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merveilleuse, par une rare aptitude à faire naître l'intérêt et à le porter à son plus haut point; il y joint un esprit étincelant et une verve inimitable. Le premier a surtout pour lui toutes les qualités d'exécution, le second toutes les qualités d'invention. L'un a fait Bertrand et Raton et la Camaraderie; l'autre a donné Mademoiselle de Belle-Isle et le mariage sous Louis XV. Les deux premières de ces quatre comédies sont des comédies de mœurs; les deux autres sont des comédies d'intrigue, et l'on pourrait dire aussi des comédies de style. Joignons-y, pendant que nous sommes en train de louer, trois œuvres qu'ont signées d'autres auteurs : le Ménestrel, verveuse comédie, grosse d'espérances que la mort prématurée de l'auteur a changées en regrets; la Ciguë, petite pièce pleine d'entrain, que nous citons surtout pour l'immense avantage qu'elle a d'être écrite en vers sans que pour cela la poésie en soit absente, défaut trop commun; enfin, le Mari à la campagne, charmante comédie de mœurs. Après quoi, tirons l'échelle.

Voilà certes bien peu de titres à citer, dans un temps où nos théâtres exhibent annuellement deux à trois cents pièces, où l'esprit court les rues, où le talent n'est pas rare, où le génie a sa place dans quelques cerveaux privilégiés. Il y a de nombreuses causes à cette stérilité. D'abord, pour en finir vite avec la plus vilaine, hâtons-nous de dire qu'on a plus tôt fait, grâce au système de la collaboration, dix actes de vaudeville qu'une comédie en cinq actes, et que si un seul petit vaudeville ne rapporte pas, à réussite égale, tout à fait autant d'argent qu'une grande comédie, au moins dans la première combinaison on a l'avantage de diviser les chances et de ne pas jouer tout sur une seule carte. Mais supposons-les suppositions n'engagent à rien-un écrivain désintéressé. Que de pierres sous ses pieds ! que de broussailles dans son chemin! que d'obstacles à surmonter ! que de difficultés à vaincre ! Dès le choix du sujet, elles surgissent autour de lui, et s'opposent à sa marche. On a dit, et on dit encore tous les jours, que la comédie est immortelle on a fait une erreur ou dit un mensonge, au moins pour la comédie de caractère. Les vices humains, grâce au ciel, sont bornés dans leur nombre, et à toutes les époques ils se manifestent, à de bien petites différences près, de la même manière. Or, il faut du nouveau qui osera peindre l'avare après Molière, ou le joueur après Regnard? Mais admettons, par impossible, qu'un vice ou qu'un ridicule, oublié dans le partage que se sont fait les premiers venus et les plus habiles, tombe aux mains d'un poëte comique; admettons que, moins ambitieux, il se contente d'une couronne moins brillante, et ne s'attaque qu'à la comédie de mœurs. Les mœurs

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changent avec les temps, et l'on peut toujours peindre, puisqu'il se crée sans cesse de nouveaux modèles. Cette comédie est immortelle, c'est vrai, mais immortelle à la manière du Fils de Dieu; elle peut périr, quitte à ressusciter plus tard; elle peut être tuée par la croix et par la lance, par la censure et par la cabale. La comédie, à cette heure, est comme le journal de Figaro: elle peut parler de toutes choses, exceptć..., excepté..., excepté..., tant d'exceptions enfin que l'exception devient ellemême une règle où l'exception n'est pas admise. Les individus sont mis à l'abri par les convenances, et d'ailleurs on ne pourrait décocher les pointes de la satire personnelle que vers un but haut placé et vu de tout le monde, et alors il ne manquerait pas de gens pour prendre en main la cause de l'offensé; les masses se font à elles-mêmes une justice sommaire. Enfin les choses sont interdites par les mêmes motifs, jusqu'à ce que l'on trouve à s'occuper de choses qui ne tiennent à personne. D'ici là, la censure taillera en plein dans votre œuvre, et vous en fera un enfant bancal et manchot, si elle ne vous en fait pas un enfant mort-né; la censure, si indulgente pour les gravelures que chante le vaudeville, si impitoyable pour les vérités que dit la comédie. D'ici là, les sifflets s'élèveront pour défendre ceux que vous attaquerez; tous les vices, tous les ridicules se ligueront contre l'ennemi commun qui les menace, ou, si cette alliance n'a pas précisément lieu, nul ne désapprouvera l'arrêt porté contre vous, pour se réserver le droit d'en porter un pareil quand l'occasion viendra.

