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Convention entre la Suisse

23 juillet 1879.

n'ont point perdu leur nationalité d'origine. Les intéressés se refusent naturellement à remplir leurs obligations militaires dans les deux pays; s'ils sont domiciliés en Suisse, ils sont incorporés dans l'armée fédérale et s'exposent à être considérés et punis en France comme réfractaires; par contre, s'ils ont satisfait en France à leurs obligations militaires, ils pourront néanmoins dans le cas où ils viendront plus tard s'établir en Suisse y être appelés sous les drapeaux.

S760. Le Conseil fédéral dans le courant de l'année 1872 a et la France. entamé des pourparlers en vue d'établir un modus vivendi destiné à régler les inconvénients suscités par cette double nationalité. Ces ouvertures ont abouti à la convention conclue à Paris le 23 juillet 1879, aux termes de laquelle les individus dont les parents Français d'origine se font naturaliser Suisses, et qui sont mineurs au moment de cette naturalisation, auront le droit de choisir dans le cours de leur vingt-deuxième année entre les deux nationalités suisse et française; ils seront considérés comme Français jusqu'au moment où ils auront opté pour la nationalité suisse. Ceux qui n'auront pas effectué la déclaration requise dans le cours de leur vingt-deuxième année seront considérés comme ayant définitivement conservé la nationalité française. Les jeunes gens à qui est conféré ce droit d'option ne seront pas astreints au service militaire en France avant d'avoir accompli leur vingt-deuxième année. Toutefois ils pourront, sur leur demande, remplir avant leur majorité leurs obligations militaires ou s'engager dans l'armée française, à la condition de renoncer à leur droit d'option pour la nationalité suisse. Cette renonciation devra être faite par les intéressés, avec le consentement de leurs représentants légaux, dans les mêmes formes et devant les mêmes autorités que les déclarations d'option.

entre la Bel

S761. Cet arrangement ainsi intervenu entre la France et la Convention Suisse était calqué sur celui que la première de ces puissances gique et la avait conclu avec la Belgique quelques jours auparavant (5 juil5 juillet 1879. let 1879) et dont voici la teneur :

France.

<«< I. Ne seront pas inscrits d'office avant vingt-deux ans sur les listes de recrutement les individus nés en France ou en Belgique de parents français, qui ont le droit de réclamer, en vertu de l'article 9 du code civil, dans l'année de leur majorité la nationalité du pays où ils sont nés; les individus à qui l'article 10 accorde la faculté de recouvrer la nationalité belge ou française perdue par

leurs parents; les individus à qui les lois permettent de réclamer dans l'année de leur majorité la nationalité accordée à leurs parents pendant qu'eux étaient mineurs Ceux qui auront changé de nationalité dans l'année de leur majorité seront dégagés du service militaire dans le pays auquel ils appartenaient antérieure

ment.

«II. Les jeunes gens que concerne l'article précédent pourront avant leur majorité remplir leurs obligations de recrutement, ou s'engager volontairement dans l'armée du pays auquel ils appartiennent, à condition de renoncer à leur droit d'option avec le consentement de leur représentant légal.

III. Les individus nés en France de parents belges nés eux-mêmes en France ne seront inscrits d'office ni en France ni en Belgique avant vingt-deux ans ; ils pourront toutefois être admis au service avant leur majorité, en se conformant aux lois du pays.

<< IV. Ne seront pas considérés de nationalité indéterminée pour l'application de la loi belge ceux qui produiront un certificat d'un agent diplomatique ou consulaire français les reconnaissant comme Français

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(1).

Nationalité

$ 762. La nationalité peut aussi dériver du mariage, en ce sens que les femmes suivent de plein droit la condition nationale de par mariage. leurs maris. La logique de ce principe ressort de la nature même du contrat conclu par les époux; car le mariage doit constituer l'unité du ménage et la communauté de droit de la famille, à laquelle ces deux bases essentielles manqueraient absolument, si les époux pouvaient conserver des droits distincts, dépendre de deux Etats différents, si la nationalité du mari n'entraînait pas celle de la femme de la même manière que le domicile du mari devient le domicile conjugal.

