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Changement de domicile.

pour juger la question dans chaque cas particulier. Il ne s'agit pas de prouver des faits isolés, mais de vérifier si, réunis, tous les faits et toutes les circonstances qui concourent à démontrer qu'une personne a sa demeure ou son domicile dans un endroit sont plus forts que toutes les preuves analogues tendant à établir son domicile dans un autre endroit; une pareille recherche entraine done une comparaison de preuves, et pour faire cette comparaison il y a des faits que la loi considère comme concluants, à moins qu'ils ne soient contredits ou contrebalancés par d'autres encore plus décisifs.

Le lieu de la demeure d'une personne doit être tout d'abord envisagé en opposition à tout siége d'affaires, de commerce ou d'occupation. Si elle a plus d'une habitation, on doit donner la prépondérance à celle où elle se retire pour prendre son repos, passer ses nuits, si cela peut être avéré d'une façon distincte. Et s'il est constaté d'une manière légale que l'habitation est en partie dans un endroit et en partie dans un autre, la personne qui habite cette double habitation doit être réputée demeurer dans la ville où elle a l'habitude de prendre son repos, si cela peut se vérifier.

$ 907. Toute personne maîtresse de ses droits peut changer de domicile à son gré et transporter où bon lui semble son principal établissement. Toutefois ce changement est soumis à certaines conditions déterminées par la loi.

La seule intention, même manifestée extérieurement, d'abandonner définitivement le lieu où le domicile est établi ne suffit pas pour emporter le changement de domicile; il faut qu'elle soit suivie d'un déplacement effectif et que ce déplacement soit accompagné du fait d'habitation réelle dans le lieu où l'on veut désormais fixer son principal établissement.

Une personne acquiert un domicile de choix, quand elle fixe sa seule ou sa principale résidence dans un pays qui n'est pas son domicile d'origine, dans des circonstances manifestant son intention d'y résider pour une durée indéterminée.

Mais le domicile d'origine doit être réputé revivre lorsque l'intention d'abandonner le domicile de choix est prouvée, alors même qu'il n'y aurait pas de nouveau domicile acquis par la résidence dans le pays d'origine.

Ainsi que nous avons déjà eu occasion de le faire remarquer, la longueur de temps ne fait pas seule le domicile, pas plus que

l'intention seule; mais l'une et l'autre ensemble constituent un changement de domicile. Aucune durée particulière n'est requise ; mais quand les deux circonstances de la résidence réelle et de la résidence intentionnelle se réunissent, c'est alors qu'un changement de domicile est accompli.

Le domicile d'origine doit prévaloir jusqu'à ce que la personne en ait non seulement acquis un autre, mais ait aussi manifesté et mis à exécution l'intention d'abandonner son ancien domicile et d'en prendre un autre pour son unique domicile.

Opinion de lord Stowell

ment de domicile.

$908. Un Anglais de naissance avait été employé comme consul des États-Unis au Cap de Bonne Espérance, où il tenait une sur le changemaison de commerce. Un navire lui appartenant fut, dans un Voyage du Cap en Europe, capturé par un croiseur anglais. On prétendit que le propriétaire de ce navire n'était pas négociant hollandais, attendu qu'il avait l'intention de se rendre en Amérique; mais lord Stowell déclara que la seule intention de changer de domicile n'a jamais été regardée comme suffisante sans quelque acte manifeste, attendu que c'est purement une intention demeurant secrètement, sans qu'on puisse l'y percevoir, dans le for intérieur de la personne et susceptible d'être révoquée d'un moment à l'autre. Les termes de la lettre dans lesquels on a, dit-on, trouvé cette intention sont peu accentués et dans un sens général; ils ne parlent que d'une intention pour l'avenir. Quand même ils seraient plus forts qu'ils ne le sont, ils ne seraient pas suffisants; quelque chose de plus qu'une simple déclaration valable, quelque fait solide, démontrant que la personne accomplit l'acte de se retirer, a toujours été considéré comme nécessaire en pareil cas. Cette décision nous semble plus équitable que celle de la cour d'amirauté britannique, qui, vers la même époque, jugea qu'un commerçant anglais qui était allé s'établir dans l'ile de Saint Eustache, une des Antilles, deux jours avant la reddition de cette colonie hollandaise aux troupes anglaises qui en faisaient le siége, devait être traité et puni comme ennemi, parce qu'il était prouvé qu'il s'y était rendu dans l'intention bien arrêtée d'y fixer sa résidence.

