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niques. Le taxus est un arbre de moyenne grandeur, attaché aux climats tempérés; il se tient presque toujours au fond des vallées, sur les bases inclinées des montagnes ou sur les collines. Le juniperus communis, dont il y a plusieurs variétés, entre autres le nana de Willdenow et le suecica de Miller, végète indifféremment vers les tropiques ou vers l'océan hyperboréen, en pays plat ou montueux, ou sur les hauts sommets. C'est un grand arbrisseau dans les contrées méridionales de l'Europe; mais il se rapetisse à mesure qu'il s'élève sur les montagnes ou qu'il s'approche du pôle.

Ces trois espèces de Conifères, jointes à l'abies excelsa, font partie de la Flore Scandi

nave.

L'abies excelsa abonde dans les contrées septentrionales et sur les montagnes. Un climat tout ensemble froid et humide lui convient. Il envahit le sol, et ne souffre sous son ombre aucune végétation, si ce n'est celle des lichens et des mousses. On ne le trouve jamais dans les pays de plaines des climats méridionaux. Il s'avance du sud au nord sur les côtes de la Norwége, et s'arrête entre le cap du Kunne sous le 67° et le golfe de Salten, où la température moyenne est, selon M. de Buch, d'un degré au moins au-dessus de zéro, et le maximum de la température de juillet +11°, 5 (1). En Suède, il ne commence à se montrer qu'à plusieurs milles des côtes du golfe de Bothnie; il revêt les premiers gradins des Alpes de la Péninsule jusqu'à la hauteur de cent trente à cent quarante toises, et forme une bande large et inégale qui, selon les localités, s'enfonce plus ou moins vers le centre de la chaîne. Il pénètre dans l'Uméa, aux environs de Gillesnæle; dans le Pitéa, jusqu'aux rives supérieures du lac Horn-afvan; dans le Luléa, vers Quickjock et au-dessus de Gellivare; dans le Tornéa, au delà de Wittangi, au-dessous de Palojoensuu et à Packtjarvi; dans le Kemi, à Kiroë, en deçà du lac Énare, et sur les bords du lac Momet, situé sous le 69° parallèle.

Si sur la côte occidentale l'abies excelsa s'arrête dès le 67e degré, la cause n'en est as. surement pas dans l'abaissement de la température des mois de repos, puisque, sous les mêmes latitudes, le froid est beaucoup moins rigoureux en Norwége que dans la Laponie méridionale, ou l'abies excelsa remonte à près de deux degrés plus au nord que le cap du Kunne. Il faut donc chercher une autre explication; c'est ce que je ferai plus tard.

Au-dessus de l'abies excelsa commence la région du pinus sylvestris, dont la limite supérieure, de même que la limite inférieure des

(1) Toutes les températures dont il sera fait mention dans cet article se rapportent au thermomètre centigrade.

neiges perpétuelles, varie, pour ainsi dire, autant que les localités; variation qu'expliquent fort bien la longueur et la direction de la chaîne des Alpes de la Norwége et de la Laponie. Cette énorme chaîne se prolonge sur les côtes occidentales depuis l'extrémité méridionale de la Péninsule jusqu'au Finmark, et là se partage en trois branches, dont la principale se dirige d'abord vers l'est, puis s'incline vers le sud-est, et enfin va se confondre avec les monts Olonetz; tandis que les deux autres branches se portent, l'une au nord, vers Mageroë, l'au tre au nord-est, vers l'embouchure de la Tana. Sur ces montagnes, la végétation est limitée non-seulement par la température, qui décline en raison directe de la plus grande hauteur des stations, mais encore par le climat propre aux latitudes différentes sous lesquelles elle se trouve successivement placée entre les 58€ et 71° parallèles. Il suit de là que, sauf les causes accidentelles qui modifient l'action de la loi générale, les limites de la végétation et celles des neiges perpétuelles sont d'autant plus basses qu'elles se rapprochent davantage du cap Nord, point le plus avancé de l'Europe vers le pôle.