Et qu'on n'aille pas croire que tout ceci est un paradoxe ou une erreur : les exemples ne manquent pas, et en voici quelques-uns.

Un jour, il s'est agi de jouer, à un théâtre nouvellement fondé et mal affermi, une œuvre pleine de verve et de fantaisie (1). Les frais étaient faits, les préparatifs terminés, et le théâtre attendait, du succès ou de l'insuccès, son existence ou sa chute. Tout à coup un ordre supérieur arrête les répétitions. Prières, sollicitations, tout fut inutile. Le théâtre ferma, les acteurs allèrent où ils purent, et l'auteur remit sa pièce dans sa poche, sa première pièce ! L'interdiction était fondée sur ceci, que dans le drame il y avait une reine mariée, et que la reine Victoria se trouvait dans une situation identique. — Un autre jour, le public fit suivre d'applaudissements enthousiastes une fort belle tirade dans laquelle étaient énergiquement racontés les vices et les abus de la critique quotidienne (2); à la seconde re

(1) La main droite et la main gauche, par M. Léon Gozlan, défendue à la Renaissance, jouée plus tard à l'Odéon, après régénération totale.

(2) Dans Kean, que le magnifique talent de Frédérick

présentation, la tirade fut supprimée : les journalistes l'avaient voulu. — Un autre jour encore, on joua au Théâtre-Français une pièce, une véritable comédie, cette fois, un peu faible peut-être d'exécution, mais dont l'idée et l'intention étaient excellentes, puisqu'elle flagellait un des grands vices de notre époque, le personnalisme et la toute-puissance des intérêts privés en matière politique (1). Toutes les opinions se réunirent pour faire tomber la pièce ni les sifflets des spectateurs ni les railleries des critiques ne lui furent épargnés. Qu'eût-elle pu faire contre tant d'ennemis? Elle mourut, et son problématique auteur n'en recommencera probablement pas la tentative.

Récemment, une autre comédie (2) a été détruite de fond en comble, parce que la chambre des notaires (si exempte de pareils accidents) ne voulait pas qu'on vit sur la scène un notaire prévaricateur. Après bien des concessions et des batailles, l'officier ministériel subsista dans la pièce, mais tout affaibli et tout défiguré en outre, le titre primitif dut disparaître, et il fallut se contenter d'un titre insignifiant. - Enfin, pour finir par un exemple du même genre, mais pris un peu plus bas, nous avons vu qu'une pièce (3) fut outrageusement sifflée, parce que l'auteur avait osé y introduire, sous un jour trop peu avantageux, un étudiant en médecine. Cet invioJable personnage dut être remplacé par un élève d'Alfort: que fût-il arrivé si l'école vétérinaire se fût trouvée aussi susceptible et aussi au courant des théâtres que l'école de médecine? Nous n'avons pas jugé nécessaire de rappeler la catastrophe arrivée à la plus grande comédie de notre temps (4), proscrite après 300 représentations, non parce qu'elle préconisait la friponnerie, mais parce qu'elle en mettait trop clairement les secrets en lumière, et la rendait désormais trop difficile à exercer. Que faire donc, entre toutes ces difficultés, en face de cette foule où personne ne veut être raillé, et veut à peine souffrir que son voisin le soit? Il faut attendre des temps meilleurs, et confesser que la comédie est, sinon impossible, à notre époque, au moins horriblement difficile. Nous ne parlons pas de la comédie d'intrigue: on peut inventer toujours. Mais la comédie de caractère est épuisée ou bien près de l'être; la comédie de mœurs est hérissée d'obstacles: il a fallu à M. Scribe tout son prodigieux savoir-faire, toute la finesse, toute la souplesse de son talent, pour adoucir les couleurs de sa palette, pour distribuer

Lemaître a fait successivement applaudir sur trois theatres.

