Page images
PDF
EPUB

n'avoir ni fait, ni voulu ni pu faire, ce serait supposer en lui l'excès de la corruption dont l'hypocrisie est le comble. C'est là cependant ce qu'on n'a pas honte d'imputer aux représentans des Français ! On ne craint pas de les charger du reproche d'avoir envahi l'autorité spirituelle, tandis qu'ils l'ont toujours respectée, qu'ils ont toujours dit et déclaré que, loin d'y avoir porté atteinte, ils tenteraient en vain de s'en saisir, parce que les objets sur lesquels cette autorité agit et la manière dont elle s'exerce sont absolument hors de la sphère de la puissance civile !

» L'Assemblée nationale, après avoir porté un décret sur l'organisation civile du clergé, après que ce décret a été accepté par le roi comme constitutionnel, a prononcé un second décret par lequel elle a assujéti les ecclésiastiques fonctionnaires publics à jurer qu'ils maintiendraient la constitution de l'Etat. Les motifs de ce second décret n'ont été ni moins purs ni moins conformes à la raison que ceux qui avaient déterminé le premier.

» Il était arrivé d'un grand nombre de départemens une multitude de dénonciations d'actes tendant par divers moyens, tous coupables, à empêcher l'exécution de la constitution civile du clergé. L'Assemblée pouvait faire rechercher les auteurs des troubles et les faire punir; mais elle pouvait aussi jeter un voile sur de premières fautes, avertir ceux qui s'étaient écartés de leur devoir, et ne punir que ceux qui se montreraient obstinément réfractaires à la loi : elle a pris ce dernier parti.

» Elle n'a donné aucune suite aux dénonciations qui lui avaient été adressées; mais elle a ordonné pour l'avenir une déclaration solennelle à faire par tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, semblable à celle qu'elle avait exigée des laïcs chargés des fonctions publiques, qu'ils exécuteraient et maintiendraient la loi de l'Etat.

[ocr errors]

Toujours éloignée du dessein de dominer les opinions, plus éloignée encore du projet de tyranniser les consciences, non seulement l'Assemblée a laissé à chacun sa manière de penser, elle a déclaré que les personnes dont elle était en droit d'interroger l'opinion comme fonctionnaires publics

pourraient se dispenser de répondre; elle a seulement prononcé qu'alors ils seraient remplacés : ils ne pourraient plus exercer de fonctions publiques, parce qu'en effet ce sont deux choses évidemment inconciliables, d'être fonctionnaire public dans un Etat et de refuser de maintenir la loi de l'Etat.

» Tel a été l'unique but du serment ordonné par la loi du 27 novembre dernier, de prévenir ou de rendre inutiles les odieuses recherches qui portent sur les opinions individuelles. Une déclaration authentique du fonctionnaire public rassure la nation sur tous les doutes qu'on éleverait contre lui. Le refus de la déclaration n'a d'autre effet que d'avertir que celui qui a refusé ne peut plus parler au nom de la loi, parce qu'il n'a pas juré de faire maintenir la loi.

Que les ennemis de la constitution française cherchent à faire naître des difficultés sur la légitimité de ce serment en lui donnant une étendue qu'il n'a pas; qu'ils s'étudient à disséquer minutieusement chaque expression employée dans la constitution civile du clergé, pour faire naître des doutes dans les esprits faibles ou indéterminés; leur conduite manifeste des intentions et des artifices coupables: mais les vues de l'Assemblée sont droites, et ce n'est point par des subtilités qu'il faut attaquer ses décrets.

» Si des pasteurs ont quitté leurs églises au moment où on leur demandait de prêter leur serment, si d'autres les avaient déjà abandonnées avant qu'on le leur demandât, c'est peut-être par l'effet de l'erreur qui s'était glissée dans l'intitulé de la loi, erreur réparée aussitôt qu'on l'a reconnue; ils craignaient, disent-ils, d'être poursuivis comme perturbateurs du repos public s'ils ne prêtaient pas leur serment.

» L'Assemblée, prévoyant à regret le refus que pourraient faire quelques ecclésiastiques, avait dû annoncer les mesures qu'elle prendrait pour les faire remplacer; le remplacement étant consommé, elle avait dû nécessairement regarder comme perturbateurs du repos public ceux qui, élevant autel contre autel, ne céderaient pas leurs fonctions à leurs successeurs : c'est cette dernière résistance que la loi a qualifiée de criminelle. Jusqu'au remplacement l'exercice des fonctions est censé avoir dû être continué.

» Serait-ce le sacrifice de quelques idées particulières, de quelques opinions personnelles qui les arrêterait? L'avantage général du royaume, la paix publique, la tranquillité des citoyens, le zèle même pour la religion, seront-ils donc trop faibles dans les ministres d'une religion qui ne prêche que l'amour du prochain pour déterminer de tels sacrifices? Dès que la foi n'est pas en danger tout est permis pour le bien des hommes, tout est sanctifié par la charité. La résistance à la loi peut entraîner dans les circonstances présentes une suite de maux incalculables : l'obéissance à la loi maintiendra le calme dans tout l'empire. Le dogme n'est point en danger; aucun article de la foi catholique n'est attaqué : comment serait-il possible, dans une telle position, d'hésiter entre obéir ou résister!