Dans le midi de la Norwége, la limite supérieure du pinus sylvestris est à cinq cents toises. A Folda, quelques minutes au nord du 62° degré, elle descend à quatre cent soixante ou quatre cent soixante-dix toises. Sous 62° 30', au Sneehæten, la plus haute montagne de l'Europe et de l'Asie boréales, puisque son sommet atteint douze cent quatre vingt-quatre toises au-dessus du niveau de la mer, le pinus sylvestris ne monte qu'à trois cent quatrevingts toises; les neiges perpétuelles finissent à huit cent dix toises. Près d'Altengaard et de Kolvig, vers 70°, le pinus sylvestris ne parvient qu'à cent trente toises: les neiges s'arrêtent à cinq cent cinquante.

Altengaard, situé au fond d'un golfe de la mer Glaciale, à 3° 28' plus avant vers le pôle que le cercle polaire, se présente, à l'imagination de l'heureux habitant des climats méridionaux de l'Europe, comme un horrible pays, condamné par la nature à subir un éternel hiver; mais combien est surpris et charmé le voyageur intrépide qu'un ardent désir de voir et de connaître conduit sons ces hautes latitudes, au temps où le soleil ne quitte point l'horizon, lorsque, parvenu au plus bas du sauvage défilé que forme le lit étroit de l'Alten, il découvre tout à coup dans un spacienx vallon des prairies verdoyantes, des bosquets d'aunes, de trembles et de bouleaux vigoureux, plantés çà et là autour de champêtres habitations, des terres dont la bonne culture atteste l'activité d'une population active et industrieuse, des moissons de blé prêt à mûrir, une forêt de beaux pins développée en amphithéâtre sur

les pentes des montagnes, et dans la perspective la mer hyperboréenne réfléchissant un ciel pur. C'est le doux été d'Upsal ou de Christiania, c'est le délicieux aspect d'un paysage de la Suisse ou de l'Italie. Dans cette oasis boréale, la chaleur moyenne du mois de juillet est de quinze degrés, et celle de l'année de plus d'un degré au-dessus de zéro; deux milles plus loin vers le nord, tout change: la latitude polaire reprend ses droits, et c'est dans la petite anse de Storvig que vont finir, sous cette longitude, les derniers pins de l'Europe.

Vers le nord-est, le long de la baie de Por. sanger, les pins remontent presque jusqu'à Kistrand, situé sous le 70°30'. La température moyenne de Kistrand est de 0°, 18 au-dessous de zéro.

Vers les frontières orientales de la Laponie européenne, des Conifères suivent les bords du Néiden et descendent jusqu'à la mer Glaciale; mais ils n'y forment pas de forêts, ils sont épars et chétifs.

Les botanistes qui seraient tentés de croire que la température moyenne de l'année donne la mesure de la force végétative ne tarderont pas à reconnaître que c'est une erreur, s'ils veulent bien considérer que le pinus sylvestris n'arrive pas jusqu'à Kistrand, dont la moyenne température est — 0°,8, et qu'il forme des forêts à Enonteki, situé à deux degrés plus au sud, et dont la moyenne est - 2o, 86.

Le juniperus communis va des côtes méridionales de la Péninsule jusqu'au cap Nord. A cette extrême limite de l'Europe, il rampe sur le sol.

Les régions boréales de l'empire Russe sont plus riches en Conifères que la Suède, la Norwége et la Laponie. Le pinus sylvestris, qui garnit, comme on vient de le voir, les flancs des Alpes norwégiennes, et couronne quelquefois leurs cimes, forme, pour ainsi dire, une forêt continue depuis les côtes orientales de la Baltique jusqu'à la rive gauche du Léna, distance de près de 1,200 lieues de France. Durant ce long trajet, il se tient constamment éloigné des côtes de la mer Glaciale. Ainsi, dans le gouvernement de Tobolsk, il s'arrête sur l'Obi, entre Berezow et Obdorsk, dernière place de Russie, au nord, sous 66° 30'; et dans la province d'Iakutsk, il dépasse de deux degrés au plus la ville d'lakutsk, située sous 62° 13', au bord du Léna. Ce fleuve est une barrière qu'il ne franchit pas impunément. Au delà, il devient rare, petit, rabougri, et il ne tarde pas à disparaître. Il est inconnu sur les côtes orientales comme sur les côtes boréales. L'abies excelsa, qui dans la péninsule Scandinave s'arrête au-dessous du pinus sylvestris, le laisse en arrière dans les contrées asiatiques. Près des bords de l'Obi, il va au delà