(1) La Tour de Babel, par M. Anatole Bruant. (2) Les Speculateurs, par MM. Armand Durantin et Fontaine.

(3) Thomas le Rageur, Joué au Gymnase. (4) Robert Macaire.

l'ombre et la lumière, de manière à faire accepter les tableaux que nous lui devons. Aussi Molière peut-il dormir tranquille dans sa tombe. Sans compter son génie, qui veille autour de sa renommée, et empêchera à jamais qu'on y porte la main, il a d'autres garanties encore que jamais gloire comique n'approchera de la sienne. Molière vivait dans un temps où il lui était permis de tout railler : le roi riait de ses sarcasmes, le roi lui livrait la cour et la ville, le roi lui désignait lui-même M. de Soyecourt, son grand veneur, comme l'un des originaux qui devaient figurer dans la comédie des Fácheux. Une seule fois, un obstacle se présenta ce fut le jour où le grand poëte s'attaqua à l'hypocrisie religieuse; et encore l'autorité royale prévalut-elle sur la puissance ecclésiastique. Aujourd'hui ce n'est plus ainsi. Aujourd'hui, selon l'ingénieuse idée d'un spirituel romancier, le roi règne comme une corniche règne autour d'un plafond; il fut même un temps où c'était à lui que la raillerie s'attaquait de préférence, et si les gens puissants ont fait cesser ce scandale, c'est qu'ils ont eu honte de se mettre à couvert en laissant exposée cette tête plus haute que les leurs. Aujourd'hui la comédie, trop faible pour rompre en visière aux vices et aux ridicules coalisés contre elle, cherche à les attaquer plus facilement en se faisant petite, et se transforme en vaudeville. Aujour d'hui Regnard serait vaudevilliste sans nul doute; Beaumarchais, probablement; et Molière.... peut-être.

SAINT-AGNAN CHOLER.

COMÈTE. (Astronomie et Physique.) Astre chevelu, du mot grec xóun, cheve lure. C'est le nom que les anciens ont donné à des corps célestes qui participent de la nature des planètes, sous le rapport des lois de leur mouvement, mais qui s'en distinguent, dans leurs apparences physiques, par une tralnée de lumière qui est généralement opposée au soleil. C'est cette traînée de lumière qui, vue de la terre, suivant la direction qu'elle affecte par rapport au corps de l'astre, a donné lien à la division vulgaire des comètes, en comètes à queue, à chevelure, à barbe, etc. Les comètes décrivent des orbes très-allongés autour du soleil; leurs révolutions embrassent souvent un grand nombre de siècles, et elles ne deviennent visibles pour nous que quand elles parcourent la partie de leur orbite voisine du soleil et de la terre. Les anciens n'ont pu connaître que des comètes brillantes et d'une certaine grandeur; mais le télescope en a fait découvrir un grand nombre d'autres qui, par leur petitesse, la rapidité de leur mouvement et leurs grandes distances, auraient échappé pour jamais aux regards des hommes sans ie secours de cet instrument.

:

La théorie générale des comètes comprend deux parties distinctes, savoir la théorie mathématique des lois de leur mouvement, et la recherche de la nature physique de ces astres avec l'application des apparences qu'ils présentent. Nous allons tracer l'histoire des efforts qu'on a faits pour établir cette théorie, et l'on prendra facilement une idée de l'état actuel de nos connaissances sur un sujet aussi difficile qu'intéressant.

