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sentit à modifier la rigueur primitive du principe, en l'appliquant seulement aux navires qui portaient des produits coloniaux d'un port situé aux colonies dans un port situé en Europe, et plus tard en 1798 il alla même jusqu'à exempter de la défense les navires neutres qui naviguaient entre les colonies de l'ennemi et un port anglais ou un port de leur propre pays (1).

Le principe établi par la règle de 1756 n'a jamais été généralement reconnu par toutes les Puissances maritimes, les États-Unis de l'Amérique en particulier ont toujours protesté contre son application, l'Angleterre même le laissa tomber en désuétude pendant la guerre de l'indépendance des colonies américaines du nord.

Longtemps avant la guerre de sept ans la navigation et le commerce du cabotage avaient été de la part de plusieurs Puissances maritimes l'objet de restrictions analogues. La France dans la guerre de la succession d'Espagne et l'Angleterre dans celles contre l'Empire prétendirent interdire aux neutres le cabotage entre les ports des pays, qui en temps de paix en excluaient les navires étrangers. Mais dans la plupart des grandes transactions internationales à partir de la paix d'Utrecht, le principe de la liberté de ce commerce a prévalu. Il se trouve inscrit dans les traités d'Utrecht, ainsi que dans un grand nombre de conventions particulières conclues pendant le dix-huitième siècle et à des époques plus récentes (2); la neutralité armée de 1780 l'a proclamé au nombre des maximes fondamentales sur lesquelles elle

(1) Voyez les « Instructions to the commanders of H. M. schips and priva» teers » dans MARTENS, Recueil V, p. 597-605, et MENO POEHLS, Seerecht,

1130-1138.

(2) Des listes assez complètes de ces traités se trouvent dans MENO POEHLS, Seerecht, p. 1138, not. 19, et dans OKE MANNING, Commentaries, p. 199. Il leur faut ajouter les traités conclus récemment par la Belgique et que nous mentionnons dans le texte.

basait son système et l'Angleterre même l'a reconnu dans la convention qui intervînt en 1801 entre elle et les trois principales Puissances maritimes du nord. La Belgique s'est assuré la libre pratique du cabotage dans les conventions de commerce et de navigation qu'elle a conclues avec la Sardaigne, la Porte Ottomane, la régence de Tunis, la Grèce, le Danemark, l'Autriche et le Hanovre.

III.

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En passant à l'examen des restrictions que le Droits des Gens permet aux belligérants d'imposer au commerce et à la navigation des neutres, nous rencontrons en premier lieu le droit de blocus. Ce droit faisant partie des droits de la guerre, le neutre est tenu à en reconnaître les conséquences. On entend par «< lieu bloqué» un endroit, où il y a par les dispositions de la Puissance qui l'attaque, avec des troupes ou des vaisseaux suffisamment proches, danger évident à entrer sans le consentement de cette Puissance. Un pareil endroit, en tant qu'il est censé être bloqué, doit être regardé par le neutre comme étant au pouvoir de la Puissance belligérante qui le tient bloqué. A ce titre cette Puissance est en droit d'exclure, si elle le juge conforme à ses intérêts, les États neutres et leurs sujets de tout commerce, soit navigation soit commerce proprement dit, avec ce même lieu (1). Ce droit étant considéré comme parfait, la

(1) Voyons KLUBER, Droit des Gens moderne, § 297.

Puissance qui l'exerce peut le sanctionner par des pénalités. Parmi les différentes espèces de blocus qui se pratiquent dans la guerre, le blocus maritime est celui qui doit fixer de préférence notre attention, comme se rapportant directement au sujet que nous traitons. La théorie et la pratique du Droit des Gens sont unanimes pour exiger certaines conditions qui doivent exister, afin qu'il y ait blocus maritime légal et tel que le neutre soit obligé à le respecter.

La première de ces conditions est que le blocus soit actuel et effectif, c'est-à-dire qu'il se trouve réellement, devant la place qu'un belligérant veut bloquer, des forces en état d'empêcher un navire d'approcher et d'arriver dans la place. On conçoit que le nombre des bâtiments de guerre nécessaires à cet effet ne saurait être déterminé d'une manière uniforme pour tous les blocus, il doit varier d'après la nature des lieux et une foule d'autres circonstances. Cependant on a essayé dans quelques traités de fixer un certain nombre de vaisseaux, une espèce de << minimum » dont il faudrait la présence devant le port pour constituer le blocus (1). Mais les déterminations auxquelles on s'est arrêté dans ces traités, sont restées tout à fait isolées, et n'ont jamais pu acquérir une valeur générale. Dans la plupart des conventions l'usage a prévalu de n'exiger qu'en termes généraux « des forces suffisantes ou des forces en rapport avec celles » de l'ennemi dans la place bloquée.

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Relativement à la position que l'escadre de blocus doit occuper, pour que ce dernier puisse être considéré comme réel, il règne

(1) Dans ces traités on varie entre deux et six, sans rien dire de la force des vaisseaux. Le premier chiffre se trouve dans des traités conclus entre la France et le Danemark, l'Autriche et l'Espagne, le Danemark et les Deux-Siciles, le Danemark et la Prusse, le second a été adopté par la Hollande et les DeuxSiciles dans le traité de 1753. Voyez D'AUTERIVE et DE CUSSY : Recueil des traités de commerce, etc., v. IX, p. 132-134.

dans les traités une assez grande incertitude. Ceux conclus sous l'empire des principes de la neutralité armée se contentent d'exiger que les vaisseaux soient disposés de telle sorte qu'il y ait danger évident d'entrer dans la place. Dans le traité conclu en 1818 entre la Prusse et le Danemark on convient : « de ne

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regarder un lieu comme assiégé ou bloqué, à moins qu'il ne » soit tellement fermé du côté de la mer par deux vaisseaux ou » du côté de la terre par une batterie de canons, que son entrée » ne peut être hasardée, sans s'exposer au danger évident d'une

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décharge de canons.» Dans des traités plus récents, comme dans celui conclu en 1825 entre les États-Unis de l'Amérique du Nord et la Confédération de l'Amérique centrale, on demande en termes généraux la présence devant la place d'une force suffisante pour empêcher l'entrée des neutres (1).

Une seconde condition tout aussi essentielle pour donner au blocus le caractère d'un fait que le neutre doit respecter, c'est qu'il ait été notifié. La notification peut avoir lieu de deux manières, directement ou de facto, quand un navire neutre faisant route pour le port bloqué est averti par un vaisseau de l'escadre du blocus de l'existence de ce dernier, ou par une communication officielle adressée par le gouvernement auteur du blocus, aux gouvernements neutres. Les conséquences de droit de chacun de ces deux modes de notification, ne sont pas tout à fait les mêmes. Dans le premier cas quand un navire neutre ne reçoit connaissance du blocus que par l'escadre du blocus même, aucune pénalité ne peut lui être infligée pour le fait d'avoir voulu approcher de la place bloquée, et en outre tous les effets du blocus vis-à-vis des neutres cessent, aussitôt que pour une autre cause quelconque, que pour un accident purement fortuit,

(1) Voyez MARTENS, N. Rec. IV, p. 552, et VI, 2, p. 853.

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