Page images
PDF
EPUB

159. Le système du Code civil, tel qu'il a été modifié par la loi du 26 juin 1889, doit-il être approuvé? Si l'on ne consulte que l'intérêt français, il faut reconnaître que le Code civil était insuffisant, et que la modification, apportée par la loi du 26 juin 1889, a été bonne dans ses résultats au moins peut-on regretter que les dispositions de la loi et celles du Code civil n'aient pas été mieux coordonnées les unes avec les autres. Enfin une bonne loi sur la nationalité, pour ne pas faire naître des conflits de législation, devrait se préoccuper : 1o de n'accorder la qualité de Français qu'aux personnes auxquelles la qualité de national étranger n'est pas donnée par une législation étrangère et 2o de ne faire perdre la qualité de Français qu'à ceux, auxquels une législation étrangère ne reconnait pas la qualité de français. Toute loi qui viole l'un de ces deux principes arrive fatalement à faire naître des conflits de législation; questions délicates qui sont du ressort du Droit international privé, qu'il ne nous appartient, ni de dégager, ni de résoudre : or notre législation fait naître des questions de cette nature dans d'assez nombreuses hypothèses (1).

CHAPITRE III

DE LA QUALIté de citoyen.

160. L'article 7 du Code civil met en opposition le Français et le citoyen. Le Français est la personne faisant partie de la nation française, à laquelle la loi reconnaît la jouissance et l'exercice des Droits civils; le citoyen est le Français auquel la loi reconnaît l'exercice des Droits politiques. Le principe posé par l'article 7 est reproduit avec quelques modifications de forme par l'article 1 de la loi sur la nationalité : « L'exercice » des droits civils est indépendant de l'exercice des droits politiques, lesquels s'acquièrent et se conservent conformément aux lois constitu»tionnelles et électorales » (nouvel art. 7 du C. civ.). L'étude étendue de la qualité de citoyen rentre plutôt dans le Droit constitutionnel que dans le Droit civil: aussi le législateur fait-il un renvoi aux lois constitutionnelles et électorales. Cependant, pour fixer les idées et bien marquer la différence existant entre le Français et le citoyen, il est bon d'aborder cette étude,

[ocr errors]

Division générale: § I. Qui est citoyen?

(1) Un projet de modification de l'article 9 (C. civ.) a été déposé par M. Ricard, Garde des sceaux, dans la séance du 27 mars 1892.

§ II. Droits du citoyen;

§ III. Perte de la qualité de citoyen;

§ 1. Qui est citoyen.

161. Le mot citoyen a une signification spéciale; il s'applique à tous ceux auxquels les lois constitutionnelles attribuent les droits politiques. D'après la constitution du 22 frimaire an VIII, pour être citoyen, il fallait remplir les trois conditions suivantes : être Français, måle, et inscrit sur les listes civiques. Aujourd'hui, le suffrage universel est la base de notre constitution. Est citoyen, tout Français mâle, âgé de 21 ans, et cette personne a la jouissance des droits politiques; l'exercice de ces droits dépendra de certaines formalités à accomplir, par exemple de l'inscription sur les listes électorales.

La loi reconnaît aux hommes seuls l'aptitude aux droits politiques et en exclut les femmes. Dans l'état de nos mœurs et de nos lois, cette distinction est parfaitement justifiée. Rappelons la situation faite aux musulmans algériens, qui sont Français, mais ne sont pas citoyens (S. C. de 1865), et pour lesquels l'acquisition de la qualité de citoyen résulte d'une naturalisation privilégiée.

[blocks in formation]

162. Les droits politiques consistent surtout dans le droit d'être électeur et l'aptitude à pouvoir être élu : droit et aptitude qui sont organisés suivant des règles particulières pour chaque corps, par les lois constitutionnelles et électorales.