Opinion de lord

$909. A propos des circonstances nécessaires pour accomplir le changement de domicile, lord Cranvorth exprime l'opinion Granvorth.

suivante :

« Il ne suffit pas que vous ayez simplement l'intention de prendre une autre maison dans un autre endroit, et que pour raison

Nécessité

d'un

de santé ou quelque autre motif vous regardiez comme presque certain qu'il vaudrait mieux pour vous d'y passer le reste de vos jours. Cela ne signifie rien: vous ne perdez pas votre domicile d'origine ou le domicile que vous avez pris ensuite, simplement parce que vous vous rendez dans un autre endroit qui convient mieux à votre santé, à moins cependant que vous n'entendiez pour raison de santé ou tout autre motif cesser d'être Écossais et devenir Anglais, Français ou Allemand. Dans ce cas, si vous abandonnez tout ce que vous avez laissé derrière vous et que vous vous établissiez ailleurs, vous pouvez changer de domicile. Mais dans notre siècle, où l'on a tellement l'habitude de chercher un meilleur climat pour raison de santé ou d'aller dans un autre pays pour une foule de raisons diverses, pour l'éducation des enfants, par caprice ou plaisir, il serait dangereux qu'en allant vivre ailleurs, tout en conservant vos propriétés et en maintenant votre maison dans le pays, vous vous fassiez étranger au lieu de rester indigène. Il est bien clair que cela est tout à fait incompatible avec les idées modernes du domicile. »>

Un séjour forcé ne change pas le domicile.

L'intention de se fixer dans un endroit provient du libre arbitre d'une personne jouissant de ses droits; ou bien, comme dans le cas de la femme mariée, elle résulte du devoir, qui est présumé alors coïncider avec la volonté.

Mais si quelqu'un est contraint de demeurer dans un endroit contre son gré, dans ce cas il n'y a ni résidence ni domicile.

Toutes les législations de l'Europe s'accordent à reconnaître que le prisonnier conserve son domicile d'origine. C'est pourquoi il a été jugé qu'un Irlandais avait conservé son domicile d'origine, quoiqu'il fût mort en prison en Angleterre.

L'exilé et le prisonnier ne sont jamais présumés avoir perdu l'esprit de retour, quel que soit le temps écoulé depuis le moment où ils ont été privés de leur liberté; ils conservent par conséquent le domicile qu'ils avaient alors.

Le cas est différent, si le déplacement est la conséquence d'une condamnation excluant toute perspective de retour, comme la déportation ou le bannissement pour la vie.

S910. En se plaçant sur le véritable terrain du droit internaacte public. tional, on ne peut s'empêcher de reconnaître que l'intention seule ne suffit pas toujours pour caractériser le domicile et en déduire des conséquences juridiques absolues; la saine logique et l'équité

exigent en outre que l'intention soit corroborée, confirmée par un acte formel, authentique.

Il reste bien entendu toutefois que l'obtention d'un permis de séjour ou d'établissement, nécessaire dans certain pays, ne suffit pas non plus pour déterminer le domicile; il faut que l'état des faits y soit conforme ".

Relation du domicile au

tional.

$ 911. Certains publicistes prétendent que le domicile confère un caractère national; d'autres, au contraire, contestent la con- caractère navenance et le fondement d'une pareille maxime, dont l'application absolue donnerait au seul fait du domicile ou de la résidence l'équivalent de la naturalisation.