d'Obdorsk. Sur toute la ligne, il se porte en avant et ne cède le pas qu'au mélèze au pin cembro. Le pinus sylvestris semble redouter les stations alpines de la Sibérie; l'abies excelsa, au contraire, s'y établit par préférence et il n'habite même que les montagnes dans les contrées méridionales. Mais de l'autre côté du Léna, l'abies excelsa a le sort du pinus syl vestris; ni l'un ni l'autre ne passent sur le continent, le 130 degré de longitude orientale. On assure, Pallas le raconte sans le garantir, que l'abies croft dans les tles Kouriles, qui sépa rent la mer d'Ochotsk du Grand-Océan.

Avant d'aller plus loin, je dois expliquer quelle influence exercent sur le pin et le sapin les deux climats polaires d'Occident et d'0rient, si différents l'un de l'autre.

Ce n'est pas la rigueur des hivers, ai-je dit précédemment, qui s'oppose, dans la péninsule Scandinave, à ce que le sapin s'avance au delà du 69 parallèle; ce n'est pas non plus la rigueur des hivers qui fixe un peu au-dessus du 70° parallèle la limite du pin; car les hivers de la Laponie méridionale sont beaucoup plus rudes que ceux du Finmark et de Magéroé. Si l'abaissement de la température des mois de repos était, dans la Péninsule, un obstacle à la végétation de ces arbres, comment pourraient-ils croftre en Sibérie, au bord du Léna, sous 62° 13'? Comment pourraient-ils crottre encore plus avant vers le nord, puisque le froid est tel, dans ces contrées, que, dès le 60° parallèle, on trouve des marais dont le fond ne dégèle jamais ? A Iakutsk, il a fallu re noncer à creuser des puits, parce que la terre est constamment gelée à une certaine profon deur au-dessous de sa surface. Que ce soit à tort peut-être qu'on ait avancé que la moyenne de la température de cette ville était de 4o audessous de zéro, il n'en est pas moins prouvé que le froid y est beaucoup plus vif que dans aucun lieu de la péninsule Scandinave.

Mais s'il est vrai qu'au nord du Finmark, la température des hivers n'est pas assez froide pour anéantir la force vitale du pin, il est vrai aussi que la température des étés n'est pas assez chaude pour permettre à cet arbre de végéter. C'est ce que démontre la comparaison des températures moyennes de Magéroë et d'Enonteki. A Magéroë (latitude 71°30′), où quelques misérables arbrisseaux ont bien de la peine à se maintenir, la moyenne de la température annuelle est +0,07; la moyenne des sept mois de repos, 4°,05; de janvier, mois le plus froid, 5°; des cinq mois de production, + 3o,34; de juillet, mois le plus chaud, +8°,12. Le pin ne commence à paraître qu'à 25 ou 30 lieues plus au sud, entre Kistrand et Porsanger. A Enonteki (latitude 68° 30′), où le pin et plusieurs arbres végètent avec vigueur, la moyenne de la température est

- 2o,86; la moyenne des 8 mois de repos,

10°,39; de février, mois le plus froid, 18°,06; des 4 mois de production, +10°,95; de juillet, mois le plus chaud, +15o,33.

