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sèdent dans le territoire de l'un des belligérants, y sont affectés par les charges de la guerre. Tous ces principes sont également applicables aux propriétés tant mobilières qu'immobilières que le gouvernement neutre possède lui-même sur le territoire d'un État faisant la guerre (1).

En raison des droits et des immunités qui se rattachent à la qualité de « sujet neutre », les nations belligérantes ont toujours demandé, qu'en temps de guerre cette qualité fût établie par des preuves particulières et autres que celles à l'aide desquelles dans les temps et les cas ordinaires la nationalité d'un individu est constatée. Ces preuves sont surtout exigées quand il s'agit de la propriété d'objets meubles, tels que navires et marchandises dont le régime est affecté par le caractère de sujet neutre du propriétaire. Dans ces cas on ne se contente pas des documents qui établissent la nationalité de ce dernier, il faut encore, pour assurer à un navire les droits du pavillon neutre, qu'une certaine partie de l'équipage soit également composée de sujets neutres. Les différentes législations maritimes varient dans la fixation du chiffre, mais toutes sont d'accord à exiger que tous les officiers du bord et pour le moins la moitié de l'équipage — quelques-unes demandent jusqu'aux deux tiers-appartiennent par leur naissance ou par leur domicile permanent aux pays neutres. De la part des neutres on a toujours considéré cette prétention comme fondée, et les règlements de neutralité contiennent tous dans leurs parties relatives à la navigation, des dispositions formelles dans ce sens. Il est reconnu que la présence à bord d'un nombre d'individus sujets d'un belligérant, plus grand que ne comportent ces règlements, entraîne pour le navire la perte du caractère de neutre (2).

(1) Voyez KLUBER, Droit des Gens, § 286.

(2) Voyez MENO POEHLS, Seerecht, § 514, p. 1077-1085.

Il faut en outre que tout navire neutre naviguant en temps de guerre, soit pourvu de certains papiers nécessaires pour compléter la preuve de sa nationalité. Ces papiers sont de trois espèces, selon qu'ils se rapportent au navire même, à la cargaison ou à l'équipage. Les traités généraux ou les règlements particuliers des Puissances maritimes spécifient le nombre et la nature de ces documents. Une des stipulations les plus explicites à cet égard se trouve dans le traité de commerce conclu entre la France et la Grande-Bretagne en 1786 et dont l'art. 24 porte (1): «Pour éviter et prévenir la discorde et toutes sortes d'inimitiés » de part et d'autre, il a été convenu, qu'en cas que l'une des >> deux parties se trouvât engagée en guerre, les vaisseaux et les >> bâtiments appartenant aux sujets de l'autre partie (restée neutre), » devront être munis de lettres de mer, qui contiendront le nom, >> la propriété et la grandeur du vaisseau, de même que le nom et >> le lieu de l'habitation du maître, ou du capitaine de ce vaisseau, >> en sorte qu'il paraisse que ce vaisseau appartient véritablement » et réellement aux sujets de l'une ou de l'autre partie; ces lettres » de mer seront accordées et conçues dans la forme annexée au » présent traité. Elles seront aussi renouvelées chaque année, s'il » arrive que le vaisseau revienne dans le cours de l'an. Il a été » aussi convenu, que ces sortes de vaisseaux chargés ne devront >> pas seulement être munis des lettres de mer ci-dessus mentionnées, mais encore de certificats contenant les espèces de la >> charge, le lieu d'où le vaisseau est parti et celui de sa destina>>tion, afin que l'on puisse connaître s'il ne porte aucune des >> marchandises défendues ou de contrebande, spécifiées dans >>l'art. 22 de ce traité; lesquels certificats seront expédiés par les >> officiers du lieu d'où le vaisseau sortira, selon la coutume (2). »

(1) MARTENS, Recueil IV, p. 170.

(2) Les dispositions particulières des différentes Puissances maritimes

II.

