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DE LA

JACQUERIE

DE 1851.

PAR

ERNEST DU BARRAIL.

PARIS

AUX BUREAUX DU PUBLIC, RUE MONTYON, 15.

1852

LOAN STACK

A

1.

INTRODUCTION.

DC274
D8

Après soixante ans de révolution, la France ressentait tous les symptômes d'une désorganisation sociale. Au-dessous de la. société politique officielle, évidente, connue, composée de tous les bons patriotes et de tous les honnêtes gens, s'agitait une société occulte, ténébreuse, menaçante, composée de tous les ambitieux et de tous les hypocrites, de tous les charlatans et de tous les imbéciles, de tous les fous que produit une excessive civilisation, et de tous les brigands qu'engendre une corruption extrême.

Cette vaste association n'était elle-même que l'agglomération d'un nombre infini de sociétés plus petites, qui professaient en paroles des théories très diverses et le plus souvent très opposées, mais qui, en fait, répondaient à un même mot d'ordre: Destruction de l'ordre social, et se groupaient autour d'un même drapeau, dont la devise, était comme aux journées de juin 1848 Pillage, incendie. En y ajoutant: Viol et meurtre, on, connaîtra toute la pensée de l'insurrection qui s'apprêtait.

Pour être complétement impartiaux et véridiques, nous devons ajouter que les passions sanguinaires ne marchaient qu'en seconde ligne dans ce pandemonium: les plus violentes, les plus persistantes, celles qui allaient lancer sur la Société tout entière ce troupeau de loups affamés, c'était le plus bas de tous les sentiments qui puissent dégrader l'âme humaine la cupidité.

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Il s'agissait bien, en effet, pour ces soldats de la démagogie armée, de faire prévaloir telle ou telle forme politique, de proclamer telle ou telle maxime abstraite, de résoudre tel ou tel problême de l'ésthétique gouvernementale! Des rhéteurs seuls, et quels rhéteurs! pouvaient se laisser prendre à une si grossière illusion. Non, la seule chose qu'ils voulussent, la seule chose qu'ils comprissent, c'était tout brutalement et tout simplement la destruction de la propriété et sa division infinitésimale entre tous les légionnaires de ces cohortes abruties.

Que les chefs fussent assez fous, assez vains et assez sots pour se contenter des honneurs et des places (en supposant qu'il subsistât après leur triomphe quelque trace d'organisation), les soldats envisageaient le jour de la bataille à un point de vue beaucoup plus positif. Emplir sa poche avec les écus des aristocrates et des bourgeois, se gorger du vin des bourgeois et des aristocrates; s'accommoder, qui d'un meuble, qui d'un habit, qui d'un bijou, qui d'un cheval; s'emparer des terres et les adjuger au plus offrant et dernier enchérisseur, c'est-à-dire apparemment à celui qui parviendrait à égorger les autres, telles étaient les maximes et les convictions politiques en vertu desquelles se gouvernait cet étrange parti, nous allion's dire

cette bande.

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On sent qu'ici nous n'exagérons rien; et la méthode que nous avons adoptée porte en elle-même les gages d'une sincérité évidente, puisque nous avons donné à notre récit la simple forme d'un compte-rendu le plus officiel possible, d'après les rapports authentiques émanés des autorités constituées. Mais, si l'on s'étonnait du caractère particulièrement horrible de cette grande série d'attentats, nous rappellerions qu'il s'explique par la longue démoralisation qu'avait produite dans les esprits l'enseignement révolutionnaire; et que, d'ailleurs, au dessus ou au dessous des partis politiques, l'histoire nous montre, à toutes les époques de crises, une masse informe et terrible qui s'agite en de sanglantes convulsions, et formule contre l'ordre social la protestation de toutes les incapacités, de toutes les faiblesses, de toutes les folies et de toutes les hontes.

L'Angleterre a eu sa guerre des Lollards, l'Allemagne ses Anabaptistes et sa guerre des Paysans, l'Italie a ses Brigands classiques, qui ne sont autre chose que des socialistes perma

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