Cet article, en restaurant sous une forme nouvelle la grande naturalisation, organisée par l'ordonnance royale du 4 juin 1814 et la loi du 3 décembre 1849, que la législation du second empire avait abandonnée, ne fait que suivre l'exemple des législations étrangères (Belgique, loi du 6 août 1881, art. 2; Italie, C. civ., art. 10; Hongrie, loi des 20-24 décembre 1879, art. 15, etc.), et, comme l'a dit M. A. Weiss, l'annotateur de la loi du 26 juin 1889 dans l'Annuaire de législation française, page 136 note 1, le législateur «.... a considéré, avec infiniment de raison, qu'il » y a quelque imprudence à ouvrir à des étrangers d'hier, dont l'affection » pour la France est de fraîche date, le Parlement où sont discutés et ré>> solus les plus graves intérêts de la patrie, en contradiction manifeste » peut-être avec ceux de l'État auquel ils se sont rattachés jusque là. Le >> stage de dix ans qu'il leur impose répondra de leur patriotisme ».

138. Les effets de la naturalisation ne doivent-ils se produire qu'au regard de celui qui l'a sollicitée, sans s'étendre à sa femme, à ses enfants mineurs, ou bien faut-il les étendre à d'autres que lui? En un mot le chef de famille se faisant naturaliser n'entraîne-t-il pas avec lui les membres de la famille dont il est le chef?

Sur ce point les législations modernes sont divisées. Les unes (1) ne reconnaissent à la naturalisation que des effets individuels ; les autres (2) étendent les effets de la naturalisation, obtenue par le chef de famille, à ses enfants mineurs placés sous sa puissance et cela dans l'intérêt de l'unité de la famille et de l'avantage à placer sous une même législation tous les membres qui la constituent.

En France, avant la loi nouvelle, la jurisprudence n'avait pas hésité à reconnaître que la naturalisation ne produisait que des effets individuels (3).

Mais dans l'intérêt de l'unité de la famille, on avait senti le besoin de faciliter aux enfants du naturalisé l'acquisition de la qualité de français (4). La loi nouvelle sur la nationalité est entrée largement dans cette voie en facilitant à la familie du naturalisé l'acquisition de la qualité de français, en donnant même à la naturalisation des effets collectifs, au moins provisoirement.

Article 12 § 2... « La femme mariée à un étranger qui se fait naturaliser français, et les enfants majeurs de l'étranger naturalisé pour«ront, s'ils le demandent, obtenir la qualité de français, sans condition

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(1) Portugal, Russie, Turquie.

(2) Allemagne, Autriche-Hongrie, Grande-Bretagne, Italie, Suisse et quelques autres.

(3) Cass., 19 août 1874, Sir., 75, 1, 52; Toulouse, 26 janvier 1876, Sir., 76, 2, 177. (4) Loi des 22-29 janvier 1854 et loi du 14 février 1882.

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