En Laponie, le pin dépasse le 70o parallèle,❘ et le sapin s'arrête au 69°. Comme il est démontré que ce n'est pas le froid qui s'oppose aux progrès de ces deux arbres, il faut admettre qu'au delà du 69° parallèle, la température des mois de production est inférieure à celle dont le sapin a besoin. La même cause l'empêche de franchir le 67° parallèle sur les côtes de la Norwége, et marque, dans toute la Péninsule, sa ligne d'arrêt au-dessous de celle du pin. Mais d'où vient qu'elle monte au dessus dans la Sibérie orientale, de sorte que les deux lignes se croisent en allant d'occident en orient? Si le pin, durant les mois de production, se contente d'une température plus faible que celle qu'exige le sapin, pourquoi se laisse-t-il dépasser par lui sur les bords de l'Obi et du Léna? La chaleur qui suffit au sapin est, sans aucun doute, plus que suffisante pour entretenir la végétation du pin. Je ne puis donc attribuer le croisement des deux lignes d'arrêt qu'à l'influence des terribles hivers des régions arctiques orientales. Tandis que le pin se développe en Laponie à un degré de chaleur trop faible pour le sapin, celui-ci brave en Sibérie un degré de froid que l'autre ne pent supporter.

Les Conifères qui endurent le plus patiemment la constitution climatérique des contrées arctiques orientales, sont le larix europæa (melèze) et le pinus cembra (cembro). Le larix se cantonne sur les pentes qui regardent l'orient et le septentrion; mais il ne monte pas sur les hauts sommets, et ne descend point dans les vallées basses et marécageuses; nul arbre n'est plus commun en Russie. Il forme de vastes forêts depuis les montagnes gypseuses des bords de la Duina, d'où sont ti rés les bois des constructions navales d'Archangel, jusqu'aux bords de la Biélaïa, traverse les Alpes Ouraliennes, descend en Sibérie, où il rencontre pour la première fois le pinus cembra, qui ne vient pas à l'ouest des Ourals. Ce pin habite les vallées froides et humides et les montagnes dominées par de hauts sommets couverts de neiges et environ. nés de brouillards.

Le larix et le pinus cembra franchissent ensemble le Jenisseï, le Léna, et gagnent les rivages de la mer d'Ochotsk et le Kamtschatka, lais sant bien loin derrière eux le pinus sylvestris et l'abies excelsa. Steller a suivi le cembro jusque sur les montagnes de l'isthme qui unit la presqu'ile du Kamtschatka au continent; mais cet arbre, superbe sur les bords du Léna, dégradé par la rigueur du climat oriental, ne formait plus que d'humbles buissons dont les branches

rasaient la terre. Telle est la marche du larix et du P. cembra d'occident en orient, et de même qu'ils dépassent les autres Conifères dans cette direction, ils les dépassent aussi du midi au septentrion. Le larix accompagne la Duina et le Pinega jusqu'à la mer Glaciale; il parcourt les Alpes Ouraliennes depuis les sources de l'Oural et de la Biélaïa jusque sous le cercle polaire. Sur le Léna, le larix et le P. cembra végétent encore près de Sitkanskoï, bien plus avant vers le nord que lakutsk. L'abies taxifolia forme d'épaisses forêts entre l'Irtysch et l'Obi. Il vient dans toutes les Alpes de la Sibérie; mais il ne descend guère dans les plaines et redoute les climats septentrionaux. C'est dans le groupe des montagnes où la rivière de Kamtschatka prend sa source, qu'il s'offrit à Steller pour la dernière fois. Là sa végétation est languissante, tandis que celle du mélèze est encore assez vigoureuse pour produire des bois de construction.

Le taxus baccata, le juniperus communis et sa variété le J. nana, les J. lycia, sabina et davurica, enfin l'ephedra monostachya, arbrisseau à tiges faibles, articulées, n'ayant pour feuilles qu'une petite gaîne à chaque articulation, habitent aussi les montagnes; mais la plupart viennent également dans la plaine.

Ici se termine ce que j'avais à dire des Conifères hyperboréennes de l'Ancien-Monde. Je vais maintenant indiquer la distribution de celles qu'on a observées dans notre continent, depuis le 50 parallèle boréal jusqu'aux mers australes.

Le pinus sylvestris et ses variétés, le P. cembra, l'abies excelsa, l'A. taxifolia, le larix europæa, les juniperus communis et sabina, le taxus baccata et l'ephedra monostachya croissent en Europe aussi bien que dans l'Asie septentrionale; mais je remarquerai qu'en Europe le pinus cembra et le larix europæa ne descendent jamais dans les plaines, et que le juniperus sabina se tient dans les contrées australes, sans que je puisse expliquer pourquoi il redoute chez nous de plus hautes latitudes, qu'il affronte impunément en Asie et en Amérique.

