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régime du blocus et de la contrebande de guerre, mais néanmoins il est juste d'exiger qu'il soit renfermé dans des limites convenables, pour empêcher qu'il ne devienne vexatoire et que son exercice ne porte atteinte aux intérêts légitimes des neutres.

D'après des règles établies par le Droit des Gens, la visite ne peut avoir lieu que dans le territoire maritime des belligérants et en pleine mer, elle est inadmissible dans le territoire maritime du neutre même, ou dans celui d'un allié, tant que ce dernier ne l'a pas spécialement autorisée. Les navires de guerre en sont exempts de droit; le devoir de s'y soumettre n'atteint que les navires marchands et en général tous les vaisseaux qui sont la propriété de particuliers. La visite ne peut être faite que par les vaisseaux de guerre des belligérants, et par leurs croiseurs pourvus de lettres de marque régulières. Les ordonnances de la plupart des Puissances maritimes prescrivent certaines formalités qui doivent accompagner la visite et de la rigoureuse observation desquelles on fait un devoir aux officiers qui en dirigent les opérations. D'après ces ordonnances, dont les dispositions sont uniformes à l'égard des principaux points, le navire belligérant qui rencontre un navire marchand neutre, naviguant seul, ou du moins sans convoi militaire, doit l'avertir par un signal convenu (semonce) de son intention de le visiter et envoyer à bord du neutre une chaloupe avec quelques hommes, dont le nombre est fixé dans la plupart des traités à deux ou trois. L'officier qui les commande doit se faire montrer par le capitaine les papiers qui constatent: 1° le lieu d'où vient le navire et le port pour lequel il est destiné, 2o la neutralité du navire, du capitaine et de la majeure partie de l'équipage, 3o la qualité de la cargaison, son origine et sa destination. A cet effet le capitaine est tenu de soumettre à l'examen de l'officier qui fait la visite, ses lettres de mer, le livre de bord, la certe-partie, les

connaissements, l'acte constatant la propriété du navire et le rôle d'équipage. La visite du navire même ne peut avoir lieu que dans les cas, où les lettres de mer ou les autres papiers exhibés par le capitaine ne seraient pas en règle ou autoriseraient des soupçons de faux. Il est généralement admis que le navire neutre qui refuse de se soumettre à la visite, peut être saisi et déclaré de bonne prise par les tribunaux du capteur.

Les neutres ont cherché à toutes les époques à se soustraire aux inconvénients de toute espèce, auxquels l'exercice le plus légal et le plus modéré du droit de visite donne lieu. Le principal moyen employé par eux à cet effet, a été de faire convoyer leurs navires marchands par des vaisseaux de guerre, et d'autoriser le commandant du convoi à donner sous sa parole d'honneur aux navires belligérants qui voudraient visiter les navires du convoi, les explications nécessaires sur le caractère des navires, la nationalité de leurs équipages, l'origine et la destination de leurs cargaisons. D'après le principe établi par les neutres, cette déclaration donnant au belligérant tous ses apaisements, doit avoir pour effet de dispenser les navires du convoi de toute obligation de se soumettre à la visite. Ce système a été mis en avant dès le dix-septième siècle, ce sont les Hollandais qui l'ont développé et défendu avec le plus de zèle et le plus de suite. La neutralité armée de 1800 l'adopta également et lui donna même des extensions nouvelles, en stipulant que le droit de visiter les navires marchands neutres naviguant sous le convoi d'un vaisseau de guerre, ne peut être exercé que par les vaisseaux de guerre du belligérant et ne s'étend pas aux armateurs, corsaires ou autres bâtiments armés en guerre,que le belligérant doit se contenter de vérifier les papiers et certificats que lui aura fournis le commandant du convoi et qui constatent que le vaisseau convoyeur est autorisé à prendre sous son escorte

tels vaisseaux marchands de sa nation, chargés de telle cargaison et pour tel port, que, cette vérification faite, il n'y a lieu à aucune visite, si les papiers sont reconnus en règle, et s'il n'existe aucun motif valable de suspicion. Dans le cas contraire le commandant du vaisseau de guerre neutre, y étant dùment requis par le commandant du vaisseau belligérant, doit amener et detenir son convoi pendant le temps nécessaire pour la visite des bâtiments qui le composent, et il aura la faculté de nommer et de déléguer un ou plusieurs officiers, pour assister à la visite de ses batiments (1).

Jusqu'en 1801 l'Angleterre n'a jamais reconnu ce principe (2), elle a toujours soutenu que la présence d'un vaisseau de guerre ne pouvait affranchir le vaisseau neutre de l'obligation de se soumettre à la visite d'un belligérant. Des conflits assez graves entre elle et la Suède et le Danemark, en 1798 et en 1800, ont été la suite de cette divergence d'opinion. Les négociations qui eurent lieu pour terminer ces différends n'amenèrent aucun résultat définitif; on remit à des discussions ultérieures de décider la question de droit. Cependant en 1801 l'Angleterre adopta dans la convention qu'elle conclut avec la Russie et à laquelle accédèrent plus tard le Danemark et la Suède, le système mis en avant par la seconde neutralité armée et dont nous avons mentionné plus haut les principales dispositions. Les États-Unis de l'Amérique du Nord, la France et la Prusse ont introduit dans des traités récemment conclus par eux, l'exemption de toute visite des navires neutres convoyés par un vaisseau de guerre de leur nation (3).