Toujours est-il que le gouvernement qui permet à des étrangers de résider sur son territoire doit les protéger, pendant la paix comme en temps de guerre, dans la jouissance de tous les droits que leur confère leur résidence et dans l'accomplissement de tous les actes légaux en résultant ou prescrits sur le territoire; mais cette protection ne s'étend pas au delà du territoire et pour des matières qui n'y ont aucun rapport.

Quoique dans certains pays un sujet de naissance ne puisse renoncer à son allégeance envers son souverain, et qu'il soit toujours passible des lois de son pays d'origine pour actes criminels

besoins de son

besoins de son commerce

contre ce pays, il peut pour les
acquérir les droits de citoyen dans un autre pays; alors le lieu
de son domicile détermine son caractère au point de vue du

commerce.

Ainsi il a été jugé qu'un séjour en Russie donnait aux matelots anglais employés sur un navire russe le caractère de marins russes dans le sens de la loi anglaise sur la navigation.

La cour du Bane du roi a admis aussi qu'un sujet anglais de naissance peut acquérir le caractère et jouir des priviléges de citoyen des États-Unis pour affaires de commerce.

un

De même le citoyen des États-Unis peut acquérir domicile étranger, qui lui confère un caractère national, pour affaires de commerce, comme s'il était sujet du gouvernement où il réside, sans perdre cependant son caractère d'origine ou sans cesser d'être obligé par l'allégeance due au pays de sa naissance.

Wildman, v. II, p. 43; Phillimore, On domicil, § 16; Halleck, ch. 29, § 10; Westlake, § 38; Duer, v. I, lect. 5, § 4.

Recouvrement

S 912. Si le caractère national d'origine ou de naissance peut se du caractère perdre ou être suspendu par le fait d'avoir un domicile étranger,

national

après change il se recouvre facilement.

ment de domicile.

Décisions

Le retour effectif au pays natal n'est pas toujours nécessaire, ni même le départ effectif du pays du domicile, si l'individu a pris réellement et de bonne foi ses dispositions pour quitter le lieu de son domicile sans esprit de retour.

Pour l'application de la règle générale que le caractère national d'un individu doit lui être assigné d'après celui du pays où il réside, il y a une différence essentielle entre le départ du pays natal et le retour dans ce pays. Bien que le caractère d'origine persiste jusqu'à ce que l'individu ait acquis un nouveau domicile par une résidence ou une installation effective dans un pays étranger, le caractère accidentel provenant du domicile cesse avec le séjour qui l'avait produit. Cependant, suivant les décisions des tribunaux des États-Unis, il ne suffit pas de prouver simplement qu'on a l'intention de retourner dans son pays natal pour y demeurer fixément; il faut avoir commencé à effectuer le retour.

S913. Les tribunaux anglais, de leur côté, ont dans quelques cas anglaises. considéré d'autres actes accomplis ouvertement et de bonne foi comme suffisants pour faire recouvrer le caractère national d'origine.

En 1862 le gouvernement anglais décida qu'un sujet anglais de naissance qui s'était fait naturaliser aux États-Unis ne devait pas être reconnu par le gouvernement anglais comme son sujet tant qu'il restait aux États-Unis, mais que s'il retournait sur le territoire anglais, il recouvrerait sa nationalité de naissance. En admettant que les États confédérés fussent parvenus à établir leur indépendance, le gouvernement anglais ne serait pas intervenu en faveur des naturalisés américains de cette catégorie et aurait laissé régler leur état civil par le gouvernement de ces États. Ces citoyens naturalisés auraient eu droit à réclamer des États-Unis d'être traités relativement au transfert d'allégeance de la même manière que les citoyens de naissance. Cependant jusqu'à ce que l'indépendance des États confédérés füt reconnue les États-Unis avaient raison d'exiger de toutes les personnes résidant sur leur territoire l'accomplissement des obligations qu'elles avaient contractées en leur prétant serment d'allégeance. Dans le cas où les États confédérés fussent devenus indépendants, ni ces États ni le gouvernement anglais n'eussent été tenus de reconnaitre ces personnes comme sujets anglais, et leur retour en Angleterre, quand bien même elles

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