Les opinions que les anciens ont eues sur les comètes peuvent se diviser en deux classes.

Dans la première, on ne regardait pas les comètes comme des astres réels; quelques philosophes soutenaient qu'elles n'en étaient qu'une fausse apparence; d'autres, qu'elles étaient formées par les rayons du soleil qui se réfléchissaient dans l'étendue des cieux, comme ils l'auraient fait sur un miroir; d'autres enfin, tels que Démocrite et Anaxagore, croyaient que les comètes étaient produites par la rencontre de plusieurs planètes qui se trouvaient si voisines, que leurs lumières réunies se confondaient sous la figure d'un seul astre.

On peut répondre aux premiers, que ce qui n'existe qu'en apparence ne peut exister longtemps, et présente toujours quelques circonstances qui dévoilent les causes accidentelles du phénomène; ce qui n'arrive pas aux comètes, car elles sont visibles pendant plusieurs mois; et tous les changements qu'elles éprouvent, en grandeur et en lumière, se font régulièrement, par degré et selon les lois des distances. Les changements tiennent donc à des causes permanentes, et l'hypothèse est détruite.

On répond aux seconds, qu'une image, formée par réflexion, doit suivre l'objet réfléchi dans tous ses changements, et qu'il n'est aucun astre connu dont le mouvement ait un rapport avec celui des comètes. D'ailleurs, quelle est la nature de la surface réfléchissante? Pourquoi n'existe-t-elle pas tou jours? Pourquoi les autres corps célestes ne s'y peignent-ils pas comme les comètes?

Quant aux troisièmes, pour adopter leur opinion, il faut admettre avec eux que l'on ne connaît pas encore le nombre des planètes, et qu'il peut être assez grand pour que leur rencontre soit aussi fréquente que l'apparition des comètes. Cela est difficile, dans l'état actuel de l'astronomie.

Dans la seconde classe, on regardait les comètes comme des astres réels.

Les comètes sont produites par une exhalaison sèche et chaude, qui s'élève dans les régions supérieures, s'y condense et s'y enflamme par une cause quelconque, telle que la rapi dité du mouvement ou l'action des astres. L'embrasement dure tant qu'il trouve des matières inflammables, ou qu'il en reçoit de la

terre; après quoi, il n'y a plus de comète.

Voilà le sentiment d'Aristote sur les comeles. Son influence a été de longue durée; elle a traversé les siècles, et s'est opposée à la connaissance du véritable système de ces astres, tant que l'autorité du philosophe grec a régné dans les écoles. Et, en effet, comment se serait-on donné la peine d'observer les lois que suivent des vapeurs qui flottent en l'air d'une manière vague et incertaine? Nous ne donnerons point ici les raisons qui détruisent ce système; elles découleront naturellement de l'histoire des progrès de la science.

Les disciples d'Aristote ne se sont pas contentés d'embrasser le sentiment de leur maitre, ils l'ont encore travesti par des idées souvent ridicules. Ils prétendaient que Saturne et Mars préparaient la matière des comètes, l'un en resserrant les pores de la terre, pour accumuler les exhalaisons, et l'autre en les élar gissant, pour leur donner une libre sortie. Ils disaient, en outre, que les atomes qui voltigent aux rayons du soleil, reçus par une ouverture étroite dans une chambre obscure, sont les cendres d'une comète consumée.

Pythagore et ses disciples regardèrent les comètes comme des planètes qui se montrent dans une partie de leur orbe, et qui, invisibles dans tout le reste, ne reparaissent qu'après de longs intervalles. Hippocrate de Chio et son disciple Eschyle avaient le même sentiment. Voilà les premières idées saines que l'on rencontre chez les anciens.

Apollonius de Mynde pensait que les comètes étaient d'autres planètes qui sont cachées pendant quelque temps, parce qu'elles sont trop éloignées de nous, et qui paraissent quelquefois lorsqu'elles descendent vers notre système, suivant les lois qui leur sont prescrites.