Sur ce point encore l'ancienne législation anglaise ne concor-、 dait pas avec celles de la plupart des autres pays : elle maintenait la prééminence du rapport territorial sur le rapport personnel. Ainsi l'Anglaise au point de vue du statut britannique était toujours considérée et traitée comme sujette anglaise, quoiqu'elle fût mariée à un étranger, et, par une frappante contradiction, les lois

(1) Livre jaune français, décembre 1873, affaires étrangères, documents diplomatiques, application de la loi militaire, p. 91-112.

du Royaume Uni regardaient en même temps comme Anglaise l'étrangère qui avait épousé un sujet anglais : c'était, comme on le voit, la même inégalité de droits, la même absence de réciprocité que nous avons déjà fait ressortir à propos des enfants nés de parents étrangers. Il faut reconnaître toutefois que les jurisconsultes les plus éminents se prononçaient contre cette anomalie, que l'acte de 1870 a fait entièrement disparaître.

Dans ses « Commentaires sur le droit des gens » (S CCCXXVI) Phillimore soutient que « l'épouse par son mariage acquiert la nationalité de son mari; la naturalisation du mari entraîne avec elle, ipso facto, celle de l'épouse »; et il ajoute avec Felix: « C'est la conséquence du lien intime qui unit les époux, consacré par toutes les législations et passé ainsi en principe du droit international. »

L'article 10 du nouveau statut porte que « la femme mariée doit être considérée comme sujette de l'État dont son mari est sujet; » toutefois « toute veuve sujette anglaise de naissance qui sera devenue étrangère par suite de son mariage, devra être considérée comme étrangère statutaire, et pourra comme telle, à toute époque de son veuvage, obtenir un certificat de réadmission à la nationalité anglaise, en se conformant aux prescriptions de l'acte » (1).

Nous verrons plus loin que dans certaines contrées le mariage suffit pour conférer aussi la nationalité aux hommes qui épousent une femme du pays. C'est une sorte de contre-sens légal, en conflit manifeste avec les législations que nous venons de citer, qui, disposant que la femme suit la nationalité du mari et non celui-ci la nationalité de sa femme, ne sauraient par conséquent reconnaitre la valeur d'une nationalité résultant d'un pareil fait. Certes le mariage d'un étranger dans un pays est une forte présomption qu'il entend s'y fixer, et c'est sur cette présomption que se base la concession de nationalité, concessionfaite d'ailleurs dans la plupart des cas en vue d'avantager l'étranger plutôt que de le léser dans ses intérêts.

La nationalité d'origine prime la nationalité acquise et suit la personne partout où il lui plaît de s'établir; elle subsiste intacte avec toutes ses conséquences juridiques, aussi longtemps qu'elle n'est pas annulée par le droit public interne qui lui sert de base,

(1) Phillimore, t. 1, pte. 3. cap. 18.

ou qu'elle n'est pas modifiée par les dispositions de la nouvelle loi territoriale dont l'individu a librement accepté les bénéfices et les charges.

$763. C'est un principe universellement reconnu, tant par la jurisprudence internationale que par les codes de tous les pays, que l'individu doit obéissance et fidélité à la souveraineté politique sous laquelle il est né; mais il n'existe pas de règle générale qui détermine avec précision quand et comment cette obéissance cesse ou se transforme définitivement. Sous ce rapport, qui appartient plutôt au domaine de la loi intérieure ou municipale qu'à celui du droit des gens externe, chaque nation a ses principes et ses usages qui lient les individus dont elle se compose à la fois pour leur statut personnel et pour leur situation internationale, c'est-à-dire quant au droit d'expatriation et de naturalisation. Le seul axiome de droit qui trouve son application en cette matière, c'est que la nationalité d'origine, quelque indélébile qu'elle soit par elle-même, doit être prouvée par celui qui la revendique, s'il veut détruire la portée légale de faits propres à en altérer l'intégrité *.

Droit de fidélité.