L'ephedra monostachya, que l'on trouve sur les bords du Léna, au delà du 60 degré, dans les sables de la Perse septentrionale, sur les rivages de la mer d'Ochotsk et sur ceux de la mer Noire, s'avance vers l'occident jusqu'en Hongrie, et ne passe pas outre.

Le juniperus excelsa croît dans l'Asie-Mineure et dans la Crimée.

Le pinus pinea (pin pignon), le P. halepensis, le cupressus sempervirens et sa variété le C. horizontalis, les juniperus lycia, phonicea et oxycedrus, les ephedra distachya et fragilis viennent en Orient et dans les contrées de l'Europe et de l'Afrique

qui, au nord, à l'est et au sud, avoisinent le bassin de la Méditerranée. Le juniperus lycia remonte très-avant vers le nord de l'Asie; on le trouve sur les Alpes Altaïques et Sayaniennes, et dans les froides contrées qu'arrosent l'Irtysch et le Jenisseï. L'ephedra distachya passe des côtes de la Méditerranée aux côtes atlantiques et remonte jusqu'en Bretagne.

Le cedrus Libani ou cèdre du Liban, qui habite aussi le Taurus, le pinus Tournefortii, le juniperus drupacea, dont les habitants du Taurus mangent les fruits, les juniperus oblonga, fætidissima et macrocarpa, appartiennent spécialement à l'Orient. Gmelin assure qu'on lui a rapporté de la partie de la Mongolie voisine de la Chine le thuya occidentalis.

Le pinus uncinata du Jura, des Alpes et des Pyrénées, le pinus pumilio, inconnu dans les Pyrénées, mais très-commun dans les montagnes de la Suisse, de l'Autriche et de la Hongrie, le pinus laricio des montagnes de la Corse et de la Crimée, le juniperus hispanica de l'Espagne et du Portugal, les pinus pinaster et baldensis des contrées australes de l'Europe, n'ont été observés que dans cette partie du monde.

Le pinus canariensis, découvert par M. de Buch sur le Pic de Ténériffe; le pin de Mogador, sur lequel on n'a que des notions vagues; le fresnella Fontanesii, qui vient en forêts dans les montagnes de l'Atlas, et dont on retire la sandaraque du commerce; l'ephedra altissima de l'Égypte et de la Barbarie; l'ephedra aphylla, indiqué en Égypte par Forskael, mais dont les voyageurs modernes ne font pas mention, sont propres à ces contrées.

La plupart des espèces que je viens de citer s'établissent sur les montagnes, à des hauteurs où elles trouvent le climat qu'elles préfèrent. Le pinus pinaster habite le littoral de l'Europe australe, et ne s'élève pas beaucoup au-dessus; le pinus pinea, qui arrondit sa cime comme le pommier, et dont les amandes ont un goût plus fin que celles de l'amandier, se plaît sur les basses montagnes de la région méditerranée. Beaucoup de ge névriers croissent indifféremment sur les montagnes et dans la plaine.

Dans les Carpathes (lat. 49° 10', long. or. 17o 19'), le taxus habite les forêts sous-alpines; le pinus sylvestris et l'abies taxifolia parviennent à cinq cents toises; mais le premier ne se trouve que dans les montagnes extérieures, dont les neiges ne tiennent pas contre les chaleurs de l'été. L'abies excelsa et le larix europæa partent du fond des vallées et arrivent à 760; le pinus cembra est cantonné entre 650 et 800, et le pinus pumilio entre 760 et 930. A cette élévation, le pinus pumilio, qui, placé dans des circonstances

très-favorables, n'a guère que cinq pieds de haut, se rapetisse au point de n'en avoir plus que deux; on le trouve encore quelquefois à plus de 1,100 toises, mais si chétif et si déprimé, que ses rameaux se cachent entre les graminées; le juniperus communis ne disparaît qu'avec le pinus pumilio. La plus haute limite des neiges est à 1,330 toises.