En principe, tout citoyen inscrit sur une liste électorale peut voter (comp. article 14, loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale). Ce n'est qu'à 25 ans qu'on est éligible à la Chambre des députés et à 40 ans au Sénat. Pour le Conseil général on est éligible à 25 ans en remplissant les conditions exigées par l'article 6 de la loi des 10-29 août 1871 sur lesdits Conseils. Pour les Conseils municipaux, il faut avoir 25 ans et remplir les conditions exigées par la loi du 5 avril 1884 (art. 31), c'est-à-dire être apte à remplir les fonctions publiques, sous les conditions de сараcité exigées par les lois. Les droits politiques comprennent encore le droit de servir dans les armées françaises (cependant ce droit a été conféré à quelques catégories de personnes qui n'ont pas la qualité de citoyens légion étrangère, sénatus-consulte de 1865 pour les indigènes musulmans, etc.); et celui de figurer dans les actes notariés à titre de témoins instrumentaires, d'être juré, avocat, membre du conseil de famille, etc.

§ 3.

Comment se perd la qualité de citoyen.

163. La qualité de citoyen se perd de diverses manières:

a) Par la perte de la qualité de français dont la qualité de citoyen n'est que l'accessoire;

b) Par la dégradation civique prononcée comme peine principale ou accessoire (art. 34, C. pénal);

c) Par la faillite qui entraîne l'incapacité d'être électeur et éligible. L'état de liquidation judiciaire altère la capacité au point de vue politique le liquidé ne peut être nommé à aucune fonction élective (art. 21 de la loi sur les liquidations judiciaires du 4 mars 1889).

d) Enfin, il peut se faire que, bien que l'on ait la jouissance des droits du citoyen, l'exercice de tous (art. 465 I. crim., comp. plus bas, no 174) ou de quelques-uns de ces droits soit suspendu pour certaines catégories de personnes (c'est ainsi que les militaires sous les drapeaux ne peuvent pas voter); de même, des condamnations pour certains délits peuvent, sans enlever la qualité de citoyen, faire perdre quelques-unes des prérogatives qui en sont la conséquence. Cette matière se rattachant au Droit constitutionnel et au Droit pénal, nous nous en tenons à ces simples indications.

CHAPITRE IV

DES CONSÉQUEnces des conDAMNATIONS PÉNALES
SUR LA CAPACITÉ DES PERSONNES.

164. Ce chapitre a pour objet de rechercher l'influence que peuvent exercer les condamnations pénales sur la capacité de la personne, matière qui faisait l'objet des articles 22 à 34 du Code civil. L'étude de cette matière se rattache au Droit pénal; les dispositions du Code sur ce point ont été complètement modifiées par la loi du 31 mai 1854, abolitive de la mort civile. Aussi nous bornerons-nous à poser les règles générales en laissant au Droit pénal l'examen complet de cette matière. 165. Notions générales sur le Droit pénal. En Droit pénal, l'infraction est tout fait prévu et puni par la loi pénale. Suivant la gravité des peines qu'elles font encourir à leurs auteurs, on divise les infractions en crimes, délits et contraventions. Les crimes sont les infractions punies de peines criminelles; les délits sont les infractions punies de peines correctionnelles ; les contraventions sont les infractions punies de

[ocr errors]

peines de simple police. La contravention engage la responsabilité de l'agent sans que l'on ait à rechercher quelle a été son intention; ce fait n'implique donc pas une grande gravité morale et n'apporte pas à la société un trouble profond; aussi les condamnations encourues pour contraventions n'exercent-elles aucune influence sur la capacité de la personne. Il en est autrement des condamnations encourues pour crimes ou pour délits.

§ 1.

--

Conséquences des condamnations pour crime.

166. Toute condamnation pour crime exerce une influence sur la capacité du condamné ; cette influence est plus ou moins grave, suivant la durée de la peine. On comprend, en effet, que le législateur atteigne dans sa capacité, d'une manière plus grave, celui qui est frappé d'une peine perpétuelle, que celui qui n'est frappé que d'une peine temporaire. Ce sera l'objet d'une division de la matière.