La question de savoir jusqu'à quel point la guerre restreint de droit la liberté commerciale du neutre, est une des plus difficiles que présente le Droit des Gens. Cette difficulté provient principalement d'un conflit, inévitable aussitôt que l'état de paix a cessé, entre les intérêts et les droits des belligérants et ceux des neutres. Le commerce étant nécessaire pour le développement de ses ressources et le bien-être de ses sujets, l'État neutre a un droit parfait à le faire avec qui il veut et comme il l'entend; une guerre à laquelle il ne prend pas part, ne peut limiter ou restreindre ce droit, sans porter atteinte à la liberté et à la souveraineté de la nation neutre, et le Droit des Gens doit repousser comme injuste tout principe ou toute mesure qui tendrait à imposer au neutre le sacrifice d'un intérêt ou d'un

relativement aux papiers de mer des neutres, se trouvent exposées dans MENO POEHLS, Seerecht, § 514, a, p. 1083-1091.

avantage quelconque, si minime qu'il fût, sous le prétexte qu'un belligérant en souffrirait. D'un autre côté le droit de faire la guerre étant un droit parfait, dont l'exercice plein et entier avec toutes ses conséquences constitue un des attributs les plus essentiels de la souveraineté, toute nation indépendante qui y a recours peut prétendre qu'aucune des autres nations qui ne prennent pas une part active à la guerre, n'intervienne dans la lutte, soit en augmentant les ressources ou les moyens de résistance de l'ennemi, soit en exerçant une influence quelconque sur la marche et l'issue des opérations militaires. Si la liberté que possède, le neutre, de commercer avec qui il veut, doit être maintenue entière, pendant la guerre, il est évident qu'il peut en faire un usage tel, que sans se déclarer l'adversaire d'un belligérant, il influe directement sur l'issue de la guerre, en fournissant à l'ennemi au moyen de son commerce, de quoi renforcer l'attaque ou prolonger la défense.

Tant que la question reste posée dans ces termes, et il est difficile qu'en partant du point de vue du droit abstrait, on la pose autrement, elle ne parait pas susceptible d'une solution qui satisfasse au même degré les intérêts des belligérants et ceux des neutres. Il faut se contenter, tous les auteurs l'ont admis, de la résoudre par des considérations d'équité et de justice relative plutôt, que par des raisonnements basés sur des droits stricts et absolus. En partant de ces considérations, quelque peu porté que l'on soit du reste à protéger outre mesure les intérêts des belligérants et à leur sacrifier ceux des neutres, il faut reconnaître, que la guerre amène inévitablement et autorise certaines restrictions de la liberté commerciale, dont peut jouir le neutre. La nécessité de ces restrictions nous parait parfaitement démontrée dans un passage du plus récent auteur anglais qui écrivît sur le Droit des Gens, dont nous allons transcrire les paroles : «The

» greatest liberty which Law should allow, dit M. Oke Manning (1), » in civil governement, is the power of doing every thing that >> does not injure any other person: and the greatest liberty, >>wich justice amongs nations demands, is that every state may » do any thing that does not injure another state, with which » it is at amity. The freedom of commerce and the rights of » war, both undoubted, as long as no injustice results from

them, become questionnable as soon as their exercise is grie» vously injurious to any independant state. But the great dif»ference of the interests concerned make the trivial nature of > the restrictions that can justly beplaced upon neutrals appear » inconsiderable, when balanced against the magnitude of the » national entreprises enhich unrestricted neutral trade might compromise. That some interference is justifiable, will be >> obvious, on the consideration, that if a neutral had the power » of unrestricted commerce, he might carry, to a port blockaded > and on the point of surrendering, provisions which should

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(1) Voyez OKE MANNING, Commentaries etc., p. 188. Les chapitres 3 à 13 du troisième livre de cet ouvrage contiennent un excellent traité sur tout ce qui se rattache à la question du commerce neutre en temps de guerre. Les auteurs qu'on consulte avec le plus de fruit, après OKE MANNING, sont :

WHEATON, Elements of international law, v. II, p. 157-279.

WHEATON, Histoire des progrès du Droit des Gens en Europe depuis la paix de Westphalie jusqu'au congrès de Vienne, p. 52-108, 157-167, 220-245,

284-314.

HEFFTER, Das Europæische Volkerrecht des Gegenwart, Berlin 1844,
§ 151-175.

KLUBER, Droit des Gens moderne, § 287-316.
MENO POEHLS, Seerecht, p. 1091-1236.

(BIEDERMANN.) Manuel diplomatique sur le dernier état de la controverse
concernant les droits des neutres. Leipzig 1814.

LE COMTE D'AUTERIVE ET LE CHEVALIER DE CUSSY : Recueil des traités de commerce et de navigation de la France avec les Puissances étrangères depuis la paix de Westphalie, suivi du recueil des principaux traités de même nature, conclus par les Puissances étrangères entre elles. Paris 1834-1844, 10 vol. in-8°.

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