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Tarascon, à Orange, à Nîmes, à Châlons-sur-Saône, à Issoudun, à Blois, à Tours, à Loudun, à Poitiers, à Niort, à Rochefort, à Bordeaux, au Havre, à Rouen, à Saint-Quentin, etc., etc.

Il n'est pas de ville en France qui n'ait compté une ou deux de ces affiliations, et le nombré total dépasserait plusieurs milliers. Il faut donc se borner à donner la nomenclature des titres adoptés par ces affiliations à Paris et dans tous les départements, qui relevaient directement de Paris. Si quelques-uns des noms qu'on va lire paraissent inoffensifs, d'autres, en revanche, sont significatifs :

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Les affiliations socialistes recherchaient, d'ailleurs, les dénominations les moins alarmantes. Beaucoup d'entre elles se sont dissimulées sous le nom de cercles littéraires, ou même de réunions musicales; par exemple: Association de l'Orphéon, ou

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association des ouvriers chanteurs. Un grand nombre, en outre, n'étaient désignées que par le nom du café ou de l'établisse ment public où elles se réunissaient. D'autres enfin se cachaient sous le nom de loges maçoniques. Il en est une qui avait pris pour titre la Robe du Christ.

La Solidarité républicaine fut la dernière tentative faite pour embrasser la France entière dans une seule affiliation. Depuis la ruine de cette société, il y a toujours eu pour centres d'action, en correspondance entre eux, mais distincts, Paris et Lyon. Quant à l'Algérie, elle relevait plutôt de Lyon que de. Paris. Expliquons successivement ces trois organisations, puis nous ferons connaître leurs points de contact.

L

A la fin de 1849, les chefs de clubs constituèrent dans chacun des quatorze arrondissements de la Seine un comité, dont les délégués, réunis en comité supérieur, constituèrent le gouver`nement révolutionnaire du socialisme. Ce comité directeur fut en rapport, d'une part, avec Lyon et les autres grandes villes de l'intérieur; de l'autre, avec Londres et la Suisse, et tous les foyers de conspiration extérieurs.

C'est à Paris que s'établirent successivement, comme autant de centres d'action, le Comité des Réfugiés, la société secrète l'Union des Communes et le Comité central de Résistance, dirigé par deux réprésentants de la Montagne, dans le sens des idées communistes, et dont les bulletins révolutionnaires, imprimés clandestinement avec des têtes de clous, ont donné lieu à des poursuites judiciaires. Les affiliations du nord et de l'est, et celles beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus puissantes du centre, relevaient directement de Paris.

Dans l'organisation parisienne, il convient de distinguer les sociétés en correspondance quotidienne avec Paris, et celles qui se groupaient autour des centres secondaires suivants: Lille, Reims, Rouen, Nancy, Colmar et Nevers. A la première catégorie appartiennent les sociétés secrètes de Meaux, Provins, Auxerre, Avallon, Joigny, Bléneau, Saint-Fargeau et SaintSauveur, Ces sociétés, organisées sur le même plan que le car- bonarisme, étaient divisées en sections de onze membres. Depuis l'insurrection du val de la Loire, c'est-à-dire depuis le mois d'octobre dernier, elles déployaient une activité extrême et vraiment alarmante. Montargis et toutes les sociétés du Loiret recevaient aussi directement le mot d'ordre de Paris.

A la fin de 1849, il y avait pas moins de soixante sociétés politiques à Lille; il y en avait également un nombre considérable à Tourcoing et à Roubaix, et quelques-unes à Douai;

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elles étaient en correspondance avec Saint-Quentin et Vervins. Reims était le centre d'un groupe bien plus important que celui de Lille. Les sociétés de Reims étaient établies, en 1850, sur un pied formidable, qui a nécessité toute la vigilance et tous les efforts de l'autorité. Elles correspondaient avec Charleville, Vouziers et Sedan.

Celles de la Seine-Inférieure ont fait preuve d'une vitalité plus grande, ainsi que l'attestent les nombreuses saisies de papiers, de poudre et d'armes de guerre opérées dans le courant de 1851. Ces sociétés étaient subdivisées en décuries, sous la direction de délégués qui se réunnissaient pour recevoir le mot d'ordre de Paris.

Les mêmes essais ont été faits dans la Lorraine, où Nancy correspondait avec Toul, Lunéville, Pont-à-Mousson, Epinal et avec les affiliations ouvrières de Dieuze, Vic et Bar-le-Duc. Mais c'est en Alsace que les campagnes avaient été attaquées avec le plus de succès; Colmar et Mulhouse y étaient les foyers d'une propagande active et malheureusement efficace.

Tours, malgré les relations de ces sociétés secrètes avec Blois et Nantes, ne paraît pas avoir acquis une importance sérieuse comme centre d'action. Il n'en est pas ainsi de Nevers, où nous trouvons la Nouvelle-Montagne qui, dans ces derniers temps, étendait ses ramifications jusque dans l'Yonne et pénétrait concurremment avec le carbonarisme dans l'arrondissement de Joigny. De Nevers relevaient naturellement Donzy, SaintAmand, La Charité, Sancerre, Sancoins, Dieuleroi, Henrichemont, Nérondes, La Guerche, Baugy, Sancergues. Pour montrer la puissance et l'organisation des sociétés de la Nièvre, il suffit de rappeler l'insurrection du val de la Loire, qui gagna si rapidement les deux départements du Cher et de la Nièvre. Nevers correspondait à la fois avec Paris et avec Lyon, et était comme le lien des deux principaux foyers du socialisme.