Dans les Alpes Suisses et Dauphinoises (lat. 43° 30′ 46° 30', long. or. 3° 40′ —4° 45'), le taxus baccata habite les basses stations; l'abies taxifolia commence au-dessous de 100 toises, et finit à 750; le pinus sylvestris et le larix europæa atteignent 870; ce dernier arrive en Dauphiné jusqu'à 1,000; l'abies excelsa s'arrête à 920; le pinus cembra monte à plus de 1,000, et le juniperus communis à plus de 1,500. La limite des neiges perpétuel les oscille entre 1,300 et 1,450, ce qui donne pour moyenne 1,370 toises.

Dans les Pyrénées (lat. 42° 30′ à 43°, long. occ. 2° 3°), le taxus baccata monte à 900 toises; il peut végéter par toute la France au niveau de la mer; l'abies taxifolia paraît à 700 toises et disparaît à 1,000; le pinus sylvestris varrubra et le pinus uncinata se tiennent entre 600 et 1,250; le ju niperus communis part de la plaine et ne s'arrête qu'au-dessus de 1,500, comme dans les Alpes. La plus haute limite des neiges perpétuelles est à 1,400 toises.

Dans le Caucase (lat. 42°43°, long. or. 36°-47°), le pinus sylvestris arrive à un peu plus de 900 toises et le juniperus oblon ga de 1,000 à 1,100 toises. La plus haute limite des neiges est à 1,650 toises sur le mont Kasbeck, l'une des cimes les plus élevées de cette chaîne.

Au Liban (entre 33o et 34°), le cedrus Libani parvient, selon M. de la Billardière, a 991 toises; les neiges ne séjournent que dans des enfoncements exposés au nord.

Sur le Pic de Ténériffe ( lat. 28° 17', long. occ. 19°), le pinus canariensis s'établit entre 680 et 1,120 toises, et le juniperus ory cedrus entre 980 et 1,730 toises. Les neiges perpétuelles commencent probablement vers 1,950 toises.

Les nombres que je viens de donner ne sont qu'approximatifs. Il est certain que, sous les mêmes parallèles, les différentes expositions, à de très-faibles distances, et à plus forte rai son les différents climats, à des distances con sidérables, produisent des variations dans la hauteur des limites des neiges perpétuelles et des lignes d'arrêt des espèces végétales. La limite des neiges des Pyrénées n'excède pas 1,400 toises au-dessus du niveau de la mer, tandis que celle des neiges du Caucase se soultient à environ 1,600 toises. Ces deux chalnes se déploient cependant l'une et l'autre

entre le 42 et 43° degré; mais l'une gît à l'occident et l'autre à l'orient de l'Europe.

Entre les mêmes méridiens, les neiges s'abaissent d'autant plus que les sommets qu'elles couronnent sont plus voisins du pôle. Prenons pour exemple les montagnes que bornent le 19e méridien occidental et le 21o méridien oriental. La limite est évaluée à 1,960 toises sur le Pic de Ténériffe, à 1,400 sur les Pyrénées, à 1,450 sur les Alpes, à 1,330 sur les Carpathes, à 810 sur le Sneehateen, à 550 sur les montagnes d'Altengaard. Si la progression décroissante de ces nombres n'est pas en rapport exact avec la progression croissante des degrés de latitude, la diversité des climats en est l'unique cause.

