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A. Billot.

Bluntschli.

Woolsey.

Heffter.

Résumé de

Corps législatif le 4 mars 1866, il a résumé en ces quelques mots les motifs qui militent en faveur de l'obligation d'extrader les criminels « Le principe de l'extradition est le principe de la solidarité, de la sûreté réciproque des gouvernements et des peuples contre l'ubiquité du mal. »

§ 1204. A ces bases du droit d'extradition M. Billot ajoute « le vœu de l'humanité, qui est de prévenir le crime et d'en assurer la juste répression partout où il est commis. >>

S1205. M. Bluntschli est aussi d'opinion que « l'intérêt général, et non pas seulement l'intérêt d'un pays donné, exige que les assassins, les grands faussaires et les grands voleurs soient punis ». II croit toutefois que « l'obligation absolue d'extrader compromettrait d'une manière sérieuse les intérêts de l'humanité et de la liberté dans un grand nombre de cas; on ne doit pas oublier en effet que bon nombre de crimes n'atteignent qu'un État déterminé et ne lèsent pas la société humaine, et que les défenseurs du droit d'asile mettent en avant plusieurs bonnes raisons, dont il doit être teru compte dans de certaines limites. »

§ 1206. Selon le professeur Woolsey il existe pareillement pour les nations une « obligation de s'aider les unes les autres dans l'exercice de la justice criminelle »; mais cette obligation n'est pas absolue; elle est limitée et ne peut être définie que par des traités spéciaux exprimant les vues des parties au moment de la signature de ces traités.

S 1207. Heffter, tout en faisant la réservé « qu'en l'absence de traités formel's l'extradition d'un étranger est subordonnée à des considérations de convenance et d'utilité réciproques »>, reconnaît que « l'intérêt de la société commande que les crimes ne restent pas impunis »; aussi est-il d'avis que l'extradition ait lieu surtout alors qu'il n'y a à redouter aucune injustice de la part des autorités qui la réclament.

§ 1208. Ainsi la théorie de l'extradition est fondée en principe, ces opinions. en équité, en droit; seulement la pratique n'en est pas obligatoire. C'est au fond sur cette distinction que portent les dissentiments, et ce n'est que par une fausse interprétation de leurs écrits qu'on est arrivé à ranger certains publicistes parmi les adversaires de la mesure *.

Grotius, Le droit, liv. 2, ch. 21, §§ 3, 4; Vattel, Le droit, liv. 2, § 76; Burlamaqui, Droit des gens, pte. 4, ch. 3, § 9; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. 9, § 12; Heineccius, Pro!.; Boehmer, Præl., lib. 2, cap. 6, § 35; Kent, Com., vol. I, pp. 38 et seq.; Story,

§ 1209. Dans un passage de son traité De officio hominis ac civis juxta legem naturalem, Puffendorff, après avoir dit qu'un État qui reçoit et protége un criminel s'expose à se faire déclarer la guerre, ajoute que la responsabilité qu'il encourt en pareil cas résulte plutôt de conventions particulières que d'une obligation de droit commun. Mais, quelques lignes plus haut, il déclare que l'État partage la culpabilité de ses sujets en les laissant sciemment commettre des crimes; et dans l'ouvrage qui a fondé sa réputation, Du droit naturel et du droit des gens, il insiste sur ce point que quand une sentence a été prononcée contre un criminel, ceux-là sont également criminels qui négligent de mettre la loi à exécution; il partage pleinement l'opinion de Grotius sur la responsabilité de l'État qui accorde un refuge aux criminels fugitifs d'un autre État.

§ 1210. D'autres publicistes exagèrent cette responsabilité : ils veulent que tout magistrat poursuive les criminels qui se trouvent sous sa juridiction en quelque endroit que les crimes dont ils sont coupables aient été commis.

M. Paul Voet, par exemple, est d'avis que les erimes doivent être jugés conformément aux lois de l'endroit où ils ont été perpétrés, mais que pour l'application de la peine le juge n'est point tenu de prendre en considération le domicile du criminel ni le lieu du crime. A ses yeux, le châtiment doit correspondre à la nature de l'infraction et à la pénalité infligée dans l'espèce par les lois du pays, et si cela ne suffit pas, le coupable peut être livré aux magistrats étrangers.

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Pinheiro

Ferreira.