(1) Voyez HEFFTER, Europ. Volkerrecht, § 170, p. 286.

(2) Voyez OKE MANNING, Commentaries, p. 554-569.

(3) Voici ce que porte l'art. 5 du traité de la France avec le Texas (dans MARTENS, N. R., XVI, p. 988). « La visite ne sera permise qu'à bord des

Quand d'après le résultat de la visite, il y a lieu de croire que le navire neutre pourrait être sujet à condamnation, le commandant du vaisseau belligérant a le droit de l'amener et de le conduire ou de le faire conduire dans un port de son pays pour l'y soumettre au jugement des cours de prises. Anciennement la compétence dans ces cas était souvent attribuée par les traités aux tribunaux du neutre, dans les temps modernes l'usage a prévalu de reconnaître la juridiction du belligérant, soit qu'on la considère comme motivée par la saisie même ( forum arrestı), soit qu'on pose en principe que le propriétaire de la prise en qualité de demandeur doit poursuivre le défendeur devant ses propres tribunaux. Il est plus difficile de déterminer la question de la compétence quand la prise, au lieu d'être dirigée sur un port du pays du capteur, a dû être conduite, par suite d'accidents de mer ou pour un autre motif quelconque, dans un port appartenant à un autre pays. Si c'est dans le territoire d'un État allié du belligérant, l'usage admet la compétence des tribunaux maritimes de ce pays, si c'est dans un port d'un gouvernement neutre autre que celui dont relève le navire capturé, la compétence des tribunaux de ce pays a souvent été contestée. En 1796 le gouvernement français investit ses agents consulaires dans les ports neutres du droit de juger les prises amenées par des vaisseaux français dans ces ports, mais l'Angleterre refusa de reconnaître cette juridiction, et en effet elle ne paraît admissible que dans les cas où elle résulte de stipulations internationales particulières. Quand la prise a dû être amenée dans

» bâtiments qui navigueraient sans convoi; il suffira lorsqu'ils seront con» voyés, que le commandant du convoi déclare verbalement et sur sa parole » d'honneur que les navires placés sous sa protection et sous son escorte » appartiennent à l'État dont il arbore le pavillon, et qu'il déclare lorsque » les navires seront destinés pour un port ennemi, qu'ils n'ont pas de con» trebande de guerre. »

un port de son propre pays, la compétence des tribunaux locaux est hors de doute (1):

La procédure en usage dans les différents pays maritimes devant les cours des prises présente dans ses principales dispositions assez d'uniformité (2). Quand la prise est arrivée dans

(1) Il existe sur cette matière un travail très remarquable et réellement classique, publié par M. WURM, dans le Staatslexicon de Mrs WELCKER et ROTTECK, à l'art. Prise, Prisengericht, Bd XIII, 138-163.

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(2) La procédure anglaise présente quelques différences dignes d'être remarquées. Comme dans certains cas donnés il peut devenir fort important de connaître cette procédure nous allons en résumer les principales dispositions telles qu'elles ont été réglées par les lois, surtout par George III, cap. 67, st. 17, 18, 27. « Le juge doit dans l'espace de cinq jours après la déclaration » du capteur, finir le premier interrogatoire de l'équipage du capteur et de » celui de la prise et avertir trois jours après ceux qui voudraient se porter » réclamants. Si dans l'espace de vingt jours il ne se présente personne pour » réclamer ou si le réclamant qui s'annonce ne fournit point dans les cinq jours » caution suffisante de payer le double des frais du procès en cas que la prise » soit jugée bonne, les juges de l'amirauté doivent sur l'interrogatoire préparatoire et sur les papiers du bord qui leur ont été remis, porter immé» diatement une sentence soit de relâchement soit de condamnation. S'il se présente un réclamant fournissant la caution requise, et s'il n'est pas né» cessaire de recevoir la déposition de témoins éloignés, l'interrogatoire des » témoins doit être fini dans l'espace de dix jours, et la sentence prononcée » aussitôt après. Si le cas paraît douteux et que le juge croit nécessaire de » permettre aux parties de plaider ou d'interroger des témoins éloignés, cités » à la demande des parties, on doit procéder à l'estimation de la valeur de la » prise par des experts jurés, nommés par les parties et autorisés par le » tribunal. A cet effet, la cargaison après que l'inventaire en aura été fait, » sera déchargée dans un magasin public, ensuite on demandera aux récla» mants due caution qu'ils payeront en cas de condamnation, la valeur entière » de la prise ainsi que les frais, sur quoi le juge prononcera sentence interlo» cutoire et délivrera la prise aux réclamants. Si les réclamants refusent de » fournir due caution, le juge la demandera sur le même pied au capteur, » en cas que la prise serait jugée non confiscable; après quoi la prise sera dé» livrée au capteur. Quand après le prononcé de la sentence définitive une des » parties se croit lesée, il lui est libre d'appeler dans l'espace de quinze jours >> aux commissaires que le roi nomme à cet effet dans son conseil privé sous le » grand-sceau du royaume. L'appelant doit donner caution qu'il poursuivra » son appel et qu'en cas de confirmation de la première sentence, il payera » de triples frais. Le juge pourra alors à la réquisition du capteur ou du ré

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