En outre, la condamnation peut être prononcée contre l'accusé présent et se défendant: la procédure et la condamnation sont contradictoires : ou bien l'accusé n'est pas sous la main de la justice et ne comparaît pas. il sera ou pourra être condamné, sans être entendu, sans défense, d'où cette conséquence que la condamnation ne présentera pas ici les mêmes garanties, qu'au cas de condamnation contradictoire : ce sera l'objet d'une division de la matière.

[blocks in formation]

167. La condamnation contradictoire peut entraîner contre le condamné, soit des peines temporaires, soit des peines perpétuelles. Examinons, dans chacun de ces cas, les conséquences qu'elles exercent sur la capacité.

1° Condamnation à une peine temporaire (travaux forcés à temps; réclusion; détention; bannissement).

168. Toute peine criminelle temporaire, afflictive et infamante, entraîne, comme conséquence, à titre de peine accessoire, contre le condamné, la dégradation civique et l'interdiction légale; nous disons à titre de peine accessoire, car ce n'est pas là une peine que les juges aient à prononcer, elle résulte de la loi elle-même qui l'attache, à titre de conséquence, à toute condamnation.

169. La dégradation civique (art. 28, C. pén., comb. 34) est une peine indéfinie, indivisible, qui enlève au condamné l'exercice des droits du citoyen et, dans l'ordre purement civil, dans la famille, le rend indigne de tout ministère de confiance, de toute prérogative.

L'interdiction légale (art. 29, C. pén.) est une peine accessoire tem poraire, dont les effets sont limités à la durée de la peine afflictive encourue; elle met le condamné dans l'impossibilité de gérer son patrimoine, de se présenter en justice, d'exercer les droits civils. Le condamné est considéré comme un incapable; on lui donnera pour représentant un tuteur telles sont les conséquences légales de toute condamnation contradictoire à une peine temporaire. La loi du 30 mai 1854, art. 12, autorise le Gouvernement à relever les condamnés, qui subissent la peine des travaux forcés hors de France, d'une partie des incapacités encourues. La grande différence, qui sépare ces deux peines accessoires, c'est que l'une n'est que la conséquence de l'exécution de la peine, et ne dure que tant que s'exécute matériellement la peine principale (c'est l'interdiction légale); l'autre, au contraire, la dégradation civique est indéfinie; elle subsiste contre le condamné après sa libération, comme conséquence de la condamnation, à moins que le condamné n'ait été réhabilité (art. 619, I. crim.), n'ait bénéficié d'une amnistie, ou n'ait fait reviser la condamnation qui l'avait frappé (art. 443, I. crim.).

2o Condamnation contradictoire à une peine perpétuelle

(mort; travaux à perpétuité; déportation).

170. La condamnation à une peine perpétuelle produit, au point de vue civil, à l'égard du condamné, des effets plus énergiques que la condamnation à une peine temporaire. Ces effets sont aujourd'hui indiqués dans la loi du 31 mai 1854, abolitive de la mort civile, qui a modifié les articles 22 à 34 du Code civil.

D'après le Code civil (art. 23) combiné avec le Code pénal de 1810 (art. 18), toutes les peines perpétuelles entraînaient comme conséquence la mort civile. C'était une peine accessoire en vertu de laquelle on réputait mort le condamné; en conséquence sa succession était ouverte, son mariage dissous et le mort civil était incapable de contracter une nouvelle union valable (comp. 25, C. civ.). Cependant cette assimilation de la mort civile à la mort naturelle n'était pas absolue; pouvait-on faire abstraction complète de ce fait, que le condamné vivait?

171. Malgré les critiques dont elle avait été l'objet, la mort civile fut maintenue dans notre législation par le Code civil. La première atteinte qui lui fut portée résulte de la loi du 8 juin 1850 sur la transportation. Elle précéda de peu de temps son abolition par la loi du 31 mai 1854.

Les questions auxquelles la mort civile peut donner lieu se présentent trop rarement aujourd'hui, pour qu'il soit nécessaire de les étudier ; nous les laisserons de côté pour étudier la situation que fait au condamné à une peine perpétuelle, la loi du 31 mai 1854.

172. Article 1. La mort civile est abolie. D'où il suit, qu'à partir de

« PreviousContinue »