§ 1214. M. Pinheiro Ferreira va encore plus loin: il se prononce formellement pour la poursuite de l'accusé dans le lieu où il s'est réfugié, et rend ainsi l'extradition absolument inutile et superflue. § 1212. Parmi les antagonistes du droit d'extradition on cite Lord Coke. volontiers le célèbre jurisconsulte anglais lord Coke, qui dans ses Institutes du droit d'Angleterre publiées vers le milieu du XVI° siècle s'exprime ainsi :

Com. on the const.; Lee, Opinions of att. gen, v. I, p. 69; Hansard, Parl. deb., v. LX, pp. 319, 325; Cornwall Lewis, Methods, v. II, p. 454; Faustin Hélie, Traité de l'instr. crim., t. II, pp. 661-667; Carn. Amari, Trattato sul diritto internazionale, p. 795; A. Billot, Traité de l'extradition, p. 14; Bluntschli, Le droit international codifié, § 394, note; Woolsey, Introduction to the study of international law, § 79; Heffter, Le droit international, § 63; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 278 et seq.; Twiss, Peace, § 220; Fiore, t. I, p. 327; Halleck, ch. 7, § 28; Pradier-Fodéré, Principes gén., p. 548.

Opinion des adversaires de

l'extradition.

Klüber.

Martens.

Il est admis et il a été résolu que les royaumes divisés sous divers rois en ligue les uns avec les autres sont des sanctuaires pour les esclaves et les sujets qui se sont enfuis d'un pays pour chercher leur sûreté dans un autre; et sur la demande faite par un des rois, ils ne doivent pas, selon les lois et les libertés des royaumes, être livrés, et cela, dit-on, est basé sur le précepte du Deutéronome: non trades domino suo servum qui ad te confugerit (tu ne livreras pas à son maître l'esclave qui se sera réfugié auprès de toi).

Nous ferons observer d'abord que les termes employés ici semblent s'appliquer plutôt à des prévenus politiques qu'à des individus ayant enfreint la loi criminelle; en effet les exemples, au nombre de trois, dont lord Coke appuie son assertion ont tous un caractère éminemment politique; ensuite ce n'est pas tant une opinion personnelle qu'il exprime que la mention qu'il fait d'une doctrine reçue et d'une résolution qu'il prétend avoir été prise, sans en préciser ni l'époque ni les circonstances. Or les commentateurs anglais soutiennent de leur côté que dans les archives judiciaires du Royaume Uni on ne trouve aucune trace de résolution du genre de celle à laquelle lord Coke fait allusion, comme ayant été adoptée dans le cas d'un criminel fugitif.

S 1213. Parmi les adversaires du droit d'extradition, on range encore assez généralement Leyser, Klüber, Kluit, Saalfeld, Schmaltz, Martens, Twiss, Folix, Mittermaier et Phillimore. Cependant la plupart de ces publicistes sont loin d'exprimer leur opposition d'une maniere péremptoire ou formelle; ils se bornent à déclarer que l'extradition est subordonnée à des considérations de convenance et d'utilité réciproques, qu'elle reste soumise à l'appréciation et aux convenances de l'État auquel elle est demandée, à moins qu'il n'existe entre les États des traités formels applicables à la matière.

§ 1214.« Sans convention, dit Klüber, un État n'est point tenu de livrer ceux de ses sujets qui seraient prévenus ou convaincus de délit ou de crime commis en pays étranger, pour être jugés par un tribunal étranger... Il n'est pas davantage obligé de livrer des étrangers aux autorités d'une puissance étrangère pour des délits ou des crimes commis en quelque lieu que ce soit. »

§ 1215. « Mais, ajoute Martens, l'extradition d'un étranger sujet de l'État qui réclame l'extradition pour un crime commis chez lui ou même contre lui, quoiqu'elle ne soit pas fondée dans la rigueur de

la loi naturelle, s'accorde cependant le plus habituellement, soit en vertu de traités, soit même par une simple déférence ou moyennant des reversales. »

1216. Travers Twiss déclare positivement que « les autorités d'un État ne sont pas obligées de livrer un criminel par voie d'extradition, excepté lorsqu'il existe entre deux États des traités formellement applicables à la matière. >>

1217. Fœlix subordonne toute extradition à des considérations de convenance et d'intérêts réciproques.

Twiss.

Fœlix.