Sénèque embrassa le sentiment d'Apollonius. Deux comètes qui parurent de son temps lui fournirent l'occasion de réfléchir sur la nature de ces astres. Il les rangea au nombre des corps célestes permanents, et qui probablement sont aussi anciens que le monde. Il montra la faiblesse et l'insuffisance des autres systèmes, développa le sien, en l'appuyant de tout ce que les lumières de son temps pouvaient lui fournir, et donna cette fameuse prédiction de la connaissance future du retour des comètes, dont les savants modernes lui font honneur.

Voilà la substance de tout ce qu'on a dit sur les comètes, pendant le long intervalle qui s'est écoulé jusqu'à l'école d'Alexandrie. Hipparque et Ptolémée, qui rendirent cette école célèbre, n'ont pas dit un mot de ces astres; il faut croire qu'ils n'en ont pas vu, ou qu'ils les confondaient avec les météores, qui ne sont point du domaine de l'astronomie.

Ptolémée, admettant le plein absolu de la nature, la solidité et l'impénétrabilité des

cieux, devint, par là, une autorité puissante en faveur du système des péripatéticiens. Aristote, pour la physique, fut mis à côté du restaurateur de l'astronomie moderne. On ne vit plus que par ce génie; tout ce qui n'était pas renfermé dans sa doctrine était regardé comme faux et absurde. En vain son système était démenti par l'observation et la physique, l'aveuglement pour ce philosophe fut si grand, que, pendant près de quatorze siècles, on ne put voir reparaître les vérités pressenties par les pythagoriciens, Apollonius et Sénèque.

L'intervalle compris entre le deuxième et le seizième siècle de notre ère est un intervalle de stérilité pendant lequel l'ignorance et la superstition exercèrent leur empire. On s'occupait bien des comètes, mais c'était moins pour rechercher leur véritable nature, que pour connaître leur influence sur l'avenir. On avait ajouté à la définition d'Aristote qu'une comète est un signe ; l'apparition de ces astres devint un événement qui répandit souvent la terreur parmi les hommes; on la regarda comme le présage de fâcheux événements, tels que les guerres, la peste, la famine, la mort des princes, etc. On prétendit reconnaitre à quel signe les comètes menaçaient de tel ou tel malheur, et l'on rédigea des codes dans lesquels on trouvait les lois de leur signification, suivant les lieux où elles étaient engendrées, les constellations qu'elles parcouraient, les couleurs qu'elles avaient, la forme de leurs queues, elc. Cette superstition avait gagné les plus grands esprits depuis longtemps: Sénèque lui-même en fut atteint; Pline rapporte les visions des astronomes de son temps; Tile-Live débite sur ce sujet les fables les plus grossières; en un mot, tous les historiens romains qui parlent des comètes ne le font qu'avec le sentiment de la frayeur qu'elles leur inspirent.

Au commencement du seizième siècle, les lettres reprenaient une nouvelle vie, mais les sciences étaient encore dans une obscurité profonde. Vers le milieu de ce siècle, on com. mença cependant à observer le ciel avec plus d'attention. Pierre Appien, astronome de Charles-Quint, suivit le cours de cinq comètes qui parurent dans l'intervalle de 1531 à 1539. Il remarqua, le premier, que la direction de la queue de ces astres est opposée au soleil. Regiomontanus avait imaginé les parallaxes, et fait sentir le parti que l'on pour rait en tirer avec de bons instruments. Appien et Cardan en firent usage, et reconnu rent que les comètes sont placées dans les ré. gions supérieures de la lune. Ces deux découvertes importantes fournirent deux faits incompatibles avec le sentiment d'Aristote. L'un annonçait une action directe des rayons du soleil sur la comète, et l'autre tendait à dé

truire la solidité des cieux. Mais ces traits de lumière firent peu de sensation. Regiomontanus, Appien, Cardan, Paul Fabrice, Camerarius, Amerbach, comprirent bien que les comètes étaient dignes de l'attention des savants; ils pressentirent bien la permanence de ces astres, mais ils s'occupèrent moins à faire triompher des vérités qui avaient encore besoin d'être confirmées, qu'à mettre la postérité dans le cas d'en juger. D'ailleurs, presque aucun d'eux n'avait encore secoué les préjugés de leur temps; et, tout en reconnaissant que les comètes devaient être mises au rang des astres, ils n'en proclamaient pas moins qu'elles étaient en dépôt dans quelque coin du ciel, pour paraître lorsque les circonstances l'exigeaient.