L'influence perturbatrice qu'exercent les climats est encore plus manifeste sur la végétation que sur les neiges perpétuelles; les nombres qui expriment la hauteur des lignes d'arrêt des mêmes Conifères dans les différentes montagnes, et par conséquent la distance entre ces Conifères et les neiges perpé tuelles, semblent avoir été pris au hasard, tant leur diversité offre de bizarrerie. Mais, malgré cette apparence de désordre, le naturaliste reconnaît, avec cette satisfaction qu'il éprouve toujours quand le retour des mêmes phénomènes lui révèle l'existence d'une cause gé. nérale, que chaque Conifère garde habituellement son rang dans l'échelle des stations. Aux Alpes méridionales et aux Carpathes, le taxus baccata occupe les stations inférieures; l'abies taxifolia s'élève plus haut; il est dépassé par le pinus sylvestris, qui l'est à son tour par l'abies excelsa; celui-ci fait place au larix europæa et au pinus cembra, lesquels s'arrêtent avant le juniperus communis, qui atteint la limite des glaciers et même va au delà quand les accidents du sol, nonobstant l'élévation, s'opposent au séjour des neiges. Cet ordre de préséance s'observe sur les différentes montagnes, sauf un petit nombre d'exceptions qui proviennent tantôt de la qualité du terrain, tantôt du climat propre à certaines expositions. Si, sur les monts Dores, le pinus sylvestris, selon la remarque de M. Ramond, occupe un rang inférieur à celui de l'abies taxifolia, c'est qu'il se plaît dans le sable et le gravier dont sont couvertes les stations moyennes de ces montagnes, tandis qu'il se refuse à croître dans un terrain substantiel, et que telle est la nature de la couche végétale des stations plus élevées. L'abies taxifolia, au contraire, ne prospère que dans un sol généreux. Si, dans les Alpes septentrionales, le larix suit l'abies excelsa, au lieu de le précéder, comme il le fait dans les Alpes méridionales, c'est que le tempérament du larix, que n'altèrent pas les plus rudes hivers, ne peut résister à des étés ENCYCL. MOD.

T. X.

sans chaleur. Ce que j'ai dit au sujet du croisement des lignes d'arrêt du pinus sylvestris et de l'abies excelsa, trouve ici une nouvelle application.

Au Japon, à la Chine, à la Cochinchine et dans les Indes, on a observé un nombre assez considérable de Conifères, quoique ces immenses contrées ne soient encore, pour la plupart, que très-imparfaitement connues.

Le Japon nourrit les pinus cembra et sylvestris, le pinus strobus de l'Amérique septentrionale, l'abies excelsa, le larix europæa, les thuya orientalis et dolabrata, les cupressus patula et japonica, les juniperus barbadensis et bermudiana de l'Amérique, et le juniperus communis, les podocarpus macrophylla et nageia, les taxus verticillata, nucifera et baccata; enfin le salisburia adianthifolia ou ginkho biloba de Linné, remarquable par ses feuilles ressemblant aux folioles d'un adianthum. Toutes ces espèces ont été observées, par Thunberg, dans la grande île de Niphon ou à Nangasaki; la plupart d'entre elles viennent dans les montagnes.

En Chine croissent le pinus massoniana, et une autre espèce de pin, que Loureiro a retrouvée en Cochinchine, et qu'il désigne sous le nom de pinus sylvestris, mais qui, à en juger par la description, pourrait bien être le pinus longifolia; l'abies orientalis, le cunninghamia sinensis, le cupressus sinensis, le thuya orientalis, le juniperus sinensis, et le podocarpus macrophylla.

Les Alpes de l'Himalaya, les plus hautes que l'on connaisse, celles du Népaul, de la presqu'île au delà du Gange et des îles de la mer des Indes, nourrissent les pinus longifolia, excelsa et sumatrana; les abies spec. tabilis et dumosa; l'agathis loranthifolia ou pinus dammara, grand arbre à feuilles ovales allongées, épaisses et opposées, que Loureiro, dans sa Flore de la Cochinchine, prend, on ne sait comme, pour notre abies excelsa; les cupressus torulosa, pendula; les juniperus squammata, recurva et communis, et les podocarpus nereiifolia, cupressina et polystachya.

L'Australasie, dont on n'a exploré que la moindre partie, a offert déjà quelques Conifères remarquables; mais on n'y a découvert jusqu'à ce jour ni pins ni sapins, quoique plusieurs espèces de ces genres, si communs dans les contrées boréales de l'Ancien et du Nouveau-Monde, habitent la Chine, la Cochinchine, l'Inde et même les îles de la Sonde. On a rapporté quatre espèces des régions équatoriales de la Nouvelle-Hollande; deux sont des fresnella (calitris de Ventenat), trop im parfaitement connus pour qu'on leur ait donné des noms spécifiques; l'un a été trouvé sur

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