§ 1218. Phillimore exprime la même pensée, en disant que Phillimore. « l'extradition des criminels est une question de courtoisie, de civilité, et non de droit (matter of comity, not of right), excepté dans les cas de conventions spéciales. Cet auteur reconnait toutefois implicitement le droit d'extradition, puisqu'il avoue qu'il est généralement admis que l'extradition ne doit pas être accordée dans le cas de prévenus politiques, et ne saurait avoir lieu que dans les cas d'individus ayant commis des crimes contre le droit naturel, que toutes les nations regardent comme le fondement de la sûreté publique et privée. »

S 1219. Bien que restreint dans ses effets, le droit d'extradition Mittermaier. existe donc ; et c'est vainement que Mittermaier regarde le fait même de l'existence des nombreux traités spéciaux concernant cette matière comme une preuve concluante qu'il n'y a pas parmi les nations d'usage général constituant sous ce rapport une obligation parfaite, ayant la force d'un droit international proprement dit. A nos yeux ce n'est pas là une conséquence absolument logique, car un traité implique la reconnaissance et la consécration d'un droit tacite préexistant plutôt que la création d'un droit nouveau, et souvent même un traité peut être nécessaire pour régler l'ac · complissement d'un devoir, d'une obligation à l'abri de toute contestation.

§ 1220. MM. Funck Brentano et Albert Sorel ne raisonnent pas plus logiquement, lorsqu'ils prétendent que « l'extradition n'est ni un droit pour l'État qui la réclame, ni un devoir pour l'État dont elle est réclamée », et qu'elle « repose sur des traités que les États concluent en vertu de leur souveraineté, de l'exercice de laquelle elle est une des formes », puisque, après avoir nié ainsi que l'extradition implique un devoir, ils font découler ces traités de « l'intérêt que les États ont à se prêter aide et assistance dans l'exercice d'un de leurs principaux devoirs, qui est le maintien de

Funck Brentano et A. Sorel.

Considérations généra

les.

Historique.
L'extradi-

Juifs.

l'ordre social. » Quant au droit, ces publicistes admettent que <«<les États possèdent un statut commun» et se trouvent dans « la nécessité de s'entendre pour garantir leurs intérêts communs ». Or si le traité résulte d'un statut, c'est-à-dire d'une loi, la matière qui fait l'objet du traité devient la conséquence d'une loi et rentre partant dans la sphère du droit; il s'agit ici du droit public des nations; par le fait du traité l'extradition devient un droit conventionnel*.

$ 1221. En résumé, aucun jurisconsulte ayant quelque valeur n'a nié que l'extradition, si elle n'est pas un droit strict, ne constitue une obligation parfaite, ne soit au moins un devoir de morale publique; en d'autres termes l'extradition n'est pas une obligation imposée au gouvernement, qui n'est pas tenu nécessairement de demander l'extradition de tous les délinquants en fuite: c'est une faculté qui lui est donnée et dont il use quand il le croit nécessaire. Mais si le principe est aujourd'hui généralement admis, sa mise en pratique ne repose cependant pas encore sur des règles fixes et précises; elle est plutôt régie par des usages, des précédents consacrés dans une série de conventions diplomatiques, dont les négociateurs se sont laissé guider beaucoup plus par des vues d'intérêts politiques que par des considérations générales d'équité et de droit pur. C'est ainsi qu'on peut s'expliquer comment l'exécution des traités d'extradition a dans bien des circonstances soulevé de sérieuses difficultés, aggravées encore par les préjugés ou les passions, dont les juges appelés à se prononcer en pareille matière n'ont pas toujours su s'affranchir.

§ 1222. L'institution de l'extradition remonte aux temps les plus tion chez les reculés. Chez les Juifs, nous voyons la tribu d'Israël sommer la tribu de Benjamin de livrer les hommes de Gabaa qui s'y étaient réfugiés après avoir commis un crime, et les Israélites livrer Samson aux Philistins.

L'extradition chez les Grecs.

§ 1223. En Grèce, les Lacédémoniens déclarent la guerre aux.

Puffendorf, De jure, lib. 2, cap. 21, §§ 3-6; Voet, De stat., sec. 11, cap. 1, no 6; Pinheiro Ferreira, Cours, t. II, pp. 24 et seq., 179; Leyser, Meditationes ad Pandectas, med. 10; Kluit, De deditione, § 1, p. 7; Saalfeld, Handbuch des positiven volkerrechts, § 40; Schmalz, Europaisches volkerrechts, p. 160; Twiss, The law of nations, pte. 1, § 221; Fœlix, t. II, p. 328; Heffter, § 63; Wheaton, Élém., pte. 2, ch. 2, § 13; Klüber, Droit, § 66; Martens, Précis, § 101; Phillimore, Com., vol. I, § 354; Mittermaier, Das Deustche Strafverfahren, thl. I, § 59, p. 314; Vergé, Précis de Martens, t. I, pp. 278 et seq.; Clarke, Law of extradition, pp. 3 et seq.; Funch Brentano et Sorel, Précis du droit des gens, p. 185.

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