Vers la fin du seizième siècle, on commença à douter plus fortement de l'influence des comètes. Plusieurs auteurs écrivirent sur ce sujet, mais leurs écrits demeurèrent sans effet, et les comètes conservèrent encore le droit d'annoncer des événements fâcheux.

Bientôt parut Tycho-Brahé jusqu'à lui l'étude du véritable système des comètes avait été fort négligée. Zélé pour les progrès de l'astronomie, précis dans ses observations, judicieux dans ses raisonnements, il put, au moyen des instruments qu'il fit construire à grands frais, suivre les mouvements des astres avec beaucoup plus d'exactitude qu'on ne l'avait fait jusque-là. Ses observations sur les comètes de 1577 à 1596 confirmèrent que ces astres n'ont pas de parallaxe sensible. Il remarqua, en outre, qu'ils se meuvent en tous sens, et ont une marche régulière. Il fut donc à même de prouver que les comètes sont placées dans les régions supérieures de la lune, que les cieux ne peuvent être solides ni les orbites matérielles.

Tycho assigna aux comètes leur véritable place en les établissant au-dessus de la lune, et leur vraie route, en les faisant mouvoir autour du soleil. Mais il se trompa avec tous ses contemporains, en continuant de les regarder comme des météores qui s'allumaient tout à coup dans l'espace, et qui étaient susceptibles d'une prompte destruction. Il ne fut pas plus heureux dans son explication sur la formation de la queue de ces astres : il pensait, avec Appien, Cardan, et plusieurs autres qui sont venus après, que les comètes sont diaphanes; que les rayons du soleil éprouvaient en les traversant une réfraction semblable à celle qui s'opère dans le passage d'un verre lenticulaire; et qu'ils formaient, en se réunissant au delà du noyau, la traînée de lumière qui accompagne les comètes. Cette explication est contraire aux lois de l'optique; les rayons de la lumière ne sont visibles qu'autant qu'ils parviennent jusqu'à l'œil; or, les

rayons du soleil, rompus par la tête de la comète, ne peuvent arriver jusqu'à nous qu'autant qu'ils rencontrent au delà du noyau une matière capable de les réfléchir. Il faut donc admettre dans les environs de la comète une atmosphère, un éther quelconque, ce qui rend l'explication dont il s'agit insuffi

sante.

Toutes les parties de l'astronomie faisaient des progrès rapides; celle qui concerne la nature des comètes demeurait seule stationnaire. Ces astres étaient toujours vus comme des signes passagers dont on redoutait l'apparition, et qu'on ne considérait qu'avec la curiosité de l'effroi.

La raison reprenait lentement. Kepler, qui eut l'heureux privilége de changer des idées reçues, et d'annoncer des vérités qui répandirent leur influence sur le reste des siècles, Kepler échoua et ne fit qu'augmenter les preu. ves de la faiblesse de l'esprit humain, quand il voulut expliquer la formation des comètes. Donnons à ce grand génie une preuve de notre respect en laissant dans l'oubli les idées qu'il a émises sur la nature et l'influence de ces astres; hâtons-nous de passer à ce qu'il a dit en expliquant la queue des comètes, où il a été un peu plus heureux. Il la reconnaît toujours opposée au soleil, et croit qu'elle est produite par le choc des rayons solaires qui traversent la masse de la comète, et emportent avec eux les parties les plus légères de sa substance. Il observe, en outre, que la queue des comètes est courbée vers son extrémité. Il n'attribue point cette courbure aux rayons solaires, qui se meuvent toujours en ligne droite; mais il reconnaît qu'elle vient de ce que le noyau de la comète se meut avec plus de vitesse que l'extrémité de la queue. Ces explications sont restées en partie.