[ocr errors]

Français, vous connaissez maintenant les sentimens et les principes de vos représentans; ne vous laissez donc plus égarer par des assertions mensongères!

» Et vous, pasteurs, réfléchissez que vous pouvez dans cet instant contribuer à la tranquillité des peuples! Aucun des articles de la foi n'est en danger. Cessez donc une résistance sans objet; qu'on ne puisse jamais vous reprocher la perte de la religion, et ne causez point aux représentans de la nation la douleur de vous voir écartés de vos fonctions par une loi que les ennemis de la révolution ont rendu nécessaire! Le bien public en réclame la plus prompte exécution, et l'Assemblée nationale sera inébranlable dans ses résolutions pour la procurer. »

Cette instruction, quoique écoutée sans interruption et applaudie de la presque majorité des membres, devint aussi l'objet de quelques débats du moment qu'on la mit aux voix; mais ces débats, rentrant dans le fond de la question, se terminèrent bientôt par le rappel à l'ordre des opposans; et l'Assemblée, délibérant dans la même séance, adopta l'instruction, en décrétant que sans délai elle serait envoyée dans toutes les municipalités pour y être lue un jour de dimanche, à l'issue de la messe paroissiale.

[merged small][ocr errors]

avons vu,

ARMEMENS FRANÇAIS.

Orateur : M. Mirabeau l'aîné.

Tandis que les bons citoyens élevaient des accens de reconnaissance et de joie à chacune des grandes et salutaires résolutions de l'Assemblée nationale, les ennemis de la chose publique, frappés dans la destruction des abus dont le fruit odieux composait leur patrimoine, s'écriaient d'un ton hypocrite que c'était la chose publique que l'on perdait sans retour. C'était peu de répandre le trouble dans l'intérieur; déjà ces indignes Français mendiaient à l'étranger des secours contre leur patrie, qui osait se déclarer libre! Mais quelles tentatives auraient pu surprendre la vigilance des représentans de la nation? Nous dans le second volume, page 160, les mesures que prit l'Assemblée nationale au premier bruit de nos frontières menacées : alors la constitution venait de recevoir l'hommage et le serment de la France entière, réunie pour la cérémonie de l'immortelle Fédération. Depuis cette époque plusieurs parties de la constitution avaient été mises en vigueur : or, nouveaux bienfaits pour le peuple, nouvelle douleur pour ses ennemis, pour des tyrans privés d'esclaves. C'est alors qu'ils multiplièrent leurs efforts pour obtenir une guerre extérieure. Déjà de toutes parts on en répandait la nouvelle, lorsque, le 28 janvier 1791, les comités diplomatique, militaire et des recherches, se réunirent pour proposer à l'Assemblée des dispositions tendant à mettre les esprits à l'abri de toute alarme, et le royaume à l'abri de tout danger. Ces comités avaient chargé deux orateurs, MM. Alexandre Lameth et Mirabeau l'aîné, d'exposer à la tribune la situation extérieure de la France, et les moyens de pourvoir à sa sûreté. Sur ces rapports l'Assemblée décréta, dans la même séance et presque sans discussion, que l'armée serait augmentée de cent mille soldats auxiliaires, que des compagnies de volontaires nationaux seraient en outre organisées, que tous les préparatifs de défense seraient aussitôt ordonnés, etc., etc.;

et ces dispositions s'effectuèrent sans aucune difficulté : le sentiment réel et bien manifesté que ce premier bruit de guerre avait généralement inspiré était l'impatience de combattre pour la liberté.

De ces deux rapports nous ne donnons que celui de Mirabeau, notre intention n'étant ici que de rappeler les différentes époques de la naissance des hostilités contre la France au temps de la révolution, et de montrer comment dès lors la France se prépara à la conquête de l'Europe.

Rapport fait au nom des comités diplomatique, militaire et des recherches, par M. Mirabeau l'aîné. (Séance du 28 janvier 1791.).

<< Messieurs, le comité diplomatique, réuni aux comités militaire et des recherches, m'a chargé de fixer votre attention sur un objet important par ses rapports avec la tranquillité générale, sur ces bruits de guerre, ces alarmes publiques que la défiance accueille, et que le zèle même répand; sur les dangers, quels qu'ils soient, qu'il s'agit d'apprécier par leur réalité, et non par les vœux impuissans des ennemis de la patrie; enfin sur les mesures qui sont compatibles tout à la fois avec notre dignité et avec notre intéret; mesures dont la prévoyance seule nous fait un devoir, et qui peuvent concilier ce qu'on doit à la crédulité, à l'ignorance même et à la prudence.

» Pour un peuple immense, encore agité du mouvement d'une grande révolution, pour de nouveaux citoyens que le premier éveil du patriotisme unit aux mêmes pensées dans toutes les parties de l'empire, qui, liés par les mêmes sermens, sentinelles les uns des autres, se communiquent råpidement toutes leurs espérances et toutes leurs craintes, la seule existence des alarmes est un péril; et lorsque de simples mesures de précaution sont capables de les faire cesser, l'inertie des représentans d'un peuple valeureux serait un

crime.

» S'il ne s'agissait que de rassurer les Français, nous leur dirions : ayez plus de confiance dans vous-mêmes et dans l'in

« PreviousContinue »