Droit de dénationalisa

gration;

$764. Comme nous l'avons déjà dit, tout État indépendant possède, en vertu de sa souveraineté même, le droit de législation et tion et d'émide juridiction municipale sur les personnes qui se trouvent dans les limites de son territoire; l'exercice de ce droit s'étend aussi bien aux nationaux qu'aux étrangers résidant ou de passage.

A l'égard des nationaux certains pays entendent leur souveraineté comme allant jusqu'à l'absorption de la liberté individuelle, c'est-à-dire jusqu'à la défense absolue d'expatriation et à l'obligation de retour en cas d'absence autorisée. Heureusement cette coutume, fondée sur l'ancienne opinion qui regardait le sujet comme lié perpétuellement envers son souverain sans qu'il pût rompre ce lien de son autorité privée, est plutôt en contradiction qu'en accord avec le droit des gens; d'ailleurs elle ne saurait avoir d'effet que par rapport à la loi civile des États; aussi tend-elle à faire place au principe plus naturel et plus équitable de la liberté d'émigration. Un État civilisé ne doit point retenir contre leur gré et par la force, comme des esclaves, ses citoyens ou ses sujets, qui puisent dans le droit naturel la faculté

* Bluntschli, Revue de droit int., 1870, no 1, pp. 108 et seq.; Vattel, Le droit, liv. 1; §§ 212-215; Fœlix, t. I. §§ 27-30; Code Napoléon, art. 9; Westlake, § 7; Phillimore, Com., v. I, §§ 315 et seq.; Halleck, ch. 29, § 1; Grotius, Le droit, liv. 2, ch. 5, §§ 24 et seq.; Westlake, Revue de droit int., 1869, pp. 102 et seq.

En France;

En

Angleterre ;

illimitée de choisir le pays où ils espèrent trouver les conditions les plus favorables à leur existence. Cependant on ne saurait affirmer que dans plusieurs États l'ancienne législation soit positivement tombée en désuétude; car les lois qui la consacrent n'ont jamais été expressément révoquées.

La liberté d'expatriation n'est pas absolue; elle est encore subordonnée à l'accomplissement préalable de certaines obligations envers l'État, notamment celle du service militaire.

$ 765. Ainsi en France il est vrai que la plupart des pénalités rigoureuses édictées par le décret du 26 août 1811 contre tout Français qui se faisait naturaliser à l'étranger sans le consentement du gouvernement ont été successivement abrogées par de nouvelles dispositions législatives ou constitutionnelles, sauf celle qui applique l'article 75 du code pénal, c'est-à-dire la peine de mort, à tout Français naturalisé à l'étranger, avec ou sans le consentement du gouvernement, qui porterait les armes contre la France; mais le décret lui-même est visé par de nombreuses décisions judiciaires et ne cesse point d'être invoqué par le gouvernement. Nous voyons en effet qu'en 1859 M. Mason, ministre des États-Unis à Paris, ayant prié le gouvernement impérial de vouloir bien lui faire connaitre ses intentions à l'égard des Français naturalisés américains, M. Walewski, alors ministre des affaires étrangères, se basa sur le décret de 1871 pour répondre que, bien que la législation française admit que la qualité de Français se perd par la naturalisation en pays étranger, elle ne reconnait pas au Français le droit de renoncer à sa nationalité.

Tout récemment, le 20 septembre 1875, M. le duc de Broglie disait dans une note adressée au ministre de la guerre : « Quant aux individus qui pour se soustraire au service penseraient à se dénationaliser, ils tomberont sous le coup du décret du 26 août 1811, qui n'a pas cessé d'être en vigueur, et aux termes duquel la naturalisation étrangère acquise par un Français, sans l'autorisation du gouvernement, l'expose à des conséquences graves. »

$766. En Angleterre jusqu'en l'année 1870, où a été promulguée le 12 mai une nouvelle loi de naturalisation, tout individu né sur le territoire britannique ne pouvait abdiquer de son gré sa nationalité d'origine, rompre le lien d'allégeance qui l'attachait au souverain de la Grande-Bretagne.

Cette doctrine de l'allégeance est ainsi résumée par Blakstone et Stephen :

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