Galilée, qui a fait tant de découvertes utiles, eut une fausse idée de la nature des comètes. Il donna un système que la physique et l'astronomie désavouent; mais il n'avança aucun sentiment sur la formation de leur queue.

Gassendi n'eut pas d'idées déterminées sur la nature des comètes; mais il entreprit la destruction totale du péripatétisme. Il réfuta les opinions émises avant lui, et délivra l'astronomie des erreurs de l'astrologie, dont les plus grands esprits n'avaient pu se garantir.

Hévėlius, dont le zèle infatigable embrassa toutes les parties de l'astronomie, ne regarda pas les comètes comme des astres. Toutefois, il sentit la nécessité de les étudier, lorsque celle de 1664 vint lui offrir l'occasion du grand travail qu'il a laissé. La connaissance de la parallaxe de cette comète lui donna la satisfaction de confirmer, avec Tycho, que ces astres n'étaient point des météores de notre

atmosphère, mais qu'ils occupaient et traversaient les espaces de l'éther comme les planètes. Il n'y avait donc plus moyen de les faire naître des exhalaisons de la terre et des matières inflammables qu'elles charrient. Ces connaissances acquises ne préservèrent point Hévélius de l'erreur qu'il a commise en établissant son opinion sur la nature des comètes. Sa doctrine forme une espèce de roman dont aucune partie ne saurait soutenir l'examen. Il compare les comètes aux taches du soleil; il établit qu'elles sont formées d'un amas de matières hétérogènes, et composées de plusieurs noyaux contigus, qui peuvent se séparer et se rejoindre; elles sont, ajoutet-il, produites par les exhalaisons des autres corps célestes, et elles ont des transpirations comme la terre. Hévélius était bon astronome, mais peu physicien; la manière dont il explique la formation de la queue en est une nouvelle preuve; il dit que toute la matière qui compose la comète n'est pas propre à se condenser assez fortement pour acquérir la solidité du noyau, et que la partie la moins dense forme une atmosphère environnante. Les rayons du soleil, agissant sur cette atmosphère, en dilatent les parties et les chassent à l'opposite; et ces rayons solaires, traversant les noyaux qui composent la tête, sont diversement réfléchis et rompus; par conséquent, en sortant de la comète, ils répandent la lumière dans l'atmosphère qui les attend, et produisent l'apparence de la queue.

L'opinion d'Hévélius sur la manière dont les comètes sont formées étant fausse, l'explication de la queue tombe d'elle-même. D'ailleurs, les réflexions et les réfractions dont il s'agit sont contraires aux lois de l'optique.

Claude Comiers, qui écrivait quelques années avant Hévélius, émit une idée qui, quoique mal exprimée, était assez bonne. La queue des comètes, dit-il, est la dissipation de leur atmosphère, poussée par les rayons du soleil, lesquels, réunis au derrière de la tête, échauffent, raréfient et dissipent davantage leur atmosphère pour en former des queues et barbes d'une prodigieuse longueur.

Descartes imagina un système du monde faux dans presque toutes ses parties. L'univers est une machine construite d'après les lois de la mécanique, et non d'après celles de la métaphysique. Descartes n'était point astronome; oblige de lier les comètes à son système des tourbillons, il le fit par des hypothèses ingénieuses, mais contraires aux lois de la physique et de l'astronomie. Selon lui, les comètes et les planètes ont été autrefois des soleils, les étoiles fixes le sont encore, et peu. vent, comme le soleil, contracter des taches; ces taches s'accumulent et forment bientôt une croûte qui éteint la lumière de l'étoile. L'étoile

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