La Basse-Bourgogne flottait entre Lyon et Paris, mais la Haute-Saône, le Jura, l'Ain, la Loire, la Haute-Loire et toute la rive orientale du Rhône étaient sous la direction immédiate de Lyon, et ne recevaient que par l'intermédiaire des comités lyonnais le mot d'ordre de Paris. L'organisation lyonnaise, moins vaste peut-être, était plus forte que l'organisation parisienne. Les rapports étaient plus fréquents, la correspondance plus active, et l'unité d'action mieux établie."

II.

A Lyon, on rencontre d'abord les débris de quatre organisations politiques antérieures à la révolution de février, et qui

ont persisté jusqu'à ce jour. Ce sont, en les énumérant par ordre de date:

10 Les Mutuellstes, établis après 1850, et qui ont un moment compté de 25 à 50,000 affiliés dans les départements du Rhône, de l'Ain et de l'Isère ;

20 La Société des Droits de l'Homme, organisée dans les mêmes localités, date de 1830 à 1851, et réunissait 6,000 affiliés dans le Rhône, l'Ain, l'Isère et le Jura;

30 Les Carbonari, introduits à Lyon en 1834, et qui sont au nombre de plusieurs milliers dans l'agglomération lyonnaise, dans l'Isère êt dans la Loire.

40 Les Voraces, fondés en 1846, recrutés des éléments les plus impurs, et au nombre de plus de 8,000, dans le Rhône, dans l'Isère et dans l'Ain.

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A côté de ces sociétés secrètes et exclusivement politiques, il convient de placer le tableau des associations lyonnaises qui se disent purement industrielles. La plupart de ces associations, en effet, ont un but politique et relèvent d'un comité directeur, dit de l'Organisation du Travail, et présidé par un représentant socialiste. On trouve à Lyon, outre 114 sociétés de bienfaisance et la société des Travailleurs-Unis. les associations suivantes;

ASSOCIATION fraternelle de l'Industrie française.

démocratique des Industries réunies.

fraternelle des Ouvriers menuisiers de Lyon.
générale des Tailleurs de pierre du Rhône.
des Unis, des Façonnés, des Velours.

Passons maintenant aux ramifications de l'organisation lyonnaise. Dans le quartier Saint-Paul, un des plus pauvres te Lyon, s'est établie récemment l'Association fraternelle des Travailleurs unis de l'Ouest, en rapport avec les sociétés de Saôneet-Loire, de la Haute-Saône, du Doubs et du Jura. Les carbonari de Lyon, outre leurs ramifications dans l'Isère, la Drôme et le Jura, étaient en relations régulières avec les ventes de la Suisse, de la Savoie et du Piémont. A Laon même, et sur le modèle de la fameuse Société des Saisons, s'est organisée la société de la Propagande, qui a pour but de répandre les écrits socialistes parmi les ouvriers de cette partie de la France.

Le comité directeur de Lyon était également en rapport avec la société de la Nouvelle-Montagne, qui avait pour objet spécial de relier entre elles les sociétés secrètes établies dans les ressorts de Nîmes, Aix et Grenoble. Voiron dans l'Isère et Romans dans la Drôme étaient les chefs-lieux et les centres d'action de la Nouvelle-Montagne: ces deux points étaient en rapport suivis avec Die, Montelimart, Crest et Nyons. Dans le département de Vaucluse, Orange et Avignon formaient deux nouveaux cen

tres en correspondance avec Digne et Sisteron d'une part, et de l'autre avec Nimes, Montpellier, Béziers et Toulouse. Toutes ces sociétés se divisaient en décuries et centuries, et avaient es cadres militaires. On doit citer aussi comme se rattachant à l'organisation lyonnaise l'association des Hommes libres établie dans l'Ain, et tenant à la fois, par sa constitution, du car bonarisme et de la Nouvelle-Montagne.

III.

En Algérie, c'était la Charbonnerie qui dominait. Les associations y avaient pour mots de passe: « Droit au travail. L'heure est sonnée. » A la fin de 1850, il y avait à Alger trois sociétés secrètes. A Oran, la société des Enfants de Carthage était divisée en ventes de dix individus chacune. Dix ventes formaient un décastère. Les décastères étaient sous la direction des ventes suprêmes, relevant elles-mêmes d'un comité directeur établi en France. Chaque sociétaire était astreint à un uniforme, composé d'une blouse avec un capuchon, à la possession d'armes et au paiement d'une cotisation mensuelle,

Voilà un faible aperçu de l'extension qu'avaient prise les sociétés secrètes dans les deux dernières années. Pour que cet exposé fût complet, il faudrait en quelque sorte prendre une à une toutes les villes de France.

IV.

Il est temps maintenant de donner quelques détails sur l'organisation et la discipline des sociétés secrètes. Les sociétés du nord, de l'ouest et du centre étaient sous la direction immédiate du comité de Paris. Les sociétés du Midi étaient, sans doute, en correspondance avec les représentants montagnards. des départements où elles étaient établies, mais elles ne paraissent pas avoir eu de liaison directe avec Paris. C'est avec le comité central de Lyon qu'elles étaient en rapport journalier, et c'est par son intermédiaire qu'elles recevaient communication du mot d'ordre transmis par le comité de la capitale.

Les sociétés correspondaient d'ordinaire entre elles au moyen d'affiliés qui allaient porter d'un lieu à un autre les instructions des chefs. Ces commis-voyageurs de la démagogie étaient souvent de prétendus ouvriers qui avaient endossé momentanément la blouse, et qui parcouraient la France sous prétexte de chercher un travail qu'ils avaient soin de ne trouver jamais. Pour accréditer les agents porteurs de leurs instructions, les chefs des sociétés secrètes se servaient d'un sceau, dont ils apposaient l'empreinte sur les pièces qu'il s'agissait de colporter,

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