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un port du pays du capteur, celui qui l'a amenée, doit se présenter au tribunal compétent et délivrer entre les mains des juges l'équipage du navire capturé, et tous les papiers qu'il a trouvés à bord, il doit en outre déclarer les circonstances dans lesquelles la prise a été faite ainsi que les prétentions qu'il forme sur le navire et la cargaison. Le juge, après s'être transporté sur la prise et après avoir, en présence des deux parties, dressé procès-verbal et apposé les scellés à la cargaison, procède à l'information sommaire, en interrogeant les gens du navire capturé et ceux de l'armateur. Il peut alors, si le droit paraît évident, prononcer, sans autre procédure, ou la main levée du navire et de la cargaison, ou la condamnation de la prise, selon l'exigence du cas. Lorsqu'il y a des réclamants, comme cela arrive le plus souvent, quand le navire capturé est neutre, et que les parties ne peuvent point s'arranger à l'amiable, il faut instruire un procès en forme, et alors ce procès traîne presque toujours en longueur. Si le délai peut devenir préjudiciable à la cargaison, le juge, sur l'instance de l'une ou de l'autre partie et même d'après son propre mouvement peut faire décharger les marchandises en des magasins publics, et procéder à la vente publique d'une partie de la cargaison ou même de la cargaison entière, à condition de déposer en lieu de sûreté le produit de la vente. Chacune des parties peut se pourvoir en appel ou en révision devant les tribunaux désignés ad hoc par les lois du pays, généralement l'appel ou la révision ne sont pas absolument suspensifs, de sorte que si le capteur a obtenu gain

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» clamant, non-obstant l'appel interposé, procéder à l'extradition de la prise » à celui qui aura fait due caution, ou bien si cette caution souffre des difficultés, il pourra procéder à la vente publique de la prise, en ayant soin » que le produit en soit déposé dans la banque sur le nom d'une personne » dont le capteur et le réclamant conviendront ensemble. Voyez MARTENS, Essai sur les Prises, etc. p. 87 suiv.

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de cause, il peut, en prêtant caution, obtenir sur le champ la cession de la prise; les réclamants, si la première sentence accordait main levée de la prise, peuvent demander de même son relâchement, à condition de prêter caution à leur tour.

En rendant leur jugement les cours des prises sont tenues à suivre les dispositions des traités publics applicables à la matière et à défaut de traités, les principes du Droit des Gens. Les frais de la procédure sont réglés ordinairement d'après les lois particulières du pays.

VII.

IL résulte des développements qui précèdent, qu'il n'existe point de principes uniformes et généralement admis déterminant avec précision les droits et les devoirs du neutre, relativement au commerce et à la navigation pendant la guerre. Aucune loi universelle, aucun droit commun, aucun usage devenu coutume par la pratique constante et unanime de toutes les nations maritimes, ne vient en aide au législateur ou au publiciste, qui cherche des solutions aux nombreuses questions, soulevées par l'antagonisme des intérêts et que la diversité des opinions complique et obscurcit plutôt qu'elle ne les éclaire. Tout est abandonné à des stipulations particulières de nation à nation, les droits les plus certains, les plus incontestables du neutre ont besoin d'être consacrés par des traités spéciaux, ses prétentions les plus fondées ne sont écoutées, ses intérêts les plus légitimes ne sont respectés que quand il peut invoquer à leur appui la lettre d'une transaction internationale. Dans aucune autre partie du

Droit des Gens, le droit naturel n'est aussi douteux, dans aucune autre il n'a été aussi complétement évincé par le droit positif. Et par quel droit positif? Le plus contradictoire et le plus variable qu'il soit possible d'imaginer. Il n'y a pas de puissance en Europe qui n'ait changé plusieurs fois et souvent en fort peu de temps, de système et de politique à l'égard des droits des neutres, il y en a même, qui, après avoir établi un principe dans un traité avec le voisin de droite, ont admis le principe contraire dans une convention avec le voisin de gauche. L'Angleterre, pour n'en citer qu'un exemple, a reconnu, envers la Russie, le Danemark et la Suède que les navires neutres de ces trois nations qui naviguent en temps de guerre sous le convoi d'un vaisseau de leur gouvernement, ne doivent point être visités aussitôt que les papiers du navire convoyeur ont été trouvés en règle, tandis qu'elle soutient envers les autres Puissances maritimes qu'en tout état de cause, sans convoi ou sous convoi, les navires neutres peuvent être visités par le belligérant qui les

rencontre.

Cette incertitude est sans doute un très grand mal, mais les inconvénients qui en résultent, frappent plutôt, ce nous semble, les intérêts généraux de tout le système politique de l'Europe, que les intérêts spéciaux d'un État particulier. En effet l'absence d'une loi universelle, d'un droit commun, obligatoire au même degré pour tout le monde, permet à chaque État de régler le plus conformément à ses intérêts et aux exigences de sa situation, par des stipulations internationales, les obligations et les droits particuliers que la neutralité fait naître. La position de la Belgique nous paraît présenter sous ce rapport des avantages spéciaux. État nouveau, sans antécédents qui l'obligent, elle peut agir dans ces questions avec plus de liberté, que ne le peuvent d'autres États plus anciens et plus puissants qu'elle. La neutra

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ESSAI SUR LA NEUTRALITÉ ETC.

lité perpétuelle lui ayant été imposée par les Puissances dans un intérêt européen et formant une des conditions essentielles de l'équilibre sur le continent, tout ce qui peut affermir cette neutralité, la consolider et en assurer le maintien, présente une importance majeure pour ces mêmes Puissances et doit compter de leur part sur un accueil empressé. Et rien ne contribue autant à ce but que des arrangements conclus avec les principales d'entr'elles, à l'effet d'asseoir, sur des bases définitives et réciproquement consenties, le régime des droits et des devoirs de cette neutralité à l'égard du commerce et de la navigation. Tant qu'il y aura à ce sujet absence de stipulations internationales avec les Puissances maritimes, et partant doute et incertitude à l'égard du système qu'on suivrait, des principes qu'on défendrait, la neutralité belge ne sera ni forte vis-à-vis de l'étranger, ni utile et sûre pour le pays même.

Et qu'on ne dise pas que rien ne presse, qu'au milieu d'une paix profonde, au sein d'une situation qui paraît éloigner pour longtemps toute chance de guerre, il n'y a aucun danger de remettre le règlement de ces questions, qu'il sera toujours temps d'y songer quand des perturbations graves sembleront prochaines et que la paix générale se trouvera réellement compromise. Il nous est impossible de partager cette opinion. Les préoccupations qui surgiraient dans un pareil moment de tous côtés et pour tous, ne permettraient à personne de donner à l'examen de ces questions l'attention et la maturité réclamées par la gravité des intérêts qui ́s'y rattachent. Pour avoir négligé de négocier en temps utile avec une liberté d'action parfaite, on serait peut-être forcé de céder aux besoins du moment, à l'urgence de la situation et d'accepter des stipulations, dans lesquelles on sacrifierait des intérêts essentiels et dignes de toute protection, à la nécessité de sortir du dépourvu, où l'on aurait été surpris par les événements.

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